Dans la prison d’El-Harrach-Alger

**Reportages**

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« Loubia » et douche froide : la vie au jour le jour à la prison d’El-Harrach

Dans la prison d’El-Harrach-Alger El-harrach-soupa

Le regard happé par le petit écran de la télé accrochée en haut du mur, Abdellah avale son bol de « loubia » debout. Pas de chaise à l’horizon. Pas de place. Tenir dans une salle grande à peine de 50 m2 avec près de 100 codétenus relève déjà du défi. Entre les lits, les deux WC, il est impossible de placer une table ou une penderie. Dans cette salle du « transit » de la prison d’El-Harrach, ils peuvent à peine être debout tous ensemble. Et c’est sans compter les couvertures qu’il faut, à la nuit tombée, poser au sol.

Oui, tous les détenus n’ont pas le droit à un matelas. « Un lit, ici c’est un luxe ! La majorité d’entre nous vont dormir par terre », tonne Abdellah qui aide le prévôt de la salle à distribuer les maigres repas fournis par l’administration pénitentiaire. Sa peau, marbrée de taches rouges qui paraissaient à travers ses rides, annonçait un tempérament sanguin, violent, fait pour les fatigues. Abdellah a beaucoup souffert dans ce bagne d’El-Harrach qu’il connaît maintenant très bien. « Cela fait presque 5 ans que je suis en prison. Je sors prochainement. Et franchement, je ne vois pas ce que je vais foutre dehors ! Je ferai tout pour revenir dans ce monde dont je maîtrise les codes », dit-il avec sa voix rauque qui effraie le premier venu.

Abdellah, 32 ans, originaire de Bab El-Oued, n’est pas un fou, ni un attardé mental pour vouloir rester encore en prison. Dehors, rien de meilleur ne l’attend. « Mon père est en prison depuis 10 ans. Mon frère est également emprisonné à la prison de Koléa pour trafic de drogues. Il ne reste que ma mère et mes soeurs. En sortant d’ici, je vais devoir tout assumer pour les nourrir. Ici à El-Harrach, je peux au moins manger et dormir sans me soucier des autres », témoigne-t-il avec une franchise déconcertante. « Dehors, je vais me battre, agresser, me droguer et voler car je n’ai aucune perspective. Ni boulot, ni diplôme, ni la moindre formation », raconte-il sans aucune amertume comme si son sort était scellé d’avance.

A la prison d’El-Harrach, on y croise plusieurs catégories de personnes qui se déclarent en guerre éternelle contre la société algérienne. Les parias, les éclopés de la vie, les enfants qui ont grandi au milieu des frustrations des familles déchirées par la toxicomanie, l’alcoolisme ou la guerre des gangs ayant ensanglanté ces dernières années les quartiers populaires : Climat de France, Bab El-Oued, Bourouba, El-Harrach, Diar Echems, etc. Des purs produits des soubresauts de la société algérienne.

Des êtres humaines qui se nourrissent de la violence, de la haine pour se protéger contre le mépris que leur lance le reste de la société. Délinquants, gangsters, assassins, trafiquants de drogue, de l’extérieur, on les imagine cruels, sans âmes, mais à El-Harrach, ces gens-là se battent chaque jour pour défendre leurs derniers bastions d’humanité.

En prison, certains d’entre eux nourrissent l’espoir de s’éloigner un temps de leurs quartiers, de leurs bandes et de leurs trafics. Peine perdue : ils ne se sont jamais côtoyés d’aussi près. À quoi passent-ils leurs journées ? Surpopulation, promiscuité, manque d’hygiène, la salle de transit d’El-Harrach condense à elle seule tous les maux de la prison algérienne.

Le décor est tout le temps sinistre, lugubre. A l’intérieur de la salle, le long câble qui la relie à la prise sert à faire sécher le linge. Dans un angle, l’évier, recouvert d’une indéfinissable couche brunâtre, jouxte les WC. Dans l’angle, une plaque chauffante introduite par le prévôt part en lambeau sous l’effet de la rouille. Elle est raccordée à la prise de la télé via un montage électrique des plus improbables.

Aucune salle n’est équipée en douche. Pour se laver, le règlement de la prison prévoit une douche par semaine. Mais les douches sont froides avec des champignons sur le sol. Les chauffages sont régulièrement éteints. Les canalisations sont tellement vieilles qu’elles dégagent de mauvaises odeurs. Il y a des trous dans les murs des cellules et des salles, avec de l’humidité et des fils dénudés qui pendent. Les fenêtres sont cassées, le froid rentre. Les rats s’invitent partout. Des cafards pullulent jusque dans les matelas. Toute la nuit on entend le bruit des chats qui miaulent, beaucoup de prisonniers n’arrivent jamais à dormir.

Dans ces conditions difficiles, voire insupportables, des prisonniers laissent éclater leur colère, leurs frustrations. Des bagarres éclatent. Des agressions sont perpétrées. La punition est sans appel : des prisonniers sont enfermés à trois dans une cellule de 9m2. Rien qu’à y penser cela fait frissonner les détenus d’El-Harrach.

Mais c’est les répercussions sur la santé des prisonniers qui font froid dans le dos. La bête noire des détenus s’appelle la punaise de lit. Il y en a partout. Démangeaisons, infections, furoncles sont légion.  La solution : une douche quotidienne, option simple sur le papier mais irréalisable en l’état en raison de la surpopulation. La prison d’El-Harrach abrite plus de 3300 détenus, c’est la population d’une petite ville !

« Au début, on se demande tous  comment c’est encore possible de vivre enfermé dans une prison comme celle-ci. Mais au final, on s’adapte. Les plus costauds survivent. Les plus fragiles sont brisés en deux », confesse Abdellah. Pendant un moment bien court, il demeura songeur et comme plongé dans une pensée infinie ; puis il rougit de laisser voir sa préoccupation, échangea un doux et rapide regard, et me lança : « malgré tout, pour les gens comme moi, cette prison est un environnement rassurant » ! Il me faudra des nuits entières de réflexion pour comprendre le sens de cette lourde pénitence.

**Par Abdou Semmar -18/11/2018 - algeriepart.com-

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Mon arrivée à la prison d’El-Harrach

Le 25 octobre à 17 H 00, j’ai vu défiler toute ma vie devant mes yeux. Avec son visage creusé, ses cheveux lissés en arrière, son regard inquiet comme si quelqu’un allait débarquer d’une minute à l’autre pour l’assommer, Merouane Boudiab paraissait avoir au moins 45 ans alors qu’il est âgé d’à peine 30 ans. A l’intérieur du camion de la gendarmerie nationale qui nous emmenait vers la prison d’El-Harrach, les klaxons, les sirènes hurlantes et les gyrophares bruyants délivraient à nos oreilles un semblant d’hymne à la détresse. 

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En notre for intérieur, nous étions totalement effondrés. Comme si la terre s’est arrêtée de tourner, nos regards restèrent figés sur cette porte grillagée du camion des gendarmes. Nous étions devenus des… prisonniers. Du clavier à la cellule, c’est toute notre vie qui a basculé d’un coup, brutalement, sans que personne ne daigne nous expliquer le pourquoi du comment.

Tristes, accablés ou malheureux, impossible de décrire ces sentiments confus qui nous envahissent tout au long de ce trajet séparant le tribunal de Bir Mourad Raïs de la prison d’El-Harrach. Jusque-là mythique, lieu de tous nos préjugés les plus sombres, Merouane et moi n’avions jamais pensé qu’un jour, nous ferons partie de ces personnes enfermées derrière les remparts fortifiés et coiffés de fils barbelés du bagne d’El-Harrach.

Le camion s’arrête, une série de portes métalliques et de portails s’ouvrent et puis se referment. Voilà, nous sommes arrivés à la prison d’El-Harrach ! Une grosse demi-heure à peine pour passer, pour basculer d’un monde à un autre, peut-être pour des années  ! J’ai vu souvent passer, quand j’étais en liberté, ce fourgon, sans savoir que moi-même un jour j’en serai le passager.

Pendant le transport, nous sommes placés dans un petit compartiment du fourgon des gendarmes, menottés l’un à l’autre. A l’entrée de la prison, un petit costaud trapu, le crâne rasé, portant des tatouages sur les bras, des petits yeux marrons fuyants au milieu d’un visage rond. On dirait un personnage de polars. Il nous lance un regard pétrifiant et esquisse par la suite un sourire malicieux pour nous souhaiter la bienvenue. Il tourne la tête et poursuit sa besogne : balayer à l’entrée de la prison.

Incrusté dans le paysage urbain, la prison d’El-Harrach ne ressemble à aucun autre édifice. Rien d’identique, de similaire ne peut rappeler la froideur de ses bâtiments, la laideur de ses mûrs ou la mélancolie de ses ruelles.

En cette fin d’après-midi du 25 octobre, tout le monde a reconnu à El-Harrach les deux journalistes acheminés vers la prison. Éloignés de la nouvelle vague des détenus, Merouane et moi nous sommes engouffrés dans le bureau d’admission, la première halte avant notre conduite dans les quartiers de détention. C’est la première étape pour perdre définitivement notre liberté, notre indépendance et avant-tout notre identité ! Oui à ce moment-là, il faut commencer à oublier nos prénoms et nos noms : nous sommes devenus des numéros, de simples chiffres alignés sur un bout de papier pour nous noyer dans la masse du bagne d’El-Harrach composée de près de 3300 prisonniers. Abdou : 264 106. Merouane : 264 105.

La mine abattue et le regard confus, nous quittons le bureau d’admission pour rejoindre la première « porte de l’enfer » : le transit, les premières salles vers lesquelles sont dirigés les nouveaux détenus avant de les dispatcher sur les salles des autres quartiers de la prison.

En parcourant les ruelles sinistres de notre nouvelle maison, le bagne d’El-Harrach, nous croisons petit à petit les autres détenus qui nous reconnaissent tous : « Hey les journalistes, les Zhommes, courage ! Nous sommes tous derrière vous, nous sommes tous contre la hogra, contre la Daoula ! »

Ces premiers cris provenant derrière les mûrs lézardés de crevasses des courettes de la prison sonnent dans nos oreilles comme des appels à la résistance. Un véritable cadeau du ciel pour nous remonter le moral.

Les arrivants bénéficient d’une salle à part, à l’extrême droite d’un bâtiment de la prison. Pour ne pas croiser les détenus déjà incarcérés, nous descendons en premier, après avoir longé un long passage extérieur constamment jonché d’immondices : boîtes de conserve, mégots de cigarette et tout le reste…

Nous n’avions rien d’autre sur le corps que les vêtements que nous portons depuis notre garde-à-vue à la brigade de la gendarmerie de Bab Djedid.  Nos vêtements puent la crasse accumulée depuis les geôles des gendarmes.

Il faudra encore patienter deux jours avant de prendre notre ultime douche. En attendant, il fallait rejoindre la cohorte des nouveaux détenus qui paradaient devant le coiffeur. En prison, il est strictement interdit de garder ses cheveux ou de faire pousser sa barbe.

Cranes rasés, les visages rasés, tous les prisonniers doivent avoir une mine identique. La différence, la diversité, ces notions n’ont pas lieu d’être en prison.

Deux couvertures, un verre, une cuillère et une assiette. L’administration pénitentiaire nous fournit enfin notre « kit du prisonnier ». C’est tout ce que nous allons posséder pendant tout notre séjour en prison à El-Harrach. « Attention, la tchoupina (le surnom de l’assiette creuse) est ici plus précieuse qu’un Iphone ! Ne l’égarez pas et ne laissez personne vous la voler. Il n’y en a pas assez pour tous les prisonniers », nous avertit d’emblée un affable gardien. « Moi, je vous kiffe ! Je n’ai jamais raté vos reportages à l’étranger ou vos émissions sur Beur TV. Courage ! », assène-t-il en nous assurant que nous serons bien traités durant ce séjour indéterminé derrière les barreaux.

Au cours de notre promenade pour rejoindre notre « salle de transit », nous rencontrons plusieurs prisonniers. Les uns marchent, d’autres parlent et se répondent… Par delà les murs qui séparent les cours, c’est aussi avec ceux restés en cellule, par les fenêtres, qu’ils communiquent. Pendant que depuis les bâtiments on nous apostrophe, on crie, on appelle, les plus agiles grimpent le long des clôtures, jusqu’à hauteur des barbelés, pour se rapprocher et pouvoir ainsi mieux converser avec ceux d’à-côté. De cours en cours, on s’échange des nouvelles, se passe du tabac et d’autres choses encore  : on se retrouve. L’agilité de ces jeunes monte-en-l’air me fascine…

A la tombée de la nuit, j’avais mal aux pieds. J’essaie de ne pas trop me crisper. Jusqu’à présent, je n’ai pas de problème  : ils me « respectent » à cause de mon travail, de mon statut de « journaliste opprimé et incarcéré pour ses articles et opinions ».

*Par Abdou Semmar – algeriepart.com-14/11/2018 -

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**« Tchoupina et cantina » : les nuits sans étoiles de la prison d’El-Harrach

Il ressemblait étrangement à un vieillard haute taille, droit, sec, nerveux et maigre. Son visage ovale était ridé par des milliers de plis qui formaient des franges arquées au-dessus des pommettes, au-dessus des sourcils, et donnaient à sa figure une ressemblance avec les vieillards. Et pourtant, Habib est âgé d’à peine 35 ans. Il est ce qu’on appelle le « privo », à savoir le prévôt, une profession qui n’existe nulle part ailleurs qu’en prison. 

C’est lui « le chef de la salle », l’homme désigné pour faire respecter l’ordre et la discipline au sein d’une salle de la prison d’El-Harrach. Fidèle collaborateur de l’administration pénitentiaire, il jouit d’une totale autorité au sein de sa salle. Respecté, craint, il bénéficie de nombreux avantages qui lui sont accordés par les responsables du bagne. Des privilèges censés lui permettre de réaliser sa  délicate mission : réussir le vivre-ensemble dans une salle pouvant abriter jusqu’à 120, voire 130 détenus ! Une mission qui relève de l’impossible.

« Vous êtes les deux journalistes ? Vous êtes ensemble ? Venez, voici vos deux lits ! », lance-t-il avec un ton de père autoritaire qui fait mine de protéger ses enfants. « On m’a prévenu de votre arrivée. Nous avons nettoyé la salle. Profitez du calme trompeur avant le grand débarquement. Des dizaines de détenus vont arriver au cours de cette nuit, on ne pourra même plus marcher ». Son avertissement s’apparente à une gifle qui nous réveille de notre torpeur : il faut bel et bien accepter ce cauchemar et s’adapter à la nouvelle réalité de la prison.

Et c’est ainsi que commença notre première nuit à la prison. Dans cette salle de « transit » de la prison d’El-Harrach, vous n’avez pas d’espace à vous, pas de lieu ni de moments où vous êtes seul avec vous-même. La prison est un univers de bruit : portes métalliques qui claquent, télévision allumée en permanence. Des bruits étranges nous parviennent également de l’extérieur, de ces autres salles voisines qui composent le fameux « transit », le lieu premier qui nourrit le choc émotionnel du prisonnier algérien. Le lieu où il faudra se résigner et accepter son sort de « mhabsi ». Dehors, dés la tombée de la nuit, certains détenus deviennent fous, hurlent, tambourinent sur les portes pour appeler les gardiens… « On ne travaille pas en prison, mais on ne s’y repose pas non plus. On en sort épuisé, abruti, longtemps incapable de construire un nouveau projet de vie. Peu de gens vous y aident d’ailleurs. Même condamné à une courte peine, un détenu le reste à vie ». Avec ces premiers mots, Habib essaie clairement de nous inculquer la valeur suprême qui permet au prisonnier algérien de survivre : la patience.

Patienter, patienter car les premières nuits, le sommeil ne vient jamais. La perception elle-même de la nuit disparaît petit à petit car il n’y a pas réellement de nuit en prison. Les lumières sont éternellement allumées, les fenêtres métalliques grillagées nous empêchent d’apercevoir les étoiles du ciel. La sombreur et l’obscurité disparaissent de nos vies et plus rien ne distingue le jour de la nuit.

Seuls les échanges avec les autres prisonniers nous permettent de tuer le temps de ces premières nuits difficiles.  Jusque-là, dans cette grande salle de transit, peu sont ceux qui me questionnent sur les raisons de ma présence ici. Ils ont tous entendu parler de ces journalistes placés en détention et dont les visages défilent à longueur de journée sur les écrans des télévisions. En prison, les mûrs ont des oreilles et toutes les informations se répandent comme une traînée de poudre grâce à cette complicité difficile à décrypter établie entre les gardiens et les prisonniers.

Au fil des heures qui s’égrènent, la salle du transit se remplit petit à petit. Parmi tous ceux que je croise, un seul me paraît différent. Plus mature. Un grand jeune homme tout maigre, au visage triste, barbu de trois jours, la trentaine environ. Il me dit qu’il est là parce qu’il a été arrêté alors qu’il conduisait une voiture sous l’emprise de l’alcool et du cannabis. Il me dit qu’il a un enfant de trois ans et un foyer dont il s’occupe tout seul.

Il me dit enfin qu’il regrette beaucoup  : il a des larmes dans ses yeux. Il désire par-dessus tout sortir au plus tôt. Il doit être jugé en comparution immédiate au tribunal de Bir Mourad Raïs. Tout comme Merouane et moi. Je tente d’oublier un moment mon tourment en écoutant cet homme  : il me console de mon sort, en quelque sorte.

Sommairement aménagé, la salle du « transit » est un lieu trompeur. Quel que soit l’effort fourni pour l’entretien du bâtiment, l’insalubrité règne partout. Dans les cours et dans les salles, on croise des rongeurs de la taille d’un chat. L’image des détenus nourris, logés, blanchis diffusée par la télévision de l’Etat est complètement erronée. Dans le « transit », nous avons croisé de nombreux « repris », des personnes ayant séjourné à plusieurs reprises à la prison d’El-Harrach.

Plusieurs d’entre eux m’ont parlé « des petites bêtes qui rongent » pendant la nuit. Ils m’ont expliqué avoir le corps meurtri par ces piqûres « qui rendent fou », qui démangent à se gratter jusqu’au sang. J’ai pu voir leurs mains boursouflées. Il y a des cafards dans les toilettes.

Deux toilettes que partagent plus de 100 détenus ! Dans ces conditions, Habib et ses acolytes imaginent quelques rares aménagements de « confort » comme un drap tendu pour faire ses besoins à peu près à l’abri du regard des autres. En prison, tout peut s’acheter et se vendre. Il suffit d’avoir de l’argent. A raison de 2500 Da par semaine, les détenus peuvent faire des courses auprès du magasin de la prison. Des petites fiches à remplir sont proposées aux nouveaux prisonniers. Des bouts de papiers où les produits disponibles dans le stock sont soigneusement consignés. Ça s’appelle la « Cantina » ! Le seul luxe que peuvent se permettre les prisonniers d’El-Harrach.

Malheur à ceux qui n’ont pas les moyens de cantiner, c’est-à-dire de s’acheter de quoi améliorer l’ordinaire, gâteaux, cigarettes ou tabac à rouler. Tout est possible quand on en a les moyens. Pour les abandonnés de tous, c’est la course au mégot dans la cour de promenade.

A minuit, la salle est d’ores et déjà totalement remplie par les personnes placées sous mandat de dépôt au niveau des tribunaux de la wilaya d’Alger. La froideur du béton brut les renvoie tout droit vers la sinistrose de leur destinée.

En fin de compte, qui voudrait vivre dans un endroit sans aucune intimité ? Un endroit où il n’y pas de téléphone, où chaque lettre est ouverte et lue par un autre ?

Un endroit où l’on nous dit quand manger, quand dormir, quand se doucher, quand on a le droit d’aller aux toilettes. Des toilettes partagées avec 160 autres personnes.  Un endroit où les fouilles intégrales sont monnaie courante. Où le peu qu’on est autorisé à posséder se retrouve jeté dans tous les sens sans la moindre considération. Tout est répandu au sol. Les vêtement propres et pliés, éparpillés dans la cellule. Des empreintes de bottes sales sur les draps, l’oreiller, sur ce lit où depuis des années on cherche en vain le sommeil. Cette première nuit à la prison d’El-Harrach m’a paru interminable. Terriblement interminable.

**Par Abdou Semmar -14/11/2018 -algeriepart.com-

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