une nouvelle République à tout prix-18
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Rendez le pouvoir au peuple
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*Les héros du hirak libérés
*le moudjahid Lakhdar Bouregaa, Samir Benlarbi, Karim Tabbou et Fodhil Boumala remis en liberté
*Karim Tabbou, Samir Benlarbi, Fodil Boumala, Abdelwaheb Fersaoui et plusieurs autres détenus ne sont pas encore libérés, a indiqué jeudi le comité national pour la libération des détenus (CNLD), ajoutant qu’ils seront relâchés « probablement dimanche et lundi » prochain.
* Brahim Laalami, l’un des activistes du mouvement populaire à Bordj Bou Arreridj a été également libéré ce jeudi 02 janvier 2020. Auparavant, le moudjahid Lakhdar Bouregaa et le général à la retraite Hocine Benhadid, ont été remis en liberté
***Des rumeurs ont circulé au sujet de leur libération, notamment, après la remise en liberté provisoire du Moudjahid Lakhdar Bouregaâ et le général à la retraite Hocine Benhadid. Selon l’ENTV, au total 76 détenus d’opinion ont été libérés jeudi 2 janvier 2020 des prisons algériennes. À Alger, 51 détenus ont été libérés, à Tlemcen 2 détenus, à Eloued 4 , à Oran 2 détenus (Nime et Hamane), à Constantine 3 détenus et 2 à Tiaret, à Boumerdes 1 , 6 à Chlef, 2 à Tipaza, 2 à El Tarf, et 1 détenu à Tissemsilt.
Le CNLD précise qu’à Oran, Kadour Chouicha attend toujours son procès le 7 janvier. À Constantine , Zeghileche Abdelkrim reste toujours en prison. À Tlemcen, Aissam Sayah et Oggadi Nor Elhouda et 9 autres sont toujours en prison. Brahim Daouadji n’est pas libéré à Mostaganem. « Personne n’a le chiffre exacte des détenus relâchés où les détenus restés toujours dans les prisons à travers le pays », souligne le CNLD.
Le comité précise que « tous les détenus qui ont quitté aujourd’hui les prisons sont en liberté provisoire. Leurs procès sont programmés pour Février et Mars. » – médias- 03 janvier 2020
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*Le Hirak exige l’émancipation politique, pour prendre de façon autonome sa destinée, refusant le diktat de la privatisation de l’Etat au profit d’acteurs prédateurs
Mohamed Mebtoul est professeur de sociologie à l’université Oran 2 et chercheur associé au Groupe de recherche en anthropologie de la santé (GRAS). Il est l’auteur d’un ouvrage intitulé « Libertés, dignité, algérianité, avant et pendant le Hirak », paru aux éditions Koukou. Il revient dans cet entretien sur le mouvement populaire en cours, ses revendications, les fondements de sa mobilisation et ses formes d’expression.
**Reporters : Dix mois de protestation populaire sans arrêt depuis le 22 février 2019. Qu’est-ce que le mouvement populaire a apporté de concret sur les plans politique et social ?
**Mohamed Mebtoul : Le mouvement social du 22 février 2019 a incontestablement permis – par sa puissance, sa profondeur, sa durée et la détermination de ses acteurs socialement pluriels, diversifiés, composés d’une majorité de jeunes, d’adultes, de gens âgés, d’enfants, de personnes handicapées et de femmes, dont la présence est fortement perceptible – de dévoiler, d’une part, explicitement et collectivement le fonctionnement du politique actuel qui a façonné la société de façon patrimoniale, patriarcale, encerclant de façon autoritaire les espaces de liberté, instrumentalisant l’histoire, le religieux et la peur. D’autre part, il renouvelle profondément la façon d’appréhender le politique, en rupture avec 57 ans d’imposition, en exigeant clairement son émancipation politique, pour prendre de façon autonome sa destinée, refusant le diktat de la privatisation de l’Etat au profit d’acteurs prédateurs dans une logique de statu quo construit de façon autoritaire par les pouvoirs actuels. J’ai dans ce sens tenté de montrer dans mon ouvrage sur le mouvement social, édité en 2019, l’entremêlement des affects (essentiels dans toute action collective), des revendications strictement politiques, exprimées de façon déterminée, un ethos collectif centré sur le pacifisme du mouvement social, et des désirs de liberté, de dignité et de citoyenneté, absents durant ces cinq dernières décennies. Je me réfère, ici, au philosophe portugais, Spinoza, qui montre bien que le moteur du changement, c’est le désir que le penseur qualifie « d’affect positif » central pour comprendre l’ampleur du mouvement social du 22 février 2019.
Enfin, le « Hirak » déconstruit la mystification idéologique d’une société standardisée, homogène permettant au contraire de mettre à nu la différence, la contradiction, le conflit, la décantation entre les différentes catégories d’acteurs sociaux de la société, que le pouvoir a fabriqué à l’image du père qui prend soin de ses enfants, mais sans jamais leur demander leur avis. Le patriarcat est transversal à tous les champs de la société. L’enjeu sociopolitique, arrimé au mouvement social, peut être synthétisé de la façon suivante. Il s’inscrit dans une logique de rupture avec le système politique actuel, donnant uniquement de la pertinence et du sens au sujet obéissant, se pliant à la logique de la domination politique, pour s’orienter au contraire, depuis plus de 10 mois, dans la quête d’une citoyenneté. Il ouvre un champ du possible pour permettre aux populations d’être reconnues politiquement dans les différents espaces et institutions fonctionnant jusqu’à présent à la cooptation et au clientélisme.
Le Hirak est loin de montrer des signes d’essoufflement. Des interrogations s’imposent toutefois. Quelles sont les mesures de nature à provoquer un apaisement dans l’espace public pendant les manifestations ? Le Hirak est-il obligé aujourd’hui de désigner des représentants pour dialoguer ou négocier avec le pouvoir en place ?
L’humilité du chercheur doit parfois s’imposer face à la complexité et la richesse du mouvement social du 22 février 2019. Il nous semblait donc important de décrire, dans ses moindres détails, la façon dont se construit cette histoire d’en bas, unique en Algérie et dans le monde, qui ressurgit dans l’espace public permettant aux manifestants de clamer leur refus de l’humiliation subie pendant plus de 57 ans. Je suis très incompétent pour m’inscrire en donneur de leçons, refusant explicitement une approche normative qui aurait la prétention de dicter ses « instructions » aux acteurs du mouvement social.
Pour le sociologue que je suis, ma perspective a été de tenter de comprendre et de décrypter finement ses différents agencements, ses dynamiques et temporalités politiques durant ces dix mois. Ce que nous avons pu observer, au cours de ces 45 marches à Oran, sont la persistance et la cohérence politique du mouvement social profondément attaché à la rupture avec le système politique actuel. En deuxième lieu, l’exigence d’une indépendance politique qui ne se confond pas avec celle plus territoriale acquise en 1962. Ce qui conduit les manifestants à opérer constamment un dépassement politique, social et intellectuel en rupture avec les différentes propositions du pouvoir, qui avaient pour objet de s’inscrire implicitement ou explicitement dans le réaménagement du système politique actuel. Pour l’anthropologue Georges Balandier, tout mouvement social articule ordre et désordre de façon entremêlée, en menant l’action collective par le bas, dans une logique horizontale. Les manifestants reprennent les uns ou les autres, sans conflits, les slogans qui leur semblent les plus appropriés à la conjoncture politique dans une ferveur où le singulier et le collectif se reconnaissent mutuellement. L’invention démocratique se construit de façon pragmatique. Elle est attestée par la création de slogans renouvelés, portés fièrement par des acteurs sociaux diversifiés. Nos observations indiquent clairement que les slogans représentent des ressources politiques majeures qui n’ont pu être possibles que par la création, l’inventivité et l’humour, déployées notamment par les jeunes qui aspirent profondément au changement social et politique. La production des slogans n’aurait pas été possible sans le recours aux différentes expériences sociales des jeunes, acquises dans leurs espaces sociaux (quartiers, universités, stades de football, etc.) où la souffrance, la « hogra », les multiples injustices ont représenté des éléments-clés dans la mise en exergue de leurs exigences politiques. La mobilisation des réseaux sociaux indique bien le lien entre le local et l’universel opéré par les manifestants.
Ces derniers sont loin d’être des « idiots culturels » (Garfinkel, 2007) enfermés mécaniquement dans une théorie des complots, en faisant mine d’oublier que la société est loin d’être une cruche vide qu’on peut remplir à souhait d’attitudes et de postures produites par des agents extérieurs, sans réflexivité critique des acteurs locaux du mouvement social. Enfin, nous serions bien naïf sociologiquement, pour ne pas observer que le mouvement social – sans être représenté politiquement, dont il faut noter les difficultés dans un contexte dominé par la crise de la représentation politique en Algérie et dans le monde – a opéré nécessairement une structuration par le bas, en s’appuyant sur des animateurs, des activistes et des leaders reconnus socialement par les manifestants, pour leur engagement politique et social depuis de longues années dans la société algérienne.
Sommes-nous sur le bon chemin pour construire le processus citoyen que d’aucuns jugeaient sociologiquement impossible en Algérie ?
La réappropriation active de l’espace public par les manifestants du mouvement social est une des dimensions centrales dans la construction sociale et politique de la citoyenneté. Celle-ci peut être caractérisée comme une lutte légitime des manifestants (on n’est pas né citoyen) pour la reconnaissance sociale et politique, qui arrachent le droit de s’insurger et de revendiquer de façon autonome dans le but de constituer autrement le politique qui va dans le sens de la construction d’une société démocratique, où la régulation négociée prime sur l’injonction politico-administrative. L’espace public recouvre donc une dimension sociopolitique majeure qui le structure et le façonne (Habermas, 1981), permettant de lire le rapport de force entre les manifestants et le pouvoir. Après dix mois de contestation politique pacifique, le mouvement social maintient de façon tenace sa présence active dans l’espace public. On est en présence de splendides mouvements des corps dans l’espace public, qu’il est possible de traduire par la quête de libertés individuelles et collectives des manifestants. « Le corps qui se relâche et brise la glace », selon la belle expression de la romancière Aïcha Kassoul. La compréhension du dedans de l’espace public réapproprié, le vendredi et le mardi, par les manifestants a une valeur pertinente. Dans la marche, la réflexion entre les manifestants est loin d’être absente. Les manifestants échangent, se solidarisent, mettent en commun leurs énergies créatrices, donnant à voir une osmose collective, illustrée par les chants et les slogans critiques à l’égard des pouvoirs. Ils reconfigurent de façon dynamique et inventive l’espace public.
Dans la société algérienne, en grande partie orpheline de contre-pouvoirs crédibles, autonomes et organisés à l’égard des acteurs du système politique actuel, la réappropriation active de l’espace public représente indéniablement le seul champ du possible des manifestants pour construire progressivement la citoyenneté qui est loin d’être un statut octroyé par les pouvoirs, pour être identifiée davantage à une conquête historique, acquise par des luttes légitimes sur une longue temporalité par les manifestants, convaincus de l’impératif majeur du changement social et politique dans la société algérienne.
Si la Révolution du 22 février a réussi à consolider la solidarité entre les Algériens, le même mouvement a été un sujet qui diverge un nombre important d’entre eux. Quelle explication donnez-vous à cela ?
Un mouvement social n’est jamais lisse, homogène et standardisé, fonctionnant comme un bulldozer. En conséquence, les attentes des uns et des autres peuvent effectivement diverger sur certains points, se recouper sur d’autres. Il n’y a pas de société en soi, fermée sur elle-même, qui ne serait pas façonnée et instituée par le politique qui tente d’imposer ses diktats et ses normes de fonctionnement. Les réponses des agents de la société sont multiples, mouvantes, de l’ordre d’une construction sociale. La société algérienne a été effectivement marquée par des contreviolences, des détournements de normes politiques et des accommodements multiples dans un système politique qui a fonctionné à la violence, au mépris institutionnalisé, à l’humiliation et à l’arrogance pendant plus de 57 ans.
« Ce qui est nommé « société » ne correspond pas à un ordre global déjà là, déjà fait, mais à une construction d’apparence et de représentations ou à une anticipation nourrie par l’imaginaire » (Balandier, 1988). Le mouvement social est un processus sociopolitique complexe et contradictoire qui permet de noter l’émergence d’actions multiples des pouvoirs : répressions, instrumentalisation de la peur, mobilisation de courtiers pour faire le sale boulot qui consiste à entraver une manifestation, à produire socialement du scepticisme, de l’indifférence, de favoriser par tous les moyens le retour au statu quo (« nous sommes tous les mêmes »).
Tentons de faire de la prospective et osons poser la question sur les conséquences sociologiques de l’inaboutissement des revendications populaires ou la répression…
Pour répondre de façon précise à votre question, sans me transformer en prédicateur, le mouvement social algérien du 22 février 2019 s’est déployé de façon rigoureuse et permanente de façon pacifique. Ce qui représente en soi une posture collective forte en matière d’organisation, « une arme » redoutable qui est de l’ordre de la rupture avec tous les clichés produits politiquement sur la société, comme étant violente, incivique, etc. Même si le mouvement social n’intègre pas toute la société, il a permis l’émergence encore timide de la citoyenneté qui donne du sens à l’espérance, mais qui n’est pas indemne de multiples incertitudes politiques, qu’il semble difficile, aujourd’hui, de prévoir, liées à la façon dont vont se construire les rapports entre les acteurs du mouvement social et le pouvoir politique.
*Par Leïla Zaïmi - reporters.dz/ lundi 06 janvier 2020
Mais beaucoup, y compris parmi ceux qui s’en revendiquent, lui reprochent de durer. Ils l’accablent, à longueur de débats et de palabres : “comment ça va finir ?”, “on ne peut pas rester comme ça”, “les vendredis ne dérangent pas le pouvoir” mais “sanctionnent l’économie”, “il faut que le hirak se structure”…
On disserte même, avec un certain mépris, sur des manifestants du… dimanche qui sortent pour leur récréation hebdomadaire. Pourtant, ces marches n’ont pas toujours été de tout repos : des heures de canicule, de jeûne, d’averses en trombes sont endurées par des marcheurs, certains venus à pied de loin, ne pouvant se payer une bouteille d’eau, se mouvant sur une chaussée, brûlante ou mouillée, en sandales usagées.
Aucun de ses affidés, encore très nombreux en mars dernier, n’ose aujourd’hui avancer que ce système, qui, lui, a trop duré, mérite la moindre circonstance atténuante. Même s’ils sont toujours nombreux à se battre pour sa régénération, en plein jour pour ceux sont dans les institutions ou dans l’ombre pour ceux que le régime ne peut encore exhiber à la lumière. Les Algériens ne sont tout de même pas sortis pour émonder le vieil arbre pourri de ses branches les plus véreuses afin qu’il puisse verdoyer de plus belle !
Au début du hirak, le pouvoir n’a accédé ni d’emblée ni de bon cœur à ses revendications. Entre le 22 février et le 2 avril, il s’est passé six vendredis de déferlement populaire auxquels il a d’abord répondu par la menace et les manœuvres.
Le mouvement s’est poursuivi parce que le stratagème de la concession, enfin, du départ de Bouteflika et des poursuites contre les figures symboliques du régime et du pillage national n’ont pas suffi à convaincre les citoyens qui, eux, exigent l’abolition du système. Cette revendication n’a toujours pas été entendue.
Persuadés du fait qu’un régime issu de ce système ne peut conduire la tâche historique de le déboulonner, ils continuent à manifester pour le départ de ce régime. Dans ce processus, qui pérégrine d’“accompagnement” en étouffement, en faux dialogue, en répression et manipulation, en fausse élection, puis en “re-dialogue”… ? Qui joue donc le temps ?
En cela, il trouve d’ailleurs des alliés inattendus et inespérés : les forces politiques et sociales organisées et associées au mouvement populaire ! Habituées à un agenda de vie publique quasi mondaine, elles vivent mal une entreprise révolutionnaire dont la projection, de dimension historique, ne peut être incluse dans leur timing calqué sur le programme d’activité politique officiel.
Les prisonniers politiques ont pourtant montré l’exemple en se résignant, avec dignité, à payer le prix de leur engagement par un temps de privation de liberté dont ils ne pouvaient prévoir la durée. Le pouvoir voit bien que le mouvement pour la libération citoyenne ne peut plus faire demi-tour et aller dans le sens de la régression. C’est donc lui qui fait perdre un précieux temps au pays.* par Mustapha HAMMOUCHE - Liberté / mercredi 08 janvier 2020
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Volonté de changement : un acte pour y croire !
**Le président de la République met de l’entrain dans la conduite de deux chantiers politiques qu’il estime, à l’évidence, à la fois prioritaires et urgents : la révision de la Constitution, pour laquelle il a installé un comité d’experts, et les consultations politiques qu’il a également entreprises. Pour le locataire du Palais d’El-Mouradia et ses conseillers, cette cadence est censée refléter la volonté du nouveau pouvoir à mener des réformes politiques profondes, entendues comme des réponses aux demandes du hirak populaire qui, depuis bientôt une année, réclame une rupture radicale avec le système. Cela l’aurait peut-être été incontestablement si cette démarche avait été inscrite dans le sillage d’une entreprise d’apaisement de la situation par, notamment, la libération de l’ensemble des détenus du mouvement populaire et d’opinion. Or, tel n’est pas le cas.
Aussi, il est tout à fait compréhensible que des chefs de partis de l’opposition ou des leaders d’opinion — militants, universitaires, journalistes et autres — restent circonspects face à cette offre de dialogue qui leur est faite, expressive pour certains et à la cantonade, pour l’heure, pour d’autres. C’est que, échaudés par les dialogues passés, ils craignent que leur participation aux consultations en cours ne serve, à nouveau, de caution à des projets du pouvoir auxquels ils n’adhèrent pas, voire auxquels ils s’opposent. Cette appréhension chez beaucoup d’acteurs politiques est légitime à plus d’un titre. Celle-ci l’est surtout en raison de la prérogative régalienne que s’arroge le chef de l’État quant à la prise de décision à l’issue des consultations. Ayant visiblement exclu de couronner ses consultations par l’organisation d’une conférence nationale, Abdelmadjid Tebboune se préserve de tout pacte politique qui l’obligerait à s’en tenir à ce qui aurait été convenu. On suppose que cette attitude procède d’un choix délibéré, mais surtout réfléchi. En préférant la concertation bilatérale aux débats de conclaves, espaces propices aux résolutions, aux codifications des propositions et aux deals politiques formels, le chef de l’État compterait en tirer un double dividende : s’ouvrir au dialogue et en même temps rester le maître de la décision politique. Cette façon de concevoir le rapport politique avec la société vaut évidemment également pour le gouvernement qui s’apprête, lui aussi, à dialoguer avec ses partenaires sociaux.
Le ministre de la Communication Ammar Belhimer a déjà retenu d’organiser les assises de la presse. Bonne idée. Mais à quoi serviraient-elles si, comme toujours, la décision arbitraire supplantait le texte de loi ? Il faut sûrement non seulement un gage de sincérité, mais encore un acte significatif d’une réelle volonté de changement. Un acte à la portée du ministre : mettre fin au monopole de l’Anep sur la publicité. Cet acte pour commencer ! Un acte pour croire à la volonté de changement. *par Sofiane AÏT IFLIS- Liberté / lundi 13 janvier 2020
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Le hirak, un mouvement au long cours
*Comme pour la proposition de dialogue, la libération des détenus d’opinion ou la composition du gouvernement, ceux que la poursuite du hirak agace vont se saisir de ce prétexte de commission d’amendement de la Constitution : maintenant que Tebboune a mis sur pied une commission de réforme constitutionnelle, pourquoi le mouvement de revendication devrait-il se poursuivre ?
Une nouvelle polémique à épuiser donc pour les citoyens engagés avec le hirak. Et une péripétie de plus dans la stratégie de contournement de la revendication populaire, une seule en fait, celle de l’abolition du système en place et son remplacement par un autre.
Et le régime, n’ayant pas convaincu que la rupture puisse résider dans le remplacement d’un président par un autre, voudrait bien la réduire à un changement de Constitution par une autre.
Or, si l’indépendance de l’Algérie a été transformée en un état de privatisation clanique et mafieuse, ce n’est sûrement pas parce que les Constitutions qui l’ont jusqu’ici régie autorisaient, par la lettre, une telle dérive, mais c’est qu’elle est, depuis toujours, sous l’emprise d’un système de pouvoir dont les tuteurs s’autorisent, par la force, le viol des lois et des Constitutions, et les adaptent, à l’occasion, à leurs appétences de pouvoir et d’accaparement.
à la base d’une entreprise de refondation d’un État, il y a la volonté politique. Cette volonté de rupture est aujourd’hui portée par le mouvement populaire. L’attitude du régime, consistant à se poser en interprète des aspirations de ce mouvement et maître d’œuvre de leur concrétisation, est en totale incompatibilité avec l’esprit de ce mouvement né pour le destituer. La preuve de cette impossibilité politique est dans la poursuite de la mobilisation, malgré toutes les promesses de prise en charge de la demande des citoyens ; elle aussi dans le rejet d’une élection présidentielle venue s’imposer en alternative au vœu insistant de “rupture systémique”.
Le mouvement populaire, si l’on a le courage et la volonté de l’interpréter pour ce qu’il est, exprime une demande de restitution effective de sa souveraineté politique.
Nous avons donc, d’un côté, un peuple qui considère qu’il n’est pas représenté par le régime en place et, de l’autre, un régime qui, dans le discours, lui concède le droit à la souveraineté politique, et, dans les faits, dispose que c’est lui qui est “élu” pour exercer cette souveraineté pour le compte du peuple. Il peut, au mieux, en “dialoguer”. C’est ce qu’il compte faire à l’occasion de l’amendement constitutionnel annoncé qu’il compte soumettre au débat avec “les acteurs de la vie politique et de la société civile”. Bien sûr, le problème réside dans le statut et la fonction politiques que le pouvoir accorde au mouvement populaire. C’est de là que découle, en effet, le type de réponses que ce mouvement lui inspire. Pour l’heure, tout porte à croire qu’il le tient pour une simple contrainte : il poursuit la mise en œuvre de sa propre feuille de route de relance politique tout en réservant un traitement plus répressif que politique au hirak.
Acculant le mouvement populaire à se poursuivre le temps qu’il faudra pour confirmer son essence populaire et son contenu historique. * par Mustapha HAMMOUCHE - Liberté / lundi 13 janvier 2020
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Le PAD va organiser ses «assises» le 25 janvier :
Préparer le terrain pour une «conférence nationale de l’opposition»
Les forces du Pacte de l’alternative démocratique (PAD) comptent organiser, le 25 janvier, les «assises nationales de la démocratie» qui devront «regrouper tous ceux et celles qui agissent en faveur de l’alternative démocratique».
L’objectif d’une telle initiative est de «consacrer les principes, valeurs et fondements d’un Etat de droit, civil, social et démocratique», a indiqué le PAD avant-hier dans un communiqué. Les partis politiques regroupés au sein du Pacte, à l’instar du FFS, RCD, MDS, UCP, PT et PST, ainsi que de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), disent ne pas s’inscrire dans les «faux dialogues» et refusent, par conséquent, «de se laisser enfermer dans la démarche unilatérale du pouvoir». Cela veut-il dire que le PAD, en tant qu’entité, et les partis le composant, de façon individuelle, ne prendront pas part à un dialogue initié par la présidence de la République ?
En tout cas, il est clair que la démarche du pouvoir en place, qui évoque jusque-là un «amendement profond de la Constitution», comme signalé dimanche dernier par la présidence de la République à l’issue de la réunion du Conseil des ministres, ne va vraisemblablement pas être acceptée par le PAD qui plaide lui pour un processus constituant. «Face au défi qui engage l’avenir de l’Algérie, la tenue d’une conférence nationale en vue du changement radical du régime est un impératif de l’heure. Elle débattra des mécanismes et de la nature de la transition et du processus constituant qui sont une nécessité absolue pour la réappropriation de la souveraineté du peuple», indique-t-il dans son communiqué.
Si les assises de ce 25 janvier concernent ceux et celles qui se reconnaissent dans la plateforme du 26 juin, comme nous l’a expliqué Ouamer Saoudi, secrétaire national à la coordination du RCD, la conférence nationale que compte organiser le Pacte, et dont la date n’a pas encore été fixée, sera ouverte aux autres, c’est-à-dire sortir du cercle habituel, pour peu que les éventuels participants s’opposent à la feuille de route du régime. Ce sera une «conférence nationale de l’opposition» sans le pouvoir, précise-t-on. A cet effet, les partis regroupés au sein du PAD visent le plus large consensus possible au sein de l’opposition, pour ce qui est de la démarche à suivre. Mais pour l’heure, l’organisation de cette conférence est au stade de réflexion, comme nous le dira Fethi Ghares, coordinateur du MDS.
Dans le même ordre, en affirmant que «l’avènement d’un ordre démocratique et social tel que revendiqué par le peuple depuis le 22 février 2019 exige d’ores et déjà de disqualifier les faux dialogues et refuser de se laisser enfermer dans la démarche unilatérale du pouvoir», le Pacte de l’alternative démocratique exprime d’ores et déjà sa position vis-à-vis du dialogue qui va être lancé par le chef de l’Etat qui, faut-il le préciser, ne l’a pas encore évoqué d’une manière officielle, notamment lors de son premier Conseil des ministres, même si des sources nous ont confirmé que la Présidence se prépare à recevoir «tous les partis politiques». Ainsi, a priori, il n’est pas question pour le PAD d’y répondre favorablement. En tout cas, Fethi Ghares est catégorique sur cette question. «Le MDS ne reconnaît pas le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune», nous a-t-il déclaré.
Le PAD arrivera-t-il à réunir le plus grand nombre de partis et de personnalités de l’opposition ? Trop tôt pour le dire. Mais il est question de tenter d’arriver à un large consensus au sein de l’opposition, toutes tendances confondues, afin de présenter une alternative qui pourra peser sur l’échiquier politique et imposer une «transition véritable» vers un Etat démocratique. Difficile mission, au vu des divergences existantes entre les différents acteurs, mais le PAD veut tout faire pour y parvenir. * elwatan/ mercredi 08 janvier 2020
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Quelle Constitution pour quelle République ?
Que va-t-on changer ? Touchera-t-on aux articles immuables dans la Constitution de 2016 ? Comment cette révision va-t-elle reconsidérer le système de gouvernance ? Quelle voie va-t-on suivre pour le faire ?
Le président Abdelmadjid Tebboune confirme que la révision de la Constitution constitue sa priorité politique. Dans le communiqué sanctionnant sa première réunion du Conseil des ministres, le président de la République souligne l’impérieuse nécessité de cette réforme de la Loi fondamentale, pour lancer les bases de la nouvelle Algérie qu’il a promis durant sa campagne électorale.
Il s’agit, pour lui, de la «pierre angulaire» du changement auquel aspirent les citoyens. C’est quoi une révision «profonde» de la Constitution ? Que va-t-on changer ? Touchera-t-on aux articles immuables dans la Constitution de 2016 ? Comment cette révision va-t-elle reconsidérer le système de gouvernance ? Quelle voie va-t-on suivre pour le faire ?
Autant de questions et bien d’autres qui méritent d’être posées, surtout que l’Algérie a connu sept révisions constitutionnelles depuis son indépendance en 1962. Si l’on se fie à l’esquisse donnée dans son programme électoral, le président Tebboune promet de réduire les pouvoirs que lui confère l’actuelle Constitution, notamment en établissant la séparation «stricte» des pouvoirs.
Aussi, comme expliqué dans ce même programme, il s’engage à renforcer les pouvoirs de contrôle du Parlement, à protéger les droits et les libertés du citoyen consacrés par l’actuelle Constitution, à éviter toute dérive autocratique à travers la mise en place de contre- pouvoirs efficaces, à consacrer l’inviolabilité et à limiter l’immunité parlementaire aux actes et propos intervenant dans le cadre de l’activité parlementaire.
Selon ses engagements électoraux, M. Tebboune compte apporter des changements à tout ce qui touche à l’organisation des élections en révisant de fond en comble la loi électorale. Le but est, dit-il, de «favoriser l’émergence d’une nouvelle génération d’élus compétents et intègres». Comme il veut réformer globalement l’Etat dans tous ses démembrements afin d’«assurer l’avènement d’un Etat de droit au service du peuple, un Etat moderne, efficace et légitime par sa performance et un Etat stratège promoteur de développement et garant de l’intérêt général».
Il présente également cette révision constitutionnelle comme celle qui va assurer une séparation de l’argent de la politique. Mais on ne sait pas encore comment le nouveau Président compte assurer cette séparation dans la Loi fondamentale. Toujours sur la réforme constitutionnelle, M. Tebboune précise, dans son programme, qu’il va réformer la justice, valoriser le corps des magistrats et préserver leur indépendance.
Comme il évoque également la refonte totale de l’organisation territoriale et du fonctionnement de l’administration locale à travers, notamment, un nouveau découpage administratif en phase avec les nouvelles réalités du pays. L’objectif qu’il assigne à cette réforme, c’est de mettre les bases de cette nouvelle Algérie, promise aux Algériens.
Le président Tebboune semble ainsi vouloir, si l’on juge ses intentions, sortir du régime présidentialiste façonné par le président déchu, Abdelaziz Bouteflika. En triturant trois fois la Constitution, l’ex-président de la République a fini par s’octroyer des pouvoirs quasi monarchiques. Il a, entre autres, mis sous son autorité à la fois le pouvoir législatif et judiciaire.
Il a même enlevé au chef de gouvernement le peu de pouvoirs que lui conférait la Constitution de 1996. Il s’agit donc aujourd’hui de rétablir, dans la Loi fondamentale, l’équilibre des pouvoirs afin d’éviter une nouvelle dérive autocratique. Quel régime veut le président Tebboune pour la «nouvelle Algérie» ? Semi-présidentiel, où le Parlement jouit d’importants pouvoirs ?
Parlementaire, comme en Grande-Bretagne, en Espagne, en Suisse ou en Allemagne ? Le président Tebboune sera également jugé de par la démarche qu’il suivra pour concrétiser cette réforme. Va-t-il emprunter les mêmes chemins que son prédécesseur ou va-t-il chercher un «consensus» en associant toutes les forces politiques ? A qui va-t-il confier la mission ? - elwatan/ mardi 07 janvier 2020
Remise en liberté de 76 personnes arrêtées lors des marches populaires
Les autorités judiciaires à travers l’ensemble du territoire national ont remis en liberté, jeudi 02 janvier 2020, 76 personnes arrêtées lors des marches populaires (Hirak), a annoncé l’Entreprise publique de télévision. Parmi les personnes remises en liberté figurent 51 d’Alger, 6 de Chlef, 4 d’El Oued, 3 de Constantine, 2 de Tlemcen, 2 de Tipaza, 2 d’El Tarf, 2 d’Oran, une (1) de Tissemsilt et une autre de Boumerdes, précise la même source. Le moudjahid Lakhdar Bouregaa et le général à la retraite Hocine Benhadid figurent aussi parmi les personnes libérées. médias- jeudi 02 janvier 2020
Les détenus d’opinion, dont le dessinateur Nime et le poète Mohamed Tadjadit, ont été libérés.
Les détenus de l’association RAJ seront libérés ce soir sauf le président Abdelwahab Fersaoui.
Samir Benlarbi, Karim Tabbou et Fodil Boumala ne sont pas concernés par cette décision pour le moment (libération provisoire rejetée dernièrement).
Cette libération fait suite à celle d’autres détenus du Hirak, qui avaient pour leur part purgé leur peine.
Cette décision est commentée par beaucoup. Certains y voient un signe d’apaisement de la part du nouveau gouvernement. D’autres la considèrent comme une tentative de manipulation.
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Baba Nedjar, le plus vieux détenu politique en Algérie que beaucoup ont oublié !
* Son seul et unique tort est d’avoir milité pour les droits de l’homme et la démocratie en Algérie.
*Samedi 9 mars 2019 -
Le plus vieux détenu politique en Algérie s’appelle Mohamed Baba Nedjar. Depuis 2005, à ce jour, il crie son innocence à qui veut l’entendre du fond de sa cellule, mais personne ne l’écoute. Il est condamné à passer toute sa vie derrière les barreaux. Son seul et unique tort est d’avoir milité pour les droits de l’homme et la démocratie en Algérie.
En cette période cruciale que vit le peuple algérien, il est utile de faire rappeler qu’un détenu politique croupit dans les geôles du régime.
Pour ceux qui ne connaissent pas son histoire, le jeune Mohamed Baba Nedjar a été condamné la première fois par le tribunal de Ghardaïa dans l’affaire jugée en première instance en 2006. C’était suite au décès par immolation de Bazzine Brahim, chef de la section locale du Croissant-Rouge algérien. Le même verdict a été prononcé contre l’accusé dans un procès en appel au tribunal de Médéa en 2009. Un procès qui a été très médiatisé à l’époque, mais personne ne l’évoque aujourd’hui.
Père de famille, l’accusé, qui avait à peine vingt-trois ans au moment des faits, a été victime d’un verdict politique, puisque Mohamed Baba Nedjar était aussi un militant actif au sein du FFS et de la cause amazighe à Ghardaïa.
Selon son compagnon de lutte, Kameleddine Fekhar, le seul à continuer à l’évoquer à chaque occasion, « Baba Nedjar avait refusé de citer mon nom dans cette affaire d’assassinat de Brahim Bazzine, donc on lui a fait payer son courage et sa sincérité », explique le docteur Fekhar dans une récente vidéos postée sur les réseaux sociaux.
Ahmed Baba Nedjar, qui se trouve en ce moment à la prison de Blida, a observé une série de grèves de la faim pour réclamer un procès juste et équitable.
Ses avocats exhibent des preuves scientifiques que Nedjar n’a rien à avoir dans l’affaire de l’assassinat Brahim Bazzine. « Le carburant avec lequel la victime a été aspergé est chimiquement, différent de celui retrouvé dans la moto de l’accusé Ahmed Baba Nedjar », affirme un de ses avocats. Ahmed Baba Nedjar a aussi un alibi. Il était très loin du lieu du crime oa moment de l’assassinat et n’a aucune relation avec la victime.
Pourquoi le FFS qui l’a soutenu jusqu’à 2009 puis l’a lâché subitement ?
Aujourd’hui, c’est un devoir de chaque Algérien qui réclame le changement du régime de soutenir le détenu politique Mohamed Baba Nedjar. Les nations qui triomphent contre la dictature n’oublient jamais leurs détenus d’opinion. L’exemple de l’Afrique du sud et l’histoire de Nelson Mandela est le plus édifiant.
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*Une soixantaine de citoyens et de militants politiques, poursuivis pour des délits d’opinion, sont maintenus en prison, selon des avocats. Parmi eux Karim Tabbou, ancien député et président de l’UDS non agréé, Abdelouahab Fersaoui, président du RAJ, Fodil Boumala, Samir Belarbi, Brahim Laâlami, Ibrahim Daouadji, tous des activistes du hirak, et Nour El-Houda Oggadi, étudiante de Tlemcen. Le Comité national pour la libération des détenus (CNLD) en a recensé 100.
Le chiffre n’est pas exhaustif, car “plusieurs détenus, qui ont quitté la prison jeudi soir, n’avaient pas été signalés auparavant”, a expliqué le CNLD sur son compte officiel des réseaux sociaux. Quel que soit leur nombre exact, ils sont en prison pour les mêmes chefs d’inculpation que les 76 coprisonniers remis en liberté provisoire jeudi 2 janvier, soit atteinte à l’unité nationale, atteinte au moral des troupes de l’armée, incitation à attroupement non armé et atteinte à l’intégrité d’un corps constitué sur la base des dispositions des articles 76, 79 et 96 du code pénal. Jusqu’à hier, les avocats chargés de leur défense n’avaient aucune information sur leur cas.
“Rien n’est clair. Les détenus n’ont pas reçu de notification sur la programmation de leur procès”, nous a certifié Me Abdelghani Badi. Il est corroboré par sa consœur Me Djerdjer. “J’ai quatre clients arrêtés lors des marches nocturnes à Bab El-Oued et condamnés après présentation en citation directe à une année de prison ferme. Leur procès en appel est prévu pour le 30 janvier.
À tout moment, la date de renvoi peut être changée. Des audiences prévues le 5 janvier ont eu lieu le 2”, a-t-elle souligné. Elle a indiqué que son mandant, Abdelouahab Fersaoui, a été entendu dans le fond le 3 décembre dernier. Le juge d’instruction n’a pas encore rendu sa décision. C’est aussi le cas pour Fodil Boumala et de Samir Belarbi. “Nous verrons plus clair ce dimanche (aujourd’hui, ndlr). Je me rendrai au tribunal de Sidi M’hamed à la première heure, afin de m’enquérir de la situation”, a-t-elle assuré.
Contactée, Me Zoubida Assoul a relevé des vices de procédure dans la libération des détenus d’opinion et a rappelé que les avocats n’étaient nullement informés de ces programmations massives et hâtives. Ce qui l’a amenée à parler de “décision politique. Le grand perdant dans cette affaire est la justice. Le citoyen pensait qu’elle n’était pas indépendante. Il en a eu la confirmation”, a-t-elle regretté. Elle n’a, toutefois, aucune visibilité sur le sort des détenus laissés en rade.
“La démarche répond à une feuille de route opaque. Nous ne connaissons pas les motivations du pouvoir. Les ordonnances portant liberté provisoire émises jeudi sont peut-être liées à l’annonce du gouvernement. Nous ne pouvons donc pas savoir quelles sont les décisions prises pour les autres détenus”, a-t-elle estimé. Me Abdelghani Badi a interprété les événements sous une optique différente.
“À mon avis, tous les prisonniers d’opinion seront libérés dans les prochains jours. Le régime veut se débarrasser de ce fardeau pour pouvoir entamer une nouvelle étape politique”, nous a-t-il livré. Il a rappelé que dès le début, les détentions entraient dans un processus politique emballé par des procédures judiciaires.
**Souhila Hammadi - Liberté / dimanche 05 janvier 2020
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ELLES DÉNONCENT LA CENSURE ET LES ENTRAVES AU MILITANTISME POUR LA DÉMOCRATIE
Des associations algériennes saisissent Facebook
Elles dénoncent dans le document adressé la semaine dernière aux responsables du réseau social une censure systématique et de manière synchronisée pratiquée sur de nombreux comptes opposés au pouvoir.
C’est avec un document consistant et exhaustif que des militants politiques algériens se sont adressés, la semaine dernière, au plus populaire des réseaux sociaux en Algérie, à savoir Facebook (22 millions d’abonnés), pour se plaindre de la censure et des attaques contre le mouvement populaire.
“Nous constatons depuis plusieurs mois des attaques répétées sur des comptes et des pages animés par des militants politiques opposés au régime algérien”, affirment AGaCy (Avant-garde citoyenne), Acda (Agir pour le changement et la démocratie en Algérie), l’Adda (Alliance des démocrates de la diaspora algérienne), le Collectif Le Carré, DZ United, le Mouvement Ibtykar, le Réseau algérien de lutte contre la répression et pour la libération des détenus d’opinion et l’UAF (Unité algérienne de France) en expliquant que “de nombreux témoignages attestent que des profils ont été désactivés et des pages bloquées”.
Nul n’est sans savoir d’ailleurs que des mouches électroniques ont été très actives sur les réseaux sociaux pour casser la dynamique du hirak. “Cela suggère que la dictature en place mène une campagne de censure en signalant en masse des comptes et des pages d’opposition, afin d’amener Facebook à les désactiver.
Cela vient s’ajouter au flot continu d’insultes et d’intimidations qui se déversent sur les publications des militants et qui semblent en majorité provenir de faux profils”, ont-ils ajouté, en précisant que “le mouvement populaire” enclenché depuis le 22 février dernier “a permis la destitution du dictateur Abdelaziz Bouteflika et a renforcé la détermination des citoyens algériens à poursuivre leur lutte contre l’ensemble du système politique en place”.
Mais, indiquent-ils, “depuis, force est de constater qu’au lieu d’entamer de véritables réformes démocratiques et d’aller vers une période de transition, la junte militaire en place a accentué sa répression contre les militants et a utilisé différents moyens pour faire taire la mobilisation. Cela s’est traduit par l’arrestation de plus d’une centaine d’activistes, la diffusion à grande échelle de propagande pro-régime, ainsi que des tentatives de censure sur les réseaux sociaux.
Et c’est sur ce dernier point que nous souhaitons attirer votre attention”. Les initiateurs de cette démarche, qui appuient leur requête par de nombreux témoignages, réclament “la neutralité de Facebook” et l’invitent “à faire le nécessaire afin d’empêcher une éventuelle entreprise de déstabilisation qui utiliserait votre réseau social comme un outil de répression contre la liberté d’expression”.
En d’autres termes, ils réclament de Facebook “le respect des principes éthiques généraux, des droits humains, ainsi que du droit à l’information”, l’application des principes généraux énoncés par la charte d’utilisation et qu’il honore “son rôle dans la lutte contre les manipulations, la censure, l’usage de faux profils et de robots”.
Aussi, ils ont souhaité que Facebook “examine l’ensemble des comptes et pages cités dans le témoignage, afin de vérifier si les mesures restrictives qui les visent sont justifiées. Dans le cas contraire, veuillez, s’il vous plaît, lever ces sanctions à leur égard et prendre les mesures nécessaires, afin d’éviter que ce genre d’erreurs ne se reproduisent”.
*Nabila Saïdoun – Liberté / dimanche 05 janvier 2020
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46e vendredi : Le Hirak maintient la pression dans plusieurs régions du pays
Pour un vrai changement.
vendredi 03 janvier 2020
La libération de plusieurs dizaines des détenus du Hirak jeudi, notamment le Moudjahide, Lakhdar Bouregaâ, est annoncée comme un signe d’apaisement, mais cela ne diminue pas la mobilisation de la population qui est sortie en force à travers toutes les régions du pays, pour exiger un vrai changement.
La mobilisation du ce 46e vendredi est caractérisée par un soulagement des manifestants, suite à la libération de plusieurs dizaines des détenus d’opinion, qui est l’une des revendications du Hirak. Mais cela, n’a pas diminué la force et la détermination des manifestants en ce vendredi du 03 janvier.
A Constantine, une grande foule est sortie dans les rues, dés le début de l’après midi de ce vendredi. Dans les rues du centre ville, les manifestants ont appelé à un Etat civil et non militaire. Ils ont appelé aussi à libérer la presse qu’ils ont aussi accusé de soumission au pouvoir. Les constantinois ont aussi demandé de libérer la justice, et ont scandé des slogans pour l’indépendance du pays.
**Bordj bou arreridj: les manifestants attaqués par des Baltaguis
Par ailleurs dans la wilaya de Bordj Bou Arraridj, la manifestation a était perturbée comme la semaine dernière, par des « Bltaguis » qui ont tenté d’intimidé des manifestants avec des jets de pierres sur les manifestants causant des blessures ce qui a crée un climat de tension entre les deux parties, et cela sous une haute surveillance des forces de l’ordre.
En Kabylie, la mobilisation n’a pas diminué durant ce 46e vendredi. Au contraire, c’est une marée humaine qui a rejoint les rues de la ville de Bejaia. Plusieurs dizaines de milliers ont marché au centre ville, avec la même détermination et les même slogans, « libération du reste des otages d’opinion, changement politique radical et libération de la justice et de la presse ».
A Tizi-Ouzou, les manifestants ont déployés un immense drapeau national et scandent : « Hna ouled Amirouche, marche arrière ma nwalouch ». Les manifestants ont appelé a la libration des détenus d’opinion, et ont exprimé leurs rejet de la présidentielle du 12 décembre.
A l’Ouest de pays, et à Tlemcen, plusieurs milliers de personnes sont sortis, pour poursuivre le HiraK. Dans leurs slogans, figurés l’appel à l’unité nationale, et ont dénoncé les appels de certains groupes contre les manifestants. Les tlemceniens ont aussi dénoncé les dernières élections présidentielles tenus le 12 décembre derniers.
Le même cas a été constaté aussi, dans les autres wilayas de la région à l’instar de la wilaya de Mostaganem, ou les milliers de personnes sorties dans les rues, ont affirmé leurs volonté de poursuivre le mouvement tout en dénonçant les Baltagui, scandant, que « nus sommes venus, et ils n’ont pas fait venir, et nus n’avons pas peur des baltaguis ».
Dans les hauts plateaux, à l’instar de Biskra, Setif, ou Batna, la population s’est aussi mobilisée fortement durant ce vendredi. Avec les même revendications que les autres régions du pays, les manifestants ont affiché leurs détermination poursuivre la mobilisation jusqu’a la satisfaction de la totalité des doléances du Hirak.*Par Khelifa Litamine -algerie-eco.com/ vendredi 03 janvier 2020
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Plaintes contre les baltaguia à Oran
Dans le texte de la saisine, les plaignants désignent nommément un certain B. Hafidh, alias Bounaga, comme l’un des principaux instigateurs des assauts contre les manifestants de la 45e marche.
Depuis lundi 30 décembre, les plaintes individuelles contre les fauteurs de troubles de la 45e marche d’Oran, à savoir les baltaguia qui ont agressé verbalement et physiquement les manifestants, ne cessent d’affluer sur les bureaux du procureur de la République près le tribunal correctionnel de Cité Djamel. “Jusqu’ici, plus de quarante citoyens et citoyennes, dont de nombreux étudiants, ont porté plainte contre les auteurs présumés des violences du vendredi 27 décembre.
D’autres manifestants se préparent également à saisir la justice”, a affirmé, hier, un des animateurs du hirak et coordonnateur de l’opération, qui a lui-même porté plainte la semaine dernière. Dans le texte de la saisine, les plaignants désignent nommément un certain B. Hafidh, alias Bounaga, comme l’un des principaux instigateurs des assauts contre les manifestants de la 45e marche.
L’homme est connu pour sa proximité avec une association sportive très proche des cercles du pouvoir. “Cet individu a mobilisé un groupe de jeunes pour perturber la marche et menacer la sécurité des citoyens (…)”, affirment-ils en soulignant que ces accusations sont appuyées par des preuves (photos et vidéos) largement relayées par les réseaux sociaux. Pour les plaignants, les fauteurs de troubles doivent répondre de leurs actes afin que pareilles dérives ne se reproduisent plus et que les citoyens puissent exercer librement leur droit de manifester et d’exprimer leur opinion sans craindre pour leur intégrité physique.
Pour Me Mebrek, un des avocats du collectif de défense du hirak, la décision des citoyens de porter plainte par-devers la justice est un acte salutaire. “Cela signifie que le citoyen ne se laisse plus faire, qu’il œuvre à concrétiser les revendications du hirak pour une justice indépendante et forte en mettant les institutions judiciaires devant leurs responsabilités”, estime-t-il en indiquant, par ailleurs, que certaines présumées victimes de la répression policière des 12 et 13 décembre, ont réagi en saisissant la justice ou l’Inspection régionale de police de la région Ouest, chargée de “procéder aux vérifications nécessaires de manière à faire toute la lumière sur cette question”, selon ce que la DGSN a affirmé dans son communiqué du 15 décembre.
Rappelons que de très nombreux citoyens impliqués dans le hirak ont été violentés, agressés ou interpellés ces derniers mois lors des marches ou des manifestations nocturnes contre la tenue de l’élection présidentielle. Certains ont même fait un passage par la case hôpital à cause de la violence de la répression (la nuit du 10 décembre notamment). Mais les 12, 13 et 27 décembre resteront gravés dans la mémoire des Oranais comme étant des journées noires pour les droits de l’Homme en raison des atteintes aux libertés et des agressions verbales et physiques.*Par Samir Ould Ali - Liberté / lundi 06 janvier 2020
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Primauté du politique sur le militaire :
Du Congrès de la Soummam au hirak du 22 février 2019
État civil et non militaire !» Depuis des mois, on entend ce slogan résonner dans les rues des différentes villes d’Algérie.
Scandé tous les vendredis par les manifestants exigeant un changement radical du système politique depuis le 22 février dernier, ce slogan repose la question, toujours d’actualité, de la primauté du politique sur le militaire.
Un principe cher au défunt Abane Ramdane, l’un des architectes de la guerre de Libération nationale, qui a voulu protéger la Révolution de toute confiscation après l’indépendance à travers le Congrès de la Soummam.
Ainsi donc, outre la gestion des deniers publics, la corruption, les passe-droits, les atteintes aux libertés et l’injustice, le mouvement populaire du 22 Février a ainsi fait de ce principe «soummamien» un élément central de la nouvelle Algérie qu’il réclame.
Cette exigence historique, à cause de laquelle Abane Ramdane a été assassiné pendant la guerre de Libération, est à la faveur de ce hirak devenue une revendication populaire, dans un nouveau contexte politique né de la disparition de celui qui s’enorgueillissait des années durant d’avoir repris le dessus sur les militaires qui l’avaient coopté à la tête de l’Etat en 1999.
De nombreux acteurs de la vie politique réclament depuis des lustres une redéfinition des liens entre les militaires et les civils, sachant que l’armée a toujours été un puissant acteur du jeu politique depuis l’indépendance. «Le mouvement de protestation populaire, dit hirak, veut démilitariser la politique et dépolitiser le grade de général. C’est sur ce socle que repose la vie sociale moderne.
La militarisation de la vie politique a été imposée par l’histoire. Et comme dit Bourdieu, ce que l’histoire fait, l’histoire le défait. En 1954, les Algériens sont passés du politique au militaire ; en 2019, ils veulent passer du militaire au politique», écrivait en octobre dernier Lahouari Addi, sociologue.
Les principes soummamiens, plaçant le militaire sous l’autorité du politique, ont été défendus par d’autres partis et personnalités politiques.
Dans son nouveau livre Révolution du 22 février, un miracle algérien, Saïd Sadi est revenu sur ce principe de la primauté du politique sur le militaire dans le sillage du hirak.
Un principe arrêté au Congrès de la Soummam par les délégués des forces combattantes de l’intérieur. «Ce sont les aspirations réprimées 62 ans durant qui animent la rue algérienne.
Justice immanente dont il fallait se faire l’écho avant que les rumeurs d’une société toujours dominée par l’oralité et les fureurs d’un régime népotique agonisant mais encore toxique ne viennent en altérer l’acuité et la pertinence», relevait le Dr Sadi.
Dans une nouvelle tribune publiée hier sur sa page Facebook, le fondateur et ancien président du RCD a estimé qu’«il a fallu attendre la révolution du 22 février pour que le peuple, allant à contre-courant d’élites aliénées ou clientélisées par le pouvoir, se réapproprie le message de la Soummam à travers des slogans qui ne souffrent aucune ambiguïté quant à la nature des contraintes qui bloquent la perspective démocratique en Algérie et les solutions que celle-ci appelle». «Les mots d’ordre les plus fréquents, les plus pérennes et les plus répandus dans la rue sont des concentrés de la Plateforme d’août 1956 : pour un Etat civil et non militaire, la République n’est pas une caserne, pour une Algérie démocratique et sociale… rythment les marches rassemblant des millions de citoyens depuis plus de dix mois», a-t-il encore souligné, se réjouissant que l’Algérien renoue, miraculeusement, avec le projet de Abane. «Il lui reste à concrétiser l’autre leçon majeure de la Soummam : c’est l’adaptation de ses luttes et l’organisation de ses énergies et de ses intelligences qui ont permis au peuple de faire passer son combat du stade de révolte à celui de révolution», a ajouté Saïd Sadi.
Le militant politique Djamel Zenati a lui aussi, dans de récentes contributions, bien évoqué cette question qui demeure centrale dans une Algérie en quête de démocratie. Selon lui, le pays est mis, dès l’indépendance, «sous contrôle de l’armée, institution à partir de laquelle tout découle et ruisselle et autour de laquelle tout s’ordonne. Elle n’est pas la colonne vertébrale de l’Etat, mais elle est l’Etat».
Ce principe soummamien a également été défendu par le FFS du défunt Hocine Aït Ahmed. «Le sursaut populaire du 22 février qui n’a rien à envier aux dates historiques du 1er Novembre 1954 et du 20 Août 1956, de par l’implication record du peuple algérien dans ses manifestations et par ses revendications légitimes qui aspirent au changement radical du système et à l’autodétermination.
Nous sommes en train de vivre un autre moment déterminant et historique», estimait ce plus vieux parti de l’opposition qui a toujours considéré que le but fondamental du statu quo politique dans le pays est de «maintenir la prééminence d’une institution de l’Etat sur les autres, tout en décrédibilisant et en délégitimant ces dernières».
Ainsi donc, pour de nombreux acteurs et analystes politiques, sans la consécration de ce principe soummamien, il est difficile de croire à la construction d’une nouvelle Algérie démocratique et stable. Et le hirak semble en avoir bien saisi l’importance.
*MOKRANE AIT OUARABI - elwatan- mercredi 25 décembre 2019
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*Abdelaziz Djerrad- un nouveau Premier ministre, pour rétablir la confiance
Le président de la République Abdelmadjid Tebboune a nommé, ce samedi 28 décembre 2019, le politologue Abdelaziz Djerrad comme Premier ministre. Il a été chargé de constituer un nouveau gouvernement.
Né à Khenchela le 12 février 1954, M. Djerad est diplômé de l’institut des sciences politiques et des relations internationales d’Alger en 1976 et Docteur d’État en sciences politiques de l’université de Paris en 1981.
Il a occupé plusieurs responsabilités auparavant dont celle de Directeur de l’École nationale d’administration (ENA) d’Alger de 1989 à 1992, de conseiller diplomatique à la présidence de la République de 1992 à 1993, et de secrétaire général de la présidence de la République (1993-1995).
Le nouveau Premier ministre a occupé également le poste de directeur général de l’Agence algérienne de coopération internationale (1996-2000) et celui de secrétaire général du ministère des Affaires étrangères (2001-2003).
Il est également auteur de nombreux ouvrages et articles de sciences politiques et de relations internationales.
Marié et père de 4 enfants, M. Abdelaziz Djerad a accompli son service national de 1984 à 1986.
Abdelaziz Djerrad est un nouveau visage à la tête d’un pays miné par une crise économique aiguë et agité par une contestation populaire inédite. Il a été chargé par Abdelmadjid Tebboune de constituer un nouveau gouvernement. Il succède ainsi à Sabri Boukadoum, ministre des Affaires étrangères qui a été nommé Premier ministre par intérim après la démission de Noureddine Bedoui le 19 décembre.
La mission du nouveau Premier ministre ne sera pas de tout repos, notamment avec la persistance du mouvement populaire, en cours depuis février dernier. Saura-t-il trouver une solution à cette crise ? Avec ses connaissances en sciences politiques et en relations internationales, il a les moyens intellectuels d’écouter le peuple et répondre à ses revendications. Mais aura-t-il les coudées franches pour agir librement dans ses négociations de sortie de crise ?* médias- samedi 28 décembre 2019
**vidéos: Algerian president appoints Abdelaziz Djerad as new Prime Minister
Aussitôt nommé premier ministre, Abdelaziz Djerrad a été reçu par le président de la République Abdemadjid Tebboune au Palais d’El Mouradia. Le nouveau premier ministre a livré ses premières impressions à sa sortie de l’entrevue qu’il a eu avec le président de la République, Abdelmadjid Tebboune.Abdelaziz Djerrad a commencé par remercier le président de la République pour la confiance qu’il a placé en lui. « Nous sommes devant un grand défi afin de retrouver la confiance au sein de notre société ainsi que des défis économiques et sociaux » a-t-il, d’ailleurs, déclaré au micro de la télévision publique.* samedi 28 décembre 2019
**vidéos:
Abdelaziz Djerad Politologue et Professeur à l’université de science politique- 14 avr. 2019
Brandissant des portraits du concepteur du mot d’ordre historique “la primauté du politique sur le militaire”, des dizaines de milliers de marcheurs ont rendu hommage à Abane Ramdane.
Rien ne semble stopper l’insurrection populaire que mènent admirablement, depuis le 22 février, les Algériens. Ni l’élection d’Abdelmadjid Tebboune à la magistrature suprême ni la disparition du chef de l’état-major de l’ANP, Ahmed Gaïd Salah, n’ont réussi à dissuader les hirakistes de poursuivre la contestation.
En effet, les artères du centre d’Alger ont fortement vibré, hier, au rythme de la manifestation hebdomadaire, à l’occasion du 45e vendredi consécutif de mobilisation qui coïncide avec la commémoration du 62e anniversaire de l’assassinat d’une des figures de la Révolution de Novembre, Abane Ramdane. Brandissant des portraits du concepteur du mot d’ordre historique “la primauté du politique sur le militaire”, des dizaines de milliers de marcheurs venus de Bab El-Oued, d’El-Harrach, du Télémly, de Hassiba-Ben Bouali, de Belcourt, de Didouche-Mourad, criaient en chœur : “Abane Ramdane nous a laissé un testament : État civil, non militaire”, ou encore que “Dieu ait ton âme ya Abane”. “Ya Abane, ya Ramdane, nous sommes venus de notre propre gré, on ne nous a pas ramenés dans des bus”.
Les premiers cortèges de manifestants se sont d’abord ébranlés depuis la rue Victor-Hugo, à la sortie des fidèles de la prière du vendredi. La foule grossissait au fur et à mesure que les minutes passaient et qu’elle avançait vers les nouveaux lieux emblématiques de rassemblement. Drapés dans l’emblème national, des jeunes, des moins jeunes, des vieux, des femmes, dont plusieurs étaient accompagnées de leurs enfants, battaient inlassablement le pavé des rues Asselah-Hocine, Mohamed-Khemisti, Docteur-Saâdane, du 19-Mai-1956, en remontant l’artère symbolique du hirak, la rue Didouche Mourad. Ils ont, une nouvelle fois, prouvé que la “silmya” se poursuivra jusqu’à ce que le flambeau du pouvoir passe aux mains du peuple tel que le stipulent les articles 7 et 8 de la loi fondamentale. Ils ont clairement rejeté l’offre en scandant“La souveraineté devra revenir au peuple”. Des portraits des détenus politiques ont été également déployés tout au long du parcours.*Par Hanafi HATTOU - Liberté- samedi 28 décembre 2019
Saïd Salhi, vice-président de la LADDH : On a assisté à des attaques contre les marches pacifiques par des individus, avec des slogans racistes et haineux. On a vu des jeunes chauffés à blanc s’attaquer aux manifestants, ils ont même utilisé des couteaux. Cela s’est passé dans cinq ou six wilayas, à Tiaret, Oran, Annaba, Constantine et surtout à Bordj Bou Arréridj.
Il y a eu utilisation d’armes blanches, des violences contre des femmes, des enfants, des personnes âgées. Pour le nombre de blessés, on n’a pas de chiffres. Heureusement qu’il n’y a pas eu de blessés graves, grâce à la retenue de la population, sinon ça aurait été l’irréparable.
**Pourquoi, selon vous, une telle simultanéité ?
Ce qui s’est passé vendredi est un nouveau tournant. Ces attaques ont eu lieu au même moment sur plusieurs wilayas et on se demande s’il ne s’agit pas d’une action planifiée ou d’une nouvelle tendance à utiliser ce qu’on appelle les baltaguia pour venir à bout du Hirak, après que la répression, les intimidations et toutes les tentatives de division et même de déviation du mouvement n’ont pas marché.
Mais la grande inquiétude, c’est que cela s’est fait devant les services de sécurité et il n’y a eu aucune interpellation. Alors que dans d’autres circonstances, on l’a vu à plusieurs reprises, les marches pacifiques ont été interdites, les hirakistes pacifiques ont été interpellés. La responsabilité des services de sécurité est engagée.
On se demande comment ils ont laissé faire alors que leur rôle justement c’est de protéger les marches. C’est ce qui nous a amenés à lancer une campagne de dénonciation et même à interpeller les autorités, notamment sécuritaires et judiciaires, à actionner une action contre ces individus.
**Y aura-t-il des dépôts de plainte après ce qui s’est passé ?
Jusque-là, il n’y a pas eu de dépôt de plainte, mais les citoyens s’organisent, notamment les victimes, pour mettre les autorités devant leurs responsabilités. Il n’est pas question de se taire devant un tel dérapage et de laisser se banaliser de telles situations. En tant que ligue des droits de l’Homme, on encourage les victimes à déposer plainte et à dénoncer ces personnes-là.
On encourage aussi le Hirak à ne plus se laisser faire, mais avec les moyens légaux. Il n’est pas question de répondre à la violence et à la provocation. Parce que l’objectif recherché c’est de ramener le mouvement pacifique vers un terrain violent. Il a déjoué ce genre de tentatives à plusieurs reprises et il n’est pas question aujourd’hui de céder à la violence et à cette tentation de déviation. Il est plutôt question de faire parler le droit et la justice. Nous encourageons les victimes à déposer plainte. Il faut mettre tout le monde devant ses responsabilités.
**Outre les dépôts de plaintes, d’autres actions sont-elles prévues ?
D’abord il y a ce travail de sensibilisation à faire. Hier, samedi, on a assisté à une réunion où il a été décidé de lancer une campagne de sensibilisation pour alerter l’opinion publique contre de telles situations et de tels comportements.
Il n’est plus question de laisser passer des propos haineux ou qui appellent à la violence, d’où qu’ils viennent, je précise bien y compris du côté du Hirak.
Le Hirak a bien tranché cette question. C’est un mouvement pacifique, après dix mois, il n’a rien à démontrer de ce côté-là. Il y a cette nécessité de tirer la sonnette d’alarme, et c’est ce qu’on a fait. Il y a une prise de conscience qui commence à se mettre en place sur les réseaux sociaux, mais je pense que le pouvoir politique, la justice et les services de sécurité doivent assumer leurs responsabilités.
**Des arrestations parmi les agresseurs ont été annoncées sur les réseaux sociaux. Vous confirmez ?
On a lu qu’il y a eu 15 arrestations à Constantine et 10 à Bordj, mais jusqu’à maintenant, on n’a eu aucune confirmation. C’est au parquet de communiquer là-dessus, mais il ne l’a pas encore fait.
**Qu’est ce qui a mené à une telle situation ?
On a laissé tellement se banaliser les propos haineux à travers les réseaux sociaux, les chaînes publiques et mêmes les officiels qui se sont adonnés à des propos discriminatoires, haineux et violents. On ne s’étonne pas qu’il y ait des jeunes tentés par la violence et de telles dérives.
Aujourd’hui, il y a lieu de mettre fin à cette campagne de dénigrement racial contre une région, contre le Hirak, les militants et les activistes, avec des propos graves. Et on a laissé faire. Le parquet et les services de sécurité n’ont pas réagi. Le pouvoir politique aussi n’a pas réagi. Je dirais même qu’il a utilisé cela et l’a légitimé, ce qui a donné de telles situations. C’est grave. Ce que nous avons vécu vendredi passé pouvait nous amener loin. On n’a évité l’irréparable que grâce à la retenue des manifestants.
**Tout cela arrive au moment où le nouveau président a appelé au dialogue…
Il y a beaucoup de contradictions, d’où justement toutes les inquiétudes et les incertitudes. Tout le problème qui se pose, c’est celui de la confiance. La population a perdu confiance en le système et ses institutions.
Aujourd’hui, justement, toutes ces contradictions n’aident pas à la solution. J’entends le président de fait tenir un discours d’apaisement et de changement, mais les faits disent tout à fait le contraire.
Au moment où ils annoncent l’apaisement, plusieurs procès se déroulent à travers plusieurs wilayas du pays avec parfois des condamnations à la prison ferme. Le dernier en date c’est Mohamed Tadjadit. Des militants et des journalistes sont toujours emprisonnés. Aujourd’hui, dimanche 29 décembre, il y a une dizaine de procès. Heureusement qu’il y a eu beaucoup de relaxes. Mais il reste que ces mesures d’apaisement et de rétablissement de la confiance n’arrivent pas.
On n’en parle pas, mais vendredi passé, il y a eu des marches empêchées par les services de sécurité, comme à Batna. Le système veut en finir avec le Hirak. Toute une campagne est menée sur les réseaux sociaux pour dire que le Hirak est fini.
Non, le Hirak n’est pas fini parce que ses revendications ne sont pas encore satisfaites, notamment la libération du champ politique et médiatique, la libération des détenus et le changement effectif. Les manifestants n’ont pas de raison de rentrer chez eux. On ne voit rien arriver.
**Une rapide sortie de crise est-elle possible en l’état actuel des choses ?
Nous sommes devant une situation complexe. Nous avons un pouvoir de fait qui ne veut pas lâcher et un mouvement qui s’accroche à ses revendications. Nous sommes encore dans ce bras de fer. Alors que nous, en tant que société civile, avec les acteurs du Hirak, nous appelons à une solution politique, pacifique, démocratique et négociée.
Il n’est pas question de diaboliser la négociation comme solution politique mais il n’est pas non plus question de compromettre ou d’abandonner les aspirations légitimes du Hirak. Aujourd’hui, la demande de changement de système est encore présente, plus forte dans la société, et on le constate chaque vendredi et mardi. Donc le système n’a qu’à répondre à cette situation et il a une chance historique du fait qu’il a maintenant nommé son représentant.
Abdelmadjid Tebboune a tous les pouvoirs pour engager toutes les mesures et toutes les réponses attendues par la rue. La responsabilité est aujourd’hui de son côté.
Des images relayées sur les réseaux sociaux montrent des individus armés de bâtons et autres objets contondants s’en prenant à des manifestants pacifiques. Plusieurs blessés ont été enregistrés parmi les hirakistes. Dans la même journée, des publications sur les réseaux sociaux appellent à «empêcher» les marches, «quitte à user de violence». Les posts d’une rare violence pointent du doigt ceux qui sont qualifiés de «zouaves», de «ouled dechra» (enfant de village), etc.
Ces derniers jours, des posts sur les réseaux sociaux, des vidéos devenues virales, sont postés appelant à la mort des «personnes qui sortent les vendredi». La présidente d’un parti politique, Naïma Salhi en l’occurrence, et un obscur «théoricien» de l’épuration ethnique, Lakhdar Benkoula, n’arrêtent pas de propager leur discours de haine envers le mouvement populaire et plus particulièrement contre la population de la Kabylie, qui menacerait l’Algérie.
Mais étrangement, à ce jour, aucune autorité n’a jugé nécessaire d’intervenir. D’ailleurs l’«inaction» des policiers antiémeute a été signalée dans des vidéos postées par les manifestants empêchés de marcher ou se regrouper le vendredi.
Ni le ministère de la Justice, ni le Premier ministère, ni le département de l’Intérieur n’ont jugé nécessaire de réagir et d’agir… Assiste-t-on à un durcissement des actions de répression contre la Révolution du sourire ? Veut-on faire peur aux manifestants qui sortent les vendredis en engageant des hommes de main ? Le vice-président de la LADDH, Saïd Salhi, parle sans détour d’un «plan concerté et préalablement étudié» pour affaiblir le mouvement populaire en cours.
«Mettre fin aux manipulations»
Dans la soirée, un appel a été lancé par des intellectuels «soucieux de la préservation du caractère paisible de ces marches». Les signataires, à l’instar de Ahmed Saifi Benziane, Abdelkrim Elaidi, Lahcene Bourbia, Malik Cheklalia, Ali Aït Amirat, Yacine Bouha, Brahim Benaouf, Messaoud Babadji, Benamar Azzouz, Mostefa Medjadi, Moulay Belarbi, Setra Beka, Hamid Bechkat, Amar Mohand Amar, Fatima-Zohra Chemlal, Hadj Miliani, Mebtoul Mohamed, interpellent les autorités sécuritaires et administratives de la ville «pour mettre fin aux manipulations de certains milieux affairistes mal dissimulés derrière des partis politiques et d’associations proches du pouvoir illégal et illégitime». «Ces manipulations consistent à encourager les perturbateurs de nos marches, encadrés par les services de sécurité, brandissant des armes blanches en vue de nous agresser et de nous empêcher à respecter un itinéraire emprunté depuis 45 semaines», s’offusquent les signataires de l’appel, qui mettent en premier lieu la justice algérienne, les présidents d’APC et d’APW ainsi que le wali et le chef de sûreté de wilaya devant leurs responsabilités «en cas de dépassements irréversibles». Une autre déclaration rendue publique, hier, a dénoncé les «actes violents» commis par des «baltaguia» contre des marcheurs, «au vu et au su des services de sécurité» «qui doivent assumer leurs responsabilités».
Les pétitionnaires, à l’instar de Zoubir Arous, Nacer Djabi, Tamert Abdelhafid, Athmane Lahiani, appellent à la «solidarité avec les victimes» et «pour consacrer l’unité nationale».
Une pétition a été lancée dans la journée de vendredi. Les initiateurs ont dénoncé «le discours de haine qui se propage à travers des chaînes de télévision, des pages sur les réseaux sociaux et des individus (donnant) lieu à des attaques de baltaguia contre des citoyens pacifiques dans plusieurs villes».
«Ce discours qui vise à semer la discorde a atteint des niveaux très dangereux au cours des dernières semaines, au point de menacer l’unité du peuple et de faire de la violence un acte impuni, qui risque de contribuer à répandre le crime et à menacer la sécurité de toute la société d’une manière sans précédent», lit-on dans la pétition qui a déjà réuni presque mille signataires dans les premières heures suivant sa mise en ligne. D’aucuns s’interrogent sur l’absence de la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN). Aucun communiqué n’a été diffusé jusqu’en début de soirée d’hier.*IDDIR NADIR - elwatan- 29 décembre 2019
“Il y avait des gens armés de couteaux, d’épées, de barres de fer et de bâtons qui nous attendaient.” Ce témoignage est celui d’un jeune Bordjien dont les propos ont été rapportés hier par “Liberté”.
Pour la première fois depuis le début du mouvement en février, des individus affublés du vocable “baltagui”, mot égyptien désignant un homme de main, payé par le pouvoir en place pour lutter contre l’opposition politique, ont tenté de perturber la marche hebdomadaire de Bordj Bou-Arrérridj. Selon ce témoignage, il aura fallu l’interposition des forces de sécurité et l’intervention de certains sages pour éviter une bataille rangée entre les manifestants et ces individus hostiles à la manifestation.
L’incident aurait pu être catalogué de marginal, n’eût été la survenue de cas similaires dans plusieurs villes du pays. C’est le cas notamment à Oran, à Annaba, à Constantine ou encore à Batna. Dans la Ville des Ponts, moins d’une trentaine d’individus ont tenté par tous les moyens d’“interrompre la marche de milliers de citoyens sous l’œil passif du service d’ordre qui a laissé faire une poignée de ‘baltaguia’ surchauffés et vraisemblablement missionnés pour embarrasser des marcheurs pacifiques à même d’engendrer des dérapages”, rapportent les mêmes sources.
“N’était la sagesse dont ont fait preuve les hirakistes, des violences auraient pu se produire tant les provocations étaient outrancières (…)”, précisent-elles. Dans la capitale de l’Ouest, autant au début de la marche qu’à la fin, certains participants ont même été agressés et insultés.
Des images similaires ont été également rapporteés d’Annaba où les quelques marcheurs qui se sont regroupés sur le Cours de la Révolution ont non seulement été empêchés d’entamer leur procession, mais ont également essuyé insultes et menaces d’une centaine de citoyens qui les avaient devancés sur l’esplanade du théâtre régional Azzedine-Medjoubi, selon notre correspondant sur place.
De vifs échanges et de chaudes empoignades ont eu lieu entre les protagonistes avant que des éléments des services de sécurité n’interviennent en usant de bombes lacrymogènes. Conséquence : plusieurs arrestations et des blessés. Des médias ont aussi rapporté des scènes qui ont eu pour théâtre la ville de Batna.
Si pour l’heure, ces “dérives” sont circonscrites à quelques wilayas, il reste que leur simultanéité suscite de légitimes interrogations. Qui a intérêt à semer la discorde alors que le mouvement populaire a fait preuve jusque-là d’un pacifisme exemplaire ? Ces dérapages sont-ils l’œuvre d’individus excités, contrariés par la mobilisation populaire ?
Ou sont-ils missionnés pour provoquer des troubles à même de justifier des interdictions à venir ? Peu avant l’apparition de ce phénomène éprouvé sous d’autres latitudes comme en Égypte, des marches populaires, après avoir été tolérées des mois durant, ont été interdites dans de nombreuses villes, particulièrement dans l’ouest du pays, comme à Aïn Témouchent, à Sidi Bel-Abbès, à Relizane ou encore à Tiaret.
Ce week-end, l’apparition des baltaguia a concerné principalement des villes de l’est du pays. C’est à croire, qu’on est, de façon confuse, face à une stratégie inspirée visant à égarer le mouvement populaire, dont la poursuite de la mobilisation semble donner du fil à retordre aux tenants du pouvoir. *Par Karim KEBIR - Liberté- 29 décembre 2019
Le discours de l’imprécation et du déni avait déjà commencé à déteindre sur la communication institutionnelle : sans cesse, le pouvoir accablait les masses de manifestants pacifiques de quolibets infamants (“traîtres”, “mercenaires”…) tout en minimisant l’ampleur du mouvement populaire (“groupuscule”, “mouvement minoritaire”…).
Plus encore, les catégories d’activistes attachés à leur situation de rente ou à leur servitude politique, et qui donc tiennent à la conservation du système autoritaire, se sont emparées de ce discours stigmatisant pour le reproduire, l’amplifier et le “populariser” à travers les réseaux sociaux, les médias publics et les médias privés courtisans. On aura ainsi atteint le summum de ce dévergondage verbal institutionnel lorsqu’une chaîne d’État a cru utile à ses dirigeants de relayer les propos injurieux d’un dévoyé traitant une partie du peuple algérien de “zouaves”.
Pernicieusement, le pouvoir a voulu créer, autour d’une révolution pacifique, souriante malgré le côté harassant d’une si longue marche, une atmosphère d’insécurité qui, pense-t-il peut-être, découragera une partie du peuple manifestant. En ce quarante-cinquième vendredi, un pas a été franchi dans la violation du pacifisme du mouvement national.
On pourrait penser qu’il s’agit d’“incidents”, si cette irruption de violence de baltaguia dans certaines villes n’était pas concomitante avec l’usage injustifié de la répression. Auparavant déjà, et en plus des arrestations multiples et autres mesures d’étouffement, la répression avait gagné en intensité, comme on l’avait vu à Oran et à Bouira en particulier. Il est clair que la violence qui s’est abattue sur les marcheurs dans certaines villes est le fait d’escouades de baltaguia préparés et instruits pour cela.
Par son pacifisme de principe, le mouvement populaire n’a pas prêté le flanc au facile usage de la répression, unique forme de réponse à la contestation que le système cultive et pratique depuis sa naissance. Devant cette impasse culturelle, il y a comme une tentation d’éprouver le mouvement en lui opposant une force physique de provocation.
Lui tendant ainsi un autre piège à enjamber dans sa marche probablement encore longue. *Publié par Mustapha HAMMOUCHE- Liberté- 29 décembre 2019
Avançant contre l’adversité d’un système politique rentier, tentaculaire, le mouvement pacifique ne cesse depuis des mois d’adapter sa trajectoire avec intelligence, tout en gardant le cap vers la nouvelle république algérienne.
La mort subite du précédent chef d’état-major Ahmed Gaïd Salah, chef de file autoproclamé du système, ne peut être considérée que comme un épisode parmi tant d’autres parmi toutes les résistances et oppositions au changement radical réclamé par le peuple.
Deux observations notables du paysage politique après cette disparition inattendue du Général :
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La libération de la parole des « courageux du 23 décembre » (1) pour monter au créneau et descendre en flamme un général qui a déjà quitté la scène malgré lui.
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L’apparition de pleureurs et pleureuses professionnelles pour glorifier leur tuteur imaginaire. Ceci n’est pas spécifique à l’Algérie ; il en existe partout de ces adorateurs soudainement orphelins, et les rivières de larmes qui ont coulé à la mort de Staline, Mao, Kim Il Sung, Boumediène… ne sont pas simulées. Ces adorateurs remercient aujourd’hui le général pour ne pas avoir envoyé l’armée pour massacrer son peuple qui manifeste pacifiquement, sans casse ni violence, depuis 10 mois !
Mais l’essentiel est ailleurs, même si cet événement accélère la redistribution des cartes entre les différentes composantes du clan au pouvoir depuis 1962 pour retrouver l’équilibre et continuer la prédation. Ses membres, en planque ou aux affaires, sont tous focalisés et salivent déjà sur le prix du baril de pétrole qui avoisine les 70 dollars. Pour cela, ils soigneront certainement la mise en scène, lors de la nomination du nouveau gouvernement, pour une nouvelle illusion de normalisation.
Peine perdue. Aucune cosmétique ne fera illusion pour légitimer un système en faillite disqualifié par le peuple dans son immense majorité.
Dans cette étape où se déroule un jeu de massacre en arrière plan entre les différents clans ou sous-clans qui sont sans cesse reconfigurables en fonction des rapports de forces, le peuple algérien devrait garder une seule attitude : se tenir à distance des multiples pièges tendus pour l’impliquer dans les initiatives à venir (concertations, dialogue, négociations, pourparlers, …) dont le seul objectif est la division du mouvement populaire.
Ce n’est pas avec un président désigné dans un simulacre d’élection avec moins de 10 % de participation, sans aucun observateur étranger crédible ni presse étrangère, ni la présence d’aucun président étranger lors de la cérémonie d’investiture, que le pouvoir pourra s’acheter une crédibilité.
Aussi, la querelle actuelle sur le prétendu désaccord concernant l’homme à ‘’faire élire’’ (ie. Azeddine Mihoubi) dans cette farce électorale est révélatrice des mœurs politiques du clan, agissant dans l’obscurité et le grenouillage comme toute association de malfrats.
Le peuple algérien ne doit pas servir de caution au recyclage du système actuellement au bord de l’implosion.
Le maintien de la mobilisation populaire est une exigence historique, malgré la répression et les coups-bas actuels et à venir (emprisonnements scandaleux, mobilisation de baltagas sur commande, provocations et violence volontaire des services de sécurité, blocus de villes ou de régions, amplification du prétendu danger libyen pour fabriquer ‘’l’union nationale’’ contre l’ennemi extérieur aux frontières, etc.).
Le Hirak doit maintenir cette position de fermeté sur ses exigences bien connues. Aucune précipitation n’est utile. Il est des exemples dans le monde où la maîtrise de soi (individuelle ou collective) détermine le cours de l’histoire.
**Le silence de Churchill (2)
Les quelques minutes de silence de Winston Churchill en 1940 ont changé le cours des événements du monde. Churchill était l’homme de la situation qui créa l’alliance internationale qui a battu le nazisme. Pourtant sa nomination comme premier ministre du Royaume-Uni en ce 10 mai 1940 n’était pas du tout acquise.
Churchill, partisan d’une politique de fermeté vis-à-vis d’Hitler, était avec Halifax dans le bureau du roi George VI. Ce dernier devait nommer Halifax, alors chef du parti majoritaire, comme premier ministre, en présence de Churchill, pour faire équipe dans ces temps difficiles de guerre mondiale. Le roi s’exprima : « Je dois nommer un premier ministre, qui dois-je nommer… ? ». Un silence pesant remplit cet immense bureau royal. Pendant que le roi attendait l’accord de Churchill pour acquiescer et valider la nomination de Halifax, Churchill garda le silence pendant plusieurs minutes, sans bouger. Ne tenant plus, lord Halifax finit pas lâcher : « Je pense que vous devriez nommer monsieur Churchill Premier ministre. ». La force de ce silence mis une pression intenable sur Halifax.
Winston Churchill, l’homme qui avait prévenu son peuple par ces mots, à propos de la fermeté vis-à-vis d’Hitler : « Je n’ai rien d’autre à offrir que du sang, de la peine, des larmes et de la sueur », fut nommé premier ministre et conduit son pays et le monde vers la victoire sur le nazisme en 1945.
De cet enseignement, le mouvement de dissidence populaire (Hirak) dispose aujourd’hui des capacités pour s’organiser de façon autonome, suivant la formule qui reste à élaborer par la base et avancer selon son rythme, pour en finir avec le système vieillissant qui continue dans le rafistolage tout en impliquant et discréditant les quelques personnalités et compétences qui pourraient servir de lien avec le Hirak.
Les habitudes de dosages régionalistes et claniques dans le bourbier du néo-FLN de ces derniers jours, par la nomination du premier ministre notamment, confirment la sénilité politique du système en fin de vie.
La jeunesse algérienne est prête pour construire un nouveau pays sur des bases saines, un pays de citoyens.
Aomer U Lamara
Notes et liens internet :
(1) Clin d’œil aux ‘’maquisards du 19 mars’’, les faux moudjahids et déserteurs qui avaient rejoint l’ALN après le cessez-le-feu du 19 mars 1962.
(2) Les trois minutes de silence de Winston Churchill qui ont changé le monde. Il existe une abondante documentation sur le sujet (voir Google). Le silence (ou la non précipitation) comme arme de pression est couramment utilisé dans les techniques de management et de négociation.
Chronique-Naufrage
Mécanique des dictatures arabes
Dans la plupart des pays du monde dit arabe, c’est la dictature qui règne. Elle n’est pas cependant nue et directe, mais voilée par les slogans dorés de «république ». Elle est le fruit de mécanismes complexes, mystérieux, et absurdes. Avec de légères différences, ces dictatures ont la même mécanique dans divers pays dits arabes. Voici comment elles fonctionnent :
Le premier responsable dans ces pays n’est pas le président mais l’armée. Le président est une marionnette imposée par une grappe de généraux. Ceux-ci sont entourés de riches hommes d’affaires et de responsables influents. Le militaire prime sur le politique, l’uniforme sur le costume. Si le président fait la moindre erreur, il sera renversé par un coup d’Etat militaire. Tellement simple qu’un déplacement de pion. Et au suivant ! Ainsi, la politique de ces pays ressemble à un théâtre d’ombres où l’écran blanc cache le vert militaire.
Le vote est un carnaval, voire une mascarade officielle. Le président est connu à l’avance, choisi par des généraux. Il s’agit plutôt de désignation. En choisissant le président, les militaires se protègent eux-mêmes et protègent leurs propres intérêts. Parce qu’ils se croient les propriétaires légitimes du pays.
Le peuple est un ensemble de sujets passifs. Des éléments effacés de la scène. Des chiffres. Des riens. Ils n’ont aucun rôle tant que le vote est un mensonge. Souvent, ils sont maltraités et insultés dans les discours officiels. Leur existence dans le pays n’est pas un droit : c’est une faveur accordée par le pouvoir. « Tu vis grâce à moi » dit le pouvoir au peuple. Ils n’ont pas droit aux revendications : c’est le pouvoir qui décide lui-même de changer ou non telle ou telle chose dans le pays. Vu que le peuple est effacé, il n’y a pas de politique. Il y a plutôt un rapport de force entre un pouvoir despotique et des citoyens passifs et opprimés. D’où le mot « pouvoir ».
La justice est une illusion. Pas besoin de Codes ou de lois : la seule référence juridique est le téléphone. Grâce à un appel ou un SMS d’en haut, le juge condamne ou libère quiconque et quand il veut. Les fictions kafkaïennes sont vraisemblables dans ces dictatures : du jour au lendemain, un citoyen innocent se trouve coupable d’un grand délit sans procès, et un grand mafieux devient indemne.
Les médias, privés ou publics, sont manipulés par le pouvoir. Derrière chaque média privé, se cache un haut responsable du pays. Les médias servent de propagande et montrent au peuple que tout va bien. Les rares médias indépendants et rebelles qui existent, subissent des intimidations et des pressions pour fermer…ou se caser comme le reste.
Les partis de l’opposition sont une illusion. Ils sont crées pour faire semblant que la diversité existe dans le pays, que le vote est transparent, et qu’il s’agit d’une vraie démocratie. En revanche, les pseudo-opposants soutiennent le président désigné. Les dictatures fonctionnent grâce au parti unique, celui du pouvoir : le reste est une imposture. Et quiconque pense différemment du parti unique est inéluctablement un ennemi du pouvoir, un traitre.
Les Frères musulmans et les islamistes ne sont pas des ennemis du pouvoir, mais ses précieux alliés. Ils soutiennent la dictature en déclarant que toute opposition est réfutée par l’islam et que l’Occident peut coloniser la terre à tout moment. En guise de récompense : ils reçoivent argent, logements, projets, et divers cadeaux. Dans les discours officiels, les islamistes et le pouvoir jouent les ennemis éternels pour leurrer le peuple et ensuite ils font la fête ensemble. En catimini.
La théorie du complot est une autre arme des dictatures arabes. Le pouvoir menace le peuple : « si vous vous rebellez, le pays tombera dans le chaos et l’Occident va vous coloniser ». Alors que les hauts responsables du pouvoir ont des logements et des comptes bancaires en Occident ; ils s’y rendent pour le tourisme et les soins médicaux ; leurs enfants y suivent des études grâce aux bourses du pays…
Les militants et intellectuels qui s’opposent au pouvoir sont diabolisés. Le pouvoir fait une campagne de diabolisation dans les médias et sur Internet pour les décrire de traîtres, d’agents de l’Occident, de collaborateurs d’espions, qui veulent semer le chaos dans le pays et monter un complot. Cette technique sert à semer le doute et diviser le peuple en deux catégories : pro-pouvoir et anti-pouvoir. Les deux catégories se chamaillent en permanence et le pouvoir gagne ainsi de la tranquillité. Diviser pour régner.
Résumé. Dans ces pays, la démocratie est une illusion, un mensonge. Pour s’en apercevoir il faut cependant un regard aiguisé et profond parce le pouvoir cache sa dictature derrière un masque souriant. Autrement dit, la réalité corrompue et rusée du pouvoir est occultée par des faux-semblants. Le pays ressemble à un théâtre où les éléments en carton-pâte semblent parfaitement réels.
La mécanique de ces dictatures ressemble à la mythologie : sur l’Olympe siège le président, entouré de généraux et d’hommes d’affaires. Chacun d’eux protège sa place et ses intérêts. Et de temps en temps, tous regardent en bas, non pour écouter le peuple, mais pour le toiser et s’en esclaffer.
Enfin, tout est illusion et mensonge dans ces dictatures. La seule vérité c’est la révolution du peuple parce qu’elle naît dans la rue. Et la rue ne ment pas.
*lematindalgerie./ mercredi 25 décembre 2019
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