Législatives 2017.Alg.suite1
**Législatives 2017.Algérie. suite 1 **
*****************jeudi 04 mai 2017
***Articles similaires ici: Législatives 2017.Algérie
***************************
* Le RCD ne veut pas rencontrer les observateurs de l’UE
**il l’accuse de « complaisance » avec le pouvoir algérien
Le RCD est remonté contre l’Union européenne. Le parti, engagé dans les élections législatives du 4 mai prochain, estime que Bruxelles tire des dividendes d’ordre économiques et sécuritaire, en contrepartie de sa « complaisance » avec le pouvoir algérien.
**********************************
* Observateurs étrangers : Une stricte caution de forme
Ils sont un peu plus de trois cents observateurs étrangers à avoir confirmé, à ce jour, leur présence aux élections législatives du 4 mai 2017.
**********************************
*Tête de liste FFS à Alger : Salima Ghezali en campagne à la Casbah
A Bab Djedid, dans la Haute Casbah, au cœur d’Alger, un jeune de 22 ans, adossé à un mur, lance à l’adresse de Salima Ghezali, tête de liste FFS dans la capitale : «Je veux un logement.» La candidate, avec un léger sourire, réplique : «Nous ne sommes pas là pour construire des logements, nous sommes des militants et porte-voix des démunis.» Le jeune n’y croit pas trop. Il hausse les épaules et murmure quelques mots.
«A chaque élection, ils promettent à mon père un toit décent, 50 ans après, il n’en est rien ; alors les promesses, on n’en a ras-le-bol», ironise le jeune au passage de la délégation du FFS, qui a effectué samedi après-midi une sortie de proximité à La Casbah, et ce, dans le cadre de la campagne électorale pour les législatives du 4 mai prochain.
C’est aussi l’occasion pour le parti du défunt Hocine Aït Ahmed d’inaugurer son nouveau siège dans cette commune, qui portera désormais le nom du martyr Taleb Abderrahmane. Une foule nombreuse a assisté à cette cérémonie, plus particulièrement des hommes et des femmes qui portent le FFS dans leur cœur et qui vouent un grand respect à Hocine Aït Ahmed, figure historique et un des artisans de la Révolution algérienne. D’ailleurs, le nouveau siège comportera une bibliothèque et le premier ouvrage, classé par Salima Ghezali, porte sur les mémoires d’Aït Ahmed Esprit d’indépendance.
Mais là aussi la crise du logement s’invite. Yacef Zoubir entre dans la salle et crie sa détresse. Silence. Yacef Zoubir raconte qu’il est militant de la première heure, lui et ses deux frères condamnés à mort. «Je suis un enfant de La Casbah. Nous sommes trois frères moudjahidine, deux sont morts. Je n’ai rien demandé, sauf un logement décent que je n’ai jamais eu. J’ai deux enfants handicapés. Trouvez-vous cela juste», lance, avec amertume, Yacef Zoubir.
Une opportunité pour Salima Ghezali de rappeler les injustices que subissent les Algériens au quotidien et la nécessité de s’organiser pour opérer un changement pacifique. «Dans l’Algérie d’aujourd’hui, il y a des Yacef qui ont bénéficié de mille et un avantages et d’autres Yacef qui vivent dans la misère. Je comprends votre douleur mais notre seul salut est de lutter contre ces inégalités», explique la tête de liste d’Alger du plus vieux parti de l’opposition, qui espère un éveil des consciences. Le peuple, dit-elle, doit s’organiser dans des associations et dans des syndicats afin qu’il puisse recouvrer ses droits. «Ce peuple a failli être exterminé, mais il a trouvé la force, en lui-même, de se libérer.»**Nabila Amir / el watan – le 24.04.2017 |
**********
* Ils ont animé plusieurs meetings : Les chefs de parti lancent la campagne
Abdelmalek Bouchafa dénonce une grave décision politique :
«Les cadres du FFS empêchés de participer à Ghardaïa»
El Watan–le 10.04.17 |
C’est par une visite au ksar de Tafilelt, huitième merveille du M’zab, que la délégation du FFS, conduite par son premier secrétaire, Abdelmalek Bouchafa, accompagné du chef du groupe parlementaire, Chafai Bouaiche, et du député d’Alger, Karim Bahloul, a entamée sa campagne électorale à Ghardaïa.
***********************************
“Deux scénarios se présentent au pays :
le bout du tunnel ou le chaos, une éventualité à ne pas exclure”, met en garde le président du MSP.
Abderrezak Makri de l’Alliance du Mouvement de la société pour la paix (MSP), née de la fusion avec le Front du changement (FC) de l’ex-ministre Abdelmadjid Menasra, ne cache pas ses ambitions : il veut être un parti de gouvernement. En décodé : il considère qu’il dispose de suffisamment de compétences et de troupes pour aspirer à diriger le pays, à proposer des alternatives et à peser sur la décision. Hier, au siège du parti à Alger, Abderrazak Makri a dévoilé les grandes lignes du programme du parti en perspective des prochaines élections législatives. S’articulant autour de quatre axes, les “libertés et les droits”, “le développement économique”, “le développement culturel et social” et la “planification”, le programme, fruit d’un laborieux travail de trois ans, selon ses promoteurs, constituera “la principale base” de l’action du parti, qu’il soit au gouvernement ou dans l’opposition. “Il sera exposé aux citoyens. Le mouvement l’appliquera quelle que soit sa position : il le défendra face à la majorité si on est au gouvernement et on l’utilisera pour contrôler l’Exécutif si on est dans l’opposition”, soutient Makri en présence de quelques cadres du parti, mais également de quelques figures de la CLTD, à l’image d’Ahmed Benbitour, d’Abdelaziz Rahabi ou encore de Nacer Djabi. Au volet politique, Abderrazak Makri soutient que la vision de son parti englobe “une évaluation de la crise”, “les perspectives”, “les scénarios du futur” et “la solution”. “Deux scénarios se présentent au pays : le bout du tunnel ou le chaos, une éventualité à ne pas exclure”, met en garde M. Makri en plaidant “pour le consensus et la légitimité politique”. “Notre vision de la solution, c’est la légitimité et le consensus pour passer d’un système rentier à un système économique productif, d’un système totalitaire à un système démocratique.” Au chapitre économique, le parti préconise, entre autres, au-delà des projets sectoriels détaillés dans le programme, d’élargir l’assiette fiscale, d’encourager l’investissement et d’aller vers une transition énergétique. Chose inédite qui traduit une certaine évolution dans la conception de la régionalisation et le constat d’échec du système jacobin, le MSP plaide pour la révision du découpage administratif sur la base de la “proximité des similitudes du potentiel économique” entre les régions. “Notre programme ambitionne de faire de l’Algérie, dans 5 ans, le lieu de prédilection pour les services dans le monde arabe ; qu’elle réalise sa sécurité alimentaire en dix ans et devenir à l’horizon 2035 parmi les pays les plus industrialisés dans le monde.” Autres promesses : renforcer la citoyenneté, la justice, l’État de droit, la formation et la bonne gouvernance, la revalorisation du travail et le développement des valeurs. Au MSP, on veut également faire de l’armée la première puissance d’Afrique. “Il faut une autre perception de la force. Il faut renforcer le renseignement, l’améliorer et avoir la maîtrise technologique. On va donner de l’importance à l’armement stratégique”, soutient Makri qui relève, toutefois, comme pour s’expliquer sur les sources de financements de leurs projets dans un contexte de crise, “qu’à la base, il faut le développement économique”. Malgré la complexité de la situation, Makri affirme que son parti ne va pas céder à la paresse et va affronter la réalité. “Le plus grand crime commis depuis 2002 est le crime économique avec l’explosion de la facture d’importation passée de 12 à 68 milliards de dollars”, déplore-t-il.**Liberté / 09 avril 2017
***********************************
* Louisa Hanoune:
Par votre bulletin, vous barrez la route à ceux qui prônent la politique de la division et le fait accompli
Après avoir entamé la veille sa campagne électorale à Bordj Bou Arréridj, la secrétaire générale du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, a animé hier matin un meeting populaire à la salle omnisports Kechkouchi Sayah d’El Eulma (Sétif).
***Nadia Chouitem. 2e candidate de la liste pt à Alger
«Le risque de voir l’Assemblée contrôlée par l’argent sale n’a jamais été aussi grand»
*El Watan /le 25.04.2017 |
Deuxième sur la liste des candidats du Parti des travailleurs (PT), à Alger, après Louisa Hanoune, secrétaire générale, Dr Nadia Chouitem évoque, dans l’entretien qu’elle nous a accordé, la discrimination dans la couverture, par les médias publics, de la campagne électorale, sa crainte de voir la prochaine Assemblée contrôlée par l’argent sale, des aventuriers qui utilisent les inégalités pour des projets de dislocation du pays et des grandes puissances qui recourent à toutes les opportunités pour provoquer le chaos…
- Comment le PT a-t-il vécu les deux premières semaines de la campagne électorale ?
Nous avons mené une campagne intense avec des sorties de proximité durant lesquelles nous avons rencontré énormément de citoyens à qui nous avons remis les engagements des candidats du Parti des travailleurs. Nous avons eu beaucoup d’échanges avec les jeunes, les travailleurs, les pères de famille qui sont très remontés contre le gouvernement et la majorité parlementaire qui ont mis en œuvre une politique d’austérité qui les accable. Pour le moment, nous avons enregistré beaucoup de défiance à l’égard des élections compte tenu des fraudes successives d’un côté, et de l’envahissement des élections par l’argent sale, de l’autre.
Nous avons également noté une colère qui gronde du fait de l’érosion du pouvoir d’achat, du taux de chômage qui grimpe en raison du gel des recrutements dans la Fonction publique, la réduction des budgets sectoriels et de l’annulation de milliers de projets à l’échelle nationale. Contrairement aux idées reçues, la population s’intéresse beaucoup à la politique et observe scrupuleusement tout ce qui s’y passe. Les citoyens savent ce que chaque parti a voté ou refusé à l’APN.
- Pour la première fois, on voit des visages masqués sur des listes de candidats à la députation. Pourquoi, selon vous, les partis recourent-ils à cette pratique qui a choqué plus d’un ?
Nous ne sommes pas concernés par cette pratique. Nous avons pratiquement fait des listes paritaires homme/femme, 46% des candidats sont des militantes. C’est le fruit d’un long processus de formation politique et d’actions militantes. Les candidates du PT sont sur le terrain. Elles distribuent l’engagement électoral, le discutent et débattent sur le terrain et dans les tribunes médiatiques.
Cette pratique est injustifiable dans un pays qui a vu la femme prendre les armes à «égalité» avec l’homme pour libérer le pays du joug colonial. Cela démontre aussi que la politique des quotas ne modifie pas la nature réactionnaire de certains partis et responsables.
- Quelle lecture faites-vous de la couverture médiatique de la campagne électorale aussi bien par les médias publics que privés ?
Concernant les médias publics, il y a un recul par rapport à l’ouverture des débats contradictoires qui précèdent la campagne électorale et pendant cette dernière. Il n’y a pas d’équité dans la couverture des partis participants au scrutin de mai prochain. Par exemple, les meetings animés par la secrétaire générale du PT, Louisa Hanoune, ne sont couverts au JT de 20h qu’un jour sur deux, alors que nous avons présenté 39 listes.
Idem pour la Radio nationale, qui omet souvent de parler de nos activités tout en évoquant trop souvent l’activité des partis du gouvernement et de l’allégeance. Alors qu’il s’agit d’un secteur public qui assure un service public financé par les contribuables. Le traitement est clairement discriminatoire.
Pour le secteur privé, certainement faute de moyens, des médias ont conditionné la couverture des déplacements de la secrétaire générale par la prise en charge totale de leurs journalistes. Il y a des médias qui ont fait des efforts indéniables pour faire connaître les programmes et engagements des différents partis. C’est le cas de Dzair TV, nous sommes invités comme tous les autres partis sur ses plateaux. Par contre, d’autres chaînes TV nous ont ignorés complètement durant toute la campagne.
- Certains partis, qui ont à peine quelques années d’existence, dépensent des sommes colossales en matière de confection d’affiches, d’organisation de meetings, y compris dans des hôtels 5 étoiles, et prennent en charge des délégations de plusieurs personnes pour chaque déplacement. Quel est votre avis sur ces financements suspicieux ?
Il y a des questions à poser sur les sources de financement de certaines listes qui font des campagnes à l’américaine. On dirait que nous avons à faire à des investisseurs en attente de retour sur investissement. C’est grave pour la démocratie politique. Il existe des situations flagrantes qui doivent normalement faire l’objet d’enquêtes judiciaires.
La justice doit s’autosaisir. La Haute instance indépendante de surveillance des élections (HIISE) devrait aussi agir. Le risque n’a jamais été aussi grand de voir l’APN contrôlée directement par l’argent sale. Les partis, qui acceptent ce type de financement, prennent une lourde responsabilité dans la décomposition actuelle. Des hommes d’affaires de tout acabit cherchent à s’assurer une immunité, plutôt une impunité.
- Comment se passent les élections dans des régions où le système tribal, comme dans les Aurès, les Hauts-Plateaux et le sud du pays, et où les crises communautaires, comme à Ghardaïa, façonnent la vie de ces localités ?
Malheureusement, cette situation (tribalisme) qui a connu son heure de gloire du temps du parti unique et qui avait fortement reculé avec le multipartisme est en train de revenir avec la régression tous azimuts. Lorsqu’il n’y a pas de développement, lorsque les disparités entre régions prennent des proportions graves et lorsque l’Etat n’est pas présent socialement et économiquement, le tribalisme et l’archaïsme remontent en surface. C’est inquiétant pour l’unité nationale. D’autant plus qu’il y a beaucoup d’acteurs aventuriers qui utilisent ces inégalités pour des projets de dislocation du pays, sans oublier les gouvernements, les grandes puissances qui utilisent toutes les opportunités pour provoquer le chaos.
- Durant cette campagne, de nombreuses affiches ont été arrachées et d’autres marquées par des graffitis contre les élections. Ne voyez-vous pas là un signe de colère et de contestation des Algériens contre les députés ?
Cette pratique n’est pas nouvelle. Parfois c’est le fait de citoyens en colère. Mais aussi des concurrents peuvent payer des jeunes en détresse pour cibler des affiches de tel ou tel parti. Ceci dit, il n’est pas juste de mettre tous les députés dans le même sac. D’ailleurs, les citoyens font la différence entre ceux qui ont voté les lois d’austérité et qu’ils ne voient jamais durant leur mandat et les députés qui ont plaidé leur cause et voté contre les lois régressives, antisociales et finalement antinationales. La campagne de dénigrement des députés sans différenciation nuit à la démocratie de mandat, au multipartisme.
- Ne craignez-vous pas la désertion des urnes ?
C’est le régime en place qui doit craindre un taux d’abstention record. Si cela se produit, le régime ne doit en vouloir à personne, sinon qu’à sa propre politique. Il en sera le seul responsable. La non-transparence des élections passées, le manque de garanties pour le prochain scrutin auxquels viennent s’ajouter les attaques sans précédent contre les acquis de la majorité du peuple, ainsi que les provocations contre les citoyens-électeurs sont les conditions qui militent pour que cela se produise (insultes contre les abstentionnistes ; préparation d’un code de travail moyenâgeux…). L’abstention, c’est la défiance des citoyens à l’égard du système politique actuel, obsolète et moribond. Ceci dit, les élections sont un état d’esprit.
Si les citoyens décident d’aller en masse aux urnes à la faveur de tel ou tel événement, cela sera pour sanctionner les partis qui sont les béquilles du gouvernement. Un gouvernement qui a multiplié les coups contre la population laborieuse ces dernières années et qui remet en cause les acquis de la loi de finances complémentaire 2009 que nous avons soutenus (51/49%, arrêt des privatisations, pas d’endettement extérieur, préférence nationale….).
- Certains partisans du boycott des élections pensent que les jeux sont faits et qu’il ne sert à rien d’aller aux urnes, puisque la prochaine Assemblée est déjà projetée par ceux-là mêmes qui organisent les élections. Pensez-vous que ce rendez-vous sera réellement transparent ?
Nous avons décidé de participer aux élections pour aider à la mobilisation des travailleurs et des jeunes qui se battent pour préserver leurs droits et nous avons fixé comme objectifs de construire un rapport de forces pour stopper le rouleau compresseur du gouvernement et des partis de la majorité parlementaire et ceux de l’allégeance.
Nous sommes en train de réussir notre campagne avec des centaines de milliers d’échanges entre nos candidats et militants d’un côté et les citoyens de l’autre (1,5 million de programmes électoraux distribués…). Des milliers adhèrent au parti et des liens sont tissés avec des syndicalistes, des étudiants, des jeunes chômeurs… pour préparer les luttes futures.
Les meetings animés par la secrétaire générale attirent de nombreux citoyens. C’est dans des salles omnisports combles qu’elle a présenté les engagements des candidats du PT et leurs propositions. Malgré le manque de garanties dans la transparence du scrutin, nous sommes mobilisés et déterminés à arracher le maximum de sièges à l’APN pour doter le PT d’un grand groupe parlementaire qui poursuivra le combat à l’intérieur de l’APN contre toutes les lois régressives à venir et militer pour l’abrogation de celles qui ont été adoptées et qui écrasent le peuple.
- Pensez-vous que la Haute instance indépendante de surveillance des élections puisse être le garant d’une élection libre et démocratique ?
Nous n’avons pas de doute ni d’illusion sur les capacités réelles de la HIISE. La question est : y a-t-il une réelle volonté politique chez les hautes autorités du pays pour faire respecter le choix du peuple, en éliminant les doubles, voir triples inscriptions ? Y a-t-il une volonté politique pour combattre l’argent sale qui a envahi la sphère politique en général et les élections en particulier ?***Salima Tlemçani / El Watan /le 25.04.2017 |
**********************************
Nacer Djabi. Chercheur en sociologie politique
«Le système politique gère une vieille Algérie»
* El watan-le 23.04.17 |
Spécialiste de la sociologie politique qui scrute depuis des années les dynamiques politiques et sociales qui «agitent» le pays, Nacer Djabi pose un regard différencié sur une sociologie électorale bien algérienne. «Dans le cas du système politique dominant, l’élection n’opère pas de changement, mais la stagnation.» «Une situation qui pousse plus de 70% de la population en dehors du jeu politique qui du coup n’est pas représentée dans les institutions politiques», ajoute Nacer Djabi.
Le pays organise son cinquième scrutin législatif sans parvenir à dégager de nouvelles majorités politiques, une exception politique. Peut-on parler d’une élection à l’algérienne ?
Nous avons en effet des éléments et des tendances qui nous autorisent à soutenir cette thèse. Quelles sont alors ces spécificités ? Formellement, les élections en Algérie connaissent une stabilité depuis 1997, elles se tiennent de manière périodique donnant l’impression d’une stabilité politique. Cependant, d’un point vue politique, ces élections ont conduit à une stagnation et non à une dynamique de la vie publique. Les détenteurs du pouvoir savent bien qu’au lendemain de chaque scrutin, le système ne sera pas chamboulé, encore moins déstabilisé. Les élections n’opèrent pas de changements profonds sur la carte politique algérienne.
Elles produisent une stagnation, alors que le pouvoir politique veut faire croire à une stabilité. Se pose alors la question de la fonction de ces élections. Nous savons d’avance que ces élections ne vont pas impacter le système dans ses fondements. Elles sont sans enjeu politique et non mobilisatrices. Le seul enjeu concerne uniquement les partis et les candidats et leur environnement familial et tribal. En résumé, les élections, dans le système actuel, ne mènent pas vers le changement politique, ne mobilisent pas, ni ne transforment la carte politique. Et la conséquence directe est l’indifférence qu’elles suscitent chez le citoyen. Les taux de participation sont dans une courbe décroissante.
Cela n’a-t-il pas conduit justement à un changement dans la sociologie électorale ?
Absolument. Traditionnellement, les élections captent l’intérêt des catégories de fonctionnaires, d’instituteurs, des professeurs, en gros ceux qui ont pour employeur l’Etat. Mais avec les changements dans la société, il est apparu un phénomène qui est celui des nouveaux riches et des patrons qui ont un autre rapport aux élections. Il ne s’agit plus pour eux de s’assurer une promotion sociale, mais d’avoir une immunité, une proximité avec la rente et les centres de décision au niveau central.
Nous sommes en présence d’un nouveau profil politique qui n’aspire pas à représenter les citoyens, mais à satisfaire des ambitions en tant qu’individu pour faire fructifier ses affaires. Des affairistes dont la richesse est suspecte deviennent des députés pour s’assurer une certaine reconnaissance sociale. Alors qu’historiquement, la bourgeoisie traditionnelle ne s’intéressait pas aux élections, elle s’est contentée de sa légitimité économique et sociale.
Le profil politique du prétendant à un siège au Parlement n’est plus alors celui d’un militant classique ?
Le profil militant porteur d’idées qui adhère à un projet de société tend à disparaître au profit de personnes qui monnayent leurs sièges sur les positions éligibles. Elles n’en ont cure de l’idéologie ou du programme du parti. Les places se vendent et s’achètent comme on a eu à le vérifier dans la confection des listes du FLN. C’est un phénomène est apparu dès 2002. Les partis sont devenus un faire-valoir. L’intérêt est plus croissant pour se porter candidat que de se mobiliser autour d’un parti et d’un projet à défendre. Les candidats se bousculent et les notables locales veulent arriver au Parlement pour avoir une visibilité et une notabilité nationales.
Dans ce paysage, quel est le comportement du corps électoral ?
C’est justement à l’aune de l’interaction des citoyens avec l’élection que l’on pourrait comprendre et mesurer la relation du système politique avec la société. On observe au rythme des élections que les villes y participent peu. Plus la démographie est grande, plus la participation est faible. Contrairement aux régions démographiquement faibles, où les taux de participation sont élevés. Dans les Hauts-Plateaux, le Sud et dans les zones rurales, l’élection mobilise plus la société traditionnelle en hystérisant les liens du sang.
A Tébessa par exemple, les Nemouchi et les Harkatis participent parce qu’un des leurs est candidat. Les élections dans ces régions ravivent les appartenances traditionnelles tribales. Et on assiste à un jeu politique intéressant entre le parti et le clan ou la tribu. Qui utilise l’autre ? Les technocrates des partis s’estiment intelligents et se disent qu’ils manipulent les tribus.
Pour rester à Tébessa, les partis choisissent la tête de liste parmi les Nemouchis, un Yahiaoui second et un Deradji en troisième position pour s’assurer les voix de ces tribus et pouvoir battre les partis concurrents. Mais en réalité, ce sont les tribus qui, conscientes de leur prépondérance, manipulent les partis en réussissant à placer leurs candidats dans tous les partis politiques en compétition. Au final, quel que soit le parti gagnant, elles ont leurs représentants.
Le sociologie électorale est-elle homogène au plan national ou bien se détermine-t-elle par des particularités régionales ?
Effectivement, il existe ce qu’on pourrait appeler des élections à l’algérienne qui produisent une carte politique nationale avec des spécificités régionales. Elle se décline différemment de la Kabylie aux Hauts-Plateaux, du Sahara aux grandes villes. Chacune de ces régions a ses particularités démographiques et sa profondeur politique en interaction sous des formes diverses avec les élections en termes de taux de participation et de qualité des votes.
La Kabylie est connue depuis l’indépendance pour une participation faible aux élections nationales et aux référendums. Plus fortement structurée et mieux encadrée politiquement, son suffrage est ciblé. Il va souvent vers les partis les mieux implantés dans cette région, comme le FFS et le RCD, mais dans une moindre mesure pour d’autres partis et candidats. Ce que l’on peut aussi observer en Kabylie, c’est la surveillance stricte et un contrôle ferme du scrutin par les électeurs.
Cela ne laisse aucune marge de manœuvre à l’administration pour frauder. Les résultats des élections jouissent d’une grande crédibilité. Dans la région des Hauts-Plateaux et le Grand-Sud, les élections se caractérisent par un taux élevé de la participation en raison du rôle des tribus et des clans qui est déterminant. Un phénomène sociologique très fort qu’on peut observer à Djelfa, Laghouat, M’sila, El Bayadh… Dans ces régions, l’électeur fonde son choix électoral sur l’appartenance tribale. Il vote pour le candidat de son clan d’abord, l’appartenance partisane et les programmes sont de moindre effet.
Par ailleurs, les grandes villes aux nombres de sièges importants sont souvent marquées par un taux de participation très faible, une absence de surveillance des électeurs et une incapacité des partis à encadrer le processus, ce qui laisse la voie ouverte à la fraude massive. Il ne faut pas perdre de vue que les grandes villes n’échappent pas non plus au régionalisme. Une sociologie rendue moins visible en raison d’un scrutin aux listes proportionnelles.
Et en terme de catégories d’âge, qui se mobilise le plus et le moins ?
L’analyse approfondie nous montre que la tendance de la non-participation touche largement les jeunes diplômés et lettrés. Cette catégorie est fortement implantée dans les grandes villes. C’est un autre indice révélateur d’une crise de confiance. A partir de ce constat, on peut conclure que notre système politique ne sait gérer que le rural et les vieux. Il a coupé les ponts avec les jeunes et les villes, finalement avec la majorité de la population. Le système politique est en train de gérer une vieille Algérie. L’Algérie réelle, qui travaille et qui étudie lui échappe totalement. Le discours politique dominant n’a plus aucune emprise sur l’Algérie d’aujourd’hui. Nous sommes en présence d’un système politique avec un discours et des institutions qui ne gouverne plus la vraie société. C’est une situation extrêmement dangereuse.
C’est le cas aussi pour le parti politique ?
Cette situation a impacté aussi l’institution partisane. Le parti est fermé aux transformations que connaît la société, il n’exprime plus les évolutions sociétales. Il a des difficultés, par exemple, à trouver des femmes candidates alors que la société dans ses strates qualifiées et diplômées se féminise. Les mêmes difficultés à capter la jeunesses. Cela veut dire que le discours ne parle plus à ces catégories. La rhétorique nationaliste et l’islamisme politique ne font plus vibrer. Le peuple a besoin d’élections qui débouchent sur un changement de la carte et du système politiques, dans le discours, des élites, des institutions et dans la façon de conduire les affaires.
Comment voulez-vous qu’un jeune de Skikda participe aux élections de 2017 pour faire élire Saïd Bouhadja (tête de liste FLN), qui était peut-être mouhafedh en 1962 et a atteint les 80 ans. Ce système politique n’a trouvé à Skikda avec ses élites et ses universitaires qu’un Bouhadja. C’est la démonstration d’une rupture entre les institutions, les partis et les élections comme forme de mobilisation d’une part et la vraie société d’autre part.
Qu’implique une telle situation ?
Nous sommes dans une situation politique incertaine et périlleuse. Les institutions et les élites politiques sont d’un côté et la société réelle de l’autre. Il y a un fossé énorme entre le système politique, ses élites, ses institutions, son discours, sa gestion et la société. Les institutions tournent dans le vide. Face à une telle «vie politique», la manipulation devient facile.
Des groupes de pression, qui disposent de l’argent, peuvent manipuler facilement les masses, dès lors que la société réelle et active s’est retirée du jeu politique. Les militants ont déserté les partis devenus otages des apparatchiks et des affairistes changent de nature. Nous sommes en train d’offrir les institutions politiques du pays aux groupes de pression et d’affairistes aux intérêts étroits. Et le jour où on aura de vraies élections, on aura des difficultés sérieuses qui peuvent provoquer une rupture violente, parce que le système craquera. L’architecture du système actuel ne permet pas des élections avec un enjeu politique réel.
Comment sortir de cette impasse ?
Il y a urgence de réhabiliter le politique et la politique et de redonner un sens aux élections de sorte qu’elles remplissent leurs fonctions politiques. Dans le système politique actuel, on ne peut tenir des élections à enjeu politique sérieux, d’où la nécessité d’un consensus. Si l’on veut une élection présidentielle en 2019 réelle, elle devrait être précédée par un compromis négocié des forces politiques et sociales.
Et si le changement ne s’opère pas par les partis et les couches moyennes à travers des élections, il va se faire par la rue et dans la violence, parce que conduit par des catégories sociales non organisées, non structurées, non encadrées et non politisées. Soit il faut recréer une société politique avec des partis sérieux et une classe moyenne lettrée, organisée et consciente de son rôle historique dont l’intérêt est dans un système qui évolue, sinon c’est la porte ouverte à l’aventure de la rue.
*Hacen Ouali / El watan-le dimanche 23.04.2017 |
***********************
* Fausses Affiches de candidats et photomontages
La campagne tournée en dérision
On ne vote pas pour les voleurs !» la phrase a été peinte en noir… sur le blanc d’un panneau d’affichage de la commune de Bachdjarrah (Alger).
*********************
«Le 4 mai, chad martak fiddar – retiens ta femme à la maison !»
Les Algériens ne manquent pas d’inspiration et d’imagination. Ils ont trouvé dans les panneaux réservés à la campagne électorale des espaces pour exprimer leur colère. Avant le jour J, les candidats en ont déjà pris pour leur grade.
******************
* Soufiane Djilali. Président de Jil Jadid
Il y a des clans qui se déchirent derrière le corps semi-inerte du Président
***************************
*Quand l’administration «distribuait» généreusement les sièges
Les partis politiques ont toujours crié à la fraude électorale. Mais les preuves ont souvent manqué pour attester de cette grave violation des règles démocratiques. Cinq ans après les élections législatives de 2012, des documents, dont nous possédons des copies, attestent que dans certaines régions, le nombre de députés attribués à chaque formation politique ne reflète nullement les résultats des procès verbaux établis au niveau local. Ainsi, à Constantine, le Front des Forces socialistes (FFS) n’a obtenu que 1,6% des suffrages, mais l’administration lui a attribué deux sièges de députés. Pourtant, la loi est claire : sous la barre des 5%, aucun parti ne peut prétendre à un siège au parlement. Il en est de même pour les wilayas de Bordj Bou Arréridj et Bouira où le même parti a obtenu des scores inférieurs à 5 %, mais il dispose de parlementaires issus de ces régions. Le RND, sorti second à l’échelle nationale derrière le FLN, ne figure second que dans de rares circonscriptions. Le parti de Ouyahia était distancé par les formations islamistes ou par de petits partis politiques, à l’image du FNA, du FJD ou du MPA. C’est une preuve supplémentaire que l’attribution des sièges relève du fait du prince. Une pratique que dénoncent de nombreux partis politiques qui participent pourtant aux élections législatives de cette année !**Essaïd Wakli / algérie.Focus / mercredi 12 avril 2017
****************************
* Le président de AHD 54 Fawzi Rebaïne accuse «L’administration et la justice ne sont pas neutres»
Le président de Ahd 54, Fawzi Rebaïne, accuse l’administration de l’avoir sanctionné en rejetant 14 de ses listes de candidatures, mais aussi la justice qui ne l’a pas rétabli dans ses droits.
**************************
Laisser un commentaire