une nouvelle République à tout prix-21

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Rendez le pouvoir au peuple

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une année d’une contestation populaire inédite

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*vidéoHIRAK 53 ALGIERS ALGER -21 févr. 2020

People gather during a protest over President Abdelaziz Bouteflika's decision to postpone elections and extend his fourth term in office, in Algiers, Algeria March 15, 2019. REUTERS/Zohra Bensemra

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Révolution : Le nouvel élan

Les manifestants étaient déterminés à marcher jusqu’au palais présidentiel. Des barrages de forces anti-émeutes les en ont empêchés, parfois en utilisant les canons à eau et la matraque.

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“Sortez les Algérois, sortez”, appelaient quelques centaines de manifestants, drapés dans le drapeau national ou l’emblème amazigh, rassemblés à quelques encablures de la place Audin, pour marquer le premier anniversaire de la révolution citoyenne. Il paraissait peu probable que les citoyens sortent en masse dans la rue au lendemain d’un vendredi de très forte mobilisation. Pourtant, au bout d’une demi-heure, la manifestation grossissait à vue d’œil, de milliers de révoltés contre le régime.

La foule a entamé une progression sur la rue Didouche-Mourad, en scandant les habituels slogans et chants hostiles au régime. Puis brusquement, elle a exprimé une intention de marcher jusqu’au palais présidentiel. “Lentement, lentement, nous arriverons à El-Mouradia”, a-t-elle entonné puis d’enchaîner : “À Alger, tombera le régime.” La procession est freinée dans son élan par un imposant barrage de forces anti-émeutes renforcé par des fourgons de police, à hauteur du siège régional du RCD. Impossible d’aller plus loin sans provoquer une confrontation violente.

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À partir de cette ligne infranchissable, la masse compacte des manifestants s’étendait sur des kilomètres. Le face-à-face police-citoyens a duré plusieurs heures. Les premiers rangs des protestataires, déterminés, ont essayé une première fois de forcer le cordon de sécurité, en criant : “Marchons vers El-Mouradia”, “Dawla madania, machi âaskaria”, “Hadi dawla ouala istiîmar ?” (Est-ce un État ou une colonisation ?).

Les policiers, qui ont sans doute été instruits de ne pas recourir aux moyens de répression, avaient du mal à les contenir par le seul mouvement de corps à corps. Un deuxième, puis un troisième coup de force sont tentés. Des intrépides parvenaient à passer à travers les mailles de la triple barrière de police. Ils sont aussitôt “cueillis” par l’arrière-garde de sécurité et embarqués dans des fourgons cellulaires. Deux personnes, prises de malaise, sont évacuées dans une ambulance, stationnée à proximité. Visiblement exaspérés par les manifestants qui exerçaient un pressing constant, des policiers les ont arrosés d’un canon à eau et bastonnés.

Dans la bousculade, des jeunes sont tombés à terre, perdant des chaussures, se foulant la cheville. En colère, leurs concitoyens ont martelé : “Y en a marre de ce pouvoir”, “Transmettez le pouvoir au peuple”, “Oh viva l’Algérie, yatnahaw gaâ”, “Ya hna ya ntouma, maranach habsine” (Ou c’est vous, ou c’est nous. Nous n’arrêterons pas). Ils ont appelé, dans le même temps, à respecter les consignes du pacifisme : “Silmiya, silmiya.” Se rendant à l’évidence que ce chemin vers El-Mouradia était interdit ce samedi, une partie des manifestants a dévié vers le boulevard des Martyrs, via Meissonier puis Ghermoul. À cet endroit, les attendait également un autre barrage des forces anti-émeutes. À vrai dire, tous les accès, carrossables ou piétons, menant vers le siège de la présidence de la République, étaient hermétiquement fermés. Une trentaine d’interpellations ont été signalées durant la journée. **Souhila Hammadi - Liberté-  dimanche 23 février 2020

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Hirak, la marche continue

**Alors  que  le  mouvement  populaire  marquait  son  premier  anniversaire par  une  démonstration de son intacte vitalité, le régime, au lieu de se saisir de l’occasion pour y puiser les enseignements politiques qui s’imposent, faisait ce qu’il sait faire : tenter la manipulation.
Confirmant la fracture politique, mais aussi culturelle, qui sépare désormais le peuple en révolution des forces agrippées à l’ancien système, il a entrepris une opération de détournement du soulèvement qui, depuis le 22 février 2019, implique la grande masse des Algériens.
La presse officielle et officieuse, jusqu’ici aveugle et sourde aux manifestations et aux clameurs d’un peuple qui réclame sa citoyenneté et qu’on réprime, découvre, en ce 22 février 2020, l’existence d’un “hirak” pourtant vieux d’un an déjà. L’occasion pour le pouvoir d’expliquer, à grand renforts d’émissions radio et télé,  au hirak,  qu’il  a  été  entendu  et  que l’armée  a  tôt  entrepris de le “protéger” et de concrétiser ses revendications. Une réponse comportant une dose de cynisme quand on pense qu’elle s’adresse à un peuple qui, depuis de longs mois, demande à accéder à “un État civil et non militaire”.
Est-ce en continuant à cultiver l’ambiguïté sur le rôle politique de l’armée que Tebboune compte convaincre le peuple manifestant de son adhésion aux revendications du hirak et de son engagement à la concrétiser. Même en y mettant toute “la crédibilité” de son dispositif médiatique public et privé, ce n’est pas ainsi qu’il parviendra à convaincre qu’il est autre chose que la façade civile d’un pouvoir militaire.
D’ailleurs dès le lendemain de la “journée nationale” consacrée au “hirak béni”, le Président s’est dédit au sujet de ses prétendues favorables dispositions envers le hirak et les citoyens qui y participent : on n’a pas attendu plus longtemps pour voir le tribunal de Sidi M’hamed condamner vingt manifestants à des peines allant de trois mois à un an de prison ferme et le procureur du tribunal de Dar El-Beïda requérant un an de prison à l’encontre de Fodil Boumala !
Tout se passe comme si le discours sur le hirak, d’une part, et le traitement politique du hirak, d’autre part, relevaient de centres d’initiative distincts. Il n’y a pas d’autre explication à ce grand écart entre l’intention proclamée et l’action effective.
En termes de disponibilité du régime, les choses ne sont pas plus avancées qu’aux premiers jours du hirak : le régime joue le temps, la répression et la fuite en avant. En programmant un processus de révision constitutionnelle devant se conclure par un référendum en fin d’année, il mise, en réalité, sur une déconfiture ou un épuisement préalable du mouvement populaire. Ce qui est conforme à la gestion sécuritaire constante appliquée au hirak.
Le système ne peut  pas  contribuer  à  sa propre abolition.  Même  après  toutes  ces  démonstrations  de  résurrection effective de la conscience populaire. Si le mouvement pacifique a choisi la voie du pacifisme et de l’abnégation, c’est parce qu’il était spontanément averti qu’il sera contraint à l’endurance et à la durée.*par Mustapha HAMMOUCHE -  Liberté-  24 février 2020

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Le hirak a construit une «identité collective» et aspire à un «destin commun».

Des universitaires algériens ont relevé, avant-hier à Alger, que le hirak – qui a opéré un «changement qualitatif» par rapport aux mouvements sociaux survenus depuis 1980 – a permis une réappropriation «des espaces publics, de la parole politique, de l’histoire nationale et l’identité collective», et aspire à un «destin commun».

Le hirak, réceptacle des mouvements sociaux qui ont secoué le pays depuis plusieurs décennies, exprime une volonté de reconstruire «le lien social et une communauté politique, qui aspire à un destin commun, sans pour autant effacer les différences sociales, politiques, culturelles ou religieuses», ont soutenu, avant-hier à Alger, des universitaires.

«Le hirak, né en février 2019, est le résultat de changements et de transformations extrêmement profondes de la société.

Il s’inscrit aussi dans l’évolution des mouvements sociaux à l’échelle globale», a analysé Salem Chena, chercheur associé au laboratoire Les Afriques dans le monde de Sciences Po Bordeaux, lors d’une conférence-débat sur «Le hirak, comme une perspective historique», organisée par l’association RAJ.

«De par ses méthodes d’action, le hirak s’est réapproprié les espaces publics, la parole politique, l’histoire nationale et l’identité collective, à savoir l’algérianité», a-t-il, ajouté lors de la présentation d’un ouvrage collectif : Algérie, décennie 2010, aux origines du mouvement de 22 Février, paru récemment en France.

Ces réappropriations expriment «la reconstruction du lien social et d’une communauté politique, qui aspire à un destin commun, sans pour autant effacer les différences sociales, politiques, culturelles ou religieuses», et «une ré-politisation de la société», a-t-il souligné.

Autre caractéristique du hirak : sa capacité d’adaptation en termes de mots d’ordre en fonction du contexte politique lors des marches hebdomadaires, a précisé l’universitaire, en citant le thème récent du coronavirus.

En outre, le mouvement populaire «inventif» renouvelle constamment ses formes de contestation dans les chants et les slogans chaque semaine. «Cela témoigne d’une chape de plomb qui a sauté», a noté Salem Chena.

Le mouvement de contestation «individualisé et urbanisé» s’inscrit aussi dans la mondialisation, notamment avec le recours aux réseaux sociaux et des pancartes en anglais, qui alimentent ses revendications, a-t-il souligné.

Le civisme des manifestants est synonyme d’une «volonté citoyenne de revendications des droits» alors que le hirak exprime son «refus de la hogra» et affiche une critique de la corruption et des inégalités sociales.

A travers le slogan phare «Silmiya», le hirak, qui refuse toute forme d’organigramme, «vise à préserver le mouvement et assurer son autonomie. Cela dénote d’un apprentissage des luttes passées de l’histoire et de leurs échecs», a-t-il expliqué.

Pour sa part, Aïssa Kadri, sociologue et professeur émérite des universités, a relevé que le mouvement de contestation, qui s’inscrit dans l’histoire du pays, constitue «un catalyseur» de nombreux mouvements sociaux qui ont secoué l’Algérie. «Le hirak n’est pas tombé du ciel ! Il est un réceptacle des mouvements sociaux survenus depuis 1980», a-t-il décrit.

En revanche, il a marqué une transformation par rapport aux formes de contestations et mouvements sociaux et politiques  depuis l’indépendance. «Il a opéré un changement qualitatif par rapport aux mouvements sociaux qui étaient spontanés, éclatés et fragmentés. Pacifique et national, il exprime des points de vue différents et laisse place à la tolérance», a estimé Aïssa Kadri, qui a dirigé l’ouvrage.

Selon lui, le mouvement populaire constitue aussi un démenti à «la fausse exception» algérienne, selon laquelle les Algériens étaient amorphes, dépolitisés et résignés, au moment des printemps dits «arabes» en 2011.

De son côté, Hocine Belalloufi, essayiste et journaliste, qui a présenté une communication autour de son ouvrage Peuple insurgé, entre réforme et révolution, est revenu sur les objectifs et les moyens employés par le mouvement de protestation.

«Le peuple algérien s’est élevé en 2019 contre l’autoritarisme mais aussi contre la remise en cause du consensus social, la spoliation et la paupérisation», dira-t-il, évoquant un lien historique avec le mouvement des années 1940-50.

Le hirak, mouvement «interclassiste», «anti-impérialiste», et «insuffisamment social», n’est pas une «révolution» mais seulement «un mouvement de réforme politique radicale», selon lui.

Evoquant les rapports de force, il a noté que le pouvoir est sur «la défensive sur le plan stratégique». «Il fait face à un mouvement qui ne lâche rien sur sa volonté d’aller vers un régime basé sur la souveraineté populaire.

Cependant, face à la faiblesse des syndicats, du mouvement associatif et du manque de crédibilité des partis politiques, l’objectif dans ces conditions est de contraindre le régime à négocier une transition copilotée », a-t-il souligné.

*H-L / elwatan- jeudi 05 mars 2020

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HIRAK

Entre Covid et urgences citoyennes, le cœur du hirak balance.

Sur les réseaux sociaux, la question de la reprise ou non des marches fait débat (de façon tout à fait informelle), tandis que des manifestations sont organisées ça et là, comme on l’a vu à Tigzirt, à Béjaïa et dans d’autres villes.

Alors que la levée du confinement se précise et qu’un déconfinement progressif est engagé à des degrés divers à travers le pays, que la vie reprend peu à peu ses droits et que nos villes se raniment, d’aucuns s’interrogent si le moment ne serait pas venu aussi de «déconfiner» le hirak.

Pour rappel, le mouvement de contestation populaire observe une trêve sanitaire depuis trois mois. La dernière manif’ enregistrée remonte exactement au 13 mars 2020, coïncidant avec le 56e vendredi du hirak populaire.

Et force est de constater qu’il y a comme de l’impatience dans l’air, une volonté sourde d’en découdre et de hâter le come-back du hirak.

Ce sentiment d’urgence se trouve naturellement attisé par la multiplication des arrestations et des convocations judiciaires en plein confinement, et l’absence de tout geste d’apaisement, ce qui conforte l’idée que le régime profite de la crise du coronavirus pour régler leurs comptes aux opposants, en particulier les figures et les activistes du mouvement issu de l’insurrection pacifique du 22 février 2019.

*Esprit «Hirako-responsable»

Ainsi, entre Covid et urgences citoyennes, le cœur du hirak balance. Sur les réseaux sociaux, la question de la reprise ou non des marches fait débat (de façon tout à fait informelle), tandis que des manifestations sont organisées ça et là, comme on l’a vu à Tigzirt, à Béjaïa et dans d’autres villes.

Face au climat répressif ambiant et les velléités d’un glissement inexorable vers le bon vieux statu quo mortifère et à la «routine autoritaire», de nombreux hirakistes considèrent qu’il est grand temps de réoccuper la rue et de réengager un bras de fer avec le pouvoir politico-sécuritaire pour l’obliger à lâcher du lest.

Cependant, un large secteur de l’opinion hirakienne estime qu’il faut temporiser et ne pas tomber dans la précipitation, surtout que la pandémie est loin d’avoir été enrayée, et que le risque sanitaire est objectivement persistant.

Les sages du mouvement en appellent à ce même esprit «hirako-responsable» qui a présidé à la suspension des manifs en mars dernier et à se donner le temps de préparer le retour à la contestation dans l’espace public.

«Le retour non concerté d’un demi-hirak (sans l’adhésion massive de la population et de la majorité des activistes ) avant la levée de la trêve sanitaire décrétée par le hirak, est un cadeau offert au régime pour arrêter le maximum d’activistes en vue d’affaiblir le mouvement populaire» fait remarquer Saïd Salhi, vice-président de la LADDH et une des figures les plus respectées au sein du mouvement, dans un post publié, samedi dernier, sur sa page Facebook.

Et d’exhorter les militants à faire preuve d’endurance en ajoutant : «Patience et vigilance, le régime n’attend que ça. Il en profite au maximum. Le hirak a besoin de ses activistes pour revenir plus fortet en rangs serrés contre l’arbitraire et pour le changement pacifique du système. Restons solidaires. Halte à la répression, libérez les détenus d’opinion !»

De son côté, Me Abdelghani Badi, l’avocat engagé qui sillonne les tribunaux et les prisons du pays sans relâche en portant assistance à tous les détenus du hirak, a posté ce message, ce même samedi, sur son compte officiel : «Il peut arriver que tu fasses une halte non pas pour te reposer mais pour examiner sereinement une situation. La perspicacité et la clairvoyance porteront indubitablement leurs fruits.

Nécessité d’éviter l’impulsion qui conduira fatalement à commettre des erreurs que guettent les ennemis du progrès et de la démocratie.»

*«La santé du citoyen avant tout»

Contacté par nos soins, Me Abdelghani Badi plaide pour le prolongement de la trêve sanitaire en faisant observer que «la vie et la santé du citoyen sont plus importants que tout». «Et le régime est parfaitement prêt à mettre sur le dos du hirak les échecs de notre système sanitaire», prévient-il.

«On a bien vu comment Mohamed Saïd (Bélaïd Mohand-Oussaïd, porte-parole de la Présidence, ndlr) a accusé le dernier vendredi du hirak (celui du 13 mars) d’avoir causé la propagation du corona.» Référence à une déclaration de Bélaïd Mohand-Oussaïd, faite lors d’une émission de la télévision nationale diffusée le 9 avril.

Le porte-parole de la Présidence a apporté toutefois des clarifications dans un communiqué officiel en précisant que «le terme ‘hirak’ utilisé lors de l’émission ne s’entendait pas à toutes les composantes du hirak, mais il était clair que les propos visaient uniquement les intrus qui incitaient au rassemblement, alors que la situation générale ne permettait pas de tenir de rassemblements qui favorisent la propagation de l’épidémie».

Me Badi poursuit en soulignant : «Moi, je suis convaincu que le hirak est devenu une nature enracinée dans l’esprit du citoyen algérien dans le fait de réclamer ses droits, et cela est en soi un acquis.

Quant au choix du timing approprié pour le retour du hirak, il faut encore patienter jusqu’à la disparition de tous les cas de contamination au coronavirus, ainsi que la levée du confinement et le retour à la vie normale.»

«Et ce choix n’est pas seulement dicté par le souci de ne pas prêter le flanc aux accusations du pouvoir (de propager l’épidémie, ndlr), mais il est aussi guidé par la volonté de préservation de la santé publique et des vies humaines. La pandémie a emporté des centaines de milliers de personnes de par le monde.

Ce n’est donc pas quelque chose d’anodin», insiste l’avocat hirakiste. Pour lui, «le hirak ne se réduit pas à un phénomène de rue et à sa dimension ‘‘manifestations publiques’’. Le hirak, c’est aussi des idées, des principes, une âme qui habite le citoyen dans sa vie quotidienne».

Le juriste mentionne un autre aspect : le coût judiciaire des manifs dans ce contexte épidémiologique qui sert parfaitement le pouvoir en place.

«Il y a des textes de loi qui ont été confectionnés spécialement pour être utilisés contre les activistes et ceux qui sortent manifester durant cette conjoncture sanitaire difficile», affirme Me Badi.

«Les lois qui ont été promulguées au mois de Ramadhan dernier prévoient des poursuites contre les personnes qui pourraient sortir, sous couvert de préservation de la santé publique.

Ainsi, même les libertés des gens pourraient être menacées s’ils sortent manifester au nom du hirak dans un tel contexte», déplore-t-il en citant notamment les derniers amendements apportés au code pénal. Et ce traitement judiciaire, relève l’avocat, «met la menace à la santé publique au même niveau que la menace à l’unité nationale et à la sécurité nationale».

Dès lors, les sanctions prévues en vertu de ces nouvelles dispositions sont sévères.

La «loi n°20-06 du 28 avril 2020 modifiant et complétant l’ordonnance n°66-156 du 8 juin 1966 portant code pénal», dispose : «Est puni d’un emprisonnement de six (6) mois à deux (2) ans et d’une amende de 60 000 DA à 200 000 DA, quiconque, par la violation délibérée et manifeste d’une obligation de prudence ou de sécurité édictée par la loi ou le règlement, expose directement la vie d’autrui ou son intégrité physique à un danger.

La peine est l’emprisonnement de trois (3) ans à cinq (5) ans et l’amende de 300 000 DA à 500 000 DA, si les faits suscités sont commis durant les périodes de confinement sanitaire ou d’une catastrophe naturelle, biologique ou technologique ou de toute autre calamité» (art. 290 bis).

Selon le juriste, «on pourrait alors se retrouver à la fois avec un problème sanitaire et un problème de privation de liberté».

Et de recommander : «Moi je suis pour l’idée de patienter jusqu’à la résorption de cette épidémie et qu’on ait une stabilité de la situation sanitaire. Notre combat s’inscrit dans la durée et n’est pas conditionné par des péripéties conjoncturelles.»

«Cela risque d’être contre-productif»

Pour sa part, la politologue Louisa Aït Hamadouche insiste sur la nécessité d’un consensus autour de la reprise du hirak et le choix de son timing : «Je trouve que le retour aux manifestations et aux rassemblements doit d’abord être le résultat de débats comparables à ceux qu’on a connus au début du mois de mars (au moment de la suspension du hirak, ndlr), déclare-t-elle d’emblée.

«Ce qui serait utile aujourd’hui, c’est que les réseaux sociaux qui sont l’unique espace d’expression disponible, vu que tous les autres médias sont fermés, redeviennent le lieu de débats contradictoires, argumentés, sur cette question.

A mon avis, c’est le processus qui devrait être suivi pour aboutir à une décision commune, de façon à mettre en avant cette intelligence collective qu’on cite constamment, quand on évoque le hirak», préconise-t-elle.

Livrant son sentiment personnel sur le sujet, Louisa Ait Hamadouche nous dira : «A titre personnel, – et cela n’engage que moi – si le débat aura lieu, je ferais partie de ceux qui considèrent qu’une reprise précipitée des manifestations serait une décision risquée.

Pourquoi ? Parce que tant que l’épidémie continue, les moindres actions à risque vont fatalement multiplier les contaminations, ce qui reviendra à faire porter aux manifestations la responsabilité de nouvelles vagues de contagion».

S’agissant des marches qui ont eu lieu ces derniers jours dans certaines régions, et qui, tout en exigeant un changement radical du système, étaient surtout motivées par l’exigence de la libération des détenus du hirak, la politologue estime que cette démarche risque d’être «une mauvaise solution pour un vrai problème».

Elle explique : «Les arrestations, les pressions, les convocations policières sont un réel problème en termes non seulement de légalité mais aussi de respect des droits de l’homme.

Mais le retour aux manifestations publiques n’est certainement pas la solution, parce que 1 : ce retour n’est pas consensuel ; 2 : quand une minorité de personnes se retrouve dans la rue, c’est ce qui facilite la répression.

Et, 3 : cela peut être un argument qui sera utilisé contre les hirakistes, si le taux de contaminations augmente.

Certes, le soutien aux détenus, le fait de condamner les arrestations, c’est une position parfaitement justifiée, mais l’exprimer à travers les manifestations de rue a toutes les chances de se révéler contre-productif.» – MUSTAPHA BENFODIL – elwatan- lundi 15 juin 2020

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         Le hirak se déconfine

Alors que se multiplient depuis quelques jours, dans la perspective de la levée du confinement sanitaire, les signes d’une reprise des manifestations du hirak, interrompues volontairement par le mouvement populaire suite à la pandémie de Covid-19, les pouvoirs publics ont choisi la posture «no comment».

Aucune déclaration d’une source autorisée, mutisme total des médias publics : l’événement est froidement zappé. Les Algériens et Algériennes qui ont suivi, vendredi soir, la retransmission de la rencontre du président Tebboune avec des représentants des médias nationaux n’en sauront pas plus sur ce que pense le pouvoir de la reprise des marches populaires et le traitement qu’il compte leur réserver.

Les journalistes ont évité d’interroger le président de la République sur ce sujet, qui fait pourtant l’actualité politique depuis quelques semaines déjà, et le chef de l’Etat n’a pas jugé nécessaire d’évoquer la question au détour de ses réponses, sinon de manière allusive en mettant en garde contre la manipulation de nos jeunes.

Pour le pouvoir, la priorité de l’heure demeure la lutte contre la pandémie de coronavirus sur laquelle doivent être concentrés tous les efforts de l’Etat pour endiguer le fléau et atténuer ses conséquences économiques et sociales. Le hirak peut attendre. C’est ce qu’il convient en tout cas de comprendre de cette (fausse) pudeur affichée par le pouvoir par rapport au hirak, qui a carrément disparu de l’horizon de sa feuille de route, du moins dans le court terme. L’argument imparable de l’urgence sanitaire a été saisi comme on s’accroche à une bouée de sauvetage pour mettre entre parenthèses, jusqu’à nouvel ordre, les revendications du hirak.

La seule réponse opposée aux quelques initiatives de marches organisées ici et là aura été, dans un premier temps, de faire l’impasse sur l’événement, pour minimiser sa portée, avant d’admettre l’évidence de la vague qui prend de l’ampleur, comme l’atteste la réaction violente des forces antiémeute vendredi dernier à Béjaïa. De nombreuses interpellations furent opérées parmi les manifestants assiégés durant plusieurs heures dans une cité de la ville. Le signal de la reprise de la contestation populaire a été donné à partir de la ville de Kherrata, berceau du hirak, qui a choisi la date symbolique du premier jour de l’Aïd El Fitr pour raviver la flamme du mouvement populaire en organisant une marche à travers les artères du centre de l’agglomération.

Les villes de Bouira il y a quelques jours, Tizi Ouzou et Tigzirt, ce jeudi, ont vibré, elles aussi, au rythme du hirak à travers des manifestations par lesquelles elles signent la fin de leur confinement politique et la réappropriation de la rue en tant que ferment de la contestation pour le changement du système. Pour avoir intégré dans sa pensée politique cette donne historique de la réputation de la Kabylie, qui s’est affirmée comme un des bastions forts des luttes démocratiques dans le pays, le fait que la flamme du hirak reparte de cette région dont le rejet du système est endémique ne semble pas inquiéter le pouvoir. Tant qu’Alger, la capitale, le cœur du réacteur du hirak depuis le lancement du mouvement populaire ne bouge pas, le pouvoir est fondé à croire qu’il n’a pas à se faire de soucis.

On a vu la réactivité du dispositif de sécurité, prompt à intervenir, au quart de tour, à un simple appel sur les réseaux sociaux à manifester à Alger ! Le message des interpellations de ce vendredi à Béjaïa est clair : il n’est pas question pour le pouvoir de tolérer, sous quelque forme que ce soit, la reprise des marches du hirak. Du moins, dans le court terme, tant que la pandémie n’est pas vaincue. Prises de court et certainement convaincues qu’il s’agissait d’une poussée de fièvre passagère de quelques activistes radicaux du hirak, pressés de reprendre du service, après ce long intermède imposé par la situation sanitaire, les autorités, si elles ont fermé les yeux auparavant, ne comptent manifestement plus rester passives et laisser le mouvement reprendre ses couleurs et sa force d’avant la pandémie.

Le pouvoir a compris, avec la reprise de la contestation qui se propage, qu’il a eu tort de parier sur l’immunité collective des Algériens construite autour de la peur face à l’épidémie, pour circonscrire le nouveau départ de feu en pointant du doigt les pyromanes qui poussent les Algériens au suicide collectif. Il est vrai que quand on voit ces scènes de foule compacte où l’on se soucie peu des gestes barrières sanitaires de prévention, de port du masque et de distanciation sociale, faisant craindre le pire, dans un vivier aussi propice à la transmission du virus, on ne peut que croiser les doigts.

Les manifestations grandioses que connaissent les Etats-Unis d’Amérique pour dénoncer les violences policières racistes à la suite de la mort de George Floyd ont libéré, affranchi le hirak algérien des chaînes du confinement et de l’embargo sur les manifestations imposés par la situation sanitaire. Venant d’un pays présenté comme un modèle de démocratie, elles constituent pour le mouvement populaire une source de légitimité renouvelée. Avec cette nouvelle donne, le pouvoir ne pourra plus regarder le hirak par le même bout de la lorgnette. *OMAR BERBICHE - elwatan- lundi 15 juin 2020

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***vidéos: Projet de constitution

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Louisa Dris-Aït Hamadouche. Politologue et enseignante à l’université d’Alger

«Nous avions un régime hyper-présidentialiste et nous restons sur un schéma identique»

Enseignante à la faculté des sciences politiques d’Alger, la politologue Louisa Dris-Aït Hamadouche analyse ici le contenu de l’avant-projet de la Constitution rendu public, jeudi dernier. Elle relève d’emblée que le contexte choisi pour engager un débat contradictoire autour de ce projet n’est pas propice et que les Algériens n’ont pas la possibilité d’y participer. Sur le fond, l’oratrice souligne l’absence d’une volonté d’un changement du régime et de réaliser un vrai équilibre des pouvoirs. Même s’il y a des avancées en matière de libertés, explique-t-elle, le problème des textes permettant l’application des principes constitutionnels reste tel quel. Abordant la disposition permettant la participation des militaires algériens aux opérations de maintien de la paix à l’étranger, la politologue relève un changement de la doctrine de politique étrangère de l’Algérie «sans débat».

– L’avant-projet de la révision de la Constitution vient d’être soumis à débat par la présidence de la République. Ce texte répond-il, selon vous, aux exigences des Algériens exprimées depuis le début du hirak ?

En premier lieu, il y a quelques observations de forme à faire. Premièrement, l’avant- projet de la Constitution a été transmis aux acteurs politiques et associatifs agréés et pas encore au grand public. On ne peut donc pas encore dire qu’il est soumis à un débat public. Deuxièmement, pour que le débat public soit ouvert, il faut non seulement que l’ensemble des Algériens puissent le lire, mais surtout que des débats contradictoires puissent avoir lieu.

Des débats qui se tiendraient aussi bien dans les médias publics que privés que dans les espaces publics que les Algériens se sont réappropriés depuis le 22/02/2019. Or, là encore, aucune de ces conditions préalables n’est réunie. Les médias sont réduits à un discours unanimiste et les espaces publics sont inaccessibles.

J’ajoutera, par ailleurs, que la priorité des priorités étant de dépasser la crise sanitaire et de se solidariser avec tous ceux qui sont tombés dans la plus grande précarité à cause du confinement, évoquer la Constitution dans ce contexte est incompréhensible. Dans le fond, sachant que le hirak réclame depuis 15 mois l’opportunité de participer activement dans l’élaboration du Texte fondamental, le choix fait depuis le début peut difficilement satisfaire les aspirations de changement.

Ce choix, je le rappelle, consiste à missionner un comité d’experts chargé d’élaborer un avant projet, puis à confier au Parlement – dont l’illégitimité n’est plus à démontrer – le choix de l’adopter. La phase finale, à savoir le référendum, ne peut pas combler l’absence de participation citoyenne en amont. Il s’agit donc d’une procédure proche de celle adoptée lors des précédentes révisions constitutionnelles, référendum en plus. Le processus d’élaboration de la nouvelle Constitution étant exclusif, les résultats ne peuvent pas être inclusifs.

– Ce document peut-il réaliser un équilibre des pouvoirs, comme demandé par l’ensemble des acteurs politiques ?

Il faudrait laisser aux experts le temps d’analyser le texte pour répondre très précisément à la question. Une première lecture permet de remarquer des changements de forme et difficilement des changements de fond, notamment ceux qui concernent l’équilibre des pouvoirs.

A titre d’exemple, le chef de l’Etat désigne les présidents des organes de contrôle, comme la Cour constitutionnelle, la Cour des comptes, le Conseil d’Etat, le gouverneur de la Banque d’Algérie et les autorités de régulation, alors que la mission de contrôle exige l’indépendance vis-à-vis de ceux qui sont contrôlés.

Il est vrai qu’il perd le droit de légiférer par ordonnance pendant les vacances parlementaires, mais il semble que son ascendant sur le Parlement ne disparaîtra pas pour autant. En effet, la majorité qui s’en dégagera ne déterminera pas automatiquement l’identité politique du chef du gouvernement.

Ce dernier continuera d’être nommé par le Président, après avoir consulté l’Assemblée nationale et sera démis par la même autorité. Les prérogatives du chef du gouvernement sont faiblement renforcées dans la mesure où l’exécutif local, à savoir les walis, sont toujours désignés par le chef de l’Etat.

Du côté du pouvoir judiciaire, les juges gagnent un peu d’indépendance vis-à-vis de leur tutelle, mais le chef de l’Etat continue de présider le Conseil supérieur de la magistrature et de nommer les juges. Ces premières observations sont conformes au processus qui a conduit à l’élaboration de ce texte. Encore une fois, il s’est fait de façon unilatérale, et il est logique qu’il réponde aux besoins et désirs de ceux qui en sont l’initiateur.

– Dans son chapitre consacré aux libertés publiques, cette mouture propose l’adoption du régime déclaratif pour la création des associations, des journaux, les réunions publiques et les manifestations… Ces mesures suffisent-elles pour consacrer le respect des droits de l’homme et des libertés dans le pays ?

Le chapitre relatif aux libertés est très riche. Je doute qu’on puisse trouver une insuffisance, puisque même les droits des personnes âgées sont cités. Le retour au régime déclaratif est tout aussi apprécié car réclamé depuis longtemps. Le problème qui se pose, et il est de taille, n’est pas dans les principes de la Constitution mais dans les lois qui permettent ou pas leur application.

A ce propos, le nouveau code pénal est en soit un obstacle majeur à la concrétisation des principes constitutionnels. Je rappelle que ce sont les magistrats et les juges eux-mêmes qui ont dénoncé le fait que les crimes contenus dans ces lois n’étaient ni définis ni précisés, et que leur élasticité ouvrait la porte à de très graves abus à l’encontre des libertés individuelles et collectives des citoyens et de leurs droits fondamentaux. En d’autres termes, il sera plus facile de créer un syndicat, une association ou un journal et encore plus facile pour ses membres de se retrouver poursuivis en justice et incarcérés.

– Parmi les nouveautés de ce texte, il y a celle qui permet à l’armée algérienne d’intervenir à l’étranger. Que signifie, selon vous, cette disposition, sachant que, jusque-là, toutes les Constitutions interdisaient une telle éventualité ?

En premier lieu, je voudrais remettre en cause une fausse vérité qui consiste à dire que la Constitution algérienne interdisait la projection des forces à l’étranger. C’est d’autant plus faux que l’Algérie a participé à plusieurs reprises à des opérations de maintien de la paix, notamment en Afrique. Sur cette question, toutes les Constitutions algériennes étaient strictement fidèles à la Charte des Nations unies qui conditionne l’usage de la force armée.

Par contre, il est légitime de s’interroger sur les raisons qui ont poussé les rédacteurs de ce projet à vouloir préciser, noir sur blanc, la possibilité d’envoyer des troupes à l’étranger.

S’agit-il d’un changement dans la doctrine de politique étrangère de l’Algérie ? Sur le principe, il est tout à fait normal qu’un Etat ajuste, révise sa doctrine en fonction des évolutions géopolitiques et des menaces. Tous les pays le font. Le problème est que ces changements sont précédés de débats, d’exposés, de rencontres, de rapports, d’études tant au niveau des experts que de l’opinion publique.

Ensuite, ces changements sont expliqués pour obtenir l’adhésion et le soutien de l’ensemble des forces impliquées. La projection des forces militaires n’est pas l’affaire d’un ministère de la Défense. C’est une démarche qui recouvre des aspects-acteurs militaires, politiques, économiques et scientifiques. Le changement de doctrine se prépare longtemps avant de se décréter. Quand tout cela a-t-il eu lieu en Algérie ?

– Quelle est, selon vous, la nature du régime qu’on veut instaurer à travers cet avant-projet ?

La réponse est apportée par les auteurs du projet. Ils reconnaissent eux-mêmes avoir débattu sur quatre points susceptibles de réduire les prérogatives du Président, et qu’ils ont renoncé, considérant que de tels changements outrepassaient leur mission. En d’autres termes, nous avions un régime hyper-présidentialiste et nous restons sur un schéma identique.

Non seulement le pouvoir exécutif continue de dominer le législatif et la justice, mais le statut du Président au sein de l’Exécutif est renforcé. Son pouvoir décisionnel n’est assujetti à aucune obligation de rendre des comptes.* Elwatan- dimanche 10 mai 2020

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La voix des femmes révoltées enflamme la capitale :

«Il n’y a pas de festivités, il y a des manifs !»

N’offrez pas de fleurs, le 08 Mars n’est pas la Saint-Valentin» gronde une bannière brandie par une manifestante qui paradait, hier, dans les rues d’Alger. Sur d’autres pancartes, on peut lire ce même message : «On n’est pas venues faire la fête, on est venues pour que vous partiez».

Comme en écho à ce slogan, la foule, composée essentiellement de femmes, des femmes de tout âge et de toute condition, scandait : «Ma djinache nahtaflou ya issaba, djina bach tarahlou ya îssaba !» (On n’est pas venus faire la fête, on est venus pour vous obliger à partir). On l’aura compris : ce 8 mars 2020 a des accents insurrectionnels et vient rappeler comme de juste que cette date symbolique, c’est avant tout un moment de lutte, une séquence d’une longue marche de la dignité pour les droits des femmes.

«Les Algériennes portent le Hirak»

Une manif’ était annoncée pour 14h, avec, comme point de départ, le carré féministe qui prend habituellement place près du portail latéral de la Fac centrale, pas loin de la place Audin. Vers 13h45, en nous approchant du point de rendez-vous, on aperçoit un cortège qui s’ébranle en direction de la Grande-Poste. Constitué au début de quelques dizaines de personnes, il va grossir au fil de la manif’ jusqu’à atteindre plusieurs centaines de manifestants.

A hauteur de la Grande-Poste, le cortège tourne vers Pasteur, puis emprunte la rue Khemisti jusqu’au carrefour qui donne sur le boulevard Amirouche. La foule scande les slogans habituels du hirak : «Dawla madania, machi askaria  (Etat civil pas militaire), «Qolna el îssaba t’roh !» (On a dit la bande doit partir), «Djazaïr horra dimocratia !» (Algérie libre et démocratique)… Sur les pancartes qui défilent, on pouvait lire : «Il n’y a pas de festivités, il y a des manifestations !» «Vive la femme algérienne libre !» «08 Mars, article 8», «Women are the soul of the revolution» (les femmes sont l’âme de la révolution), «La voix de la femme est une révolution», «Révolte-toi, résiste, défie», «08 mars 2020 avec le hirak»…

Des bannières sont hissées avec ces messages : «Nous sommes fortes, nous sommes fières, nous sommes les grandes gagnantes», «Les Algériennes ont porté toutes les guerres, tous les mouvements. Aujourd’hui, elles portent le hirak». Une femme manifeste avec son fils en arborant cet écriteau : «Le peuple est roi, veut un Etat de droit». Plusieurs mères de disparus participent à la marche. L’une d’elle écrit : «Nous sommes les mères qui luttent depuis 25 ans pour connaître la vérité sur le sort de nos enfants disparus après leur arrestation par les services de sécurité».

«Toutes dans la rue pour la justice et l’égalité !»

Melissa, diplômée de l’Ecole polytechnique, s’est fendue pour sa part de cette sentence cinglante : «La femme qui a porté des bombes pendant la Révolution n’accepte pas l’humiliation». Daouïa, étudiante en architecture à l’EPAU, défile avec ce mot d’ordre : «Travailleuses, étudiantes, femmes au foyer, toutes dans la rue pour la justice et l’égalité en droits».

Pour elle, dire que «ce n’est pas le moment de parler des droits des femmes», comme on a pu l’entendre, n’a aucun sens. «Bien sûr que c’est une question légitime que de parler des droits des femmes ! Parce qu’on ne peut pas parler de démocratie s’il n’y a pas de liberté et de droits pour les femmes. Cette question ne peut pas être dissociée du combat global que mène le peuple algérien. On ne peut pas se battre pour une Algérie démocratique, une Algérie libre, si les femmes ne sont pas libérées», tranche la jeune étudiante.

La procession poursuit sa progression, s’engouffre dans la rue Asselah Hocine. Des youyous stridents fusent, soutenus par un concert de klaxons. Ambiance de feu sous le regard des forces antiémeute qui se gardent d’intervenir, contrairement à samedi dernier où de terribles violences policières se sont abattues sur les manifestants. Lorsque le cortège arrive aux abords de la rue Abane Ramdane, un cordon de sécurité tente d’empêcher la foule d’avancer.

La crue humaine finit par déborder le mur d’uniformes bleu marine. Et la marée ardente de foncer en direction du tribunal de Sidi M’hamed où comparaissaient plusieurs manifestants, dont notre confrère Khaled Drareni, arrêté la veille et placé en garde à vue au commissariat de Cavaignac. La foule martèle : «Ettalgou el massadjine, ma baouche el cocaine  (Libérez les détenus, ce ne sont pas des vendeurs de cocaïne). A un moment, on entend ce chant émouvant : «Ya lehrayar bravo alikoum, wel djazzair teftakhar bikoum !» (Bravo, femmes libres, l’Algérie est fière de vous).

Le cortège tourne ensuite par la rue Rachid Kssentini, qui longe le Square Port-Saïd, et se déverse sur le boulevard Zighout Youcef. Halte fracassante devant le Conseil de la nation aux cris de : «Klitou lebled ya esserraquine  (Vous avez pillé le pays, voleurs). Un jeune lâche en direction de son copain : «Wallah nos femmes valent mieux que nos hommes !» La police barre l’accès vers l’APN. La procession est forcée de revenir vers la rue Asselah Hocine. Les manifestants s’arrêtent un long moment à hauteur du commissariat de Cavaignac, où plusieurs voix scandent le nom du journaliste Khaled Drareni.

«Quand je sors, je veux être libre, pas courageuse»

15h30. Nous rejoignons l’autre marche, celle qui s’est ébranlée à partir du carré féministe. Chemin faisant, nous croisons une citoyenne qui remontait la rue Didouche en soulevant un grand panneau avec cette inscription : «Hirak même combat, égalité des droits». Sur l’autre face, elle a écrit : «Meilleurs vœux de liberté».

Nous retrouvons nos amies féministes à l’intersection entre la rue Didouche Mourad et le boulevard Victor Hugo. La foule clame : «Oh ya Hassiba, ouledek marahoum’che habssine, oh ya Hassiba, âla el houriya m’âwline !» (Hassiba Ben Bouali, tes enfants ne céderont pas, ils arracheront la liberté). Un peu plus bas, sur la rue Hassiba Ben Bouali justement, les militantes féministes chantent joyeusement, sur un air de Bella Ciao : «Qanoune el oussra, el onf wel hogra, yetnahwa ga3 !» (Le code de la famille, la violence et la hogra, qu’ils dégagent tous).

Une marée spectaculaire déferle sur la rue Hassiba. Des voix s’écrient : «Qanoun el oussra à la poubelle  (Code de la famille à la poubelle). On pouvait entendre aussi : «Hoqouq nesswiya, dawla madania  (Droits des femmes, Etat civil). Une banderole rouge est déployée avec ces mots : «Tu n’acceptes pas la hogra du système ? Alors n’accepte pas la hogra contre les femmes».

D’autres banderoles disaient : «Les femmes algériennes se sont soulevées pour l’égalité», «Pas d’Algérie libre et démocratique sans les droits des femmes». Sur plusieurs feuilles de papier A4, ces revendications : «Justice sociale», «Egalité des droits», «Liberté d’expression». Une pancarte proclame : «Les femmes algériennes luttent depuis 1962 pour leurs droits de femmes et de citoyennes».  Retenons enfin cette pépite : «Quand je sors, je veux être libre, pas courageuse». Magistral ! * MUSTAPHA BENFODIL- elwatan- 09 mars 2020

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8 Mars : “Jour de lutte, non de fête”

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*Grandiose marche des femmes à Alger

Les policiers tentent de freiner l’élan des féministes. En vain. Le bouclier est vite brisé. La marche vers l’égalité reprend son cours. Des youyous fusent de partout.

Alger, 8 mars 2020. Place Maurice-Audin. Il est à peine 13h30, que le carré féministe commence à élire domicile devant l’ancienne porte d’accès à la Fac centrale. Les premières pancartes font leur apparition. Une banderole géante annonce la couleur : “Ceux qui refusent l’oppression du pouvoir ne peuvent accepter celle exercée contre les femmes.” 

Les deux jeunes hommes qui portent la banderole affichent un large sourire. Quelques passants échangent des regards furtifs. Comme pour s’interroger sur la présence de quelques jeunes hommes parmi les dizaines de féministes qui affluent au fur et à mesure vers le lieu du rassemblement. Une dame, la soixantaine, hausse le ton pour interpeller les premiers groupes de curieux formés sur le trottoir d’en face : “Vous qui nous regardez, rejoignez-nous !” Quelques femmes hésitent, d’autres traversent la rue. 

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Les  rangs  des  féministes  grossissent,  et  une  jeune  voix  amplifiée par un mégaphone mène la symphonie. “Ya Hassiba, bnatek marahoumch habssine, ya  Hassiba, 3el hourrya rahoum m’3awline” (Ô ! Hassiba Ben Bouali, tes filles continueront le combat. Ô ! Hassiba Ben Bouali, pour la liberté nous sommes engagées), scande le carré féministe.

Les premières répétitions sont soudainement interrompues. Un monsieur, qui s’incruste dans le carré féministe, pose un  gros sac  par  terre  et  se  met  à  le déballer. C’est pour distribuer des roses, et il en a deux cents à offrir.

Aïssa Merrah est un architecte,  la cinquantaine.   Il  habite  la  banlieue  Est d’Alger. La veille, il s’était déplacé à Staouéli, à  l’ouest  de  la  capitale,  pour acheter ce beau présent dans une pépinière. Lorsque  le  propriétaire  a  pris connaissance de sa motivation, il a refusé d’encaisser. “Il m’a dit : ‘Pour le hirak, c’est gratuit’”, témoigne-t-il. 

Son geste, il le place au-delà de la symbolique de la Journée internationale des droits de la femme. Il l’inscrit plutôt dans le cadre de la “cohésion de la société”, un paramètre essentiel, selon lui, pour “la concrétisation de la liberté” et de la “démocratie”. Pendant ce temps, les abords de la Fac centrale vibrent sous les cris de “à bas le code de la famille, égalité entre frères et sœurs”. 

Mais voilà qu’un brouhaha provient de la rue Didouche-Mourad. Les policiers, qui demeuraient jusque-là en retrait, sautent de leurs fourgons. Des dizaines de femmes progressent au milieu de la route, invitant le carré féministe rassemblé encore sur le trottoir à les rejoindre. Ce n’est pas de refus. Il est 14h15, la marche s’ébranle vers la Grande-Poste sous le slogan “Les femmes ne veulent pas de nouveau d’un pouvoir militaire”. 

Cependant, un cordon sécuritaire est aussitôt dressé à hauteur de la bouche de métro jouxtant la mythique Brasse d’Alger.

Les policiers tentent de freiner l’élan des féministes. En vain. Le bouclier est vite brisé. La marche vers l’égalité reprend son cours. Des youyous fusent de partout, suivis d’un slogan qui, visiblement, met très mal à l’aise les agents de l’ordre : “Y a lel3ar, ya lel3ar, el nissaa taht el-hissar” (Oh ! la honte, les femmes sous embargo). Arrivée à la Grande-Poste, la procession féministe marque une halte à proximité du jardin Khemisti, avant de remonter l’avenue Pasteur.

Là encore, un cordon sécuritaire plus imposant, cette fois-ci, est formé pour stopper la marche.Plutôt pour la canaliser vers une ruelle menant au jardin Khemisti. Mais les femmes refusent de tourner en rond. Elles se comptent maintenant par centaines, et c’est la bousculade.

Au bout de quelques minutes, les policiers lâchent prise. La voie est dégagée, et quelques dames tombées par terre, se relèvent immédiatement pour rattraper la marche. C’est l’euphorie. Mais voilà de nouveau un autre obstacle. Des fourgons et un bouclier policier barrant carrément, cette fois-ci, le chemin menant vers le tunnel des Facultés. Incorrigibles. Elles veulent se battre encore ! La voix de la «silmya» finit, cependant, par l’emporter. Elles empruntent la rue 19 Mai 1956, pour remonter la rue Didouche Mourad. Elles sont de plus en plus nombreuses, revigorées, et l’horloge affiche 15h30 passées. Les policiers ont maintenant abandonné. La marche n’est pratiquement plus encadrée.

Arrivées à hauteur du boulevard Victor-Hugo, les femmes descendent ensuite vers la rue Hassiba-Ben Bouali, pour marquer une halte devant la place de la Liberté de la presse.Elles reprennent aussitôt le train de la marche vers le boulevard Amirouche pour remonter vers la Grande-Poste et arriver à la rue El-Khattabi. Il est presque 17h, elles entonnent, en chœur, l’hymne national avant de se disperser sous les cris de groupes de citoyens formés tout autour : “Bravo les femmes ! L’Algérie est fière de vous !” 

 **Mehdi MEHENNI  liberté-  09 mars 2020

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Tassadit Yacine : « On ne passe pas d’un système militaire à un Etat civil du jour au lendemain »

L’anthropologue Tassadit Yacine fait le point dans cet entretien accordé à DzVID sur le Mouvement populaire, dit hirak, le rôle de la diaspora et nous parle de la place des femmes.

**DzVID : Nous y voilà, une année déjà depuis que le Mouvement populaire est en marche. Quelle évaluation en faites-vous?

Tassadit Yacine : Je dirais, il y a un an, qu’il est effectivement difficile d’imaginer que ce Mouvement populaire allait durer dans la constance, avec des convictions et déterminations intarissables. Quand je dis le Mouvement populaire algérien, la diaspora y est comprise. L’histoire du mouvement national nous renseigne parfaitement sur la question.

Plus salutaire encore est le caractère pacifique de ce mouvement, tout au long d’une année de lutte contre un système qui refuse de lâcher prise. Franchement, il est impensable d’imaginer, qu’un peuple sorti à peine d’une dizaine d’années de guerre civile puisse mener un soulèvement populaire pacifique non-stop pendant toute une année.

Et puis, il faut souligner que ce mouvement intervient dans un environnement régional et international peu stable. Aussi, faut-il le noter qu’aujourd’hui, le monde entier lui témoigne son émerveillement quant à son caractère pacifique. C’est un grand acquis. Néanmoins, le mouvement demeure sur le plan politique encore en phase de construction et de gestation.

**Le Mouvement populaire est-il encore en cours de formation et de gestation ?

Tassadit Yacine : En effet, le Mouvement populaire est en pleine gestation et formation. Il n’a pas encore donné naissance à de nouvelles formes organisationnelles, sociales ou politiques soient-elles. Même les quelques acteurs du mouvement, plus ou moins connus, sont arrêtés comme Tabbou et autres. Le même sort est réservé aussi aux syndicats et partis politiques. Ils sont laminés et réprimés. Ils étaient même interdits de se réunir et exercer leurs droits. L’exemple de refuser aux acteurs du PAD, (Pacte de l’alternative démocratique), de se réunir dans une grande salle publique, est édifiant et confirme que les réflexes sécuritaires et répressifs sont toujours en vigueur.

Cela démontre que ses objectifs en l’occurrence imposer, entre autres, une rupture radicale et pacifique avec l’ancien système et passer à une période de transition pour édifier enfin un Etat de droit, un Etat civil, sont loin d’être atteints. Mais le combat continue et il faut de la persévérance et de la détermination. Car ce n’est pas du jour au lendemain qu’on peut contraindre un système, qui s’est construit depuis l’ascension de l’Algérie à l’indépendance avec ses mécanismes, ses pratiques, ses habitudes…etc, à céder la place à la volonté du peuple. Un tel chantier exige au préalable un large débat national et beaucoup de temps. Il s’agit-là de la mission de chaque Algérien. Et puis, il faut qu’il y ait surtout une sincère volonté politique de la part des décideurs. Chose malheureusement qui fait défaut.

**Du côté du système, qu’est-ce qui a changé ?

Tassadit Yacine : Le paysage politique officiel, dudit « Etat algérien », demeure le même, avec un léger remodelage. On assiste à des recyclages et changements de maillots dans la chaîne du système : on change un président par un autre, un gouvernement par un autre, un ministre par un autre, etc.

De quel changement peut-on parler ? L’élection présidentielle montée de toutes pièces est-elle une réponse aux revendications du peuple ? Le nouveau président n’est-il pas un produit du système ? Le président Abdelmadjid Tebboune n’était-il pas le Premier ministre du président Abdelaziz Bouteflika ? Donc, pour moi, je vois qu’il y a un pouvoir qui est mis en place pour assurer le prolongement de l’ancien système. Donc du côté de ceux qui détiennent le pouvoir, je pense que jusqu’ici ils gardent encore tous les pouvoirs et ne comptent pas se laisser faire par le soulèvement de tous les Algériens. Sinon, comment peut-on expliquer les vagues d’arrestations au sein des manifestants et des animateurs du Mouvement populaire ?

**Justement au sujet des arrestations, quelle lecture en faites-vous ?

Tassadit Yacine : Comme je l’ai déjà souligné dans la première réponse, les réflexes sécuritaires et répressifs du système sont toujours à l’œuvre. Il n’y a aucune volonté de changement de la part du système. Il est en train d’arrêter des dizaines de personnes pour des raisons qui relèvent du ridicule et de l’absurde. Il ne se passe pas une manifestation sans arrestations de citoyens. Pourtant, toutes les manifestations sont organisées et observées pacifiquement. Et puis, il y a les arrestations ciblées comme celles de Lakhdar Bouregaa, Karim Tabbou et d’autres animateurs du Mouvement populaire. Ces personnes-là ne font pas partie de ceux qu’on arrête pêle-mêle, disant ces gens-là représentent quelque chose dans le mouvement. Par conséquent toutes les arrestations sont des pratiques d’intimidations, des tentatives de déstabilisation du mouvement …etc, dont l’objectif est d’installer un climat de peur et de rappel à l’ordre établi. C’est une stratégie propre à toutes les dictatures.

**Que pensez-vous du travail que mènent les acteurs du PAD pour accompagner le Mouvement populaire ?

Tassadit Yacine : Il faut les saluer car ils sont, comme je l’ai déjà dit, en train de mener un grand travail. Voilà ce que je peux appeler un vrai débat démocratique en dépit ses manquements. Le peuple en a besoin, plus que jamais. Il faut qu’il y ait ce genre de regroupement et de cercles de débats. Ils sont impératifs. Car ils réunissent à la fois des partis politiques, des syndicats, des personnalités nationales, des universitaires, etc. et tout ce beau monde-là est composé de diverses tendances partisanes. Voilà des initiatives qu’il faut soutenir et encourager car les citoyens ont besoin de débattre de toutes les questions qui fâchent qu’elles soient politiques, culturelles, historiques et religieuses ou autres, pour que le peuple algérien soit réconcilié avec lui-même et décide souverainement de son destin. Voilà de quoi a besoin le peuple !

Mais cela exige un jeu soumis aux règles de la démocratie, en l’occurrence l’ouverture des champs politique et médiatique et un appareil judiciaire autonome. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Le Mouvement populaire exige une transition, une sorte de processus constituant qui permettra de planter les premiers jalons d’un Etat civil.

**Pensez-vous que le système cédera à cette revendication ?

Tassadit Yacine : Encore une fois de plus, je ne pense pas qu’un système militaire qui s’est imposé, depuis le premier coup d’Etat de l’armée des frontières contre les instances légitimes du GPRA en 1962, puisse céder le pouvoir à un Etat civil du jour au lendemain. Les interdictions de se réunir dans des salles publiques pour tenir des meetings, la censure et l’instrumentalisation des médias, le verrouillage du champ politique, la déstabilisation au sein des partis politiques, notamment de l’opposition, un appareil judiciaire aux ordres, etc. sont, entre autres, autant de pratiques et de stratégies qui visent à séparer le peuple de ses élites, toutes catégories confondues.

Cela dit, pour passer d’un système militaire à un Etat civil, il faut un environnement démocratique. Réaliser une telle noble mission exige une conscience politique citoyenne et de nouvelles organisations politiques et civiles. C’est une espèce de processus de maturation politique du peuple. Donc il faut lui résister et persévérer pacifiquement. Le chemin est certes long mais il paye. Il faut dire aussi que ce mouvement est indissociable des combats du peuple algérien menés depuis la résistance du FFS en 1963. C’est aussi le résultat des luttes antérieures, connues et inconnues menées par des hommes ou des femmes. Des luttes menées surtout à travers les réseaux de la diaspora, surtout de l’élite, qui se sont démenée avant les nouvelles technologies pour faire entendre la voix du peuple algérien et exposer au grand jour sa réalité, son image.

**Nombre de ces gens-là sont interdits de rentrer en Algérie. L’élite algérienne établie à l’étranger subisse-t-elle encore l’interdiction d’y rentrer ?

Tassadit Yacine : Mais bien sûr. Universitaires, politiques, journalistes, artistes, écrivains, cadres d’Etat, chacun dans son domaine respectif. Comme je l’ai dit dans notre précédent entretien : « Je côtoie beaucoup de gens dans le cadre des colloques, des salons de livres, etc. et je suis en relation avec la diaspora algérienne, pour qui, en ce moment, ce qui se passe bien sûr en Algérie aujourd’hui, est un bol d’oxygène. Qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie que quelque chose d’important se produit : au fond les gens ne rêvent que de revenir chez eux. Mais pourquoi on ne les laisse pas rentrer chez eux ? ». Pourquoi ce genre de pratiques ? N’est-il pas temps d’en parler ? Cette élite-là a commis quoi pour ne pas pouvoir rentrer chez elle ? De quel crime est-t-elle coupable ?

Il y a une autre élite qui a fait, faux espoir, de l’émigration un choix, surtout parmi la nouvelle génération. Celle-là est bien installée, avec un mode de vie, et occupe des postes prestigieux en Europe, au Canada, aux USA et ailleurs. Comme je l’ai déjà souligné : « L’expérience de l’émigration permet de prendre conscience du rapport à la patrie, aux racines, à l’identité. Beaucoup espèrent revenir chez eux ». Mais l’absence de travail, de logements, de liberté d’exercer son travail dans des conditions libres et loin de toute forme d’injonction de la tutelle, de circuler, de prendre des initiatives, etc. n’existent pas, et cela constitue un acte pour marginaliser l’élite et la condamner à se mettre en marge des évènements. On assiste à une exclusion programmée de l’élite, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Personnellement, j’ai essayé de reprendre avec l’enseignement en Algérie, voire de m’y installer, mais c’est de l’ordre de l’impossible.

**Il y a une forte présence des femmes dans le Hirak et ce depuis le début. Qu’est-ce qui a changé dans la société pour avoir cette forte implication des femmes ?

Tassadit Yacine : Je reviens à ce que je t’avais déjà dit dans un précédent entretien au sujet de la femme algérienne. L’histoire nous renseigne qu’au moins : « Trois moments dans notre longue histoire ont marqué l’histoire de notre pays : déjà sous Carthage elles se sont délestées de leurs bijoux pour aider les leurs. En 1871, elles se sont dépouillées de leurs bijoux pour aider à payer le tribu de guerre que les Kabyles devaient payer à la France. Puis en 1963, pour le fameux «Senduq tadamun», où elles se sont senties concernées pour renflouer les caisses de l’Etat et aider la cause nationale autant que les hommes (avec leurs propres bijoux).

Et enfin que dire encore du rôle héroïque qui a marqué l’histoire des femmes à l’échelle internationale, entre 1954-1962 ? Je ne citerai pas les héroïnes du passé lointain et plus récent qui se sont levées pour défendre leur terre contre le conquérant comme Dihya au VIIe siècle, Fadhma n’soumer (1857), Ourida Meddad (1954). Tous ces faits n’ont pourtant pas œuvré pour une égalité hommes-femmes comme dans tout pays en phase avec son époque.»

Aujourd’hui, encore, la femme algérienne est le berceau de la révolution populaire. Elle est emprisonnée, présente et active dans les manifestations, dans les cercles de débats publics ou sur les réseaux sociaux, et à tous les échelons. Elle ne manque ni de compétence et non plus de nationalisme. Aussi, les femmes sont un mur contre la violence du système et le ras le bol des millions d’hommes. C’est aussi une révolution de femmes !

Mais paradoxalement, on n’a pas trop vu de revendications propres aux femmes, sauf peut-être au début du mouvement. A quoi est due cette « timidité » dans l’expression de la revendication féminine ?

Entretien réalisé par Kamel Lakhdar Chaouche - DzVID – mardi 10 mars 2020

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FOUDIL BOUMALA ACQUITTÉ

L’universitaire et militant du Hirak a été acquitté ce matin dimanche 01 mars 2020 après près de cinq mois de détention.

Le verdict a été annoncé ce matin par le tribunal de Dar el Beida, à Alger. Foudil Boumala était poursuivi pour atteinte à l’unité nationale. Le 23 février dernier, le procureur avait requis une année d’emprisonnement assortie d’une amende de 100.000 dinars. *Le journaliste et militant Fodil Boumala, relaxé dimanche 1er mars par le tribunal de Dar El Beida, a été accueilli en héros par des dizaines de personnes à sa sortie de la prison d’El Harrach. « Moi je suis un être libre. C’est seulement ma liberté qui m’a été spoliée », lance-t-il la foule d’emblée. « Dire qu’on m’a rendu ma liberté c’est comme ce voleur qui te vole ton argent et te le rend en te disant qu’il t’a fait une faveur. Personne ne m’a fait une faveur », poursuit-t-il sous les applaudissements nourris de ses soutiens et amis, tout en clamant qu’il n’est coupable de rien. Fodil Boumala a tenu à saluer « le peuple algérien dans son ensemble en Algérie et à l’étranger ». il a également rendu un hommage appuyé au collectif de la défense, salué les activistes du hirak et « ce qui reste de la presse libre ».

Il a tenu à saluer « ceux qui ont été aux côtés des familles des détenus », de même qu’il a rendu hommage aux détenus en prison ou libérés. « Nous sommes des (êtres) libres et nous le demeurerons », a lancé Boumala dont les mois passés en prison ne semblent pas avoir eu d’impact sur son esprit militant. « Il s’agit de l’affaire de tout un peuple, moi je ne suis qu’une goutte d’eau (dans un océan). C’est une affaire de liberté d’un peuple, de l’édification de l’État de droit et des libertés », a-t-il martelé, ajoutant qu’il sera toujours « un défenseur de la liberté ».

Boumala a rappelé qu’il reste encore des détenus « d’opinion et du Hirak ainsi que des journalistes », donnant rendez-vous lors du procès de l’autre militant Karim Tabbou (programmé pour le 4 mars au tribunal de Sidi M’hamed). Fodil Boumala a également évoqué le cas du président de l’association RAJ, Abdelouhab Fersaoui, en attente de procès. « Nous ne tolérerons plus à l’avenir quelqu’un soit emprisonné pour son opinion ou qu’il soit jugé uniquement parce qu’il défend l’Algérie », a-t-il ajouté.

*médias  dimanche 01 mars 2020

*****L’avocat Noureddine Benissad, également président de la LADDH, a réagi ce dimanche à la relaxe de l’activiste Fodil Boumala.

« Boumala n’a fait qu’exercer ses droits constitutionnels, ses droits fondamentaux : la liberté de circuler, la liberté de manifester et la liberté surtout d’avoir une opinion », a estimé Me Benissad dans une déclaration à Berbère TV.

« Aucune personne ne devrait être inquiétée en Algérie pour avoir exprimé pacifiquement une opinion. On est bien sûr très content que Boumala retrouve sa liberté. Il était attendu que le tribunal prononce sa liberté parce que le dossier était préfabriqué, un dossier vide. C’était un dossier éminemment politique », a fait savoir le président de la LADDH. « Nous espérons que tous les détenus politiques et d’opinion soient élargis et arrêtent les poursuites contre eux et retrouvent leur liberté. De manière générale, nous demandons aussi l’arrêt des arrestations parce que chaque vendredi nous voyons des arrestations d’Algériens pour avoir seulement exprimé une opinion, pour avoir seulement manifesté », a affirmé Noureddine Benissad. *tsa- dimanche 01 mars 2020

***Mustapha Bouchachi : « Le pouvoir doit faire plus que la libération des détenus »

La libération des détenus est un pas positif, mais insuffisant, estime Me Mustapha Bouchachi. « Il faut aller plus loin que la libération des détenus. Quand on libère des détenus et en même temps on en arrête d’autres et on ferme les accès à la capitale, qu’est-ce que cela signifie-t-il ? Le système poursuit ses pratiques faites d’arrestations et d’atteintes aux libertés, dont la liberté d’expression », explique l’avocat et militant des droits de l’Homme dans un entretien paru dans l’édition de ce dimanche 1er mars du quotidien el Khabar.

« La libération des détenus ne signifie pas que la nature du système a changé. Il doit montrer des signes de bonne volonté en décrétant des mesures concrètes pour rendre aux gens leurs libertés confisquées », ajoute-t-il.

Sans ces préalables, dit-il, il ne peut y avoir de dialogue avec le pouvoir : « Personne ne refuse le dialogue mais il faut se demander si le pouvoir cherche à dialoguer pour casser le hirak ou pour permettre sa continuité. Les dernières consultations ont démontré que le pouvoir n’a aucune intention de dialoguer. Il doit d’abord rendre aux gens leurs libertés confisquées, permettre aux activistes qui ne partagent pas ses points de vue de tenir leurs réunions publiques, laisser les médias couvrir le hirak… ».

La structuration du hirak, estime Mustapha Bouchachi, ne pourra se faire que lorsque le pouvoir aura fait part de sa disponibilité à écouter le peuple et à concrétiser ses revendications.

À propos des relaxes prononcées par la justice, l’avocat les considère comme des initiatives personnelles d’une infime minorité de juges, « la grande majorité continuant encore à arrêter et à condamner ».

Concernant sa rencontre controversée avec Ali Belhadj, Me Bouchachi assure qu’elle ne cache aucun projet politique. « Ali Belhadj subit des atteintes graves à ses droits (…) La visite vient en prolongation de mes positions en tant que militant des droits de l’Homme en faveur de tous ceux qui ont été spoliés de leurs droits sans prendre en compte leurs orientations politiques ou idéologiques. Il n’y a aucun projet politique derrière cette visite », explique-t-il.

Interrogé sur l’état d’esprit de Karim Tabbou, qui sera jugé le 4 mars, Bouchachi, qui est par ailleurs l’avocat du coordinateur de l’UDS, révèle que celui-ci a toujours le moral et qu’il a hâte d’expliquer devant le tribunal qu’il a été emprisonné pour ses positions politiques.**tsa- dimanche 01 mars 2020

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Oran fête l’an 1 du hirak

“Makanch ihtifalet, kayen moudaharet” (Pas de festivités, il n’y a que les manifestations) a repris la foule pour dénoncer les tentatives de récupération du mouvement.

Le premier anniversaire du hirak à Oran a mobilisé une foule que personne n’attendait du fait même de l’annonce tardive de la marche, actée aux dernières heures du vendredi. Hier, plus de mille personnes ont marché sur l’itinéraire devenu immuable du mouvement populaire à Oran, se regroupant à la place du 1er-Novembre et en empruntant la rue Larbi-Ben M’hidi jusqu’au siège de la wilaya avant de regagner leur point de départ via le Front de mer. Les manifestants se sont regroupés dès 11h pour certains sur l’esplanade de la place d’Armes, et le cortège de s’ébranler lorsque les hirakistes ont renoué avec les marches, longtemps interdites, depuis l’Hôtel de ville.
Tout un symbole qui a fait dire aux présents que la Révolution du sourire a fait un grand pas en avant. Notons qu’en parallèle, une manifestation officielle a été organisée, le matin, par les autorités locales pour commémorer l’an 1 du hirak sur l’esplanade de Sidi M’hamed, située sur le prolongement de la frange maritime d’Oran, en présence d’une poignée de citoyens. Les associations locales, invitées à l’occasion de la Journée nationale de la ville qui s’est tenue, jeudi dernier, dans un hôtel d’Oran, avaient été conviées à ce rassemblement qui, d’ailleurs, n’a pas drainé la grande foule.
“Makanch ihtifalet, kayen moudaharet” (Pas de festivités, il n’y a que les manifestations), a repris la foule pour dénoncer les tentatives de récupération du mouvement. Les slogans de cet anniversaire ont résumé le répertoire révolutionnaire du hirak, reprenant les revendications phare du mouvement citoyen “Dawla madania, machi aâskaria”, “Sam3ou, sam3ou ya ness, Abane khalla wsaya, dawla madania, machi âaskaria” (Écoutez, écoutez, Abane a laissé une consigne, État civil et non militaire) appelant au départ du système “Goulna el-îssaba trouh, ya hna, ya ntouma… ntouma” (On a appelé au départ de la bande, c’est soit nous, soit vous, ce sera vous). L’éternel “Khlitou lebled” (Vous avez ruiné le pays) a résonné de nouveau sous le ciel printanier de la ville survolée par l’hélicoptère de la police.
L’indépendance de la justice, la liberté de la presse, la légalité du président de la République, le dialogue, des sujets passés en revue, relatant la mal vie des jeunes sous le régime actuel.
Des pancartes ont été brandies pour commémorer l’événement et on pouvait lire sur l’une d’elles : “Le hirak refuse l’endettement extérieur, la loi sur les hydrocarbures et des finances, le nouveau découpage administratif, le gaz de schiste et appelle au départ du FLN et du RND.” – Par Said OUSSAD - iberté-  dimanche 23 février 2020

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Quand on s’engage, on va jusqu’au bout

Les membres du hirak et l’opposition politique sont toujours interdits d’antenne sur les médias publics. L’EPTV reste fermée comme une huître à l’expression libre et plurielle, celle qui contredit notamment le discours officiel. Des journaux qui tiennent à l’indépendance de leur ligne éditoriale sont toujours black-listés au niveau du pourvoyeur national de la publicité, l’ANEP.

Des journalistes sont encore poursuivis en justice, et parfois incarcérés pour leurs idées et opinions, ou simplement pour leur appartenance au mouvement populaire. Le tableau n’est pas nouveau. Sous le règne des Bouteflika, il était déjà très sombre. La consigne qui valait hier n’est apparemment pas près d’être abolie. Elle reste d’actualité.

A savoir que les décideurs, qu’ils aient fait partie de la îssaba ou qu’ils prétendent la combattre aujourd’hui ne veulent toujours pas entendre parler d’un contre-pouvoir médiatique. Ou d’un contre-pouvoir tout court. Pour rappel, les ministres qui avaient été affectés à ce secteur ont tous fait comme l’autruche, à défaut de pouvoir agir dans les limites de leurs prérogatives pour redonner un peu de dignité à la profession. Certains, plus malins que les autres et pour s’attirer les bonnes grâces de leurs mentors, se sont même appliqués avec un certain cynisme à désintégrer un peu plus la corporation. Leur zèle à vouloir étouffer par les moyens les plus odieux les quelques espaces de liberté que la presse indépendante a conquis au prix d’un long combat restera dans l’histoire. Comme une tache noire. Le nom en particulier d’un ministre que toute la corporation reconnaîtra ne pourra pas être effacé de sitôt des mémoires. Il sera toujours cité comme étant celui d’un fossoyeur patenté qui a fait le plus de mal à la presse en voulant à tout prix se valoriser sur son dos.

Et dire qu’il se considérait lui-même comme journaliste ; comme quoi, ce sont parfois les membres de ta propre famille qui t’assènent les coups les plus durs. L’actuel détenteur du portefeuille de la Communication est lui aussi issu de la famille de la presse. Il est connu pour être un journaliste de talent qui a fait ses preuves dans différents organes avant de se retrouver à la tête d’autres responsabilités plus ou moins proches du domaine de l’information. C’est une personnalité intelligente qui a dû poser certaines conditions de travail avant d’accepter le poste.

C’est pour dire que Belhimer, puisque c’est de lui qu’il s’agit, n’est pas du tout du genre à courir après une hypothétique gloriole, ou à se lancer dans une aventure qui dépasserait ses compétences juste pour épingler un titre de ministre. Si Tebboune a pensé à lui, c’est parce qu’il possède réellement des capacités morales et intellectuelles indéniables pour la tâche qui lui est confiée. Le nouveau locataire du ministère de la Communication a en plus cet avantage de connaître le secteur de la presse dans ses moindres recoins, particulièrement les difficultés objectives que rencontre la presse indépendante dans l’exercice de sa mission et qui continue à ce jour à subir les pires représailles politiques, administratives et financières pour son droit à la liberté.

Contrairement à ses prédécesseurs qui avaient, chacun avec son style, chacun avec ses convictions, tenu à marquer leur entrée en scène par des déclarations d’intention plus ou moins lénifiantes, en parfaite symbiose avec la tonalité officielle en vigueur, un peu comme le faisait n’importe quel représentant du FLN dans son expression populiste et démagogique, Belhimer a choisi la voie de la clarté et de l’engagement. Bien que le contexte, faut-il le souligner, n’est plus le même à l’heure où la contestation populaire, en bousculant le régime, donne plus de facilité à ce type de «contrat». Il affirme, en effet, d’emblée, qu’il mettra toute son énergie pour défendre la liberté d’expression dans ses diverses manifestations, et surtout qu’il ne sera jamais le ministre qui viendrait pour enfoncer encore davantage la presse. A la place d’un bonimenteur, la corporation aura donc – du moins en théorie car tout travail se juge sur pièces – un bâtisseur qui promet de reconstruire la profession journalistique sur des bases saines d’éthique professionnelle et de concurrence loyale.

Car, laisse-t-il transparaître, c’est avec une presse libre, patriotique, et respectant les règles déontologiques et sociétales que pourra s’édifier la nouvelle République à laquelle tient le chef de l’Etat et autour de laquelle a été conçu le plan d’action du gouvernement. La notion du contre-pouvoir médiatique absolument nécessaire à une gouvernance démocratique prend ici tout son sens si l’on reste convaincu du principe fondamental selon lequel la liberté d’expression est la source vitale pour la réussite d’un système démocratique, mais encore faut-il commencer par le commencement, à savoir entreprendre de résilier l’ancien système qui est toujours en fonction avant de prétendre lui apporter les grandes transformations exigées par le hirak.

Ce serait risquer une lapalissade de dire que le système qui a prévalu jusque-là et qui a conduit l’Algérie à la faillite n’a pas tellement bougé malgré la forte mobilisation citoyenne hebdomadaire, qui depuis une année, jour pour jour, ne cesse d’appeler au démantèlement de ses fondements pour pouvoir aspirer demain à une gouvernance plus juste, plus rationnelle, plus égalitaire. Entre les mots et les actions, les Algériens ont appris de la part de leurs dirigeants qu’il faut rester méfiant car l’interactivité entre ces deux notions – dire et agir – a toujours été abstraite. Ce qui naturellement pose la question de savoir si on n’est pas encore une fois en train de nous mener en bateau en faisant des promesses mirifiques qui ressemblent à des mirages, sachant que les anciennes pratiques du pouvoir persistent et demeurent plus dominantes que jamais.

A quoi sert la venue d’une nouvelle équipe au pouvoir si son action repose sur les bases de l’ancien système. Nous sommes obligés de revenir à la presse, à titre d’exemple, pour signaler que le champ médiatique demeure toujours fermé malgré les intentions de le libérer totalement exprimées au plus haut niveau. Alors ? Alors, il faudrait plus de détermination pour réduire un tant soit peu le poids de la suspicion qui pèse sur le gouvernement. Plus de gages pour se rapprocher du hirak. Sinon, la fatale interrogation persistera : quelle liberté est laissée au ministre pour réussir son chantier ? -*  A. MERAD - elwatan-  jeudi 20 février 2020

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*Des chercheurs algériens en Amérique expriment leur soutien indéfectible au Hirak

Des chercheurs et universitaires algériens aux États-Unis et au Canada ont publié, ce samedi, 1er anniversaire du Hirak, un communiqué dans lequel ils expriment leur soutien « continus » et « indéfectibles » aux algériens dans leur « lutte pacifique pour établir une république démocratique fondée sur l’état de droit ».

« Nous soutenons sans réserve les demandes légitimes de notre peuple qui ont été clairement exprimées lors des manifestations du Hirak. Nous sommes unis avec notre peuple qui traverse des moments difficiles et soutenons ses demandes. Il s’agit notamment de :

• Un système de justice indépendant qui garantit l’égalité des Algériens en vertu de la loi, sans
ingérence illégale.

• La libération immédiate de tous les prisonniers politiques sans aucune condition ni restriction.

• La cessation immédiate de tout harcèlement et intimidation à l’encontre des personnes qui manifestent pacifiquement ou se rassemblent dans toute l’Algérie.

• La libération immédiate de la presse, publique et privée.

• Le début immédiat de négociations nationales sincères et inclusives pour une transition pacifique vers une nouvelle république civile et non-militaire, qui garantit la séparation effective des systèmes parlementaire, exécutif et judiciaire, protège notre liberté d’expression, et célèbre notre histoire et diversité.

En tant qu’Algériens, de hauts fonctionnaires et de leaders de communautés dans notre pays d’accueil, nous continuerons à servir notre patrie. Nous pensons que l’occasion est unique et capitale pour tous, autorités et citoyens, de travailler pour la vision commune d’une Algérie florissante qui rayonne de justice et d’espérance pour toute l’humanité », indiquent les signataires dans le communiqué.

Liste des signataires par ordre alphabétique :

1 Abbas Abdennour Minnesota USA
2 Addi Nasser California USA
3 Aliouche Hachemi New Hampshire USA
4 Aouane Latifa Massachusetts USA
5 Aouane Mebrouk Massachusetts USA
6 Arfi Amina Illinois USA
7 Aroui Noureddine Illinois USA
8 Bacha Hamid Virginia USA
9 Badjou Salah Massachusetts USA
10 Bedrouni Mohammed California USA
11 Begou Eric Illinois USA
12 Belblidia Lotfi Maryland USA
13 Belhadj Said Alabama USA
14 Belkhir Lotfi Ontario Canada
15 Benachour Rabah Texas USA
16 Benhabib Merwan California USA
17 Benzaoui Youcef Washignton USA
18 Berrahmoun Abdelkader California USA
19 Bouaichaoui Naciba Maryland USA
20 Boudeffa Youcef Massachusetts USA
21 Bouderdaben Omar Texas USA
22 Boukari Hacene Delaware USA
23 Bounar Aicha Massachusetts USA
24 Bounar Kamel Massachusetts USA
25 Bounar Khaled Massachusetts USA
26 Bounar Miriam Massachusetts USA
27 Bounetta Faiza California USA
28 Bourouf Omar California USA
29 Boutrid Mohammed North Carolina USA
30 Chaib Mounia California USA
31 Chaker Amar Virginia USA
32 Chenna Ahmed California USA
33 Cherrak Djamel Alabama USA
34 Chibane Cherif NewJersey USA
35 Chibane Zack New York USA
36 Feliachi Ali West Virginia USA
37 Frendi Kader Alabama USA
38 Gandi Kheiri California USA
39 Guermas Reda California USA
40 Guesmia Hassan Texas USA
41 Haba Belgacem California USA
42 Haddam Abdul-Rahman Virginia USA
43 Hadidi Kamal Massachusetts USA
44 Haffaf Melyssa Washington DC USA
45 Hafiani Djamel Florida USA
46 Harmouche Said Virginia USA
47 Kaced Riad California USA
48 Kaci Mehdi California USA
49 Khemici Chakib California USA
50 Khemici Omar California USA
51 Kherbache Himed Washington DC USA
52 Kraba Kamila S California USA
53 Laouar Leila Alberta Canada
54 Latli Bachir Connecticut USA
55 Mansouri Abdelhamid New York USA
56 Marmouche Said Virginia USA
57 Medjani Khoudir New Jersey USA
58 Mekri Dahbia California USA
59 Mekri Mohammed California USA
60 Melikechi Noureddine Massachusetts USA
61 Meziani Nabil Massachusetts USA
62 Naili Said Massachusetts USA
63 Neji Tahar B. H. Illinois USA
64 Rachedine Mekki Illinois USA
65 Rachedine Mohammed Illinois USA
66 Rahali Boubekeur Illinois USA
67 Sassi Mohammed New York USA
69 Seffal Rabah Illinois USA
70 Smati Djahida California USA
71 Stambouli Azzeddine Minnesota USA
72 Taileb Rafik Massachusetts USA
73 Zahed Ismail New York USA
74 Zeghmi Abdel Hamid Washington USA
75 Zerari Fatima Delaware USA
76 Ziad Mostapha Massachusetts USA
77 Zouaoui Mouloud Massachusetts USA
78 Zoubeidi Maamar California USA

**source: algérie360

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« Le déni de citoyenneté qui mine le monde arabe depuis des décennies se traduit par un malaise sociétal durable »

**TRIBUNE

- Myriam Benraad - Politologue

En Algérie, en Egypte, au Liban ou en Irak, les manifestants d’aujourd’hui, comme ceux d’hier, veulent imposer la reconnaissance d’une citoyenneté et des droits qui en découlent, explique la politologue Myriam Benraad dans une tribune au « Monde ».

Tribune. Le monde arabe reste parcouru, en ce début d’année 2020, par une série de mouvements de protestation avec pour dénominateur commun une demande citoyenne proche de celle qui avait déjà précipité les « printemps arabes » de 2011. D’Alger au Caire, de Beyrouth à Bagdad, et dans bien d’autres lieux, cet appel à la citoyenneté vise un ensemble de systèmes et d’institutions ayant échoué, dans l’ensemble, à assurer une vie décente et acceptable à leurs gouvernés. Ailleurs, comme à Tunis, cet appel se veut certes plus sourd actuellement, mais il reste encore bien présent. Etouffé dans des pays en situation de guerre civile tels la Libye, la Syrie ou encore le Yémen, ce mouvement citoyen réapparaîtra nécessairement avec force sur le devant de la scène.

« Les revendications citoyennes arabes sont une constante structurelle depuis une décennie, liées à des demandes politiques et sociales très concrètes »

Les revendications citoyennes arabes n’appartiennent pas au passé ; elles ne sauraient d’ailleurs se concevoir comme un moment passager. Ancrées au cœur des manifestations surgies ici et là au cours des derniers mois, elles sont une constante structurelle depuis une décennie, liées à des demandes politiques et sociales très concrètes. Lorsqu’elle débute en décembre 2018 au Soudan, la dernière vague contestataire en date, causée en premier lieu par le triplement du prix du pain, se traduit par des rassemblements populaires qui auront finalement raison du régime d’Omar Al-Bachir. Dans le contexte algérien, les citoyens se révoltent dans le cadre du mouvement Hirak à compter du mois de février 2019 contre une énième candidature du président en exercice Abdelaziz Bouteflika, qui finira par démissionner, sans pour autant emporter avec lui l’« Etat profond » solidement installé dans le pays et régi par l’armée.

Le cas égyptien fait, quant à lui, songer à une sorte de répétition avortée de la révolution de janvier 2011. De nouveau réunis sur la place Tahrir à l’automne 2019 pour réclamer une reconnaissance à part entière de leur citoyenneté et des droits qui en découlent, les manifestants exigent le départ du président officiellement au pouvoir depuis 2014, Abdel Fattah Al-Sissi, mais échouent à le renverser comme ils l’avaient fait avec Hosni Moubarak. A l’origine de cette irruption citoyenne, la diffusion sur la Toile de vidéos accusant le chef de l’Etat de corruption. Depuis, la répression est féroce, sans atteindre néanmoins le niveau de celle de l’Irak, où la contestation, qui débute au même moment, se voit réprimée à coups de centaines de morts et de blessés, dont de très jeunes manifestants. Elites politiques inaptes et corrompues, absence de réformes économiques, délabrement continu, diktat de stratégies confessionnelles et communautaires massivement rejetées par la population : la colère vive du citoyen irakien, soucieux d’être entendu et reconnu comme tel, n’est pas nouvelle et ressurgira forcément elle aussi. *la suite dans le journal  LeMonde du jeudi 27 février 2020

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