La décennie noire

*il y a vingt ans, l’été des grands massacres

Il y a 20 ans, jour pour jour, c’était l’horreur à Raïs, bourgade agricole de la banlieue de Sidi Moussa, à 25 km au sud d’Alger.

Dans la nuit du 28 au 29 août 1997, des hordes du GIA ont fondu sur le village et l’ont sauvagement mis à sac. Ils ont transformé les mariages en carnages, et les circoncisions en infanticides. La boucherie de ce jeudi noir avait fait plus de 300 morts, des femmes et des enfants pour la plupart. Une nouvelle cité de plus de 12 000 âmes a émergé depuis de ces vergers bétonisés, dont beaucoup de nouveaux résidents qui ont pris la place de ceux qui ont fui le village et ne sont plus revenus, cédant leurs biens au rabais. Récit d’une résurrection difficile, 20 ans après la fin du monde…

Alliche Aïcha, Slimani Narimane, Bekari Hiba, Bekari Allel, Bilal Sarah, Seghir Rabah, Sebti Sabrina, Djaknoun Manal, Nennouche Madina, Nennouche Zahida, Karkar Walid, Bouchiouane Abdennour, Bekari Ayoub, Bekari Khadidja, Zouahra Khadidja, Zouahra Radhia, Boumamchi Moussa, Aouiter Messaoud, Seghir Mohamed, Nessakh Sid Ahmed, Sebti Imène, Ferrah Meriem, Bilal Abdelkader, Gourabi Ishak. 24 noms.

24 petits anges ravis sauvagement à la vie. Ils figurent sur une plaque commémorative dressée au sein d’une école primaire à Raïs (l’école Raïs I), quartier martyr de la banlieue de Sidi Moussa, et dont l’évocation fait fatalement penser au massacre de sinistre mémoire perpétré par les hordes du GIA dans la nuit du 28 au 29 août 1997. Lourdement armés, les uns de «kalachs», les autres de haches et de longs couteaux, ils ont débarqué par dizaines à bord de camionnettes avant de fondre sur les villageois.

La boucherie de cette nuit dantesque avait fait plus de 300 morts. «Cette liste ne comprend que les élèves de cette école qui ont été victimes du massacre», précise Younès Bekari, le gardien de l’école. «Mes neveux sont sur cette liste ; il y a les enfants de mon frère et de ma sœur», lâche-t-il. De fait, les défunts Hiba, Khadidja, Allel et Ayoub portent le même patronyme que lui : Bekari. C’est l’une des familles les plus touchées durant la nuit terrifiante du grand massacre. «Certaines familles ont été touchées plus que d’autres.

Il y en a qui ont perdu 40 membres, d’autres 20, d’autres 15…», affirme Younès, avant de lancer d’une voix sereine : «Finalement, on a fait des enfants à notre tour qui nous ont consolé de la perte de nos parents. T’bedlet edenya. Les temps ont changé. Allah yerhamhoum kamel.» Younès nous apprend pudiquement, dans la foulée, qu’il a perdu ses parents lors de cette même attaque terroriste. «Ils ont été tués cette nuit-là avec les autres. Moi, je n’étais pas là.

J’étais banni du village. J’avais passé mon service militaire de 1993 à 1995 et quand j’ai fini mon armée, je ne pouvais plus revenir, j’étais menacé. Ce n’est qu’en 1999 que je suis rentré au bercail», confie-t-il. Et de reprendre en désignant la plaque de marbre : «S’ils avaient vécu, ces enfants auraient eu aujourd’hui la trentaine.» Lui-même est père de trois enfants. «Aujourd’hui, Raïs se porte très bien, Elhamdoulillah. La sécurité est le bien le plus précieux. Puissent nos enfants vivre en paix, qu’ils profitent de la vie et ne connaissent pas les tourments que nous avons connus», prie-t-il, le regard flottant dans le vide.

L’année de toutes les fins du monde

Le massacre de Raïs, faut-il le souligner, même s’il constituait un pic d’atrocité de par son ampleur dans la guerre menée par le GIA contre le peuple, n’était pas un fait isolé. Depuis le début du terrorisme, des tueries de masse étaient commises. Il ne se passait quasiment pas de jour sans que la barbarie intégriste ne fauche son lot d’innocents, dont beaucoup de femmes et d’enfants. Cette année 1997 était particulièrement sanglante. Parmi les massacres de population les plus saillants commis cette année-là : le 4 janvier 1997, 16 personnes sont tuées à Benachour (Blida).

Le 17 janvier : 43 citoyens sont assassinés à Sidi Abdelaziz, près de Beni Slimane (wilaya de Médéa). Le 3 avril : plus de 50 personnes sont exécutées au village Thalit, à proximité de Ksar El Boukhari (wilaya de Médéa). Le 21 avril : 120 personnes sont massacrées à Haouch Boughlaf, dans la commune de Bougara. Le 16 juin : 48 citoyens sont assassinés à Dhaiat Labguer (wilaya de M’sila). Le 27 juillet : 36 personnes sont décimées au quartier Si Zerrouk (commune de Larbaâ). Le 2 août 1997 : plus de 100 personnes sont massacrées à Oued El Had et à Mzaourou (wilaya de Aïn Defla). Le 20 août : carnage à Souhane, près de Tablat, faisant 60 morts. Le 26 août : 64 personnes sont tuées au douar Beni Ali, près de Chréa (wilaya de Blida)…

Et le 28 août 1997 survint le massacre de Raïs qui sera suivi quelques jours plus tard, le 5 septembre exactement, par un autre massacre de masse : celui de Sidi Youcef (Beni Messous), qui a fauché 87 personnes. Le 20 septembre 1997 : plus de 50 citoyens sont assassinés dans une attaque terroriste à Béni Slimane (Médéa). Et le 22 septembre 1997, c’est l’horreur à Bentalha. Plus de 400 morts. Une année moche. Epouvantable. L’année de toutes les fins du monde. Chaque jour, une hécatombe. Un village entier décimé. Des bourgs entiers effacés de la carte.

L’écrasante majorité de ces massacres, faut-il noter, n’ont pas laissé de trace «urbaine». Pas le moindre mémorial. Pas même une stèle, une plaque commémorative comme à l’école Raïs I. D’où le caractère précieux de cette feuille de marbre solitaire debout près d’un olivier et continuant à répondre «PRéSENT !» lorsque les noms de Aïcha, Hiba, Sarah, Rabah, Manal, Walid, Madina… sont scandés à l’école des Anges. Oui, il faut avouer que cela fait chaud au cœur de voir qu’on se souvient d’eux, ces tendres chérubins, et qu’on les porte affectueusement «à bras-le-cœur».

«Comment Djeddou est mort ?»

Younès ne comprend toujours pas la logique des assassins de ses parents, leur mobile, si ce n’est la banalisation du mal selon le mot d’Hannah Arendt : «Dieu a placé la valeur de l’être humain au-dessus de la Kaaba. Mais ces gens ne sont pas des humains, machi bachar. Et qu’on ne vienne pas me dire qu’on les a induits en erreur ! Même si on leur a volé les élections, tu vas massacrer le peuple pour ça ? Certains en sont venus à détester l’islam à cause d’eux.» Si, en apparence, Younès est tout sourire et semble avoir fait son deuil, se montre très digne, apaisé, en son for intérieur il continue à bouillir.

«On a été ébranlés», glisse-t-il. «Moi, demain, devant Dieu, je ne pardonnerai pas aux assassins de mes parents. Toi, tu vas retrouver ton père et ta mère le jour de l’Aïd. Mes neveux demandent encore : ‘‘Comment Djeddou est mort ?’’ Ils posent des questions, ils veulent savoir. Mon fils, je lui dis : Djeddou est auprès d’Allah.» Et de s’emporter : «Tu veux faire la ‘‘moussalaha’’ (réconciliation), fais ce que tu veux. Ce que je ressens au fond de mon cœur, c’est mon affaire. Et moi je ne pardonnerai jamais !»
Younès est loin d’être un cas à part.

Dans l’intimité de Haï Raïs, la douleur est encore vive. A fleur de peau. La plaie est toujours béante et le souvenir de cette nuit abominable est dans tous les esprits. Les spectres des victimes semblent errer dans les rues poussiéreuses du village, et leurs cris sourds continuent à hanter les nuits moites de ce mois d’août infernal. Quasiment tout le monde est touché, tout spécialement ceux de «Raïs laqdim», «le vieux Raïs» qu’on appelait «Haouch Raïs» comme dit Younès (en précisant que le nom du village réfère à Raïs Hamidou, tandis que d’autres évoquent un autre amiral ou corsaire turc qui aurait acquis ces domaines).

«Ils tuaient aveuglément, sans distinction»

Abdenasser, gérant d’un magasin de vente de matériel électrique, témoigne : «J’étais là le soir du massacre. On y a échappé d’un cheveu. Ils ont tué mon oncle cette nuit-là. Il était perché à la terrasse de sa maison et ils lui ont tiré dessus. Ils ont débarqué vers 23h30. Ils ont tué, décimé, massacré, jusqu’à 3h30 du matin. Ça tirait de partout. Ma mère nous a dit : ‘‘Eteignez la lumière et taisez-vous’.’ On s’est entassés sous le potager, moi et mes enfants. Comme il faisait noir et que les lumières étaient éteintes, ils ont pensé qu’il n’y avait personne chez nous. Elhamdoulillah, on est sortis indemnes, mais chez mon oncle ils ont tout saccagé. Un de nos voisins faisait une fête de circoncision, ils se sont invités chez lui et l’ont froidement exécuté. Ils tiraient à vue sur tout le monde et fauchaient tout ce qui se trouvait sur leur chemin. Ils tuaient aveuglément, sans distinction», relate Abdennasser.

«Après, nous avons dû quitter le village. Nous sommes revenus quinze jours plus tard», poursuit notre miraculé. «L’Etat nous a armés et c’est comme ça qu’on a pu tenir. Toutes les nuits, on montait la garde autour de nos maisons.» Tahar, l’un des tous premiers Patriotes, raconte : «Moi, j’habite dans un hameau un peu retiré, sur la route de Baraki. On a dû quitter la région pendant un temps, après, on a exigé des armes et on a commencé à monter le premier noyau de Patriotes. Au début, on était quatre, et petit à petit on a commencé à nous consolider», dit-il.

Tahar insiste sur le courage dont ont fait preuve certains villageois qui avaient la possibilité de s’installer ailleurs, et qui sont restés à Raïs, parfois au péril de leur vie. «Un de nos voisins qui était aisé avait un appartement à Hydra, mais il refusait de s’y installer. Un jour, au milieu des années 1990, alors que la situation sécuritaire était intenable, il nous a dit : ‘‘voilà les clés de l’appartement, il est à votre disposition’’. 15 jours plus tard, il a été assassiné.»

L’un des griefs faits aux autorités en parlant des massacres de masse dans les hameaux isolés est le fait d’avoir tardé à armer la population par méfiance. Et même après le massacre du 28 août 1997, il y avait de la tension dans l’air entre l’armée et la population, comme le souligne ce cadre : «Pour dire la vérité, le peuple de Raïs a souffert doublement. Il a payé des deux côtés. Après le massacre, quand les militaires sont entrés à Raïs, les survivants étaient vus comme des suspects. Juste du fait que tu es vivant, on te regarde avec suspicion. ‘‘Comment se fait-il que tu aies été épargné ? Tu dois être de connivence avec eux’’…

Ainsi, la population s’est retrouvée devant un autre problème, accusée sournoisement de complicité. Il a fallu du temps pour que la confiance s’établisse entre les deux parties et que l’armée découvre les sentiments réels de la population et comprenne sa souffrance. Ils ont compris que Raïs était fondamentalement pacifique, et que ses habitants sont des victimes, des gens honnêtes qui ont souffert du terrorisme dans leur chair, qu’untel ils ont kidnappé sa fille, qu’untel ils l’ont violenté, mutilé…

Que les terroristes commettent des exactions, c’est dans leur nature. Ce sont des monstres sans foi ni loi. Mais je ne peux admettre d’être humilié par un homme qui porte la casquette de la République algérienne et qui perçoit un salaire pour assurer ma sécurité. En résumé, le peuple a payé une facture très très salée, et Elhamdoulillah, on est debout.»

Boom immobilier

Aujourd’hui, le visage de Raïs qui compte plus de 12 000 habitants selon l’APC de Sidi Moussa, a considérablement changé. Pour l’avoir visitée plus d’une fois, nous pouvons attester de sa croissance urbaine vertigineuse. Comme tout le reste de la Mitidja, la petite bourgade agricole située à 4 km de Sidi Moussa et à 25 km au sud de la capitale, aux confins de la wilaya d’Alger, à la frontière avec la commune de Larbaâ, a connu ces dernières années un boom immobilier spectaculaire. Image saisissante d’une agglomération en pleine reconstruction. L’impression d’un immense chantier à ciel ouvert. A perte de vue, des carcasses de briques rouges, des villas qui montent, des ateliers industriels, des manufactures…

Outre les habitations qui poussent, expression manifeste de l’urbanisation galopante qui ravage la Mitidja, on voit émerger de nouvelles infrastructures : outre la salle de soins, l’annexe de l’état civil, la poste, la gendarmerie, la ville dispose désormais d’une maison de jeunes et d’un stade de proximité.

«C’est sur les lieux de l’actuel stade qu’étaient alignées les victimes du massacre», dit Younès. «Aujourd’hui, les terrains ici sont hors de prix», ajoute-t-il. «Le lot de terrain se négocie à 1,5 voire deux milliards sur la grand-route commerçante. Il y a beaucoup de gens qui ont acheté ici.» Abdennasser abonde dans le même sens : «Beaucoup parmi ceux qui ont quitté Raïs au lendemain du massacre ne sont plus revenus. Ils ont bradé leurs biens pour une bouchée de pain.

Une villa R+1 avec un terrain de 5 ares a été vendue 60 millions de centimes. Aujourd’hui, les prix de l’immobilier ont flambé. Il faut compter 250 millions l’are (soit 25 000 DA le mètre carré, ndlr).» D’ailleurs, nombre d’annonces immobilières sont placardées sur les murs et les poteaux électriques, proposant divers terrains à la vente. «La wilaya d’Alger a voulu faire de Sidi Moussa une commune exclusivement agricole. Mais le privé n’hésite pas à vendre. Ils ont morcelé leurs terres en plusieurs lots de terrain, du coup, toute la Mitidja est devenue une plaine de béton», fait remarquer Amar Tarfaï, vice-président de la commune de Sidi Moussa et lui-même enfant de Raïs.

Carnage en pleine fête de mariage

La route qui mène vers Larbaâ (CW117) traduit éloquemment cette transformation, arborant des dizaines d’enseignes commerciales, entre supérettes, magasins de meubles, garages automobiles, magasins de pièces détachées, boutiques de téléphonie mobile et autres marchands de bottes de foin en prévision de l’Aïd El Kébir. Certains prestataires proposent même la location de mobilier événementiel et de matériel spécial fêtes de mariage. On ne peut s’empêcher d’y voir symboliquement une revanche sur le sort sachant que la nuit du drame, «26 personnes ont été tuées dans une fête de mariage qui s’est tenue au village, et 7 femmes parmi les invités ont été enlevées ce soir-là», affirme un habitant du quartier.

«Le jour du massacre était un jeudi, et c’est traditionnellement jour de fêtes de mariage», appuie Amar Tarfaï. Et l’élu municipal de rapporter ce témoignage : «J’ai un ami qui s’était marié ce jour-là. Les terroristes ont fait irruption en pleines noces et se sont mis à attaquer les convives. La mariée a dû se réfugier dans un poulailler. La maison a été dévastée. Mais heureusement, mon ami et son épouse ont eu la vie sauve. Ils ont eu des enfants qui ont bien grandi depuis. Seulement, bien des années après, au moindre bruit suspect ou objet qui tombe, sa femme est prise d’un malaise et manque de s’évanouir. Tout ceci à cause du choc subi. C’est pour vous dire que les séquelles psychologiques de cette terrible épreuve sont toujours là.»

Pour ce triste vingtième anniversaire du massacre de Raïs, Amar Tarfaï – qui a été élu en 2012 sur une liste FNA avant de rejoindre le RND – déclare : «La politique du pays va dans le sens de la [volonté de] tourner la page du passé et aller de l’avant en aspirant à un avenir meilleur», se lance-t-il, avant d’observer : «Ce qui s’est passé est une responsabilité collective qui incombe à toutes les parties concernées.

Elle incombe aux politiques, au processus démocratique engagé à l’époque, elle incombe aussi au peuple, même si beaucoup de gens n’avaient pas les moyens d’affronter la situation.

Concernant le massacre lui-même, les chiffres demeurent imprécis, il y a eu des disparitions, les citoyens ont souffert terriblement, la liberté des individus était entravée, la sécurité n’était pas assurée. Les élèves étaient troublés dans leurs études, et celui qui étudiait le faisait en cachette…», énumère l’élu. En parlant de l’état d’esprit des élèves en ces temps chaotiques, il faut savoir qu’avant de se lancer dans la politique, M.Tarfaï est prof à la base. Il a longtemps exercé comme enseignant à l’unique CEM de Raïs. Le soir du drame, il se trouvait par chance à Chenoua Plage où il avait ses habitudes. «Je campais avec des camarades de la famille pédagogique.

On restait là-bas tout l’été, même quand on était sur la paille, juste pour ne pas avoir à subir les affres de la vie à Raïs et son lot de désolation», raconte Amar. Contraint de revenir à Raïs suite à un différend avec ses amis campeurs, il était encore au village trois jours avant le massacre. Et c’est à un de ses amis, vétérinaire de son état résidant à Sidi Moussa, qu’il doit d’avoir quitté le village juste à temps pour retourner auprès de ses copains, à Chenoua. Le hasard a voulu que son ami vétérinaire, dont les parents vivaient à Raïs, avait ramené sa femme et ses enfants au mauvais moment passer quelques jours dans son village natal. «Moi, j’avais emmené ma femme et ma fille chez sa sœur, à Bab El Oued, et lui, il avait ramené sa famille à Raïs. La nuit du drame, sa mère, sa femme et ses enfants ont tous été assassinés, ainsi que sa sœur. Il n’y a que son père et son frère qui ont échappé au carnage.» Terrible destin !

«La zakat des vergers était pour eux»

Le vice-président de l’APC de Sidi Moussa se remémore les débuts des années 1990 quand les bourreaux du GIA avaient fait main basse sur la Mitidja, ayant trouvé un repaire idéal dans les piémonts de l’Atlas blidéen et ses vergers. «La région vivait sous leur diktat, qu’on le veuille ou non. Les terroristes circulaient au grand jour, ils ne se cachaient pas, et ceux qui étaient recherchés à Alger se retrouvaient ici. Ils ont trouvé parmi ces vergers un espace idoine pour circuler et pour s’enfuir le cas échéant. Les gens qui ont essayé de leur résister ont été assassinés. Il y a beaucoup qui s’opposaient à leur diktat mais restaient discrets par crainte pour leurs enfants.

Ceux qui avaient les moyens quittaient Raïs en laissant tout derrière eux pour mettre leur famille à l’abri. Mais les zawalis, les pauvres malheureux, ce qui était le lot de la majorité de la population ici, n’avaient pas le choix.» «Les gens qui avaient de l’argent vivaient à la merci des terroristes. Ceux qui possédaient des vergers étaient tenus de verser la zakat afférente aux terroristes. Et ce sont eux qui en fixaient le montant. Ils évaluaient par exemple tel verger à 100 millions et disaient : ‘‘c’est à nous que tu verses la zakat, pas aux pauvres !’’» Amar nous confie avoir eu affaire à eux plus d’une fois : «El irhab a mis la région sous son contrôle pendant deux ou trois ans. A 18h, il fallait que tu rentres chez toi. On tuait pour le motif le plus anodin. Ils réglaient parfois de vieux contentieux avec des habitants du coin. Ils n’obéissaient à aucune loi, aucune règle, aucune morale.

C’était de la pure criminalité.» «Un jour, je faisais du footing après le travail. Je les ai croisés et ils m’ont dit : ‘‘La force physique dont Allah t’a gratifié, pourquoi tu ne l’emploies pas dans le djihad au service de Dieu ?’’» Ils avaient même accaparé la zone où se trouve l’actuel Centre technique national de Sidi Moussa qui accueille l’équipe nationale.

«Ce secteur était un fief du GIA», dit notre interlocuteur. Une autre fois, des «tangos» lui ont reproché de porter un t-shirt estampillé «Lacoste». L’heureux élu se souvient pieusement des années dures où les écoles étaient la cible de leur propagande mortifère. «A l’école, la mixité était interdite. Il était interdit d’aller à la fac. Ils venaient faire leur propagande aux abords des établissements scolaires. Ils incitaient les élèves à mettre du khôl autour des yeux et à porter le pantalon ‘‘ nisf essaq’’ (pantalon afghan). Et tu dois faire extrêmement attention à ce que tu dis en classe. Chaque mot, chaque leçon, étaient jaugés scrupuleusement. Mais malgré tout ça, on s’est accrochés, on n’a jamais arrêté.»

«La société est vaccinée»

Parmi les hauts faits d’armes dont Amar est particulièrement fier, sa détermination et celle de ses collègues à continuer à enseigner malgré le dynamitage de l’unique CEM de Raïs, et qui avait rendu l’établissement impraticable. «Le CEM avait été la cible d’un attentat à la bombe. L’Académie a décidé de nous dispatcher sur les établissements de Larbaâ, Khemis El Khechna, Larbatache… Nous avons refusé catégoriquement en disant : ‘‘Soit vous nous maintenez à Raïs, soit on fait une démission collective’’. Nous avons obtenu gain de cause et avons été maintenus sur place. Nous avons scindé une école primaire en deux blocs, une moitié pour le primaire et l’autre pour le cycle moyen, et c’est ainsi que nous avons continué à assurer les cours.

Nos anciens élèves sont aujourd’hui qui, médecin, qui ingénieur, qui officier, qui journaliste… Ils viennent de temps en temps me rendre visite. Ils sont reconnaissants pour ce que nous avons fait pour eux. Même s’ils étaient jeunes, ils saisissaient le sens de notre action et les efforts qu’on déployait pour maintenir l’école en vie.»

Amar nous a annoncé l’organisation, ce mercredi, d’une réception au profit des meilleurs élèves de la commune. «Nous avons dû attendre les retours de vacances», argue-t-il pour expliquer cette cérémonie tardive. On le voit d’emblée : l’école, la pédagogie, l’éducation, c’est son dada, la passion de sa vie, le meilleur pari sur l’avenir. C’est ce qui explique sans doute cette folle énergie qui l’habite, cet enthousiasme débordant. Amar en est convaincu : «La société est désormais vaccinée. Le retour des années noires est impossible», parie-t-il. Respect !
 *Mustapha Benfodil / el watan / lundi 28 août 2017

***Zbarbar. Un nom qui se confond intimement avec cette toponymie de la terreur qui a tant marqué nos esprits au plus fort de la Décennie noire.

Le terrorisme avait vidé la région de près de 50% de ses habitants, obligeant plus de 5000 villageois à quitter leurs hameaux pour aller se réfugier dans des bidonvilles aux abords de la capitale.

Si la paix civile règne désormais sur ce massif inexpugnable, le mot «tanmiya» (développement) semble bouder encore cette commune enclavée, cantonnée aux confins de la wilaya de Bouira. Ancien haut lieu de la résistance anticoloniale, Zbarbar n’a aujourd’hui qu’une paix orpheline, sans commodités, à offrir à ses enfants.

«La sécurité, c’est tout ce que nous avons gagné», résume un ancien garde communal. De fait, la commune manque de tout. Le barrage de Koudiat Acerdoune censé l’irriguer est vécu comme une «malédiction» par des fellahs qui y ont laissé leurs terres. La région a besoin d’un plan d’urgence adapté à son relief, une occupation autrement plus réfléchie du territoire, sous peine d’un exode massif de ses jeunes. Reportage.

Zbarbar. Un nom qui résonne fortement dans notre mémoire traumatique et donne aujourd’hui encore des frissons à ceux qui ne connaissent de ce coin de paradis en jachère que l’onomastique effrayante des années 1990.

C’est qu’il se confond intimement avec cette toponymie de la terreur qui a tant marqué nos esprits au plus fort de la Décennie noire. Nous avons résolu de nous y rendre pour nous enquérir du quotidien de ses hameaux enclavés, et que l’imposant massif aux contreforts inexpugnables a quasiment placés en «quarantaine». Les monts de Zbarbar, il faut le dire, semblent, en effet, coupés du monde. Il est 9h30, ce lundi 14 août. Nous venons de débarquer à Lakhdaria (ex-Palestro).

La ville doit son nom au valeureux Commandant Si Lakhdar, Rabah Mokrani de son vrai nom, aigle héroïque de la Wilaya IV surnommé «Le Faucon de Zbarbar». Il est tombé au champ d’honneur le 5 mars 1958 ; il avait à peine 24 ans. Aujourd’hui, Lakhdaria affiche une topographie défigurée. Un urbanisme de guerre. Le ciel est couvert. Pause-café à l’ombre d’un kiosque qui trône sur la vieille place de la ville. Samy, notre collègue photographe, demande au cafetier la route vers Zbarbar.

Sa réponse est accompagnée d’une moue dubitative, quelque peu étonnée. Pourtant, la région est réputée calme. «Pacifiée». C’est dire à quel point le nom de Zbarbar fascine et impressionne. Cela en dit long sur le poids du traumatisme subi par ici. Si nous faisons escale à Palestro, c’est parce que la commune de Zbarbar est rattachée administrativement à la daïra de Lakhdaria dont elle est distante de 25 km, soit à environ 70 km au nord-ouest de la ville de Bouira, le chef-lieu de wilaya, et à près de 100 km au sud-est d’Alger.

De Palestro à Zbarbar

Nous quittons Palestro en empruntant le chemin de wilaya n°4 après avoir «enjambé» la voie ferrée. La route est étroite et dégradée par endroits. Nous gravissons une côte abrupte avec des virages en lacets qui font crisser les pneus, et que notre ami Mustapha négocie avec dextérité. A peine ayant fait 3 ou 4 km que nous sommes stoppés net dans notre élan par un premier barrage de contrôle tenu par des gendarmes et des militaires.

C’est le premier d’une longue série de check-points, signe que la région est sécurisée et rigoureusement quadrillée. Sur les buttes et les crêtes, des guérites veillent au grain. La vigilance est toujours de mise. Un silence lourd règne sur la montagne. On n’entend que le chant lancinant des cigales. Impression d’un Eden solitaire, déserté par les hommes. Malgré la sécurité tatillonne, la route est très peu fréquentée. Les 25 km qui séparent Palestro de Zouabria, le chef-lieu de la commune de Zbarbar, paraissent interminables tant la pente est ardue. On ne peut pas faire plus de 50 km/h.

Quelques bourgs insulaires se signalent ça et là au milieu d’une clairière ou au détour d’un buisson, résistant à l’appel de la plaine. En contrebas s’étale l’oued Isser qui serpente au creux d’une immense vallée verdoyante. L’air se purifie au gré de l’ascension vertigineuse. Il fait frais. Une pluie fine finit même par nous éclabousser, lâchée par des nuages sombres qui tutoient les cimes. Force est de le reconnaître : le paysage est féerique sur 360°.

Des chaînes interminables qui perpétuent la majesté de l’Atlas, et qui ondoient jusqu’à Tablat et au-delà. Des arêtes montagneuses passablement boisées alternent avec des collines luxuriantes et des ravins brûlés, accablés par le soleil. La voie carrossable est bordée d’oliviers, de chêne-liège, de figuiers, d’eucalyptus, de pins, de cèdres et autres espèces botaniques communes à tout l’Atlas blidéen qui s’étend à perte de vue, à cheval sur trois wilayas (Blida, Bouira et Médéa), et dont le mont Zbarbar fait organiquement partie. Ce spectacle de la nature est bientôt rehaussé visuellement par l’apparition d’un semblant de grand lac qui surgit sur le flanc gauche de la route : c’est le barrage de Koudiat Acerdoune. Celui-ci nous «accompagnera» jusqu’à notre point de chute, nous distrayant gaiement des autres curiosités du parcours.

Un coin de paradis fortement enclavé

10h50. Au bout d’une heure d’un trajet cahoteux, nous voici enfin à destination. Bienvenue dans la commune de Zbarbar ! Comme nous le disions plus haut, le nom exact de la localité faisant office de chef-lieu est Zouabria, Zbarbar étant le nom de l’ensemble du massif qui abrite aussi d’autres douars, villages et mechtas. La petite bourgade se révèle avec ses toitures de tuiles rouges au terme d’une route qui descend en pente raide depuis l’intersection Zbarbar-Tablat, celle-ci étant située à 27 km vers l’ouest. Un imposant barrage militaire nous accueille à ce carrefour, précisément à hauteur du complexe sportif de proximité Maoun-Boudjemaâ.

On le voit d’emblée : le cœur de la commune de Zbarbar est fortement enclavé, cantonné qu’il est dans une sorte de cuvette cernée côté sud par le barrage de Koudiat Acerdoune. Les frontières de la commune sont délimitées par celles de Maâlla à l’est et de Guerrouma à l’ouest. Autour de la place du 1er Novembre, petite agora aménagée au centre du village, se dresse le siège de l’APC de Zbarbar. Deux cafés et deux ou trois épiceries complètent le décor. Le village compte, en outre, une poste, une salle de soins des plus sommaires, des écoles primaires, un CEM, une annexe d’un centre de formation professionnelle, une mosquée, une caserne de la Garde communale, deux cités délabrées, et deux stades de proximité dont un en cours de réhabilitation. C’est à peu près tout. En plus de l’agglomération principale (Zouabria), la commune de Zbarbar, qui a été créée en 1984 et qui s’étale sur 52 kilomètres carrés, compte deux agglomérations secondaires : Ouled Gacem et Bsibssa.

«Ni eau, ni gaz, ni travail»

A la base, Zouabria est un village agricole érigé dans les années 1970 en même temps qu’un autre village socialiste situé à quelques encablures d’ici, en l’occurrence celui de Aïn El Beida. «Ce village a été bâti par Boumediène. Avant, il n’y avait que quelques familles par ici, et sous Boumediène, nous avons été rassemblés autour de ce village agricole», relate Saïd Khadir, 65 ans, natif de Zouabria et témoin de son évolution. Ammi Saïd était fellah comme la plupart des habitants de Zbarbar, avant de prendre les armes pour s’engager dans la lutte antiterroriste en qualité de garde communal (voir portrait). «Boumediène avait visité la région, il était venu au village de Aïn El Beida.

Je l’avais rencontré à cette occasion et je lui ai même serré la main !» ajoute fièrement Ammi Saïd. Interrogé sur la situation actuelle, il rétorque : «Naqess koulleche ! (Nous manquons de tout !) On est réduits à néant, on n’existe pas ! Nous n’avons ni eau courante, ni gaz, ni électricité, ni couverture médicale, ni transport…Makan walou ! (Il n’y a rien) On nous a oubliés ! Et depuis que le barrage a été construit, il a avalé nos terres et la majorité de la population s’est retrouvée au chômage. Karitha (Une catastrophe !)» fulmine le vieux paysan.

L’enclavement de la région et son relief escarpé en ont fait naturellement un repaire idoine pour les terroristes de tout poil. Dès 1992, une réunion s’était tenue dans ce massif entre les futurs chefs du GIA. Récemment encore, des terroristes qui cavalaient dans ces maquis ont été éliminés selon la presse. «Un détachement de l’Armée nationale populaire (ANP), relevant de la 1re Région militaire, a éliminé, hier après-midi, sept terroristes au lieudit Moumlil à Zbarbar», rapporte le quotidien Liberté (édition du 12/05/2016).

Le village de Sidi Abderrahmane déserté

La population de l’ensemble de la commune s’élève à 4060 habitants, indique le secrétaire général de l’APC, Nacer Temmar. Il ajoute qu’au RGPH 2008, la commune de Zbarbar comptait 3743 habitants «dont 1313 au niveau du chef-lieu, 1814 au niveau des agglomérations secondaires de Ouled Gacem et Bsibssa, et 616 en zones éparses». M. Temmar nous informe, par ailleurs, que «plusieurs hameaux ont été désertés dès le début du terrorisme et leurs habitants ne sont pas revenus.

C’est notamment le cas de Thaâlba qui s’est complètement vidée de ses habitants. Au recensement de 1988, Zbarbar comptait plus de 9000 âmes, et Thaâlba à elle seule en comptait plus de 4000». «Le chef-lieu s’est vidé de 30% de sa population tandis que dans les villages alentour, l’exode a touché 50% de la population», révèle encore Nacer Temmar. Selon certaines sources, c’est ici même, à Thaâlba, sur les rives de l’oued Isser, que naquit Sidi Abderrahmane Ethaâlibi, le Saint Patron d’Alger (1384-1471). Un article Wikipedia consacré à la ville de Lakhdaria, souligne : «Abderrahmane Ethaâlibi, exégète en islam (fondateur de la mosquée ‘‘Qortoba’’ de Cordoue en Espagne, dont le mausolée se trouve actuellement à Alger Centre), est originaire de la région, plus précisément dans l’ex-commune de Yesseri, actuellement Zbarbar, dans la daïra de Lakhdaria». A vérifier…

Brahim Badji, un jeune natif de la région, et qui est installé depuis une vingtaine d’années près de Aïn Taya avec sa famille, témoigne de cet exode massif : «Je suis venu pour faire des papiers et je retourne à Alger», dit-il pour commencer, avant de nous confier : «Je suis né ici mais ma famille a dû quitter la région en 1997. El hala kanet skhouna (C’était chaud à l’époque). Nous avons été parmi les derniers à partir. Le village s’était vidé à cause du terrorisme. Même l’Etat incitait la population à partir». Brahim poursuit : «Nous avons dû recourir au ‘‘fawdhawi’’ (habitat précaire) en guise d’abri. On a longtemps habité dans un bidonville à Aïn Kahla. En 2014, on a bénéficié d’un logement social à Heuraoua, près de Aïn Taya.»

Le problème de l’électrification rurale

Pour lui, un retour aux sources n’est guère à l’ordre du jour : «Ici, il n’y a rien. Tu n’as aucun avenir. Même l’agriculture, ils l’ont cassée. Avant, Zbarbar était connue pour la culture de la fraise. Aujourd’hui, il n’en reste plus rien», regrette-t-il.

Devant des habitations en construction, nous rencontrons Salim, 42 ans, père de trois enfants. Salim est cadre administratif à la municipalité de Zbarbar. «J’ai entamé la construction de ma maison en 2013 et elle est toujours en chantier comme vous le voyez», soupire-t-il en désignant la carcasse en briques rouges qu’il occupe malgré tout, avec sa famille. Salim a bénéficié, comme beaucoup de citoyens de la commune, d’une aide de 70 millions de centimes au titre du dispositif de soutien à l’habitat rural. «Généralement, les aides ont toujours été accordées facilement aux citoyens de la région, notamment avant la période de ‘‘takachouf’’ (austérité). Le problème est que l’enveloppe concédée est dérisoire compte tenu de la cherté des matériaux de construction, du coût de la main-d’œuvre et surtout de l’enclavement de notre commune.

Cet argent est allé uniquement dans le transport. On achète les matériaux à Lakhdaria. Et le transport est cher à cause de l’état de la route. La location d’une petite camionnette vous coûte 2000 DA par trajet. Comment vous allez vous en sortir avec ça ? Il aurait fallu nous inclure parmi les wilayas qui ont bénéficié d’un relèvement de l’aide de l’Etat à hauteur de 100 millions de centimes en tenant compte des caractéristiques de la région qui reste difficile d’accès.» Salim pointe d’autres carences inhérentes notamment aux nouveaux lotissements : «Quand tu termines la construction, il faut encore résoudre le problème du raccordement au réseau d’assainissement, au réseau électrique. L’électrification rurale pose un gros problème dans la région. Les gens sont obligés de procéder à des branchements clandestins. On attend le programme de la Direction de l’énergie et des mines. Mais jusqu’à présent, celle-ci est aux abonnés absents.» A noter que quelque 6000 foyers ne sont pas branchés au réseau électrique au niveau de l’ensemble de la wilaya de Bouira.

«Ici, on tombe malade sur rendez-vous»

Autre source de désarroi pour la population : le déficit chronique en eau potable malgré la proximité du barrage. «Depuis le début de l’été, on a eu droit à trois ou quatre rotations. Certains foyers n’ont pas vu une seule goutte d’eau dans leur robinet. Pour nous approvisionner, on s’en remet aux sources naturelles et aux puits des particuliers», dit Salim. Selon le secrétaire général de l’APC, le raccordement de la commune au réseau principal alimenté par le barrage est achevé à 90%. Il faut citer aussi l’absence de gaz de ville : «On dépend toujours des bouteilles de gaz butane, et en hiver les routes sont coupées à cause de la neige, ce qui provoque une tension sur le gaz faute d’un dépôt sur place», explique Salim. A ce propos, M. Temmar précise : «Le projet de gaz de ville comporte deux lots : un lot transport et un lot distribution. Il concerne essentiellement le chef-lieu, c’est-à-dire Zouabria, et l’agglomération secondaire de Ouled Gacem. A Ouled Gacem, les travaux sont achevés à 100%. A Zouabria, le transport est achevé également à 100%, mais pour la distribution, elle est à 5% seulement du projet.»

La commune souffre, en outre, d’un manque d’encadrement médical. «La salle de soins est équipée d’un fauteuil dentaire depuis 2013 et jusqu’à aujourd’hui, on n’a pas vu la tête du dentiste», lâche Salim. «Nous avons un médecin généraliste qui vient deux fois par semaine de Lakhdaria. Tu n’as pas intérêt à avoir un pépin les autres jours de la semaine. Ici, on tombe malade sur rendez-vous», ironise-t-il. «En cas d’urgence, vous êtes obligé de louer un clandestin pour vous emmener à l’hôpital de Lakhdaria», se plaint Ammi Saïd. Il n’y a pas non plus de maternité. «La seule maternité est à Guerrouma et elle est dépourvue de personnel qualifié. L’Etat dépense des milliards, mais on se retrouve souvent avec des structures sans encadrement», déplore M. Temmar.

Quel projet de développement pour le territoire ?

Outre le manque d’infrastructures et des commodités d’une vie décente, la commune de Zbarbar manque par-dessus tout de «tanmiya», c’est-à-dire d’un programme de développement en harmonie avec la géographie physique et humaine de la région avec, à la clé, une occupation autrement plus réfléchie du territoire. «Dans les années 1990, c’est grâce au peuple et à l’ensemble de la société que le terrorisme a été vaincu. Même le fellah a contribué par le fait qu’il se soit accroché à sa terre, et l’instituteur qui a continué à dispenser ses cours envers et contre tout…», lance Salim.

«Ces villages enclavés qui ont terriblement souffert du terrorisme, méritent sûrement un meilleur sort», s’indigne-t-il. «La commune de Zbarbar n’a pas de ressources. Pourtant, la région recèle un potentiel énorme. Il y a de quoi en faire un paradis viable. Il aurait fallu envisager des programmes de développement rural adaptés aux spécificités de la région», plaide-t-il.
Seule consolation : internet irrigue allègrement les foyers virtuels de ces chaumières oubliées. En même temps, la 3G accentue le gap – et avec lui le sentiment d’inégalité – entre la montagne et la plaine. «La technologie, c’est la seule ouverture pour les jeunes, leur seul exutoire. La nouvelle génération étouffe, elle a le sentiment de buter contre un horizon bouché», assène Salim, avant d’avertir : «Si rien n’est fait, ces jeunes vont tous partir.»
 **Mustapha Benfodil /  el watan / lundi 28 août 2017

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l’epopée silencieuse d’un ancien garde communal

Saïd Khadir, un héros anonyme

Saïd Khadir, 65 ans, garde communal à Zbarbar de 1996… La décennie noire trans

Saïd Khadir, 65 ans, est un ancien garde communal qui coule sa retraite à Zouabria, son village de toujours, bourg agricole planté au cœur du massif de Zbarbar.

Entre rires et larmes, il se remémore ces jours infernaux où l’héroïsme n’était même plus une qualité exceptionnelle mais le quotidien de la population de Zbarbar. Tous les matins, il fallait s’armer de courage pour recommencer l’épopée silencieuse de la vie. «Wech s’ra fina ! On a vécu l’enfer et l’Etat nous a abandonnés !» lâche-t-il d’entrée. Le vieux maquisard en a manifestement gros sur le cœur. Comme la majorité des hommes de la région, Ammi Saïd était fellah à la base. «C’était la paix totale ici, surtout sous Boumediène. Le zawali avait sa place. On vivait au bord de l’oued (Isser).

C’était avant la construction du barrage (Koudiat Acerdoune). Tout poussait par ici. On avait tous les arbres fruitiers. On cultivait aussi le blé, l’orge, et toutes sortes de légumes. La vie était douce et pas chère», se souvient-il avec un brin de nostalgie. «Quand le terrorisme a commencé, la vie s’est arrêtée. J’ai dû abandonner le travail de la terre. Les gens ont quitté leurs patelins par milliers. Il a dû y avoir 6000 ou 7000 qui sont partis. Si tu restes, on te tue. Ou alors on te rançonne. Les agriculteurs étaient rackettés sans vergogne. Les hameaux isolés se sont vidés. Ceux qui ont fui leurs douars ont dû végéter dans du fawdhawi (des habitations de fortune) aux abords des villes. Ils se sont réfugiés du côté de Boudouaou, Reghaïa, Aïn Taya, certains se sont installés à Ouled Fayet, Chéraga…

Pour moi, il n’était pas question que je parte. Win t’rouh ? (Pour aller où ?) Alors, j’ai pris les armes.» Saïd Khadir a ainsi intégré le corps des Gardes communaux. Il y est resté de 1996 à 2012, année où il a pris sa retraite. «Avant, tous les terroristes transitaient par ici, el irhab avait infesté massivement les maquis alentour. Ils ont commencé à brûler les édifices publics, les écoles… Même lorsqu’il y a eu la grande évasion de la prison de Lambèse (ex-Tazoult ; l’évasion s’est produite le 10 mars 1994, ndlr), beaucoup parmi les prisonniers évadés s’étaient réfugiés ici», affirme Ammi Saïd, avant de lancer : «Sans nous, le village aurait été décimé.» «C’est grâce aux Patriotes et aux Gardes communaux que les terroristes ont été boutés hors de ces maquis. Les militaires ne pouvaient rien faire seuls. C’est parce qu’ils ne connaissent pas la région, alors que nous la connaissons dans ses moindres recoins. Les Patriotes étaient dirigés par Cheikh El Makhfi qui est de Bouderbala. Il avait des milliers d’hommes sous ses ordres.

Depuis que les enfants du pays ont pris les armes, les terroristes ne pouvaient plus pénétrer dans nos chaumières. Ils n’osaient même plus s’approcher de nos hameaux. On bougeait sans cesse et on ratissait large. Je ne compte pas le nombre de nuits que nous avons passées dans les bois, sous un froid qui vous cisaille les os. Enfin… Je serais incapable de vous raconter tout ce que nous avons vécu.

Qu’il pleuve, qu’il neige, on était aux aguets. Les gens dormaient au chaud, et nous on devait rester vigilants. On ne goûtait ni au sommeil ni aux fêtes. Même quand j’étais à proximité de la maison, je m’interdisais de passer la nuit chez moi», se remémore-t-il. Ammi Saïd interrompt son récit par moments, tantôt ému, tantôt en colère, indigné par l’amnésie ingrate de certains : «Des gens nous disent : ‘‘ça vous a servi à quoi d’avoir défendu la patrie ?’’ Yek toi tu dormais en pyjama pendant que moi je veillais sur ta sécurité, debout toute la nuit, enroulé dans une couverture froide et humide», rappelle-t-il avec fierté. Dans la foulée, il nous montre sa main gauche lacérée de cicatrices qui engourdissent ses phalanges : «J’ai été blessé suite à l’explosion d’une bombe artisanale. C’était en 2009. Il y avait encore des terroristes qui cavalaient dans la montagne. Même aujourd’hui, el irhab mazal, qu’est-ce que vous croyez ?» dit-il, avant de préciser : «Mais la sécurité est revenue, Hamdoullah. Tu peux circuler même la nuit sans problème. D’ailleurs, c’est tout ce que nous avons gagné : la sécurité.»

«Ma pension de retraite, c’est juste un sérum»

«Ce qui me fait mal au cœur, fulmine-t-il, c’est de voir comment l’Etat traite inégalement ses enfants. Ceux qui ont combattu à ses côtés sont relégués aux oubliettes alors que ceux qui se sont dressés contre lui se pavanent en bombant le torse. Dernièrement, un ancien terroriste a été contrôlé dans un barrage, près de Lakhdaria. Il était au volant d’un fourgon bardé de marchandises, sans registre de commerce ni aucun papier. Au début, on allait le verbaliser, ensuite il a brandi un document officiel montrant qu’il a bénéficié des dispositions de la ‘‘moussalaha’’ (réconciliation). On l’a libéré de suite, avec le salut de rigueur.» Et de nous confier : «Même mon fils s’y met et ça me rend malade. Il me dit : ‘‘Tu as pris les armes pour défendre le pays, une bombe t’a éclaté à la figure, wech daretlek Eddoula’’ (qu’a fait l’Etat pour toi ?)». «Quand j’ai pris les armes, mes enfants n’avaient pas de quoi manger.

On passait des nuits entières givrés dans les maquis. D’aucuns faisaient leurs adieux, le matin, à leurs gosses, n’étant pas sûrs de revenir le soir. Vous savez, du temps de la colonisation, un officier français a eu une promotion fulgurante pour avoir réussi à franchir les murailles de Zbarbar. C’est pour vous dire combien il était difficile de pacifier ce territoire. On a vécu le pire. Les gens vivaient leur vie, et nous on affrontait la mort. Tu dors dans la peur, tu marches dans la peur. Une terreur noire. Et aujourd’hui le terroriste a plus de droits que toi. C’est le monde à l’envers. L’Etat devrait traiter ses enfants avec équité.

A la limite, qu’on leur pardonne, passe encore, mais il ne faut pas en rajouter. L’un, tu lui donnes l’argent et le pouvoir, l’autre n’a même pas de quoi offrir une paire de chaussures à son fils. Il y a de quoi disjoncter ! Les gens qui ont protégé le pays, qui ont défendu et sécurisé les biens de l’Etat, ils sont livrés à leur sort. Je n’ai que ma retraite, bla mezeyet’houm ! (malgré eux).» Interrogé sur le montant de sa pension de retraite, l’ancien Garde communal sourit d’un air narquois : «Sérum !» rétorque-t-il. «Une bouteille de sérum qui nous distille la vie au compte-gouttes !». Ammi Saïd est père de huit enfants, qui plus est. Ceux qui sont en âge de travailler sont au chômage comme la majorité des jeunes de Zbarbar. Dans le meilleur des cas «ils se font exploiter pour un salaire de misère». «Vous voulez la vérité ? Maranache aychine. On est des morts vivants», résume Ammi Saïd, avant de glisser avec amertume : «Je suis un homme libre. J’ai ma dignité. Mais l’ingratitude, ça fait mal.» *Mustapha Benfodil /  el watan / dimanche 27 août 2017

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*Khaled Nezzar auditionné par la justice suisse

Le général à la retraite Khaled Nezzar a été auditionné par un procureur fédéral suisse, jeudi et vendredi à Genève, suite à une plainte déposée contre lui par deux Algériens pour «crimes de guerre et violation des droits de l’homme».
Selon des informations, il s’agirait de deux anciens responsables du FIS dissous qui résident en Suisse – l’un d’eux serait l’ancien vice-président de l’APC FIS de Meftah (Blida) résidant en Suisse – qui ont déposé une plainte contre les militaires algériens pour «tortures et violations de droits de l’homme» pratiquées durant l’année 1993. Khaled Nezzar était alors ministre de la Défense nationale.

Ainsi, en se rendant dans la capitale helvétique pour des soins, dit-on, l’ancien homme fort du régime a été «interpellé» suite à une demande du parquet puis auditionné par le procureur, pour donner sa version des faits, pendant 48 heures. (El Watan-22.10.2011.)

**La gestion de la décennie noire remise sur le tapis

 Au terme d’une audition, qui aura duré deux jours (jeudi et vendredi passés), en tant que prévenu, le général à la retraite Khaled Nezzar est tenu de rester à la disposition de la justice suisse pour les besoins de «l’instruction qui se poursuit».

Ce qui indique que la procédure va se poursuivre pour décider de la suite à donner à la plainte déposée par Ahcène Kerkad contre le général Nezzar pour «suspicion de crimes de guerre».
Durant quarante-huit heures d’audition, l’ancien ministre de la Défense algérien (1991 à 1993) a eu à répondre à une longue série de questions portant essentiellement sur les aspects politiques et militaires dans la gestion de la crise qu’a connue le pays de 1990 jusqu’en 1999. Sans doute pour situer les responsabilités du prévenu. Ainsi, comme le montre le procès-verbal de l’audition dont El Watan détient une copie, le procureur fédéral Laurence Boillat a demandé à K. Nezzar ce qu’il pouvait dire «au sujet du conflit qui a touché l’Algérie durant les années 1992 à 1999 ?».

L’ancien ministre de la Défense a eu une réponse surprenante : «Je ne suis pas concerné par ce conflit. Pourquoi me posez-vous cette question ? Je ne suis pas celui qui a déclenché ce conflit. J’était ministre de la Défense.» Khaled Nezzar demande au procureur ce qu’on lui reproche : «Je dois savoir ce qu’on me reproche. De la suspicion, c’est un terme bien trop vague. Moi je n’ai pas les mains sales. Est-ce qu’il y a des plaintes contre moi ?» Les débats s’engagent ainsi entre le procureur et le prévenu sur des questions d’ordre politique liées à la crise dans laquelle a sombré l’Algérie une décennie durant. Le procureur fédéral suisse voulait savoir : quelles étaient les fonctions du général avant 1992 ? Son opinion au sujet du Front islamique du salut, de quelle manière il avait participé au coup d’Etat de janvier 1992, ses fonctions durant la période de 1992 à 1999.
K. Nezzar répond qu’il était «commandant des forces terrestres, puis chef d’état-major. J’ai été officier de l’armée française, j’ai déserté l’armée française pendant la guerre d’Algérie en rejoignant les maquis. Le FIS est un parti totalitaire qui prônait une loi que j’abhorrais». Le prévenu récuse l’appellation «coup d’Etat» : «Je ne suis pas d’accord pour l’appeler coup d’Etat (…). Chadli Bendjedid déclare encore aujourd’hui qu’il a démissionné. Personne ne l’a poussé à démissionner. J’ai été ministre de la Défense, pourquoi l’aurais-je poussé à démissionner ? J’ai été parmi ceux qui prônaient l’arrêt du processus électoral, c’est vrai, ceci dans l’intérêt de mon pays, mais je n’ai rien à voir avec la démission de Chadli Bendjedid.» Ensuite, le procureur interroge M. Nezzar sur «le type de décisions qu’a pu prendre le Haut-Comité d’Etat et comment étaient-elles mises en œuvre», avant de poser la question centrale sur «le rôle de l’armée dans le régime politique de 1992 à 1993».
«Les gens mis dans les camps étaient arrêtés dans les rues»
Nezzar prend la défense de l’institution militaire : «Dans une situation de subversion, l’armée a été appelée par le HCE à participer à la contre-subversion, soit à la lutte antiterroriste (…). L’engagement de l’armée était décidé au niveau du HCE. Il a été décidé de créer des camps d’éloignement sous tutelle de la justice, dont certains étaient gérés par l’armée. Il devait y avoir quatre ou cinq camps. Pendant une période, ces gens étaient éloignés parce qu’ils créaient de l’insécurité (…). Les gens mis dans les camps étaient arrêtés dans les rues. C’était la justice qui décidait systématiquement qui devait être placé en détention.» Dans sa longue réponse, le général Nezzar reconnaît l’existence de dépassements «Il y a toujours des dépassements et c’est très difficile de les régler. Je précise qu’un dépassement pouvait aller jusqu’à donner la mort (…). S’il y a eu des dépassements de la part des autorités, ça ne pouvait être que des dépassements d’individus isolés (…).». Mais «comment expliquer que des personnes isolées, alors qu’elles étaient placées sous un commandement, aient pu commettre des dépassements ?» demande le procureur.

Nezzar répond en racontant une histoire : «Il y avait un barrage sur la route, la plupart des personnes ont été tuées. Le chef de l’unité a pris les gens blessés et les amenés dans un hôpital du village voisin. Mais entre-temps, il a vu une personne vêtue d’un habit islamique en train de rigoler. Il a pris cet homme et l’a abattu d’une rafale !» Sur son rôle dans la lutte antiterroriste en tant que ministre de la Défense et en tant que général-major, Khaled Nezzar répond au procureur : «Comme j’avais un état-major qui fonctionnait, moi je m’occupais du ministère de la Défense, je ne donnais pas d’ordre à l’état-major, il était rodé (…).» Sur la question de la torture, Nezzar répond au procureur qu’en 1988, «une vingtaine de personnes ont été enlevées et torturées. Des mesures ont été prises et des enquêtes menées. Je ne sais pas par qui ces gens ont été torturés, ce n’était, en tout cas, pas l’armée».
Durant la période de 1992 à 1999, K. Nezzar dit : «Je n’ai pas connaissance de cas de torture durant cette période. C’était d’ailleurs l’affaire des services de savoir comment ils obtenaient les informations.» Il récuse l’usage systématique de la torture et d’autres exactions et accuse des partis politiques français : «Je sais d’où ça vient, ça vient de certaines personnes du Parti socialiste, des Verts, et ça a fait le tour de la Terre.» Au terme d’une séance de questions-réponses, le procureur dit à Nezzar : «Ahcène Kerkadi a déposé plainte à votre encontre pour avoir été victime d’exactions de la part des services de sécurité dans la localité de Blida et à la caserne de la sécurité militaire de Bouzaréah en 1993. Que pouvez-vous dire à ce sujet ?» Curieusement, Nezzar dit ignorer l’existence d’une caserne à Bouzaréah, selon l’organisation militaire.
«Du moins, je n’en connais pas», dit-il. A la fin de l’audition, Nezzar demande au procureur : «Je viens souvent en Suisse pour quelques jours de repos à Evian. Pourquoi ne m’avez-vous pas pris avant ?» (El Watan-23.10.2011.)

**Compte rendu de l’audition des plaignants

«J’accuse Khaled Nezzar d’être responsable des tortures que j’ai subies»

* On m’a enlevé mes vêtements, mis un bandeau sur les yeux et menotté. On m’a allongé sur un banc et on m’a frappé avec une barre de fer sur les orteils, sur les parties génitales et sur le torse.

Pendant que quelqu’un versait de l’eau sur ma bouche couverte par un chiffon. Lorsque j’ai perdu conscience, ils m’ont brûlé avec un chalumeau pour me réveiller.» C’est là un extrait du rapport détaillé de l’audition qui s’est tenue vendredi à l’hôtel de police de Genève dans le cadre d’une instruction ouverte à l’encontre du général à la retraite, Khaled Nezzar, pour un soupçon de crimes de guerre.
Le récit est celui de Daadi Seddik, un des deux plaignants, qui raconte avec précision, lors de cette audition et en présence de l’accusé, les pires moments de la torture subie pendant son arrestation à Alger le 17 février 1993 à 2h du matin.

«Après cette première séance de torture, ils m’ont laissé une journée dans un couloir puis ils m’ont placé dans une cellule pour 11 à 12 jours et chaque jour je subissais la même séance de torture qui durait 3 à 4 heures, le dernier jour ils m’ont torturé près de 5 heures puis ils m’ont violé (…)», est-il précisé dans le document dont El Watan a pu se procurer une copie. Pourquoi cette plainte est déposée contre l’ancien membre du Haut Comité d’Etat (HCE) et ministre de la Défense de 1991 à 1993, Khaled Nezzar ? «C’est lui qui dirigeait l’Algérie à cette époque. J’accuse Khaled Nezzar d’être responsable de la torture que j’ai subie en Algérie. S’il dit qu’il n’a pas donné d’ordre, pourquoi n’a-t-il pas jugé ces gens ?» répond Daadi Seddik en présence des avocats, du procureur fédéral assistant et du procureur fédéral suppléant. Ancien employé de daïra, militant au sein de l’ex-FIS, Daadi Seddik, qui était recherché lors des événements d’Octobre 1988, a été emprisonné durant une année après ce fameux 17 février 1993. Après quoi, il a pu quitter le territoire pour fuir le harcèlement policier qui lui a été imposé, raconte-t-il, allant d’arrestation en arrestation après sa libération.
Rentré de Suisse en 1995, il subira une énième arrestation qui finira encore une fois en séance de torture de 43 jours. Il a quitté définitivement le pays quand il a été relâché pour se réfugier une seconde fois en Suisse.
Supplice du chiffon mouillé
«En 1993, j’ai été arrêté trois fois par la police pour des interrogatoires jusqu’au soir où des parachutistes sont arrivés chez moi et fouillé partout. Une dizaine de personnes portant des cagoules m’ont embarqué. (…) On m’a demandé de me déshabiller, on m’a ligoté les pieds et les bras, on m’a mis un morceau de tissu sur le visage et on y a versé de l’eau pour m’obliger à dire que je soutenais des groupes armés. J’ai inventé des réponses fausses pour échapper au supplice après dix jours de torture», raconte pour sa part Ahcène Kerkadi, chirurgien dentiste anciennement installé à Meftah, également sympathisant du FIS et ancien maire adjoint.
Ce deuxième plaignant lors de la même audition, mettant en cause le général à la retraite, Khaled Nezzar, a lui aussi pu quitter l’Algérie après avoir été libéré pour se réfugier en Suisse.
Cette déposition est donc une première étape dans la procédure faisant suite au dépôt de plainte de ce 20 octobre par Daadi Seddik et Ahcène Kerkadi, en qualité de partie plaignante dans le cadre d’une instruction ouverte à l’encontre de Khaled Nezzar par le ministère public de la Confédération, en date du 19 octobre, «pour soupçon de crimes de guerre commis en Algérie durant le conflit armé interne de 1992 à 1999».
L’ancien homme fort du régime a été interpellé suite à une demande du parquet jeudi matin, alors qu’il était en visite dans la capitale helvétique pour des soins.
Il a été auditionné par le procureur après que ces deux plaignants eurent déposé leur plainte. Il a été libéré vendredi soir après avoir garanti qu’il resterait à la disposition de la justice suisse à partir d’Alger. Mais les deux plaignants ne semblent pas avoir dit leur dernier mot. «Je dispose d’éléments contre le général Khaled Nezzar, mais je ne peux pas les dire en sa présence. Il y a des militaires dissidents qui ont beaucoup de choses à dire, si la procédure se poursuit», a précisé Ahcène Kerkadi lors de cette audition. (El Watan-23.10.2011.)

**Trial : A l’origine de l’ «affaire Nezzar»

 Khaled Nezzar a été remis en liberté sur la base de promesses de se présenter durant la suite de la procédure, mais le risque de fuite est élevé.

Il n’a pas été tenu suffisamment compte de l’énorme souffrance de milliers de victimes algériennes de l’appareil répressif dirigé par M. Nezzar.»
Telle est la déclaration de Philip Grant, directeur de Trial, à la suite de la libération de l’ancien ministre de la Défense, Khaled Nezzar.
Track Impunity Always (Trial) est une association de droit suisse basée à Genève, fondée en 2002. Elle est à l’origine de l’ouverture de l’instruction judiciaire contre le général Nezzar, arrêté jeudi dernier et auditionné le lendemain par le ministère public de la Confédération (MPC), et ce, après avoir passé une nuit en détention dans les locaux de la police genevoise. L’ex-membre du Haut-Comité d’Etat (1992-1994) se trouvait à Genève pour des soins. Trial est spécialisée dans la lutte contre l’impunité des auteurs de violations graves des droits humains : génocides, crimes contre l’humanité, crimes de guerre, tortures et disparitions forcées.
Elle milite également «contre l’impunité des responsables, complices et instigateurs de crimes. Elle défend les intérêts des victimes devant les tribunaux suisses, les organes internationaux en matière des droits de l’homme et la Cour pénale internationale. Elle sensibilise les autorités et le public à la nécessité de promouvoir la justice internationale et nationale à l’égard des crimes les plus graves», peut-on lire sur son site web.
Défendant des victimes de torture et de disparitions forcées en Algérie, Trial a soumis 15 affaires devant le Comité des droits de l’homme et celui contre la torture, tous deux organes des Nations unies.
Reconnue d’intérêt public, Trial est une association apolitique et non confessionnelle ; elle jouit du statut consultatif auprès du Conseil économique et social de l’ONU. (El Watan-23.10.2011.)

***Le général à la retraite s’en prend à Aït Ahmed

 Nezzar panique. Vraisemblablement déstabilisé lors de son audition par le procureur fédéral suisse suite à une plainte qui le vise personnellement, le général en retraite Khaled Nezzar, pour se défendre, a porté une accusation aussi bizarre qu’inattendue à l’encontre du chef historique Hocine Aït Ahmed, l’assimilant à «un élément du FIS qui avait commis des carnages».

Accusation grotesque, affabulation ou ce général a-t-il simplement perdu tous ses moyens lors de son audition ? Qu’on en juge ! «S’il y a eu des dépassements de la part des autorités, ça ne pouvait qu’être des dépassements d’individus isolés, qui, une fois portés à la connaissance des autorités, étaient sanctionnés. Tous les autres carnages sont le fait des éléments du FIS qui, eux, ne sont pas sanctionnés. J’ajoute même qu’un de ces éléments se trouve en Suisse, à savoir M. Aït Ahmed !» Telle fut la réponse de Khaled Nezzar au procureur fédéral suisse qui l’interrogeait sur le rôle de l’armée dans le régime politique de 1992 à 1993. Cette déclaration est, le moins qu’on puisse dire, aussi étrange qu’infondée. Figure emblématique de la lutte de libération nationale et de l’instauration de la démocratie en Algérie, M. Aït Ahmed est le leader du Front des forces socialistes (FFS), le plus vieux parti de l’opposition.

Comment peut-il être alors membre d’un autre parti comme l’ex-FIS ? Se pose ainsi la question : qui cherche-t-il à convaincre ? L’ancien ministre de la Défense a-t-il à dessein cité le nom d’Aït Ahmed, qui se trouve depuis son premier exil installé à Lausanne, comme pour le rendre responsable de son interpellation par la justice helvétique ? L’éventail des questions peut en effet s’élargir autant que peuvent le permettre les différends politiques qui opposent les deux hommes sur une gestion très controversée de la décennie noire et de l’interruption du processus électoral. Au demeurant, cette accusation laisse pantois tant elle frise le burlesque. Nezzar est-il seulement capable de se croire lui-même ! (El Watan-23.10.2011.)

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Une réponse à “La décennie noire”

  1. 21 12 2012
    bloons tower defense 4 (21:51:19) :

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    bloons tower defense 4

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