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Malgré la fatigue et le Ramadan :
les manifestants algériens ont gagné une « victoire symbolique » contre les forces de sécurité
**vidéos: Algérie. 13e vendredi. 17 mai 2019
**Manifestations Oran 17 Mai 2019
La fatigue liée au mois de jeûne du Ramadan n’a pas entamé la mobilisation en Algérie contre le gouvernement. Difficile à évaluer en l’absence de comptage officiel, celle-ci semblait à Alger peu ou prou comparable à celles des semaines précédentes.
Des foules nombreuses ont marché également à Oran et Constantine, 2e et 3e villes du pays, mais aussi à Béjaia, Tizi Ouzou et Bouira, dans la région de Kabylie (nord), à Tiaret, Relizane, Mostaganem et Mascara (entre 200 et 300 au sud-ouest d’Alger), à Mila et Jijel (à 285 km et 350 à l’est).
Parvis reconquis
Déployée en nombre depuis le début de la matinée dans la capitale, la police a lutté plusieurs heures pour interdire l’accès au parvis et aux marches de la Grande Poste, lieu de ralliement de la contestation dans la capitale depuis le début du mouvement le 22 février. «Honte à vous policiers», criaient les manifestants, dans une ambiance tendue, marquée par quelques bousculades mais sans heurts sérieux.
Les pulvérisations de gaz lacrymogène n’ont pas suffi à éloigner et dissuader les manifestants et les policiers en tenue anti-émeutes ont finalement dû céder sous la pression croissante d’une foule de plus en plus nombreuse et déterminée à reprendre ce «territoire» symbolique de la contestation, selon un journaliste de l’AFP.
Les policiers ont finalement quitté les lieux sous les sifflets de la foule. La wilaya (préfecture d’Alger) a justifié l’interdiction pour des raisons de sécurité, affirmant qu’une expertise avait révélé des faiblesses structurelles dans l’escalier du parvis.
Une dizaine de personnes ont été secourues par des volontaires, la plupart victimes de malaises dus à la chaleur et au jeûne, selon un photographe de l’AFP. Des barrages filtrants ont par ailleurs été installés dès la matinée par les forces de l’ordre sur certains axes routiers menant à Alger, a raconté à l’AFP Ali, commerçant venu de Bordj Menael, à 60 km à l’est de la capitale. * algeriepart.com- vendredi 17 mai 2019
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*Le peuple Algérien classé parmi les 100 personnalités les plus influentes d’Afrique
**Le peuple Algérien a été classé parmi les 100 Africains les plus influents, une chose qui sort de l’ordinaire, « dans le classement des 100 Africains les plus influents de l’année, on a choisi non pas une personnalité algérienne en particulier mais le peuple algérien . *Du bébé qui manifeste dans sa poussette avec ses parents au vieillard qui marche avec sa canne en passant par les étudiants, les avocats ou encore les chômeurs, cette révolution est celle du peuple algérien dans toutes ses diversités sociales, culturelles et identitaires. On disait les hommes et les femmes d’Algérie rétifs au changement, traumatisés par les séquelles de la guerre civile ou trop dociles pour se révolter. Ils se sont montrés comme ils l’ont toujours été : rebelles, joyeux et drôles.*Press here: L’Algérie vue par les uns et les autres
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ENJEUX DE LA PÉRIODE TRANSITIONNELLE : LE PEUPLE, LA DÉMOCRATIE ET LA CONSTITUTION
Instruments démocratiques pour une transition constituante
Après près de trois mois de son éclosion, l’insurrection citoyenne du 22 février se heurte désormais à la séquence cruciale, à fort enjeu décisif, de l’élaboration du contenu de l’Algérie nouvelle.
L’heure est à la transformation du slogan — rejet “Système dégage !’’ en projet émancipateur. Construire la démocratie par le droit, pour sauver le destin des libertés qui se joue présentement sous les yeux du monde. Dès lors, place au droit – régulateur du fait révolutionnaire. À la fixation des formes et conception du fond. Phase d’incertitudes, de possibles égarements labyrinthiques, tout autant un instant magique propice aux doutes, aux questionnements politiques, identitaires, la transition ne peut s’accomplir sans ingénierie. Sans les mécanismes et outils qu’offre le droit.
Le décodage du message de la Révolution en marche révèle que les ruptures induites nécessitent des précautions, un processus constituant, des acteurs et des organes. Outre un moment. Celui des fécondations. Des constructions. Le temps de la refondation de l’Etat.
Mécanismes de la transition : garants de la volonté populaire
1. Les organes/acteurs
Il va de soi que la mobilisation, joyeuse et massive, poumon du mouvement, doit rester intacte durant le sas transitionnel.
Ici et là, des débats participatifs, agoras citoyens, ces espaces que le peuple se réapproprie, un substrat consensuel peut s’inférer. Élan de sagesse conforme à l’État de droit, l’armée s’honorerait d’accompagner le peuple dans sa conquête en cours. La transition démocratique ne saurait s’accorder plus de temps. Le temps presse.
Quid des instances ? Il en faudra un exécutif bicéphale : comité collégial à la tête de l’Etat, gouvernement resserré. Un semi-pouvoir législatif : conseil de suivi de la Révolution, vigile de la transition, composé de membres issus de la société civile. En somme, les forces vives de la nation, largement engagées dans l’insurrection populaire.
À l’évidence, en prévision des élections post-transition, l’ensemble institutionnel s’accompagne de la création d’un organe indépendant d’organisation des joutes électorales — attribut démocratique cardinal.
2. Un texte fondateur, base de la Constitution de l’État démocratique
On ne saurait se méprendre sur la gravité de la situation. On est bien face à une phase historique qui implique la reconstruction de l’État, du destin commun et du vivre-ensemble. Pour ce faire, il est impérieux de prévoir ce qui va advenir. Préfigurer ce à quoi va déboucher la période de crise – à la fois transitionnelle et institutionnellement créatrice. C’est d’un processus de complétude dont il s’agit, au sens où l’essentiel doit être prévu. De façon à sécuriser le parcours menant à l’édification inédite de la collectivité et des droits, proclamée par la nouvelle Constitution.
Plus largement, c’est bien la question de l’instauration de la démocratie républicaine. Laquelle pose la question du droit constitutionnel transitionnel et, en filigrane, le processus constituant.
Il appartient alors au peuple souverain de se prémunir contre les fausses routes. Les faux départs. Qui plus est, les transitions sont souvent marquées par des antagonismes abyssaux, des menaces de déviation nées d’un impossible compromis, de l’instrumentalisation par les acteurs des normes juridiques résiduelles de l’ancien régime.
Dans ces conditions, il est plus qu’impératif de se doter d’un acte fondamental, inaliénable, de transition, servant d’instrument constitutionnel. Un support de base devant mettre l’insurrection sur les rails de l’Histoire jusqu’à l’écriture de la Constitution et la première élection présidentielle. Norme suprême de référence pour accompagner la sortie de crise : garantir une cohérence minimale.
À chaque Révolution sa charte, ses référents historiques. Tel est le cas pour la Révolution française à travers la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Ici, c’est le Tiers État qui s’est transformé en Assemblée constituante. Mettant fin de facto à l’ancien régime, la grande Déclaration a ainsi défini les principes essentiels du nouvel ordre juridique : “Des principes simples et incontestables tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous.’’
C’est le cas aussi en Espagne. La transition de 1975- 1982 s’est appuyée sur la Charte constitutionnelle de 1978. Aussi recèle-t-elle des vertus en termes de réconciliation des communautés nationales, à l’instar de l’Afrique du Sud.
La transition sud-africaine, modèle en ingénierie transitionnelle, de par la Constitution intérimaire par l’entremise de laquelle les jalons de la démocratie ont essaimé. Une sorte d’acte juridique relais, passerelle entre l’apartheid et la démocratie, consacrée par la Constitution de 1996.
En Tunisie, le décret-loi n° 2011-14 du 23 mars 2011 est le texte de base de la transition, tant il définit le cadre juridico-politique général. Signant une nette rupture avec le régime Ben Ali, cet acte a marqué juridiquement la Révolution par l’anéantissement des institutions de l’ancien régime : la Chambre des députés, la Chambre des conseillers, le Conseil constitutionnel… Quels postulats principiels de la Charte historique algérienne qui sera édictée par le Conseil de suivi de la Révolution — sous forme de loi constitutionnelle de transition ? Les acteurs politiques les plus en vue y renvoient : l’inscription de la République dans une perspective tout à la fois historique (attachement à la plate-forme de la Soummam, à l’identité millénaire, aux racines amazighes, affirmer la co-officialité linguistique réelle et effective…). Et universelle : par la consécration des standards démocratiques de l’État apaisé. Un État réformé, régionalisé, civil, laïque ; l’indépendance de la justice ; les droits et libertés fondamentaux ; le principe de l’alternance au pouvoir, la séparation des pouvoirs et consécration des contre-pouvoirs ; l’égalité homme-femme… En un mot l’ossature, le socle essentiel de l’Algérie renouvelée, de la nation réconciliée. Qui plus est, inaliénable, cette base se prolonge dans la Constitution définitive : norme intangible à l’abri de toute révision, préfigurant et transcendant la Loi fondamentale à écrire : son âme. Son embryon.
Il en reste pas moins que les constitutions sont jugées à l’épreuve des faits. Leurs difficultés résultent moins du texte lui-même que de la manière dont il est décliné et appliqué. D’où la nécessité d’un organe indépendant qui aura pour mission de veiller sur la Charte de transition et de la Constitution définitive : la Cour constitutionnelle.
3. Une Cour constitutionnelle gardienne de la transition
La Commission de Venise (Commission européenne pour la démocratie par le droit), organe consultatif du Conseil de l’Europe, composé d’experts indépendants en droit constitutionnel, fait des cours constitutionnelles un acteur majeur des transitions démocratiques.
Par ses décisions et avis, cette juridiction participe à la régulation de la crise, à la sauvegarde des droits fondamentaux et la conformité du processus de transition à la Charte qui le fixe. En même temps, son contrôle fait éviter un retour fatal à l’ordre antérieur.
Elle est pour ainsi dire la gardienne de la période intérimaire.
À cet égard, la transition sud-africaine offre une illustration exemplaire : la
Constitution intérimaire et la Cour constitutionnelle ont servi d’instruments juridiques novateurs (voir notre contribution “Pour une pré-Constitution transitionnelle et une Cour constitutionnelle de contrôle’’, publiée au quotidien Liberté du 16/04/2019).
Investie d’une telle mission historique, la haute juridiction doit avoir les capacités suffisantes en termes d’autonomie, dotées de pouvoirs propres, assortis de sanctions en cas de renonciation aux principes démocratiques.
Un droit est réellement effectif si et seulement si une juridiction sanctionne les atteintes qui lui sont portées.
Par-delà sa composition, jouir d’une autonomie insoupçonnable, valeur intrinsèque, de nature à résister aux pressions, nombreuses. S’opposer aux dénaturations de l’esprit du texte intérimaire et la Constitution adoptée dont elle aura, in fine, la protection.
4. Un comité constitutionnel
À l’installation du conseil de la transition, la première tâche imminente consécutivement à l’élaboration de la charte historique est la mise sur pied d’un comité technique, où siégeront des juristes et constitutionnalistes qui s’attellera à l’avant-projet de la nouvelle Constitution. Le cadre s’en trouve préalablement posé : fixé et esquissé par l’acte intangible de transition.
Contenu du pacte historique de transition
Il y a d’abord les formes. Les modalités d’élaboration de la Constitution que préfigurera cette pré-Constitution. Efficace par son mode opératoire, la mouture constitutionnelle est de la sorte confiée au comité d’experts, avant son adoption par le Conseil de suivi de la transition, puis le gouvernement intérimaire, et, approbation souveraine, le peuple via le référendum. S’agissant du fond, les deux composantes majeures qui définissent la transition, c’est, d’une part, la dynamique citoyenne – les rapports de force pouvoir-peuple.
D’autre part, la dimension mémorielle inhérente aux bouleversements du passé, aux repères symboliques : la Révolution libératrice de 1954 inachevée, les luttes démocratiques écrasées, l’histoire falsifiée, l’identité confisquée, l’économie délabrée, le lien social abîmé, la Kabyle locomotive de l’idéal républicain agressée et vouée cycliquement aux gémonies…
Au fond, à tous égards, la transition constitue une tentative de réponse aux tourments qui interpellent le sens de l’Histoire, aux combats prohibés qui l’ont fait émerger : le congrès de la Soummam, le soulèvement de 1963, Avril 980, Octobre 1988, le Printemps noir, les évènements de T’kout, et toutes les luttes sociétales… Opération juridique et politiques, ce processus de mutation totale renvoie de surcroît à la question, lancinante, des représentations collectives, oubliées sous l’ordre antérieur, enclines à s’affirmer durant la formation du nouveau. D’où la nécessaire articulation renouvelée du destin collectif. Dont la substance est forgée par les préceptes démocratiques, la tolérance et un esprit d’apaisement national.
Peuple souverain, pouvoir constituant
“Quelle est la meilleure Constitution ?”, demandaient les Grecs à Salomon ; celui-ci leur répondit : “Dites-moi, d’abord, pour quel peuple et à quelle époque.”
Quel peuple ? L’Algérien dépossédé de sa victoire en 1962. La période est celle des renaissances et des éclosions fabuleuses. Tous les pouvoirs, y compris l’institution militaire, émanent d’un pouvoir supérieur et unique : celui du peuple. C’est ainsi que Sieyès théorise la notion de constituant : “Une constitution suppose, avant tout, un pouvoir constituant.”
Cela dit, pour que l’État nouveau adopte les habits démocratiques, il est indéniable de mettre en œuvre les instruments corollaires de l’État de droit.
En soi garantir la symétrie entre le sens du texte constitutionnel et le réel. En cela le césarisme aux commandes depuis l’indépendance, défini comme façade esthétiquement démocratique et une réalité autoritaire, doit laisser place à la démocratie citoyenne, sociale et participative. S’y greffe l’impérieux droit de sanction des représentants, clé de voûte des contre-pouvoirs.
**Mohammed KEBIR
(*) Avocat – Chargé d’enseignements, France,
diplômé en droit public et en théorie du droit
**publié dans Liberté – lundi 20 mai 2019
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étudiants : une assurance pour la révolution
Hier, les étudiants se sont réapproprié leur journée. Par l’ampleur de leurs manifestations et par la détermination dont ils ont fait preuve, ils ont redonné à cette date du 19 Mai son sens plein, celui de l’engagement de la jeunesse instruite pour la réalisation des aspirations de son peuple.
Les autorités ne se sont pas trompées sur l’importance de cette implication de l’Université dans le mouvement révolutionnaire qui traverse le pays. À Alger, elles ont littéralement mis le centre-ville sous état de siège, essayant ainsi de réduire l’ampleur de la manifestation. D’infranchissables murs de fourgons et de policiers cuirassés et bouclier en main ont été dressés autour des lieux de rassemblement symboliques et sur les voies menant vers les édifices institutionnels comme l’Assemblée nationale.
Le déploiement de moyens n’a cependant pas empêché les vagues d’étudiants, mobiles, de marquer l’historique journée par une démonstration de leur présence résolue dans le mouvement populaire pour une nouvelle Algérie.
En fait, depuis le 26 février, premier mardi du mouvement, l’action des étudiants n’a pas cessé de nous surprendre par son affluence comme par sa qualité. Après l’avènement du soulèvement populaire national, aussi déterminé que pacifique, voici donc un autre miracle qui reste à expliquer : comment, après des décennies d’abandon, notre université policée, sous-financée, sous-équipée et au personnel déprécié, peut-elle encore renfermer une jeunesse d’une telle lucidité et d’une telle générosité patriotique ?
Avec une administration plus encline à contrôler le profil politique du personnel pédagogique qu’à organiser son développement et plus portée à surveiller le débat qu’à promouvoir l’échange d’idées, on ne peut que s’ébahir de la vivacité intellectuelle de ces étudiants. Avec une école qui la pourvoit en bacheliers dressés à l’apprentissage pavlovien par des enseignants eux-mêmes sous-formés, c’est un vrai mystère que notre université abrite finalement une communauté d’étudiants à ce point en prise avec la réalité de leur pays et conscients des enjeux de leur époque ! C’est l’échec du plan de médiocrisation de nos élites !
Cette université, le régime n’y voyait qu’un terrain de chasse pour chair à canon politique que chaque parti voulait “encadrer” en finançant, à travers la prolifération d’“unions”, des clientèles qui se sont, heureusement, avérées d’une influence marginale. Il y voyait aussi un circuit de détournement de la rente à travers l’allocation des budgets des équipements et œuvres universitaires à des membres de la pègre.
On ne peut que se réjouir de constater que le régime a… échoué dans son intention de faire de l’Université un lieu de contrôle de la pensée, de dressage normatif des générations et de détournement de la rente.
On ne peut que se réjouir de cet échec à faire échouer l’Université, du moins dans sa fonction de centre de production intellectuelle et de terrain d’apprentissage de l’engagement. Car, et cela est salutaire pour l’étape historique actuelle, une entreprise de changement politique de l’envergure de celle qui est en cours ne pourrait résister aux inévitables assauts contre-révolutionnaires sans l’arme des idées, le sens de l’organisation et la disponibilité à l’endurance, qu’on retrouve, presque naturellement, dans les mouvements universitaires.
Comme nous l’écrivions, il y a quelques jours, quand les étudiants marchent, tout marche. * par Mustapha Hammouche - Liberté – lundi 20 mai 2019
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élection présidentielle : vers une annulation de fait
à quatre jours de la clôture des délais réglementaires pour le dépôt des dossiers de candidature pour l’élection présidentielle projetée pour le 4 juillet, aucun dossier de candidature n’a été encore déposé. Et rien n’indique que d’ici à vendredi cela sera fait.
Alors que le Conseil constitutionnel a fixé le jeudi 23 comme dernier délai pour le dépôt des dossiers de candidature (conformément à l’article 140 du code électoral), les deux candidats “sérieux” qui postulent à cette élection ne savent toujours pas s’ils vont candidater ou pas. Contacté par téléphone, Belkacem Sahli, secrétaire général de l’ANR, avoue que la question n’est pas tranchée. “Nous sommes toujours au stade de la collecte des signatures. Nous avons opté pour les parrainages d’élus faute de temps”, a-t-il indiqué. Selon lui, le compte sera définitif vers mercredi. Son parti, aidé par d’autres formations politiques regroupées dans le groupe des 15 des organisations qui soutenaient Abdelaziz Bouteflika, “va récolter les 600” signatures d’élus, nécessaires à valider une candidature à l’élection présidentielle.
Pourtant et malgré cette situation, le secrétaire général de l’ANR n’est pas certain de vouloir aller jusqu’au bout de sa démarche. “La décision de participer ou pas dépend de la réunion, mercredi, du conseil national. Mais je rappelle que lorsque nous avons retiré les formulaires, j’avais dit que notre participation était soumise à plusieurs conditions, à savoir l’adhésion populaire, la démission de Noureddine Bedoui, celle du président illégitime de l’APN, la mise en place d’une commission de préparation des élections et la révision de certains articles du code électoral”, a-t-il rappelé. Jusqu’à présent, aucune de ces conditions n’est satisfaite. Belkacem Sahli va-t-il donc renoncer à se porter candidat ? Tout porte à le croire, même si la décision définitive n’est toujours pas annoncée.
L’autre concurrent, qui ne trouve pas de difficulté particulière à récolter les parrainages nécessaires, est Abdelaziz Belaïd. Son parti, le Front El-Moustakbal, dispose de suffisamment d’élus pour franchir ce cap constitutionnel pour pouvoir briguer la magistrature suprême. Pourtant, ni le candidat ni son entourage ne savent s’ils déposeront le dossier de candidature ce jeudi. Contacté par téléphone, Abdelaziz Belaïd avoue “ne pas être au courant” de l’avancée de son dossier. Il était “avec les malades” dans sa clinique, située sur les hauteurs d’Alger. Son entourage n’en savait pas plus. À quelques jours de la date limite du dépôt des dossiers de candidature, personne ne sait si celui qui veut capter “la majorité silencieuse” sera candidat à l’élection présidentielle.
Rejet unanime de la classe politique et des Algériens
Cette incertitude des rares candidats connus qui ont osé retirer les formulaires de candidature s’ajoute au rejet quasi unanime de la classe politique. Des figures du mouvement populaire jusqu’aux principaux dirigeants des formations politiques de l’opposition, tout le monde dénonce “l’entêtement du pouvoir à organiser l’élection présidentielle le 4 juillet”, comme l’ont dit le RCD et le FFS. L’ancien ministre de la Communication, Abdelaziz Rahabi, qui vient de joindre sa voix à ceux qui veulent négocier directement avec l’armée, pense que le scrutin du 4 juillet prochain n’a plus de sens. Il a rappelé, dans une déclaration hier à la radio nationale, que cette échéance “est rejetée par le peuple”, estimant que “son agenda politique ne s’impose pas et un problème d’ordre juridique et politique se pose pour son organisation, d’où l’impossibilité de sa tenue dans la conjoncture actuelle, faute de quoi elle sera une présidentielle sans peuple”. L’ancien président du RCD, Saïd Sadi, a lui aussi mis en garde contre la tenue d’une élection présidentielle dans les conditions actuelles. “Les cercles occultes, qui ne disparaîtront pas du jour au lendemain, peuvent activer (des) prérogatives exorbitantes (que détiendrait un président élu dans les conditions actuelles, ndlr) pour faire pression sur le futur président en vue d’avoir la main sur une gestion autoritaire et hors de contrôle. Dans tous les cas de figure, la présidentielle, organisée dans ces conditions, conduira inévitablement à un détournement, voire un reniement de la révolution avec les conséquences délétères que peut engendrer un tel dépit dans le pays et sur toute la région nord-africaine”, a-t-il écrit dans une nouvelle tribune rendue publique hier. Ces données confirment que, sauf miracle, l’élection présidentielle projetée pour le 4 juillet n’aura pas lieu. En plus de l’impossibilité d’organiser le scrutin et de l’absence de concurrents, le rejet des Algériens d’une élection organisée par le système Bouteflika est un handicap majeur face à l’entêtement du pouvoir d’aller coûte que coûte vers cette échéance.
La préoccupation de l’heure est ailleurs. De plus en plus éloignée de la présidentielle. Des propositions de solutions politiques de sortie de la crise sont émises, elles vont toutes dans le sens du dépassement de l’échéance constitutionnelle du 4 juillet prochain. Et comme il fallait un indice “officiel” annonçant qu’on se dirige vers l’annulation de l’élection présidentielle, le “message” adressé hier par Abdelkader Bensalah aux étudiants ne mentionne aucune référence à l’élection présidentielle du 4 juillet. Il s’est contenté d’évoquer “une étape” dans laquelle les Algériens “pourront choisir librement leurs dirigeants”. -Par Ali Boukhlef- Liberté – lundi 20 mai 2019
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Les Algériens refusent la transition prônée par l’armée et exigent un changement radical
Les manifestants dénoncent également les pressions sur les militants de la démocratie en Algérie. Un rassemblement devant l’ambassade d’Algérie à Paris est prévu le 24 mai.
Les drapeaux algériens ont flotté hier encore haut dans le ciel, place de la République à Paris. Malgré le mauvais temps, les Algériens de la région parisienne ont été très nombreux. Des manifestants sont venus avec leurs propres pancartes. Certains ont griffonné sur des bouts de carton des slogans hostiles au régime. “Nous sommes le pouvoir. Dégage Gaïd. À bas la dictature”, pouvait-on lire sur une affiche brandie par un jeune de la diaspora qui veut en découdre avec les militaires.
“Nous refusons le coup de force de l’armée. L’Algérie n’est pas l’Égypte”, nous a-t-il dit la mine déterminée. Étudiant à Paris depuis quelques années, notre interlocuteur pense que la poursuite de la mobilisation populaire est l’unique moyen de sauver la transition démocratique en Algérie. “Nous ne devons pas céder”, a-t-il préconisé.
Plusieurs associations de l’émigration algérienne en France ont pris part au rassemblement d’hier. L’Union des étudiants algériens de France (UEAF) a mobilisé de nombreux étudiants qui ont participé à l’animation de plusieurs discussions. “Nous nous inspirons de ce que font les étudiants en Algérie. Ils n’ont pas peur de braver le danger et ils continuent à défiler pour changer le pays. Ils sont admirables”, souligne Ali, inscrit depuis deux ans à la Sorbonne.
Mourad, son ami, assure qu’en France aussi, les Algériens ne comptent pas battre en retraite. “Nous serons là chaque dimanche jusqu’à ce que le régime tombe”, promet-il avant de rejoindre un groupe qui chante pour une Algérie libre et démocratique.
En milieu d’après-midi, la pluie a commencé à tomber sur la place de la République encore noire de monde. Sous leurs parapluies, les manifestants ont continué à chanter. “Dites à Gaïd que je ne voterai pour personne le 4 juillet prochain”, a fredonné une dame en détournant un air musical connu.
Outre le rassemblement dominical sur la place de la République, le collectif Libérons l’Algérie va organiser le 24 mai prochain un sit-in devant le siège de l’ambassade d’Algérie à Paris. “Il nous faut saisir toutes les opportunités pour dénoncer le pouvoir militaire qui est en train de se mettre en place”, souligne un représentant du collectif.
Dans un communiqué, le collectif Libérons l’Algérie dénonce le désir du pouvoir actuel d’asphyxier la contestation populaire. “Le pouvoir multiplie les diversions, use de l’intox pour semer la division et emploie des manigances pour tenter d’impliquer le peuple dans une lutte de clans spectaculaire dans la forme, mais futile dans le fond”, remarque le Collectif, qui dénonce, en outre, les arrestations des militants politiques opérées ces derniers temps.*Par Samia Lokmane Khelil - Liberté – lundi 20 mai 2019
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Le régime ou l’art de produire l’échec
L’élection présidentielle du 4 juillet est sérieusement compromise. Elle ne peut, objectivement, se tenir. Ni les préparatifs y afférents n’ont été exécutés ni les conditions politiques pour son déroulement ne sont réunies. Le fichier électoral n’a connu qu’une révision sommaire, tant est que l’opération n’a pu être effectuée dans de nombreuses communes du pays du fait de la défection volontaire et politiquement assumée des exécutifs locaux et des personnels administratifs. Le rejet par le mouvement populaire du 22 février de la transition dans le cadre de la feuille de route du régime condamne à l’échec le processus électoral engagé.
Le ministère de l’Intérieur n’ignore pas cette réalité, quand bien même il ferait mine, comme c’est le cas au demeurant, de se réjouir de la déclaration de quelque 74 intentions de candidature au scrutin présidentiel. À vrai dire, cette arithmétique, addition de noms anonymes qui ont retiré le formulaire de souscription, ne signifie rien.
De plus, elle ne servirait à rien, sauf, peut-être, à consoler un tant soit peu Salah Eddine Dahmoune. Depuis la convocation du corps électoral jusqu’à aujourd’hui, soit à quatre jours de la clôture de l’opération de dépôt des dossiers de candidature auprès du Conseil constitutionnel, le 23 mai, on n’a ni vu ni entendu se dérouler la campagne de recueil des parrainages. Étant impensable qu’elle se soit faite de manière clandestine, on peut affirmer, sans risque d’essuyer un démenti, que celle-ci n’a tout simplement pas eu lieu.
Cela est valable pour au moins 72 d’entre les 74 personnes qui ont déposé une lettre d’intention au ministère de l’Intérieur, les 2 autres, chefs de partis disposant de représentants au niveau des assemblées élues, ont la possibilité de se suffire des 600 signatures d’élus. L’élection présidentielle ne satisferait donc pas à la condition de pluralité à même de la crédibiliser ni ne bénéficie d’une conjoncture politique qui favoriserait son bon déroulement. à moins de pousser davantage le pays dans l’impasse, le régime n’a d’autre choix que de mettre de côté sa feuille de route et d’entrevoir, mais surtout d’accepter une solution hors du cadre constitutionnel. Une solution forcément politique, qui tiendrait compte de la demande du peuple, notamment une transition sans des figures du système. On peut y aller vite, tant est que le départ de Bensalah et du gouvernement Bedoui, avant la fin de l’intérim du chef de l’État, est politiquement recommandé, dès lors qu’ils n’auraient pas réussi à honorer leur mission : organiser l’élection présidentielle.* par Sofiane Aït Iflis - Liberté – lundi 20 mai 2019
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D’El jusqu’à Biskra :-
des millions d’Algériens ont marché sous un soleil de plomb pour « un changement radical du régime »
Des marches ont été organisées dans des wilayas du centre du pays pour le 13e vendredi consécutif. Les participants ont réitéré les revendications exprimées depuis le 22 février dernier : « changement radical du système de gouvernance », « départ de tous les symboles du régime » et « mise en place d’une période de transition » menée par des personnalités crédibles non impliquées dans des affaires de corruption.
A l’instar des précédents vendredis, dans les grandes villes, beaucoup de manifestants étaient accompagnés de leurs familles parmi lesquelles la présence des enfants a été constatée dans une ambiance conviviale.
A Tizi-Ouzou, Boumerdès, Béjaïa, Bouira, Chlef, Ain defla et Médéa, les manifestants, ont exprimé leur rejet des élections du 4 juillet prochain.
A Béjaïa les manifestants ont marché sous le rythme de chansons patriotiques dont « Min ajlik îchna ya watani », comme à Djelfa et Tipasa.
Dans la wilaya de Blida des dizaines de citoyens ont observé un rassemblement à la « Place de la liberté, réaffirmant détermination à poursuivre la mobilisation pacifique jusqu’à l’ »édification d’un Etat de droit géré par des personnalités crédibles jouissant de la confiance du peuple ».
Scènes similaires dans les wilayas de l’Est du pays où des milliers de manifestants ont marché avec comme principal mot d’ordre: « rejet des élections présidentielles prévues le 4 juillet prochain ».
A Constantine, en dépit d’une légère baisse du nombre des manifestants, comparativement aux rassemblements précédents, des centaines de manifestants ont marché, sous un soleil de plomb, depuis l’avenue Belouizdad vers Abane Ramdane avant de se rassembler devant le Palais de la culture, Mohamed Laid Al Khalifa, scandant: « Non aux élections ».
A Batna, des milliers de citoyens ont également défilé tout au long de la rue de Biskra, en passant par la maison de la culture pour se rendre à la place de la Liberté entonnant des chants patriotiques et scandant des slogans appelant à la préservation de la Nation ainsi qu’au départ des « trois B » (Bensalah, Bedoui, Bouchareb).
Dans les villes des wilayas d’Oum El Bouaghi, Guelma, Mila, Souk Ahras, Skikda et Khenchela des citoyens ont également marché pour une « Algérie nouvelle ».
Le mouvement populaire « Hirak » a suscité une mobilisation importante à l’Ouest du pays.
A Oran, des dizaines de milliers de citoyens, avec une présence notable de femmes, se sont rassemblés devant le siège de la wilaya, en provenance de différents communes de la wilaya. Ils ont scandé en empruntant les principales artères de la ville, des slogans revendiquant notamment le départ des « symboles du régime » et « la poursuite de la lutte contre la corruption ».
« Silmya ! silmya », « Pour le jugement des corrompus » et « Jeich chaab, khawa khawa », pouvait-on également lire sur les banderoles brandies à l’occasion.
A Mostaganem, Tiaret, Sidi Bel-Abbes, Relizane, Ain Temouchent, Tissemsilt, Saida et El Bayadh, les marches se sont poursuivis avec la même ferveur et les mêmes revendications.
Au Sud, les manifestations populaires de ce vendredi sont se tiendront, pour certaines wilayas, en fin d’après-midi et pour d’autres en soirée, après les prières des Tarawih, en raison des chaleurs qui sévissent dans la région.
*algeriepart.com- vendredi 17 mai 2019
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lettre ouverte d’Abdennour Ali Yahia, Ahmed Taleb Ibrahimi et Rachid Benyelles au commandement de l’ANP
Le 22 février 2019, des millions d’Algériens, toutes classes sociales et tous âges confondus, sont sortis dans les rues des 48 wilayas du pays pour manifester pacifiquement, crier leur colère et refuser l’humiliation qu’un pouvoir arrogant et sûr de lui, voulait encore leur faire subir en annonçant la candidature pour un cinquième mandat, d’un homme qui vit à l’état végétatif depuis cinq ans.
Par leur caractère massif et pacifique, les manifestations grandioses de ces 13 dernières semaines ont forcé l’admiration du monde entier et nous ont rendu notre dignité trop longtemps bafouée, comme elles nous ont permis de recouvrer notre fierté d’appartenir à une grande nation.
Elles auront également fortement contribué à renforcer l’unité nationale et la volonté du vivre ensemble, quelles que soient nos différences politiques, et nos sensibilités culturelles ou doctrinaires. Après avoir obtenu la démission forcée du président candidat moribond, les manifestants dont le nombre a atteint des sommets historiques, exigent maintenant l’instauration d’un Etat de droit et d’une véritable démocratie, en passant préalablement par une période de transition de courte durée, conduite par des hommes et des femmes n’ayant jamais appartenu au système profondément corrompu des vingt dernières années.
Cette période est nécessaire pour mettre en place les mécanismes et dispositions permettant au peuple souverain d’exprimer librement et démocratiquement son choix à travers les urnes, – un processus qui va dans le sens de l’histoire, et que rien, ni personne ne saurait arrêter. Porteuse de graves dangers dans une situation régionale tendue, la situation de blocage à laquelle nous assistons par le maintien de la date du 4 juillet ne pourra que retarder l’avènement inéluctable d’une nouvelle République. Car comment peut-on imaginer des élections libres et honnêtes alors qu’elles sont d’ores et déjà rejetées par l’immense majorité de la population parce qu’organisées par des institutions encore aux mains de forces disqualifiées, opposées à tout changement salutaire ?
C’est pourquoi, nous, signataires de la déclaration du 7 octobre 2017 ainsi que du présent appel, demandons instamment au commandement de l’ANP d’ouvrir un dialogue franc et honnête avec les représentants du Hirak , des partis et des forces politiques et sociales qui le soutiennent, afin de trouver au plus vite, une solution politique consensuelle en mesure de répondre aux aspirations populaires légitimes qui s’expriment quotidiennement depuis bientôt trois mois ».
Par Abdennour Ali Yahia, Ahmed Taleb Ibrahimi et Rachid Benyelles, Alger le 18 mai 2019
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Mois de ramadhan : Pas de trêve pour la mobilisation citoyenne
Le mouvement populaire ne devrait pas s’essouffler durant le mois de Ramadhan. Des actions sont d’ores et déjà programmées par les collectifs d’étudiants, des syndicats, d’associations… pour maintenir la mobilisation.
Quel modus operandi suivre : mobilisation le jour, après le f’tour, à quelques heures du s’hour, des marches ou juste des sit-in ?
Très impliqué dans le hirak, Toufik Amrani estime que la contestation doit se poursuive le jour. «Makach chourba, makach lham lahlou, hata tarahlou» (Pas de chorba, pas de viande sucrée, jusqu’à votre départ), ont scandé des étudiants sortis, dimanche, à Alger. Aujourd’hui, le grand test concernera justement leurs camarades qui ont, depuis le début de la révolte, occupé la rue à travers le territoire national.
Leur seul mot d’ordre : maintenir les actions de rue en soutien au mouvement populaire. «Il y aura un sit-in demain (aujourd’hui) à la Grande-Poste au lieu de la marche de 10h à 12h30», précise Melissa Guahlouz, membre du comité représentatif de l’École polytechnique d’Alger.
Les étudiants de la faculté centrale Benyoucef Benkhedda comptent faire de même. «Il y a un appel à un sit-in devant la Grande-Poste de 10h à 12h. La décision a été validée par le collectif», relève Samy Ikbaoui, coordinateur du mouvement étudiant à la fac centrale. Les étudiants des différentes grandes écoles comptent s’impliquer davantage durant le mois de jeûne.
En plus de l’action désormais traditionnelle du mardi, ils lancent un appel à dons pour «maintenir la mobilisation» les autres jours de la semaine.
Un collectif de représentants des différents pôles ambitionne, en effet, d’organiser «des iftars collectifs les jours des manifestations, et une journée sur trois le reste de la semaine au niveau des écoles et universités faisant partie du pôle», précise un communiqué rendu public par le collectif, jeudi 2 mai. Un souci majeur : difficulté pour les initiateurs de mener à bien l’opération.
Marches nocturnes ?
«C’est pourquoi, nous nous adressons à vous et comptons sur votre générosité pour nous soutenir dans la réalisation de ce projet à destination des étudiants résidents, mobilisés pour une Algérie meilleure.
Des dons alimentaires, ou bien une participation financière ou matérielle, nous aideraient à concrétiser cette initiative», suggère le collectif représentant le pôle des étudiants (une liste des écoles concernées et les numéros de téléphone des initiateurs est mise en bas du texte disponible sur Facebook).
Au-delà du monde estudiantin, la mobilisation devrait rester aussi intacte, particulièrement dans les villes intérieures du pays. «Les étudiants, mais aussi des personnalités politiques optent pour des actions de rue, le jour et non pas la nuit.
Le risque est grand pour les marcheurs avec une action en soirée», signale l’initiateur du groupe des gilets orange, qui s’est donné pour mission de «protéger les marcheurs». «Les non-jeûneurs se mobiliseront le jour, les jeûneurs le soir après le f’tour, le reste après tarawi7. Mais plus sérieusement, je pense que la mobilisation se fera sentir dans les villes de l’intérieur plus qu’à Alger.
D’ailleurs, la capitale pourrait éventuellement souffrir un petit moment du manque de mobilisation. C’est aussi le meilleur moment pour que les organisations démontrent leur capacité à mobiliser.
Le souci étant que le hirak n’a ni leader ni organisation, du moins rien d’officiel. Les syndicats, corporations doivent montrer l’exemple et maintenir le rythme. Les étudiants sont eux aussi un moteur puissant du hirak.
Comptent-ils maintenir le mardi, ou vont-ils passer en mode sahra (soirée) ? Une chose est certaine, ce Ramadhan ne ressemblera pas aux précédents ni de jour ni de nuit», signale Chawki Amine Smati, journaliste de la télévision, hirakien invétéré.
Sahra politique
Des personnalités autonomes estiment que la crainte d’un reflux de la mobilisation est injustifiée. «Je pense que la mobilisation sera la même pour la journée du vendredi, car le Ramadhan ne gênera nullement les citoyens qui sortent le vendredi, vu que les marches se terminent vers 16h30-17h. Les gens ont le temps de rentrer chez eux, l’adhan est à partir de 19h35.
Maintenant, faut-il marcher la nuit après le f’tour, je pense que les gens le feront, car cela fera partie cette année (pour la première fois de l’histoire de l’Algérie indépendante) des soirées et veillées ramadanesques.
Je pense aussi que les citoyens vont utiliser des places publiques et certains espaces pour lancer des débats autour de la suite à donner au mouvement», signale Boualem Amoura, président du Syndicat autonome des travailleurs de l’éducation et de la formation (Satef).
Pour le président du Syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP), au-devant de la contestation populaire, «rien de particulier» ne devrait se produire les jours du mois sacré, où la mobilisation du peuple doit au contraire rester intacte. «Pour nous, l’essentiel est de se maintenir dans la révolte populaire nationale tout en préservant le cadre pacifique.
Je pense qu’il est primordial de rester sur les marches du vendredi à Alger et ailleurs, et d’appuyer cette action par d’autres formes de protestation au nom des travailleurs relevant de différents secteurs d’activités», signale-t-il.
D’ailleurs, sur ce dernier point, la Confédération des syndicats algériens (CSA) est en réunion ouverte depuis le 28 février pour suivre, évaluer et décider des actions susceptibles d’appuyer le hirak.
Le samedi 11 mai, une rencontre préliminaire de la société civile est programmée par la confédération au siège du Cnapeste pour débattre d’une proposition de sortie de crise. «Le débat sera élargi aux partis politiques et aux personnalités nationales», annonce Amoura. «Demain, le bureau confédéral se réunira à Alger.
Il est question pour nous de réfléchir sur les voies et moyens que nous pouvons mettre à profit du mouvement, mais pas seulement… Nous travaillons aussi sur un projet de feuille de route de sortie de crise que nous voulons soumettre à un large débat.
Le hirak pacifique doit continuer, car c’est un moyen de pression populaire mais ce n’est point une finalité en soi. Pour la CSA, nous pensons que les principales revendications portées sont identifiées bien que non satisfaites à ce jour, mais il est aussi un devoir et une responsabilité pour nous de prendre part au débat général qui s’organise de mieux en mieux autour de projets de solutions capables de sortir notre pays de la crise politique, constitutionnelle, économique et sociale», considère le Dr Lyes Merabet.
D’autres organisations syndicales comptent aussi s’activer. Réunis à Tizi Ouzou, les membres du conseil de la fédération de cette wilaya secteur des communes Snapap/Cgata, après débat sur la situation que vit le pays et au soutien aux revendications du peuple algérien, appellent l’ensemble des travailleurs des communes à observer une grève cyclique de 3 jours renouvelable chaque semaine (lundi, mardi et mercredi), à boycotter la révision des listes électorales et à rejeter l’élection présidentielle prévue le 4 juillet 2019 que l’on veut imposer contre la volonté du peuple algérien.
Plus radicaux, les membres de la Confédération syndicale des forces productive (Cosyfop) ont appelé à une grève générale pour les premiers jours du mois de Ramadhan. «Le taux de suivi est de 51,56%», annonce la confédération dans un communiqué rendu public, en début de soirée d’hier.* IDDIR NADIR – elwatan- mardi 07 mai 2019
**Hirak, l’école de la citoyenneté
Le hirak a fait tomber le tyran et quelques-uns de ses barons. Il a fait atterrir les dossiers de corruption sur les bureaux de la justice. Des personnalités sont poursuivies pour des actes délictueux, certaines sont déjà sous les verrous, en attendant que d’autres, soupçonnées de malversations, subissent le même sort.
Il a réhabilité des fonctions jusque- là dégradées, humiliées comme celles des magistrats, des corps intermédiaires, des syndicats, des hommes de culture…
Il a redonné de la grandeur à notre identité. Mais au-delà des tergiversations sournoises du pouvoir, qui refuse de l’écouter, sa plus grande victoire depuis son avènement à ce jour reste sans conteste la conquête de la liberté de ton.
Bâillonnés, voire tétanisés par des années de censure dictée par un système de terreur et de répression, les Algériens se sont réappropriés, grâce à lui, l’usage de la parole pour s’exprimer, sans le moindre tabou, sur tous les aspects politiques qui touchent directement à l’avenir démocratique de leur pays. Le mur de la peur brisé, c’est la conscience politique dans sa plénitude qui investit les esprits.
La culture, ou la réflexion politique, longtemps considérées comme l’apanage de cercles initiés, se sont donc décomplexées pour se mettre à la portée de tout un chacun, sans exclusive ni barrière intellectuelle.
Dans et en dehors du mouvement insurrectionnel, qui est devenu une succession d’agoras effervescentes où l’échange d’idées et la confrontation d’opinions se font naturellement, avec une spontanéité et une recherche de la vérité absolument remarquables, la liberté de dire, de critiquer, d’argumenter et de faire entendre sa voix a retrouvé ses droits.
Cohérente ou maladroite, didactique ou savante, ordonnée ou incisive, passionnée ou coléreuse, elle est présente partout, avec cette particularité d’évoluer sur une même gamme, celle de la persuasion par l’approche strictement pacifique. Le mouvement insurrectionnel est non violent, c’est là que réside toute sa force.
Interactif, il a gagné en densité et en maturité grâce précisément à l’explosion prodigieuse de la liberté d’expression qui alimente son énergie.
A tous les âges, toutes catégories sociales confondues, toutes les sphères intellectuelles, les débats publics ou en famille ont envahi l’espace culturel pour devenir ce qu’on appelle aujourd’hui «la Révolution tranquille». Une Révolution devenue école de citoyenneté, où se forge la conscience politique. Le hirak, généreux et conquérant, a ainsi affranchi les strates pensantes et les potentialités actives de la société.
En deux mois et demi seulement de mobilisation toujours aussi tenace, persévérante et volontaire, il a débloqué les ressorts communicationnels pour faire de l’Algérie l’un des pays où la liberté de ton n’a pas de limites. Les premiers récipiendaires de cette émancipation somme toute salutaire auront été les médias grand public, mis jusque-là, pour diverses raisons politiques ou de marchandages financiers, sous l’influence des décideurs.
Nous ne parlons pas ici de ces groupes de presse qui se sont taillé une réputation exécrable indigne de la profession pour s’être volontairement vendus aux plus offrants, et qui ont une capacité extraordinaire de se recycler, mais des nombreux médias qui ont saisi l’opportunité de la contestation de la rue pour se surpasser et mettre fin à leur soumission.
Mis à part la Télévision publique, qui peine à se mettre au diapason des nouvelles exigences médiatiques, malgré ses quelques timides tentatives de rattrapage pour faire impression, la majorité des télés privées se sont rapidement adaptées au contexte créé par le mouvement populaire, en s’ouvrant sans retenue au débat contradictoire et aux critiques objectives pour aider à la compréhension des enjeux de la crise que traverse l’Algérie. En fait, à une large participation de l’expression populaire à travers différents acteurs de la vie publique issus des partis politiques, des syndicats, des associations, des universités…
Une palette d’intervenants, parmi lesquels beaucoup sont inconnus du grand public, mais qui se sont avérés, dans l’épreuve du direct et face à des journalistes coriaces, de redoutables interlocuteurs. Partout les plateaux se sont décantés avec une diversité d’opinions et une soif inextinguible de participer aux questionnements de l’heure, sauf ceux des écrans étatiques qui, visiblement, fonctionnent encore avec les vieux réflexes de la langue de bois.
L’émouvant cri de détresse lancé au peuple par une journaliste pour aider l’EPTV à se libérer du diktat qui lui est toujours imposé de manière implacable par l’autorité militaire et lui permettre de récupérer sa vocation de service public démontre que le passage d’une réalité à une autre au sein de cette institution n’est pas chose aisée.
Les journalistes, on le sait, se battent comme ils peuvent pour hâter le changement, mais il y a comme une étrange certitude qu’en ne se fondant pas suffisamment dans la philosophie du mouvement populaire, ils en sont venus à manquer de solidarité pour livrer la vraie bataille qui redonnera du sens à leurs revendications.
Le remplacement du directeur général a paru dans cette optique comme une simple formalité de circonstance pour calmer les ardeurs. La preuve, rien n’a pratiquement changé, et ce n’est pas la diffusion sélective d’images des manifestations soutenues par des commentaires évasifs qui prouvera que les lignes bougent à l’intérieur de l’Unique.
La Télévision publique donne vraiment l’apparence d’une institution en décalage avec ses potentialités, qui a donc besoin plus que jamais d’opérer sa propre révolution pour s’accorder avec son temps. Pour l’heure, de l’avis du plus grand nombre, elle est en train de rater un tournant historique de son existence.
Entre-temps, c’est dans les studios des télés offshore que se façonne l’intérêt médiatique de l’actualité. Cependant, il faut se garder de dire que dans ces plateaux, tout est clean, tout est en parfaite harmonie avec l’idée que l’on se fait généralement d’une communication plurielle.
Si a on vraiment du plaisir à suivre les interventions de certaines personnalités politiques ou de représentants de la société civile, parce que leurs messages sont d’une cohérence et d’une limpidité incontestables, nombreuses sont, par ailleurs, les opinions émises par beaucoup d’intervenants qui n’apportent pas grand-chose au débat, et qui, à l’opposé, nuisent à la clarification des idées par des argumentaires complètement faux.
Mais le plus détestable dans ces confrontations oratoires demeurent les volte-face de quelques figures publiques connues des masses populaires, lesquelles viennent dans le seul but de conforter leur réhabilitation.
Les partisans du ralliement intempestif au hirak sont très nombreux, mais la palme revient au second couteau du RND, Seddik Chihab, qui a abasourdi son auditoire en tournant la veste à une vitesse vertigineuse. Mais ce ne sont pas ce genre de personnages, trahissant leur propre conscience, qui intéressent le public.
Ce sont les résurrections des milliers d’étudiants, de travailleurs, de jeunes chômeurs, des artistes, hommes et femmes portés par l’idéal de liberté, qui composent la sève nourricière du mouvement et qui méritent toute l’attention parce qu’ils sont tout simplement l’espoir fécond de l’Algérie de demain.
Bien plus qu’une idée de combat qu’il transmet pour changer le système, le hirak s’érige en réalité, par l’unité de ses rangs et la communion de sa jeunesse, comme un authentique réceptacle de la citoyenneté, et c’est cette identité qui fait le plus peur au pouvoir.*Chronique de A Merad - *elwatan - 02 mai 2019
*****Contestation populaire : Réalisations et perspectives du hirak
Le mouvement populaire est dans un moment crucial. A la veille d’un premier vendredi qui interviendra durant le mois de Ramadhan, le 12e depuis le début du hirak, trois des pontes du régime bouteflikien – à savoir Saïd Bouteflika, le frère de l’ex-Président, et les deux anciens patrons des services de renseignement, Mohamed Mediène dit Toufik, et Athmane Tartag dit Bachir – ont été placés en détention provisoire.
Si l’information pouvait éventuellement «satisfaire» des franges de la société, le discours, dans la soirée d’avant-hier, du chef de l’Etat par intérim, Abdelkader Bensalah, dans lequel il s’en tient toujours à l’élection présidentielle du 4 juillet, - montre encore une fois la déconnexion du système avec le mouvement populaire et ses aspirations légitimes-
Parallèlement à cette deuxième offre de dialogue de Bensalah, lancée en direction de la classe politique et des acteurs du mouvement associatif, des militants du hirak tentent de lancer le débat autour des modalités de la contestation durant ce mois de Ramadhan et des nouvelles formes de lutte censées éventuellement exercer plus de pressions sur le pouvoir en place.
Certains tentent aussi de faire le bilan de ce qui a été réalisé jusque-là. Le renoncement au 5e mandat et les multiples arrestations d’hommes d’affaires et des trois personnalités citées plus haut sont-ils des «acquis» à ne pas négliger ?
A ce titre, le président du parti Talaie El Hourriyet, Ali Benflis, a estimé, dans une contribution intitulée «La révolution victorieuse», parue dans nos colonnes le 2 mai, qu’effectivement il y a eu beaucoup de réalisations en ces deux mois de luttes.
D’après lui, en plus de réalisations «matérialisables et matérialisées», telles que le départ de Bouteflika ou le fait que les unités constitutives du régime politique «voient leurs bâtisses s’effondrer les unes après les autres», pour ne citer que ces deux aspects, il y a des réalisations immatérielles.
Il s’agit, ajoute-t-il, de l’entrée dans la modernité politique, la disparition de la mentalité du «beylik» et l’aspiration à la République citoyenne, «trois gains majeurs que la révolution démocratique pacifique a déjà réalisés», même si, précise-t-il, puisque relevant de l’ordre du psychologique et du mental, «leur impact et leur portée ne peuvent dès maintenant être cernés avec précision». Bien évidemment, d’autres politiques n’expriment pas, pour l’instant, autant d’enthousiasme.
Mais tout le monde s’accorde à dire qu’il faudrait passer, dans la lutte, à une autre étape, sinon il y a un risque de subir des «contrecoups» qui risquent d’être dommageables pour l’avenir du mouvement. «Jusque-là, le mouvement populaire est inscrit dans une démarche de rejet. Il s’est défini par le seul principe d’opposition.
Si la mobilisation demeure otage de cette attitude, elle prend le risque de se voir subtilement intégrée dans une construction contraire à son idéal.
Cette formidable force matérielle ne saurait avoir comme unique horizon de marcher au rythme de l’agenda du pouvoir. Elle doit désormais s’affirmer comme une force intelligente, capable de se penser, d’élaborer par elle-même et pour elle-même», a estimé, de son côté, le militant et ancien député Djamel Zenati. Pour lui, «un autre bond qualitatif est nécessaire».
Dans cet ordre d’idées, la LADDH a appelé «la société à s’organiser davantage, à sauvegarder ses acquis et à aller vers un large consensus national qui regroupera l’ensemble des acteurs de la société civile et politique, des acteurs du mouvement».
Dans certaines localités, des citoyens tentent de s’organiser en constituant des comités, mais est-ce suffisant pour «encadrer» un mouvement national composé de millions d’individus ? Peu évident, dans la mesure où une telle entreprise nécessiterait forcément beaucoup de temps.
C’est ce défaut, naturel, d’encadrement et de représentativité qui pousse nombre de citoyens au moment actuel à réfléchir à d’autres formes de lutte.
La poursuite de la mobilisation est forcément primordiale pour arriver à «changer le système», d’autant que, jusque-là, le pouvoir ne montre pas de signes allant dans le sens de la satisfaction de cette revendication. D’où ces réflexions relatives aux futurs moyens ou méthodes de lutte…*elwatan et plus - mardi 07 mai 2019
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*L’armée ne peut pas aller contre les aspirations du peuple
***Le peuple ne veut plus être gouverné comme par le passé à travers des façades «politiques» préfabriquées. Des façades investies de sans-scrupule, de sans-vergogne, de sans-responsabilité et de sans-éthique. Ce sont toutes ces façades et ces comportements illégitimes que le hirak a disqualifiés
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Onze semaines de hirak et la situation ne s’améliore pas en termes de perspectives et de stabilité malgré l’ampleur et le pacifisme du mouvement unitaire du peuple tous ces vendredis.
Le peuple et l’armée sont seuls. Il ne faut pas qu’ils se tournent le dos ni se trouvent face à face. L’armée ne peut aller contre les aspirations du peuple.
Le peuple ne veut plus être gouverné comme par le passé à travers des façades «politiques» préfabriquées. Des façades investies de sans-scrupule, de sans-vergogne, de sans-responsabilité et de sans-éthique. Ce sont toutes ces façades et ces comportements illégitimes que le hirak a disqualifiés.
Le hirak est un mouvement historique né de cette crise majeure de gouvernance. Des semaines durant, il a maintenu son rejet sans ambiguïté du système et certaines de ses figures. Par ce rejet, le hirak récuse également une multitude d’omnipotences, de réseaux d’allégeances et d’obéissances qui opéraient par des violations des droits et des lois, et par la corruption et l’abus.
De ce fait, le peuple revendique son droit d’être gouverné par des instruments légaux de son choix, l’instauration d’un climat de liberté et une situation nationale de droit, de légitimité et de démocratie.
Pour cela, le hirak qui a délivré les Algériens des peurs, des prétendus et des préjugés ne peut être et ne doit pas être un facteur de blocage mais une source de restauration de la légitimité, de la légalité et de la responsabilité.
Il serait naïf de croire que le changement des hommes est la réponse et que leur remplacement par d’autres honnêtes et engagés garantirait les espérances du hirak. Le changement des hommes ne sera jamais déterminant. Ce ne sera jamais une garantie suffisante pour une bonne gouvernance et une bonne justice.
Dans cet ordre d’idées et pour une perspective légitime, la priorité doit aller à rétablir la norme légale et instaurer la vérification et le contrôle pour toute fonction, toute action et tout exercice de responsabilité. L’effort, la considération et la confiance doivent aller en priorité à substituer aux hommes une vraie Constitution, de vraies institutions exerçant de vrais pouvoirs d’autorisation, de régulation, d’habilitation, de contrôle et d’arbitrage.
Des hommes et des femmes élus peupleront demain ces institutions pour gouverner la société et l’Etat. Cela est la voie d’un vrai Etat démocratique de liberté et de droit. Cela est la solution et le schéma de contrôle de tout pouvoir par des institutions et non par des hommes.
A ce jour, l’omnipotence, la corruption, le passe-droit et l’abus pratiqués par et à travers des réseaux ont détruit toute forme de pouvoir légal et rationnel de gouvernement et de justice, et altéré les relations administrations-administrés, populations-autorités élues ou désignées.
La dimension des partis politiques, leurs structures et leurs organisations ne leur permettent pas de suppléer à autant de vides, de déficits en gouvernance, en contrôles et en vérifications, ni de suppléer à autant d’insuffisances en débat politique structurant, en culture de compromis et en discipline militante. C’est outrageant.
On peut crier, hurler, casser ou brûler, ça ne changera rien aux lacunes graves, aux fossés dangereux et aux absences mortelles de forces sociales et politiques organisées pour accompagner l’élaboration et la mise en place de nécessaires instruments, mécanismes et institutions ou à organiser des élections et à faire fonctionner une vraie justice.
Le hirak a heureusement, par son ampleur unitaire nationale et pacifique, réparé et retissé une partie importante de ces liens et rapports sociaux nationaux, mais pas ceux des légitimités gouvernantes.
Dès lors, il serait dangereux d’aggraver ces précarités et ces manques en légitimités, en gouvernances, en instruments, en régulations et en contrôles.
Il faut, de prime abord, en plus de la sécurité, une discipline légale, une forte adhésion sociale librement consentie et un effort sur soi et sur chacun.
Ces conditions permettront de maintenir la dynamique du hirak stable et pacifique durant les premières phases de tâtonnements, de prospections et de mise en place des instruments et mécanismes légaux, nécessaires à l’émergence des légitimités qui peupleront les institutions et occuperont les fonctions nationales pour gouverner la société, cheminer ses projets et concrétiser ses attentes.
Au risque de paraître un briseur d’enthousiasme, aucune solution ni aucune démarche ne peut être envisagée comme un kit à prendre ou à laisser pour un hirak pacifique et unitaire de cette ampleur et qui exige en plus un changement profond de mode de gouvernement.
Ce n’est pas au hirak de structurer les institutions et leurs schémas finaux, ni d’opérer de telles transformations. Nul ne peut également prédire, ni prétendre connaître, ni fixer à l’avance méthodes, processus et cheminements à lui seul ou imposer des a priori. Aucune partie, aucun parti ou groupe de partis, ne peut établir seul cette grande feuille de route.
Aucune partie, aucun parti politique ne peut suppléer seul à tant de failles et défaillances. Ce sont des déficits structurels et organiques évidents créés par un système de gouvernance fondé sur la peur, le mensonge, la dépolitisation et la déstructuration des liens sociaux il y a près d’un quart de siècle.
Il est plus que souhaitable que toute action, toute décision, toute mesure, toute attitude ou toute proposition soit observée et appréciée d’abord par rapport à la préservation de la dynamique unitaire du hirak et de la concrétisation de sa revendication principale. Ensuite, que toute démarche soit imprégnée de tous ces manques et ces défaillances.
Car beaucoup d’écueils guettent le hirak, l’armée, les élites, y compris celles qui font office de gouvernants. Le hirak ne doit pas s’estomper sans résultat ni déboucher sur de nouvelles impasses ou que des surenchères le mènent vers des récifs dangereux plus difficiles à maîtriser.
Ces écueils exigent la participation de tous à une élaboration collective des solutions sans a priori. Dans le concret, personne ne sait à l’avance quel cheminement prendre et quelle issue finale choisir.
Toute possibilité potentielle n’est qu’une chance qui aura besoin d’être vérifiée et confrontée aux dures réalités d’un dysfonctionnement politique grave du pays et de sa gouvernance.
C’est quoi une bonne solution politique ? C’est quoi une possible solution constitutionnelle ?
La Constitution ne recèle aucun instrument ni aucune mécanique de solution de crises ou de conflits. Des crises et des conflits de cette nature ont été, par le passé, solutionnés hors Constitution, chose que le hirak interdit aujourd’hui.
En quoi consiste une transition conduite par des personnalités honnêtes, compétentes et non impliquées ?
Toute instance de transition aura énormément de difficultés à embrayer sur des réalités et des pouvoirs, et à surmonter d’autres embûches et adversités.
En quoi une présidentielle avec un gouvernement d’union nationale ou un gouvernement qui gère les affaires courantes est elle différente ? Pourquoi prêter plus de compétences et de crédit à l’un ou inversement à l’autre ?
Pour quelles raisons une commission électorale ferait mieux que les précédentes ?
Toute élection ne débouchera jamais sur des garanties de sincérité et de fidélité tant que la structure chargée de toutes les opérations de préparation, des inscriptions, d’établissement de listes électorales locales et nationales, des registres de circonscriptions, de centres et de bureaux de vote ne soient pas revus, corrigés et certifiés par des autorités indépendantes croisées.
Toutes ces opérations sont des conditions sine qua non pour échapper au système qui a phagocyté la voie des urnes, nié toute représentation politique et dilué tout sens de responsabilité.
Toute autre garantie est éphémère. Tout autre engagement n’est que discours, sans nier pour autant des sincérités qui se sont exprimées. Le hirak a opéré des retraits de légitimités électorales et de confiances politiques.
Une vraie élection ne dépend pas d’un délai ni d’une date, mais de ces séries de travaux et de vérifications à faire réaliser. Autrement, toute élection sera une arme de déstabilisation massive à cause des confusions, des contestations ou de refus de reconnaissances de résultats.
Il y a une vraie entame et un vrai sujet à discuter. Il y a de fausses concertations pour de fausses pistes. Ne gâchons pas de vraies opportunités créées par le hirak, ne ratons pas de vrais rendez-vous avec de vraies chances pour notre pays.
Ces opportunités et ces chances résident dans le changement des pratiques et des habitudes mensongères que le système avait érigé en règles et en réflexes.
La question est et demeure : comment rendre le hirak, cette force de refus et d’opposition, une force de stabilité, de structuration et de contrôle ? Comment éviter que le hirak soit une force d’implosion et d’ambition ?
En délivrant un signal fort, un discours intelligible et concret sur des transformations profondes à opérer et à mettre en œuvre sous son regard vigilant, d’une justice libérée de toute tutelle, exceptée celle de la loi, des partis, de la presse et des organisations sociales civiles nationales et locales. Ainsi, le hirak ne sera pas nourri de radicalités, de clivages périlleux ni d’antagonismes primaires.
La revendication de l’application des articles 7 et 8 est pertinente. Il reste à obtenir un accord sur le comment, la forme, les méthodes de travail et le schéma final des institutions démocratiques, un avant-projet de Constitution et le mode de son approbation par une Constituante ou par un référendum.
En fait, l’article 7 comporte deux voies par lesquelles le peuple exerce sa souveraineté et demeure source de tout pouvoir. La voie électorale pour élire un Président et des élus et la voie référendaire pour l’adoption d’une Constitution et la création d’institutions (article 8).
Toutes ces questions ne peuvent être résolues par un pouvoir chargé du régalien dépouillé de sa légitimité électorale, ni par des partis, toutes obédiences confondues vu leur état organique et organisationnel.
La disposition relative au chef d’Etat intérimaire date de la Constitution de 1976 et a survécu à tous les amendements et modifications depuis pour une raison fondamentale, celle de faire garantir la pérennité et la régulation du régalien. Ne confondons pas la fonction d’un président de la République «élu» et celle de chef d’Etat intérimaire.
Ce dernier assure une mission régalienne institutionnelle. Il ne devrait assumer aucun pouvoir constitutionnel sur des institutions politiques souveraines. Celles en place et leurs composantes étaient déjà défaillantes et frappées d’illégitimité avant le 22 février.
Toute instance transitoire ou conférence nationale ne peut réellement exercer des missions régaliennes.
Le chef d’Etat intérimaire incarne et bénéficie de l’adhésion et de la discipline de tous les agents du régalien. Il assure des obligations de l’Etat algérien vis-à-vis des partenaires-clés et des puissances étrangères. Car, il ne peut y avoir de rupture dans ces missions, ces obligations et ces relations.
Tous les autres pouvoirs de gouvernement relèvent de la souveraineté citoyenne et restent tributaires d’une légitimation par voie électorale. Nul n’a le droit de contester l’exercice du régalien qui échoit au chef d’Etat intérimaire ; par contre, il n’a pas de pouvoir ni de légitimité pour mettre en œuvre les articles 7 et 8 de la Constitution.
Autrement dit, toute démarche ou toute élection restent tributaires de la participation et la contribution consensuelle de tous pour être et rester dans le sillage du hirak.
Une telle approche permet de ne pas contester le régalien, de bénéficier de forts engagements et contributions, d’obtenir une stabilité relative et de continuer à dire la volonté algérienne.
Personne n’a intérêt à agrandir toutes sortes de vides que connaît notre pays en termes de fonctionnement sociétal, politique et d’autorités publiques, ni de négliger toutes les chances, aussi minimes soient-elles.
Pondération, discernement et lucidité devraient être les maîtres-mots et le rester. Le réalisme s’impose à tous pour pouvoir surmonter tant de défaillances, tant de risques et tant de menaces. La démocratie est la reine des compromis. Notre pays a cruellement besoin de compromis pour être gouverné, pour débattre, pour choisir et pour avancer.
**Par Mouloud Hamrouche , Ancien chef de gouvernement (6 septembre 1989/3 juin 1991)
*Paru dans elwatan- dimanche 05 mai 2019
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Les images hallucinantes de l’incarcération de Saïd Bouteflika, Tartag et Toufik font le tour du monde
Les images sont hallucinantes. En Algérie, comme à l’étranger, personne n’aurait pu prédire une fin aussi tragique pour Saïd Bouteflika, le frère de l’ex-Président Abdelaziz Bouteflika, et puissant décideur de l’ombre au Palais Présidentiel d’El-Mouradia durant ces 7 dernières années.
Et pourtant, ces images ont confirmé l’information qui a été rapportée par Algérie Part samedi en fin de journée. Beaucoup d’Algériens ont cru à une blague, voire une mise en scène ou pire une Fake News pour manipuler l’opinion publique et détourner l’attention du mouvement populaire. Mais, en vérité, l’information de l’arrestation de Saïd Bouteflika, Bachir Tartag, ex-coordinateur de la D.S.S, ainsi que le général Toufik, l’ex-patron du DRS, était bel et bien un fait fondé et concret. Ce dimanche 05 mai, l’institution militaire a permis à l’ENTV de diffuser des images exclusives qui retracent la présentation de ces trois puissants dirigeants, de véritables piliers du régime algérien pendant près de 30 ans, devant le tribunal militaire de Blida.
L’événement a estomaqué les Algériens. Mais pas que les Algériens. A l’étranger, ces images ont fait le tour du monde. En France, de France 24 jusqu’à l’Express en passant par presque tous les médias lourds, cette information a été diffusée et massivement commentée. Pour Libération, un prestigieux quotidien, la de l’arrestation de Saïd Bouteflika « pressentie ». Saïd Bouteflika « est même soupçonné d’avoir pris des décisions en lieu et place de son frère, raison pour laquelle son nom est régulièrement cité lors des manifestations », explique le même quotidien français.
En revanche, pour le Figaro, autre grand quotidien français au rayonnement international, l’arrestation de Saïd Bouteflika est un véritable « Coup de théâtre à Alger ». « C’est un véritable séisme politique qui intervient comme une concrétisation des menaces du chef de l’armée, Ahmed Gaïd Salah, qui avait dénoncé dans un de ses discours la «bande» qui aurait usurpé le pouvoir présidentiel », a analysé à ce propos le Figaro.
Les autres médias internationaux n’ont manqué de mettre en relief de ce bouleversement politique que vient de vivre l’Algérie. Euronwes, la grande chaîne d’information européenne, a rendu public un décryptage détaillé de cet événement très complexe. En Russie, l’agence Sputniknews a largement diffusé les images de l’arrestation et l’incarcération de Saïd Bouteflika ainsi que les généraux-majors de Toufik et Tartag.*Par Abdou Semmar - algeriepart.com- dimanche 05 mai 2019
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Pourquoi il est nécessaire d’installer des Espaces d’Expression Populaire Libre dans toutes les villes en Algérie
La journée historique du 22 février 2019 a vu le Peuple reconquérir l’espace public dans toutes les régions du pays. Les jeunes ont bravé la peur et la répression1 et ont permis à un mouvement historique de naître, qui se réappropria la rue pacifiquement, tous les vendredis, ainsi que d’autres jours de la semaine.
Avant cela, les manifestations étaient légalement interdites dans la capitale, et interdites, de fait, sur le reste du territoire. Ce Chantier propose quatre mesures pour ne plus jamais retourner à l’avant-22 février, et pour pérenniser et célébrer cette reconquête de l’espace urbain par le Peuple :
I. Constitutionaliser et protéger le droit de rassemblement public et de manifestation pacifique. L’Article 48 de la Constitution de 1996 (amendée trois fois depuis) consacre, en théorie, les libertés d’expression, d’association et de rassemblement. L’Article 49 vient en théorie garantir le droit de manifestation pacifique, mais soumet ce droit à une loi sensée l’encadrer. En pratique, c’est ce cadre légal qui a été utilisé pendant des décennies pour interdire les manifestations et les rassemblements publics (demande d’autorisation à la Wilaya, interdiction totale dans la capitale, etc.).
Nous proposons que dans la nouvelle Constitution ou dans le prochain amendement constitutionnel, l’Article 49 soit remplacé par un Article plus explicite et plus engageant en termes de libertés de manifester pacifiquement, en s’inspirant des constitutions les plus claires et les plus protectrices en la matière, par exemple, celles du Royaume Uni, de la Suisse, de la Tunisie, de l’Allemagne, de l’Afrique du Sud ou du Mexique. Une nouvelle formulation, inspirée de ces pays, prendrait la forme suivante :
Le droit de réunion, de rassemblement et de manifestation pacifique dans l’espace public
est garanti pour tous. Chaque citoyen ou groupes de citoyens est libre d’exprimer son point
de vue publiquement, de se réunir et de manifester dans l’espace public, sans autorisation
ni notification préalable, tant que cela est fait de manière pacifique et non violente, sans
atteinte aux droits humains, aux libertés et à l’intégrité physique et morale d’autres
citoyens, y inclus les agents d’autorité et de sécurité publique.
Aucune restriction ne pourra être imposée dans l’exercice de ces droits, autres que celles garantissant la sécurité publique, la prévention d’activités criminelles ou l’interdiction de port d’arme.
II. Des « Espaces d’Expression Populaire Libre » dans chaque ville du pays.
En s’inspirant du « Speakers’ Corner » (Espace des Orateurs) institué à Londres en 1872 et de son histoire (voir ci-dessous), nous proposons que chaque ville du pays délimite un endroit spécifique en son centre (par exemple, une place, une impasse, un espace au sein d’un parc, un escalier, etc.), qui soit institué « Espace d’Expression Populaire Libre ». Un tel espace est apparu spontanément près de la Place Maurice Audin à Alger, sous forme d’un escabeau avec l’écriteau «الخــطـباء ركــن .
«Ces Espaces prendraient le nom de l’Espace du 22 février 2019. Ils seraient :
• Libres d’accès à toute heure de la journée, pour y débattre, y présenter publiquement des
idées, y faire des discours et s’y concerter.
• Ils seraient gérés par la société civile locale (fiches de réservation en ligne, disposition d’une estrade et de bancs, maintenance et nettoyage, etc.).
• La prise de parole y serait réservée de manière prioritaire aux citoyens et acteurs de la société civile. Les partis politiques et syndicats pourraient y intervenir, mais la propriété de ces espaces et la priorité d’intervention reviendraient aux citoyens et aux acteurs de la société civile. Une coordination avec les écoles et lycées de la ville permettrait une participation des plus jeunes.
• Aucune autorisation ni notification préalable ne devra être déposée auprès des autorités
locales pour s’y exprimer. Aucune interdiction de prise de parole, de contrôle d’identité ou de censure ne pourra avoir lieu dans ces Espaces—en dehors de ceux dictés par un impératif indéniable de protection de l’intégrité physique et morale des citoyens, et de sécurité publique.
• La distribution de tracts, le déploiement de slogans, d’affiches ou de banderoles y seront
totalement libres, à l’exception de ceux qui véhiculent des messages de haine, d’insulte, de
violence ou remettant en cause l’intégrité territoriale du pays ou les Constantes Nationales
telles que définies dans les Articles correspondants de la Constitution.
• Dans certaines grandes villes, si la société civile locale, les autorités locales ou le Fonds Citoyen pour la Protection et la Promotion des Libertés Démocratiques pouvait le financer, l’Espace d’Expression Populaire Libre pourrait même inclure des webcams urbaines, une borne WiFi, ainsi qu’un microphone sécurisé pour que les interventions puissent être suivies en direct sur Internet. Ces « Speakers’ Corner 2.0 » seraient une première mondiale.
• Dans certaines villes, la société civile locale pourrait s’organiser pour que les débats puissent aboutir à des revendications. Par exemple, un ‘’chargé du dialogue public’’ au niveau de chaque mairie/wilaya pourrait assister aux débats du vendredi et en rendre compte publiquement.
Le caractère exceptionnel du Hirak, est que toutes les régions du pays y participent massivement et d’une seule voix. Des dizaines de villes, grandes et moins grandes, sont envahies toutes les semaines de marées humaines pacifiques. C’est un phénomène unique dans l’Histoire. D’où l’idée de ce Chantier qui propose des « Speakers’ Corner » dans toutes les villes du pays.
III. Pérenniser le « Vendredire » : décréter que les parcours et points de rassemblement du Hirak dans plusieurs villes soient institués zones piétonnes ouvertes tous les vendredis.
Les marches du vendredi se succèdent sans se ressembler entièrement : les revendications évoluent au gré de l’évolution de la situation politique, la réponse des autorités varie de conciliante à provocatrice (en particulier dans la Capitale), et la colère alterne avec la joie de s’exprimer librement. Mais on y retrouve systématiquement leur caractère pacifique, souriant et unanime dans le rejet du système politique actuel et de son personnel. Elles se caractérisent aussi par une mixité extraordinaire en termes d’origine sociale des manifestants, de leurs âges, de leurs sexes et de leurs orientations politiques.
Afin de maintenir cette magnifique occasion de voir notre société se retrouver, dans toute sa diversité, à s’exprimer chaque semaine dans la rue autour d’un idéal commun, nous proposons de pérenniser le « Vendredire » en décrétant que les parcours, places ou avenues des manifestations du Hirak dans les villes de plus de 200.000 habitants, soient transformées en zones piétonnes le vendredi. Nous ne suggérons pas que tous les vendredis soient jours de manifestation, mais que cette liberté de se rassembler, de s’exprimer et d’échanger (même sans objectif politique particulier) soit maintenue,
particulièrement les vendredis après-midi.
IV. Une « Journée citoyenne des libertés démocratiques » : le 4ème vendredi du mois de février
Nous appelons à ce que le 4 ème vendredi du mois de février soit célébré comme Journée citoyenne des libertés démocratiques, commémorant le début du Mouvement du 22 février.
Une occasion de faire le point sur les acquis réalisés, mais surtout une occasion d’identifier les nouvelles revendications de libertés démocratiques qui resteront à conquérir.
Par Le Collectif NABNI, avril 2019.
*source: algeriepart.com- 04 mai 2019
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Un pas vers le peuple, deux pas en arrière
Depuis des semaines la rue n’a de cesse de réclamer l’amorce d’un véritable processus de transition démocratique, alors que le chef d’état-major de l’armée, dans un supposé souci de respect de la légalité constitutionnelle, s’obstine à convaincre le pays qu’un changement politique en profondeur est possible avec les hauts dignitaires du régime et les hommes-clés du système.
Quel pied de nez à la démocratie et à la nation entière ! Après toutes ces semaines de mobilisation intense qui ont drainé dans leur sillage des foules immenses à travers le pays, le constat s’impose que chaque concession, chaque pas fait dans le sens des revendications populaires, est un trophée de haute lutte. Une lutte pacifique mais déterminée qui n’a guère faibli depuis le 22 février 2019, date de la naissance du mouvement citoyen de contestation du régime en place.
Combien a-t-il fallu de semaines et de jours de manifestations, de rassemblements et de marches pour que Bouteflika soit enfin poussé à la démission ? Combien en a-t-il fallu pour qu’enfin un des trois B, en l’occurrence Belaïz, soit contraint à la démission ? Combien de semaines et de jours de mobilisation populaire faudra-t-il encore pour que le prochain B et le suivant tombent de leur piédestal ? Seule une mobilisation sans faille réussira à pousser le pouvoir dans ses derniers retranchements. Manifestement, le système est tenace au-delà de toute limite. Il n’a rien cédé par lui-même, tout lui a été arraché. Et il ne faut surtout pas penser que la démission du président du Conseil constitutionnel l’aura mis en mauvaise posture.
Certes, il s’agit d’un des maillons forts du régime Bouteflika qui s’en est allé, mais le départ de Belaïz ne fissure en rien le système qui demeure monolithique et encore solide sur ses assises. Sa fragilisation devra se mesurer à l’aune de la mise au rebut de l’Histoire de tous ceux qui ont fait les beaux jours de ce système et utilisé l’arrogance envers le peuple, comme le fit avec un art consommé l’ex-Premier ministre, Ahmed Ouyahia. Il est impensable que des personnages de cet acabit se croient encore un destin national sous les lambris de la République, après leur œuvre de sape dans les arcanes du pouvoir. L’Histoire saura rattraper ces tristes personnages pour les accabler et les juger.
Les peuples ont la mémoire longue
’Etat est en apesanteur institutionnelle. Le peuple rejette tous ses symboles qui en ont terni l’image et réduit son prestige à néant. Peut-on imaginer plus grand camouflet infligé au gouvernement Bedoui que de voir ses ministres chassés par les populations des localités où ils se rendent en visite officielle ? Ce gouvernement et son corps de ministres indésirables, expression d’un pouvoir exécutif en décalage avec les intérêts de la collectivité nationale, a perdu toute crédibilité aux yeux du peuple. Il est des moments dans la vie des nations où la fracture entre gouvernants et gouvernés est telle, qu’aucun compromis n’est possible.
Assurément, l’Etat connaît une crise institutionnelle avancée du fait d’un Parlement perverti dont l’action délétère sur la vie de la nation a ébranlé la conscience collective. Expression du pouvoir législatif, ni l’Assemblée populaire nationale ni le Sénat n’ont fait office de caisse de résonance de la voix du peuple. Bien au contraire, symboles par excellence d’un pouvoir anti-républicain, ils en ont été l’étouffoir. Prononcer leur dissolution s’avère une œuvre de salubrité publique. Pourtant, les deux Chambres du Parlement et leur composante partisane inféodée au régime continuent de détonner dans le climat actuel de contestation populaire. La démission du président du Conseil constitutionnel annoncée à grand renfort médiatique est un non-événement.
Ce qui passerait pour une concession du pouvoir n’est en réalité qu’un leurre qui ne réduit en rien la teneur des revendications inhérentes au mouvement citoyen. En effet, l’ensemble des membres du Conseil constitutionnel sont disqualifiés pour déni de droit, et en premier chef le successeur de Belaïz qui en fait partie depuis plusieurs années. Au-delà des personnes, la réforme du Conseil constitutionnel devra toucher les conditions de désignation de ses membres, les modalités de son fonctionnement et consacrer les garanties de son indépendance dans la prise de décision.
Il y a encore loin de la coupe aux lèvres. A la différence du Parlement qui ne figure pas dans l’agenda politique du chef d’état-major, la justice a été libérée de ses entraves pour s’ériger en justice de plein exercice. Il a suffi d’une exhortation au ton martial pour que les magistrats recouvrent ipso facto leurs pleines prérogatives et remettent à l’ordre du jour les dossiers lourds de la corruption et de la dilapidation des derniers publics.
Où était passée la Constitution à l’époque des faits, sachant qu’elle consacre dans ses dispositions le principe de l’indépendance du pouvoir judiciaire ? N’est-ce pas là la preuve évidente que le pays vit une crise politique doublée d’une crise constitutionnelle ? Les pouvoirs et contre-pouvoirs prévus par la loi fondamentale n’ont à aucun moment joué leur rôle. Dès lors, étant un des facteurs majeurs de la crise politique actuelle, la Constitution ne peut a fortiori en être le cadre de la solution, comme l’affirme le chef d’état-major de l’armée.
D’ailleurs, ce dernier est mis devant ses propres contradictions. Toutes les institutions de pouvoir d’ordre constitutionnel auxquelles il se réfère ne sont pas en mesure d’exister par elles-mêmes, et ont de ce fait besoin d’une autorité tutélaire. En la circonstance, c’est le chef de l’armée qui en assume le rôle par le truchement d’injonctions et autres instructions. C’est dans l’infantilisation des institutions que se situe la nature intrinsèque du système. C’est pourquoi le processus de transition démocratique doit obéir à une démarche en rupture totale avec les institutions qui ont nourri et entretenu ce système.
La transition par voie constitutionnelle n’est pas possible au regard de la volonté souveraine du peuple. La Constitution Bouteflika est un héritage encombrant que le peuple renie complètement. Il y aura toujours des références et des fondamentaux dans les principes intangibles de Novembre. Ils priment sur tout et transcendent les époques. Le peuple veut être acteur de sa propre Histoire. Il compte aller vers la démocratie, la modernité et la citoyenneté. Dans cette perspective, l’armée doit céder au peuple et le pouvoir céder à l’armée, faute de quoi, le peuple aura encore et encore du ressort sans jamais plier.
Jusqu’à présent, force est de constater qu’il existe un immense écart entre le discours officiel et la réalité des faits. D’un côté, le chef d’état-major déclare que «toutes les perspectives possibles restent ouvertes afin de surpasser les difficultés et trouver une solution à la crise dans les meilleurs délais», que «protéger le peuple est une décision irréversible quelles que soient les circonstances», mais de l’autre côté, rien ne vient confirmer ces déclarations dans les faits. Les mesures prises ne portent nullement atteinte à l’intégrité du système, sinon à mettre le peuple en confiance jusqu’à la tenue de l’élection présidentielle du 4 juillet prochain. Le mouvement de mobilisation populaire serait en quelque sorte amené à lâcher la proie pour l’ombre. On a du mal à imaginer que le haut commandement de l’armée puisse à ce point mésestimer la vigilance politique du peuple.
Que faut-il entendre par la déclaration suivante : «Toutes les perspectives possibles restent ouvertes…» ? Elle semblerait signifier que si la mobilisation citoyenne persiste, il faudra bien se soumettre à la volonté populaire et envisager les véritables solutions de sortie de crise. Mais en amont tout est fait pour affaiblir la contestation et miser sur son extinction ou tout au plus une contestation résiduelle, à l’approche du mois sacré du Ramadhan, des vacances universitaires et des congés d’été. Et ce, sans compter les intimidations policières, les interpellations sélectives et les humiliations dans les commissariats, surtout en direction des étudiants qui ont pris la tête de la contestation.
Un symbole fort à l’intérieur et à l’extérieur du pays
Les calculs machiavéliques et la répression sur fond d’intrigues au sommet viendront-ils à bout de la mobilisation populaire ? Les tenants du pouvoir sont dans l’expectative. Entre-temps, le décret portant convocation du corps électoral a été publié au Journal officiel, tandis que des candidats potentiels à la présidentielle ont déposé leur lettre d’intention au ministère de l’Intérieur et retiré les formulaires de collecte des signatures. En contrepoint, magistrats, administrateurs et élus locaux refusent de s’impliquer dans les opérations électorales, tandis que le peuple prévoit de bouder les urnes, ce qui compromet d’avance la présidentielle. De surcroît, tout ce que le pouvoir compte prendre comme initiatives politiques aux fins de règlement de la crise est condamné à l’échec, du moment où les authentiques partis de l’opposition (et non ceux qui se prétendent comme tels) refusent de cautionner l’intérim de Bensalah en qualité de chef de l’Etat. C’est la quadrature du cercle, conséquence logique d’un processus de transition fictif.
Fondamentalement, rien n’a changé dans l’échiquier politique. La haute hiérarchie militaire reste sourde aux cris de la rue, mais entend parfaitement le feulement des vestes qui se retournent et les chuchotements des conspirateurs. Faut-il recourir à un «Manifeste du peuple algérien» empreint de la force d’âme de Ferhat Abbès, pour que les tenants du pouvoir saisissent le message de la rue et les aspirations profondes qui font vibrer l’âme du peuple ? Sont-ils étrangers à leur propre pays ? Est-ce la même Algérie que nous aimons ? Ou celle que les uns aiment pour ce qu’ils lui soustraient abusivement et celle que nous aimons d’un amour exclusif et sans contrepartie ?
Comme pour le 5e mandat de Bouteflika où les tenants du système n’ont pas su anticiper le soulèvement citoyen du 22 février, l’élection présidentielle du 4 juillet est un pari perdu d’avance. Ce scrutin, qui apparaît comme l’ultime fuite en avant du régime, son dernier coup de dés, se traduira, à n’en pas douter, par un boycott national du côté des électeurs comme de celui des organisateurs. Par son entêtement à ignorer les réalités, le pouvoir est en train d’aggraver la crise dont il ne sait sur quoi elle peut déboucher.
Plus tôt il se rendra à l’évidence et mieux ce sera pour le pays et pour la nation. C’est une révolution pacifique aux conséquences inéluctables. Le peuple attend un signe fort du pouvoir qui signifierait que rien ne sera plus comme avant. Et pourquoi pas la mise en place d’un Haut conseil de la transition composé, à titre d’exemple, de Bouchachi Mustapha, Sofiane Djillali, Zoubida Assoul et Karima Bourayou, figures irréprochables de l’opposition maintes fois plébiscitées par le peuple.
La parité hommes-femmes n’y est pas pour déplaire, sachant que la gent féminine a pris une part active dans la mobilisation populaire. La présence en force des femmes dans les cortèges l’atteste s’il en est besoin. Les représentants des partis politiques et des syndicats qui cristallisent les valeurs démocratiques feraient partie de l’Assemblée constituante, à côté de juristes émérites, de magistrats et de militants des droits de l’homme.
Par un de ces hasards de l’Histoire, il se trouve que le peuple soudanais, à l’instar du peuple algérien, conteste depuis des mois ses dirigeants ainsi que le système néfaste qu’ils ont institué pour pérenniser les intérêts de classe et de caste.
S’il n’existe pas une identité absolue entre les deux systèmes, ceux-ci partagent cependant nombre de similitudes. Dans un pays comme dans l’autre, les institutions sont dévoyées, rongées par la corruption, les passe-droits, le clientélisme et se trouvent complètement discréditées dans l’esprit du peuple. Les partis politiques en nombre pléthorique ne sont pour la plupart qu’affidés au service du parti au pouvoir. La haute hiérarchie militaire régente la vie politique de la nation entière. Malgré le verdict sans appel du peuple, le pouvoir au Soudan, comme en Algérie, fait de la résistance, à la seule différence qu’il n’y a pas parité des méthodes d’intervention des forces de sécurité.
Le Soudan compte plus de cent morts depuis le déclenchement du soulèvement populaire. Il est heureux qu’en Algérie la répression n’ait pas pris cette dimension. Il reste que dans les deux pays, ni la mobilisation populaire ne faiblit ni les concessions trompeuses du pouvoir ne sont favorablement accueillies. Tous ces vendredis de mobilisation populaire et ce souffle de la contestation vont-ils ouvrir des perspectives pour une sortie de crise, ou faut-il s’attendre encore à ce double jeu qui consiste en un pas vers le peuple, deux pas en arrière ? Les jours à venir le diront.
Par Djamal Kharchi , Ecrivain.
Ex-directeur général de la Fonction publique
*Paru dans elwatan- dimanche 05 mai 2019
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Faits marquants du mouvement du 22 Février 2019
Ces jours qui font les événements de la Révolution
Depuis le 22 février dernier, les Algériens vivent une ère historique. Ils respirent un air pur de liberté et de démocratie. Une Révolution unique depuis l’indépendance du pays. Un soulèvement aux faits inédits, dont l’originalité continue de susciter l’admiration du monde entier.
En décidant de marcher un jour du mois de février, le peuple a cassé le mur de la peur. Après des années de patience, les journées des Algériens sont désormais chargées de colère contre un pouvoir arrogant et méprisant. Le volcan a fini par exploser.
La grogne populaire est partie pour faire l’actualité durant des semaines. Le mouvement n’est plus circonstanciel. Il s’inscrira dans la durée pour devenir quotidien. Le peuple marche pour exprimer aussi dans la joie son rejet du système appelé à disparaître.
Chaque journée apportera son lot de bonheur, d’images fortement symboliques, de scènes de résistance pacifique face à la répression et une volonté de ne pas abdiquer jusqu’à la Victoire, avec un grand V. Déjà, la révolte sera demain à son 11e vendredi. Elle aura bouclé son 71e jour.
Les samedis des défis
Le samedi a été à l’honneur. C’est durant cette journée que la première marche de rejet du 5e mandat a eu lieu à Kherrata. Elle se propagera comme une traînée de poudre à d’autres villes.
Il ne sera plus possible de faire marche arrière. Historiquement, c’est en ce jour que l’opposition citoyenne a commencé à s’organiser, une semaine après le show du ”cachir” animé à la Coupole du complexe Mohamed Boudiaf, le 9 février.
Le vent de colère qui a soufflé sur l’Algérie apportera des semaines mouvementées. Grâce à la détermination infaillible de «Son Excellence le peuple», la Révolution joyeuse, qui continue d’émerveiller le monde, fait chaque samedi la Une de la presse mondiale. Le samedi restera aussi la journée des démissions en cascade au FCE et au FLN.
Les Algériens retiendront sans joie que le samedi a été aussi le jour du 82e anniversaire de Abdelaziz Bouteflika, fêté sur un lit d’hôpital à Genève le 2 mars. C’est aussi le moment qui marquera la triste fin d’Ali Haddad, arrêté le 30 mars à la frontière avec la Tunisie.
Les dimanches de la communauté
Le dimanche est un jour béni, même s’il avait démarré par une mauvaise nouvelle. Celle de l’annonce de la candidature de Bouteflika, le 10 février. Mais le dimanche a toujours été le jour de vérité pour la communauté algérienne à l’étranger, qui n’est pas restée insensible à ce malheur qui frappe son pays.
C’est en ce jour que ces Algériens expriment leur attachement à leur patrie, en manifestant avec les emblèmes nationaux sur les places publiques en France, en Europe et même au Canada.
La traditionnelle manifestation organisée chaque semaine sur la place de la République, à Paris, devant la statue de Marianne, a donné une belle image des ces femmes et hommes qui viennent aussi donner des exemples de maturité et de civisme, où un forum de débats et d’expression libre a été ouvert. Pour preuve, ce sont les Algériens qui veuillent à organiser la circulation automobile, et à sécuriser les lieux, avant de nettoyer la place avant de la quitter.
Ces belles images marquent chaque semaine les rassemblements des Algériens à la Porte d’Aix, à Marseille, à la place Bellecour, à Lyon, à la place du Capitole, à Toulouse, à la place Felix Poulat, à Grenoble, à la place de la mairie, à Rennes, à la place Masséna, à Nice, mais aussi à Alicante, en Espagne, à Berlin et à Montréal.
Le dimanche est le jour qui a vu la première protestation nocturne, après le dépôt du dossier de candidature de Bouteflika le 3 mars. C’est en ce jour aussi que la première grève générale dans le parcours de ce mouvement a été menée avec succès le 10 mars.
Les lundis des ripostes
Le lundi est un jour de riposte. Les premiers rejets de la candidature de Bouteflika se sont manifestés déjà un lundi 11 février. Une mobilisation qui a pris des proportions et des dimensions grandissantes. La première forte mobilisation a été annoncée le 4 mars, pour dénoncer cette provocation de plus.
On n’attendra pas longtemps pour voir en ce jour le premier d’une longue série de limogeages des responsables et des cadres de l’Etat proches du pouvoir.
C’est Ouyahia qui sera le premier sacrifié un lundi 11 mars. Mais la riposte, qui sera une première dans l’histoire de l’Algérie, demeure celle des magistrats qui ont entamé leur rébellion un lundi 11 mars à partir de Béjaïa. Ils seront suivis par leurs collègues à Annaba, Constantine, Alger, Biskra, Tizi Ouzou et dans d’autres cours d’Algérie.
Soutenus par les avocats, les juges ont fini par briser les chaînes, malgré les pressions, les menaces de sanctions et autres intimidations de la tutelle. Ils réussiront même à défier les pouvoirs toujours en place en adhérant au mouvement populaire, avec la ferme décision de ne pas encadrer la présidentielle du 4 juillet rejetée par les Algériens.
Les mardis des étudiants et du Gaïd
Le mardi est la journée des têtus. Après le vendredi, c’est le jour le plus long et le plus mouvementé. Les étudiants, qui demeurent la force vivante de la révolte du 22 février, ont décidé d’en faire leur journée.
Rien ne pourra arrêter les marches qui envahissent les artères des villes universitaires de l’Algérie, ni les gaz lacrymogènes, ni les canons à eau, ni les interventions musclées, ni même les tentatives désespérées du désormais ex-ministre, Tahar Hadjar. Cela fait désormais partie du passé.
Les mardis sont aussi des journées très attendues par les Algériens, qui scrutent les discours du général-major Ahmed Gaïd Salah. Ces moments sont devenus même un rituel pour le chef d’état- major, qui veille toujours à s’adresser au peuple après des manœuvres militaires.
Des discours composés sur deux tons et cultivant l’amalgame et la contradiction, avec des propos parfois rassurants et souvent menaçants, et des messages qui renseignent aussi sur l’entêtement du «Gaïd» à maintenir les présidentielles malgré le refus des Algériens et de l’opposition.
C’est le mardi 2 avril qui restera surtout la journée la plus mémorable, puisqu’il a vu le départ de Bouteflika au 40e jour de la Révolution. Une première victoire pour le peuple, qui aura encore un long chemin à parcourir pour chasser les résidus du régime bouteflikiste.
Les mercredis des corporations
Le mercredi est le jour des masses. C’est en ce jour que les mouvements de protestation ont enregistré les premières interpellations lors d’un premier rassemblement animé par des militants du FFS devant la Grande-Poste le 20 février. Les premiers actes de répression ont ciblé, le 27 février, des avocats de la ville d’Annaba, qui ont eu le courage de manifester lors de la visite de Tayeb Louh, ex-ministre de la Justice.
Les travailleurs des différentes corporations, les enseignants du secteur de l’éducation, les médecins, les paramédicaux, les commerçants, les employés de la Fonction publique ont marqué dans ce jour leur adhésion au mouvement populaire.
Curieusement, le mercredi sera désormais connu par le jour de naissance de l’expression «forces non constitutionnelles», devenu comme un chewing-gum amer que le très médiatisé Seddik Chiheb ne cesse de mâcher sur les plateaux des télévisions privées depuis le 20 mars, offrant au peuple des épisodes de révélations très épicées, cachant mal des règlements de comptes inavoués.
Pour les Algériens, le mercredi 6 mars restera le jour où ils ont réussi à bloquer le standard des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), où Bouteflika séjournait sous le pseudonyme de Abdelmadjid Aïssa, avec en sus une fausse date de naissance.
Les jeudis de la mobilisation
Le jeudi est le jour précédant la tempête qui fait peur au pouvoir. C’est le jour de toutes les mobilisations et des appels à manifester massivement et pacifiquement. C’est en ce jour que les unités de la Gendarmerie nationale commencent à dresser les barrages filtrants sur l’autoroute Est-Ouest et à fermer les accès vers Alger en face des milliers de manifestants venus de plusieurs wilayas. Mais ce ne sont pas ces « manœuvres » qui vont dissuader les Algériens de marcher.
Certains ont même trouvé l’astuce pour contourner ces barrages, comme l’ont fait des jeunes de Boumerdès, qui ont pris la mer à bord d’une barque depuis Cap Djinet, dans une sorte de «harga» unique en son genre vers les côtes d’El Mahroussa. Cette journée restera dans les annales de la Révolution pour avoir connu la grande manifestation des journalistes pour défendre la liberté d’expression et dénoncer la censure. Elle a été marquée aussi le 28 février par la première grande marche des avocats qui sera suivie par d’autres.
Les vendredis de la dignité
Le vendredi est un jour sacré. Il sera difficile d’imaginer une révolte sans cette journée, où des marées humaines envahissent les villes algériennes pour libérer leur colère dans la joie et la bonne ambiance. L’Algérie, qui a tant retenu son souffle, a fini par briser un tabou, après 20 ans d’interdictions. C’est en ce jour du 22 février que le peuple a décidé de marcher symboliquement vers le Palais d’El Mouradia.
Il y aura désormais un avant et un après 22 février. Tout devra changer. Les tentatives de briser cet élan populaire connaîtront un échec lamentable. Les preuves seront données par ces millions de citoyens et de citoyennes qui ont marché depuis la journée historique du 8 mars, quand les femmes sont devenues l’une des forces de la Révolution.
Après le départ de Bouteflika, dont les Algériens gardent une piètre image de lui en train de remettre sa lettre de démission et demander pardon au peuple, la Révolution entamera sa deuxième saison. La résistance pacifique est en marche, malgré les tentatives de répression, de diversion et de division. Ce sera l’esprit d’un «hirak» né pour donner l’espoir en une Algérie libre et démocratique. *S. ARSLAN - elwatan- jeudi 02 mai 2019
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Un 11e vendredi grandiose en Algérie : « Pas question de lâcher maintenant »
Les manifestants refusent toujours que l’appareil hérité du président déchu gère la transition et organise la présidentielle devant élire son successeur.
Difficile à évaluer précisément faute de chiffres officiels disponibles, la mobilisation reste très forte. Des journalistes de l’AFP ont noté une légère baisse à Alger, où il a plu en matinée.
De nombreux manifestants ont également défilé dans d’autres villes du pays, notamment Oran, Constantine et Annaba, 2e, 3e et 4e villes du pays, selon des journalistes locaux ou des habitants. Dans la région de Kabylie, à l’est d’Alger, des manifestations ont également eu lieu à Tizi-Ouzou ou Bouira, selon un journaliste local et des habitants, mais aussi à Bejaïa, selon les réseaux sociaux. Des manifestations se sont déroulées dans au moins quinze autres régions du pays. À Alger et ailleurs, les manifestants se sont dispersés autour de 17 heures, sans incident signalé.
« Gaïd Salah, dégage ! »
Homme fort de facto du pays depuis qu’il a lâché le président Abdelaziz Bouteflika, dont il était un indéfectible soutien depuis 15 ans, le chef d’état-major de l’armée, le général Ahmed Gaïd Salah, était particulièrement visé vendredi par les slogans à Alger et ailleurs.
« Gaïd Salah, dégage ! », ont scandé notamment les manifestants. « Non au pouvoir militaire », pouvait-on lire sur certaines pancartes à Alger. Perçu par la contestation comme un allié quand il a obtenu la démission du chef de l’Etat, son appui désormais réitéré semaine après semaine au processus de transition conformément à la Constitution, dont l’organisation d’une présidentielle le 4 juillet, lui vaut désormais l’inimité de nombreux manifestants.
Les manifestants refusent toujours que l’appareil hérité du président déchu, suspecté d’avoir truqué les scrutins depuis deux décennies, gère la transition et organise la présidentielle devant élire son successeur.*Source : AFP - publié dans algeriepart.com- vendredi 03 mai 2019
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Les manifestants algériens : « On ne va rien lâcher » pendant le Ramadan !
Le général Gaïd Salah a martelé cette semaine le refus de l’armée de « s’écarter de la voie constitutionnelle » : une nouvelle fin de non-recevoir aux revendications de la mise sur pied de structures ad hoc pour gérer l’après-Bouteflika.
Egalement dans le collimateur des manifestants rassemblés un peu partout à travers l’Algérie : le président par intérim Abdelkader Bensalah et le Premier ministre Noureddine Bedoui, deux anciens cadres zélés du régime Bouteflika, extrêmement discrets depuis des semaines face à la contestation qui exige leur départ.
Un mois presque jour pour jour après la démission, le 2 avril, d’Abdelaziz Bouteflika, le mouvement de contestation inédit déclenché le 22 février ne faiblit pas, mais aucune autre revendication n’a été satisfaite depuis.
« On marchera jusqu’à ce que toute la bande des hommes à Boutefparte », a affirmé vendredi Hamid Benmouhoub, commerçant de 55 ans, venu de Jijel, à 350 km d’Alger. « Nous refusons ce système. Il faut qu’il parte », a renchéri Amine, 22 ans, étudiant à Tizi-Ouzou, à 100 km de route. Il a passé la nuit chez des amis pour éviter les barrages filtrants mis en place chaque vendredi aux entrées d’Alger.
Aucune partie ne semble prête à céder et certains observateurs pensent que le pouvoir mise sur un essoufflement de la mobilisation durant le ramadan qui commence dans les prochains jours. Un mois de jeûne et de privation, durant lequel les Algériens se couchent souvent tard et au fur et à mesure duquel la fatigue se fait de plus en plus sentir.
« On continuera à marcher durant le ramadan pour exiger une période de transition avec des personnes propres, on ne va rien lâcher », assure, comme de nombreux autres manifestants, Zakia Benabdrahmane, 56 ans, arrivée à Alger avec son époux de Boumerdès, à environ 40 km à l’est de la capitale.
Pour remédier à la fatigue, la faim et la soif de la journée, la plupart des manifestants proposent de déplacer pendant le ramadan les marches le soir, après le « ftor », la rupture du jeûne.*Source : AFP – publié dans algeriepart.com- vendredi 03 mai 2019
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Les Algériens manifestant dans plusieurs villes européennes et à Montréal
Le collectif « Libérons l’Algérie » composés par des citoyens indépendants, des organisations, des associations et représentants de partis politiques d’oppositions algériens au sein de la communauté algérienne à l’étranger ont appelé, dans un communiqué rendu public ce mercredi, à des rassemblements citoyens pour une autre Algérie avec changement radical du système de gouvernance, ce dimanche 5 Mai, à travers plusieurs capitales européennes.
Les signataires de l’appel à la mobilisation incitent la communauté algérienne établie à l’étranger « à manifester en masse pour Réclamer le départ du régime et l’instauration d’une période de transition, le dimanche 5 Mai.
Les manifestations seront organisées principalement dans trois villes européennes et canadiennes : Paris, Marseille et Montréal, alors que d’autres rassemblements sont également prévus le samedi 4 Mai, devant l’Ambassade d’Algérie à Londres, devant le Consulat Général d’Algérie à Lyon et à la place des Nations à Genève.
Les initiateurs de ce collectif libérons l’Algérie rappellent que « les Algériens à l’intérieur du pays, comme à l’étranger, manifestent quotidiennement leur refus de ce coup de force de trop et leur volonté de construire un État de droit », Les signataires :
– Agir pour le changement et la Démocratie en Algérie (ACDA)
– Association Communauté algérienne à l’étranger (ALCAEE)
– Association ADDRA
– Collectif « Debout l’Algérie »
– FFS France Nord
– Jil Jadid Europe
– Les humanistes
– Les amis de l’académie berbère
– Les progressistes
– Mouvement Ibtykar
– Mouvement pour la Jeunesse et le Changement (MJC)
– Riposte Internationale
– Union pour le changement et le progrès -UCP France
– Union des étudiants algériens de France (UEAF)
*algeriepart.com- samedi 04 mai 2019
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*L’avocat et défenseur des droits de l’Homme, Mustapha Bouchachi,
“Le combat doit continuer, mais aussi évoluer”
L’avocat et défenseur des droits de l’Homme, Mustapha Bouchachi, a estimé, jeudi, lors d’une conférence-débat à l’université Akli-Mohand-Oulhadj de Bouira, que la révolte populaire contre le régime doit “impérativement” se poursuivre. “On ne peut pas se permettre de faire une demi-révolution, car les conséquences seraient désastreuses pour la nation”, a-t-il averti devant une salle archicomble. Selon l’orateur, les manœuvres du pouvoir pour diviser le peuple, en jouant notamment sur le régionalisme et le clanisme, sont vouées à l’échec, à condition que le peuple, qui s’est levé comme un seul homme le 22 février dernier, reste uni. “Notre force, nous devons la puiser dans notre union, c’est cette dernière qui nous permettra de vaincre”, soulignera Me Bouchachi, pour qui le combat entamé par des millions d’Algériennes et d’Algériens doit se poursuivre et s’intensifier.
“Le combat doit non seulement continuer, mais aussi évoluer”, a-t-il insisté. Évoluer comment ? Abandonner l’aspect pacifique et emprunter le chemin de la radicalisation ? Assurément pas, selon le conférencier. “Nous devons préserver le cachet pacifique des marches populaires”, a-t-il insisté sur cette question. Ainsi, pour l’hôte de Bouira, il est “impératif et crucial” de rester soudés et unis pour de l’avant, vers un avenir prospère pour tous les Algériens, en passant par une véritable période de transition qui pourra nous emmener vers une véritable démocratie. “Notre destin est entre nos mains. Ne jouons pas avec le feu !”. Commentant l’“offre” du chef d’état-major de l’Armée nationale populaire et vice-ministre de la Défense nationale, Ahmed Gaïd Salah, qui avait, depuis Biskra, estimé que le “dialogue est l’un des moyens les plus civilisés et les plus nobles dans les relations humaines et la voie la plus judicieuse pour présenter des propositions constructives, rapprocher les points de vue et atteindre un consensus autour des solutions disponibles”, Me Bouchachi a, pour ainsi dire, rejeté cette initiative. “Dialoguer avec qui ? Bensalah ? Bedoui ?”, s’est-il interrogé.
Et d’y répondre aussitôt : “Nous sommes pour le dialogue, mais pas avec les résidus du système”, tranchera-t-il. S’agissant des poursuites judiciaires engagées contre certains anciens responsables politiques et hommes d’affaires, l’avocat a considéré que c’est une “autre manœuvre”, visant, selon ses dires, à détourner les regards de l’opinion publique car, estime-t-il, la lutte contre la corruption ne peut se faire qu’après le départ de tout le système. Au sujet de Bedoui et son gouvernement tant décrié par le peuple, le célèbre avocat l’a appelé à faire preuve de “dignité” en déposant sa démission. “Être contesté par plus de 20 millions de citoyens et ne pas démissionner, je considère cela comme de l’indignité politique”, a-t-il déploré.*Par Ramdane Bourahla- Liberté- samedi 04 mai 2019
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face à une vraie lame de fond populaire
*L’entêtement des généraux à imposer un “règlement de la crise” qui permettrait au système politique de survivre.
C’était prévisible : les réponses apportées par le chef d’état-major de l’armée aux revendications populaires exprimées et réitérées pendant plus de deux mois ne pouvaient suffire à satisfaire ces millions d’Algériens qui en étaient, hier, à leur onzième vendredi de mobilisation sans faille. Même si, de semaine en semaine, ces réponses ont été recadrées dans leur forme, elles n’ont pas évolué dans leur fond.
Cette constance de la teneur politique dans le discours du chef de l’institution militaire n’a pas échappé aux Algériens, qui y voient une sorte d’entêtement à imposer un “règlement de la crise” qui permettrait au système politique de survivre. Accompagnées de manœuvres et de manipulations diverses depuis ces dernières semaines, les “solutions” proposées par le chef d’état-major de l’armée, dont l’expression est devenue, de fait, celle du pouvoir politique, n’ont pas plus d’effet sur la détermination du peuple à recouvrer la souveraineté dont il a été spolié depuis l’indépendance.
Le pouvoir a donc tout compris, sauf l’essentiel : nous assistons à une révolution démocratique attendue par le peuple depuis 1962, surtout pas à un mouvement d’humeur collectif et, encore moins, à une colère passagère de foules mécontentes. Et c’est de ne l’avoir pas compris que le pouvoir se trompe de réponse et s’essaie à trouver des faiblesses et des failles à exploiter pour faire avorter le mouvement. Mais ni les tentatives de division du mouvement du 22 février ni le simulacre de lutte contre la corruption n’ont eu raison de cette vigilance intraitable des Algériens qui maintiennent le cap sur leur revendication fondamentale : le départ du système et de ses symboles. Les slogans scandés et les pancartes brandies hier à travers toutes les régions du pays le montrent de façon limpide : le peuple a compris qu’il n’y a pas, chez le pouvoir actuel, une réelle volonté de satisfaire à cette revendication essentielle, mais plutôt une vraie tactique visant à gagner du temps, comme dans une guerre d’usure.
C’est à cela qu’ils réagissent lorsqu’ils promettent de poursuivre le mouvement “jusqu’au bout”, “durant et après le Ramadhan”, et “quitte à sacrifier les vacances d’été”. C’est ainsi que le vice-ministre de la Défense est désormais cité parmi les responsables invités à s’en aller, en même temps qu’est dénoncée cette illusion que se font les tenants du système qui ne désespèrent pas de voir le mouvement s’essouffler et ses animateurs gagnés par la lassitude. C’est dire combien est dérisoire cette tactique de la guerre d’usure face à un mouvement porté par une vraie lame de fond.* par Said Chekri - Liberté- samedi 04 mai 2019
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