L’année 2018- Algérie
** 2018, faits et méfaits
12 mois, 365 jours et un nombre incalculable d’événements qui ont marqué l’actualité du pays. El Watan Week-end revient sur les plus marquants.
Maurice Audin
Il a fallu plus de 60 ans à la France pour enfin reconnaître son implication dans la disparition du célèbre mathématicien et militant indépendantiste algérien Maurice Audin. Le président français, Emmanuel Macron, a déclaré publiquement le 13 septembre dernier qu’«au nom de la République française, Maurice Audin a été torturé puis exécuté, ou torturé à mort par des militaires qui l’avaient arrêté à son domicile le 11 juin 1957».
Cependant, le combat de sa femme, Josette, n’est pas terminé tant que la vérité sur la disparition de son mari n’est pas révélée. «Mon combat n’est pas fini. Comment Maurice a-t-il été tué ? Quels sont les noms de ses tortionnaires ? Qu’a-t-on fait de son corps ? Nous ne le savons toujours pas. Il faudrait que des gens parlent enfin», confie-t-elle.
Crash d’un avion militaire
Le 11 avril 2018, date que l’Algérie ne peut oublier. Le crash d’avion de type Iliouchine 76 est la pire catastrophe aérienne de l’histoire du pays. L’accident s’est produit dans une zone inhabitée, un champ situé a une centaine de mètres de la base aérienne de Boufarik, au sud d’Alger.
En une matinée, le destin de 257 personnes a basculé. Les 247 passagers et les 10 membres de l’équipage étaient pour la plupart des personnels de l’Armée nationale populaire ainsi que des membres de leurs familles. Les causes du drame suscitent toujours la controverse.
Les hypothèses de l’accident, qui ont balancé entre erreur humaine et problème technique, n’ont jamais pu être élucidées. Le résultat de l’enquête n’a jamais été divulgué à la population.
Kamel El Boucher et les 701 kg de cocaïne
Kamel Chikhi, un nom inconnu il y a quelques mois. Le fameux boucher devenu un puissant homme d’affaires grâce à ses multiples des projets immobiliers réalisés de façon douteuse. Il est aujourd’hui sous les feux des projecteurs non pas pour ses goûts de luxe, mais pour son penchant pour la cocaïne.
Personne n’aurait cru que les autorités retrouveraient une quantité phénoménale de cocaïne, 701 kg plus exactement, cachée dans de la viande «halal» importée du Brésil. Une découverte interceptée au port d’Oran le 29 mai 2018. Depuis, le populaire milliardaire est derrière les verrous. Dans sa chute, il emporté avec lui 18 complices, dont des hauts fonctionnaires d’Etat et des magistrats.
Choléra
«Une centaine de cas de choléra, dont deux mortels, ont été enregistrés à Alger cet été, les premiers en Algérie depuis 1996», a annoncé le ministre de la Santé Mokhtar Hasbellaoui. La majorité des malades ont été recensés dans deux régions limitrophes d’Alger : 25 cas à Blida, 12 à Tipasa, 5 à Alger, 3 à Bouira et 1 à Médéa, soit 46 cas confirmés sur 139 cas suspects.
Si la propagation du virus a provoqué un tollé au sein de la population, c’est une déclaration du directeur général de l’Institut Pasteur, le docteur Zoubir Harrath, qui a fait jaser. Ilavait en effet déclaré : «Le choléra est présent au Yémen, au Tchad et au Niger. En Algérie, certaines maladies, dont le choléra, doivent être obligatoirement déclarées. Et déclarer l’épidémie elle-même est un courage politique.»
Scorpion
Le 3 septembre 2018. Le docteur Aouissat Aïcha, la cinquantaine, est morte à l’hôpital de Ouargla d’un arrêt cardiaque provoqué par une piqûre de scorpion. Ce décès a suscité l’indignation de la population. La raison ? L’absence de spécialistes à l’hôpital de Ouargla, des difficultés de prise en charge médicale dans cette wilaya du Sud et de l’existence ou non d’une association entre la prise en charge de la défunte et son décès.
Et pas que ! Les déclarations du ministre de la Santé, Mokhtar Hasbellaoui, «justifiant» la réaction du scorpion, a également fait beaucoup parler. En effet, ce dernier a déclaré : «Le monde animal est un monde gentil. En fait, l’animal ne fait pas de mal à l’homme, l’animal fait du mal à l’homme quand il est menacé.»
Ouled Fayet, la Suisse d’Algérie ?
«Ouled Fayet est meilleure que la Suisse». C’est une des déclarations phares de cette année 2018. Son auteur : le président de l’APC de la commune d’Ouled Fayet, Si El Mouhoub. Invité sur un plateau de télévision pour s’exprimer sur les inondations qui ont touché la capitale, le président de l’APC n’a pas manqué cette occasion pour faire les louanges de sa commune.
Médecins résidents
Durant 8 mois, les médecins résidents ont déserté les hôpitaux algériens. Ont-il eu raison ou tort ? Une chose est sûr : le manque de moyens et d’hygiène dans les hôpitaux est à remettre en cause incontestablement. Bien que leurs revendications soient légitimes, leur absence a provoqué de nombreuses victimes.
Le service civil obligatoire pour les médecins est la cause principale de ce mouvement de protestation. Les autorités n’ont pas répondu à leur demande. Ils voulaient changer les choses, mais rien de concrets n’a abouti. La vie a finalement repris sont cours.
Mort tragique dans un puits
Cette fin d’année fut également marquée par le décès du jeune Ayache Mahdjoubi, un jeune Algérien de 31 ans, coincé pendant six jours à 30 mètres au fond d’un puits artésien, au village Oum Echemel, dans la commune de Houamed, à 75 km au sud-ouest de M’sila. Une vague de soutien a envahi les réseaux sociaux.
La population s’est également indignée face au manque de moyens déployés pour venir secourir le jeune homme, accusant même les autorités de faire du «favoritisme». «Le trou de Ben Aknoun avait été bouché dans la journée. Mais quand il s’agit d’une région de l’intérieur du pays, on ne se bouge pas», avait écrit un internaute sur Facebook.
Violence police-supporters
Les matchs de football en Algérie sont souvent synonymes de violences, d’émeutes et d’affrontements. Après chaque fin de match, la sécurité de la population est menacée. Toutefois, la situation a été inversée, particulièrement lors d’un match MCA-UMSB (0-1) qui s’est déroulé le 13 novembre dernier.
Une vidéo mise en ligne sur internet montre clairement plusieurs policiers s’acharnant à coups de matraque sur un supporter à terre. 42 supporters ont été par la suite arrêtés et 18 policiers ont été blessés, dont quatre grièvement. Une enquête a été ouverte, cependant les résultats n’ont toujours pas été révélés.
Djamel Ould Abbès, la destitution
Il a fait les «beaux jours» de la scène médiatique algérienne. A chacune de ses sorties, le n°1 du FLN faisait rire les foules. Un coup camarade d’Angela Merkel, un coup condamné a mort – déclaration démentie par Djamila Bouhired quelques jours plu tard – ou encore sa qualité de moudjahid, contestée par nombres de moudjahidine.
L’ancien secrétaire général du FLN faisait les louanges du Président mieux que personne. Pourtant, le 14 novembre dernier, pour une histoire de souci médical, ce dernier s’est vu mis à la retraite sans plus de détails. Mouad Bouchareb, le nouveau président de l’Assemblée nationale, a été chargé d’assurer l’intérim à la tête du parti.**AMINA SEMMAR - elwatan – vendredi 28 décembre 2018
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*Le piétinement de la loi et de la Constitution
On aura tout vu cette année en matière de piétinement de la loi et de la Constitution. Sans pouvoir décortiquer les intentions de chaque manœuvre, on a d’abord assisté au piétinement de la Constitution par les députés, pour arriver ensuite à la volonté de prolonger le mandat présidentiel en passant par la crise du FLN. Débrief.
6 octobre : Saïd Bouhadja, encore président de l’APN, a tenu tête. Lui qui fait partie des plus fidèles cadres du FLN au chef de l’Etat s’est montré intraitable. Il affirme : «Je ne démissionnerai que dans un cadre légal.» «Je ne démissionnerai pas parce que je ne reconnais pas avoir commis d’erreurs […] Je reste, quitte à provoquer la dissolution de l’APN.» Il ne voulait simplement pas permettre à une «cellule partisane» de décider du destin d’une institution de l’Etat, soit l’Assemblée populaire nationale.
Récapitulatif : le président de l’APN a limogé à la fin du mois de septembre le secrétaire général de cette Assemblée, le député FLN de Bouira, Bachir Slimani. Ce limogeage a été à l’origine d’une levée de boucliers de la part des députés, ce qui a précipité l’APN dans une crise sans précédent depuis plusieurs semaines.
Une situation inédite. Les députés de la majorité parlementaire opposés à Saïd Bouhadja ont proclamé la vacance de son poste suite à son refus de démissionner. Un limogeage fortement contesté par le chef du parti, Djamel Ould Abbès. Ce dernier aurait même demandé le retour de ce responsable à son poste qu’il occupait depuis 2014. Saïd Bouhadja résiste et maintient sa décision. Et c’est à ce moment-là que les échanges prennent une autre tournure.
Ould Abbès fait son forcing. Il convoque une réunion urgente des membres du groupe parlementaire de son parti. Ils se réunissent et multiplient même les réunions à huis clos. Ordre du jour : Bouhadja. Le flou total. Mais on n’aurait jamais imaginé que les échanges entre deux personnes pouvaient en arriver à piétiner la Constitution et le règlement de l’institution parlementaire. Dissolution ?
Nuance
Finalement, non. Et Ahmed Ouyahia avait tenté de convaincre l’opinion publique. Déclaration du 6 octobre : «Il n’y aura pas de dissolution de l’APN, il n’y a pas une crise qui touche le pays pour que l’APN soit dissoute. C’est un problème entre le président de l’APN et ses collègues qui l’ont élu.»
La couleur est annoncée. Les jours passent et la crise s’accentue. A cette époque, une autre lecture a été donnée : «La résistance de Bouhadja sert de motif à la dissolution de l’APN qui serait décidée en haut lieu. Autrement dit, la crise au sein de l’APN n’est que le symptôme d’une crise plus grave au sommet et dont la dissolution serait une des pistes de dénouement.»
Silence des uns et des autres. On a assisté à une opposition qui craignait de nouveaux scénarios d’un bouleversement d’agenda politique. Les partis étaient pourtant conscients qu’en cas de dissolution de l’APN, ils seraient tous appelés à se préparer à de nouvelles élections législatives.
Les partis d’opposition, à part à travers quelques déclarations, préféraient garder le silence. Aucun parti n’a pesé de toutes les manières dans ce débat. Une impression d’être soit impuissants, ou non concernés, ou carrément inconscients. L’impression comme s’il s’agissait d’un conflit interne à un parti et non pas dans une institution élue par le peuple.
D’ailleurs, le simple citoyen que nous avons l’occasion d’interroger sur la crise ne savait simplement pas ce qui se passait. D’autres ne reconnaissent même pas cette Assemblée. Mais dans tout ce flou, la Constitution est piétinée et la loi n’est pas respectée. Une situation ubuesque. Un scandale au vu et au su de tout le monde. Tout est permis.
Le 18 octobre, on assiste à un simulacre pour la vacance de la présidence de l’APN et la destitution «formelle». La Commission des affaires juridiques, administratives et des libertés à l’Assemblée a validé la vacance de la présidence de l’APN. Mercredi 24 octobre, les députés de l’APN, en l’absence des partis de l’opposition, ont élu Mouad Bouchareb comme nouveau président de l’Assemblée.
Ironie du sort
Bachir Slimani, secrétaire général limogé par Bouhadja au tout début de la crise qui secoue la Chambre basse, a été réintégré dans ses fonctions par le nouveau arrivé. Bouchareb était le candidat unique. Du point de vue juridique, ce qui s’est passé à l’APN est illégal, politiquement hallucinant et éthiquement insupportable. Mais même illégale, l’APN fait bien les choses dans l’illégalité et l’illégitimité. Elle reprend ses travaux et valide la loi de finances 2019.
D’autres textes sont aussi prévus dans son agenda. Mais Ould Abbès n’a pas tardé lui aussi pour pour se retrouver dans la même situation que Saïd Bouhadja. L’ironie du sort. On désigne un nouveau coordonnateur du parti en annonçant qu’il est démissionnaire. Mais le patron du FLN essaye de se rebiffer en disant qu’il est en congé de maladie et toujours patron du parti.
Si Bouhadja disait quelques semaines plus tôt «Je ne vais pas démissionner», Ould Abbès ne cessait de répéter : «Je n’ai pas démissionné, les responsables ont préféré m’éloigner à cause de mon état de santé.» Celui qui a fait le buzz avec ses «drôles» de déclarations à la limite de la «débilité» n’a finalement plus retrouvé le soutien tant souhaité.
Mercredi 14 novembre, on annonce via l’agence Presse Algérie que Djamel Ould Abbès a démissionné de son poste de secrétaire général du parti FLN qu’il occupait depuis 2 ans pour des raisons de santé. Mais, on a tous compris qu’il a été simplement poussé à la porte. Il est parti par la petite porte. Son départ serait lié à ses déclarations sur Tayeb Louh à propos d’Ouyahia.
Ould Abbès a pris la défense du patron du RND et pas de son ministre de la Justice. Ce dernier s’est ouvertement attaqué à Ahmed Ouyahia. Ould Abbès disait de Louh qu’il a parlé en sa qualité de ministre et non pas en tant que cadre du FLN et que les propos de Louh n’engageaient nullement le parti FLN. Une déclaration qui lui a coûté cher.
Quelques jours plus tard, on croise encore une fois le nom de Mouad Bouchareb, désigné comme coordinateur du directoire du parti. Et Belkhadem de refaire surface. Dans toute cette histoire, le règlement intérieur du parti est piétiné. Si le FLN opérait dans la légalité, le bureau politique en vertu de l’article 36 des statuts peut se réunir et convoquer la session extraordinaire du comité central.
Car il faut d’abord une réunion du bureau politique du parti sous la présidence du plus âgé, ensuite la convocation d’une session du comité central dans un délai de 30 jours à compter du mercredi 14 novembre, suivie d’une session extraordinaire du comité central qui désignera le bureau du comité. Le point de l’ordre du jour : l’élection du nouveau secrétaire général.
Présidentielle, dites-vous ?
Et on finit en «beauté». On nous balance dans un flou sans précédent. On annonce la possibilité d’avoir un prolongement du 4e mandat d’une année. Vous protestez contre un 5e mandat ? Eh bien… pas d’élection. Ce n’est pas une blague. Le débat est lancé de toutes les façons.
En octobre, Ahmed Ouyahia déclarait : «La présidentielle aura bel et bien lieu en avril prochain.» Mais certains cercles parlent de «continuité». Pourquoi alors toutes ces manœuvres ? On nous balance une idée de prolonger le mandat présidentiel d’une année.
Ce n’est pas fortuit de lancer une idée pareille. Une démarche anticonstitutionnelle. Alors pour bien faire les choses et respecter l’esprit d’un piétinement jusqu’à sa fin, on annonce, pas officiellement encore, début décembre, l’idée de réviser la Constitution pour ajuster le mandat présidentiel.
Pas très compliqué pour les décideurs. Ils sont habitués. Mais si cela devait arriver réellement, il s’agira d’un «attentat contre la morale», comme disait le mouvement Mouwatana qui dénonce la tentative de report de la présidentielle. De toutes les manières, le débat s’est installé longuement. Cette fois-ci, l’opposition tente d’assumer son rôle.
Elle rejette l’initiative annoncée par Amar Ghoul, patron de TAJ, qui voulait organiser une conférence nationale sous le patronage de la présidence de la République. Car les objectifs de cette initiative demeurent simplement flous. Rumeur ou pas ? On dit qu’il n’y a pas de fumée sans feu. ça sera de toute évidence le premier coup dur porté à la nation en 2019. Wait and see.
*NASSIMA OULEBSIR - elwatan – vendredi 28 décembre 2018
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*Un silence qui intensifie le flou et l’incertitude.
Le labyrinthe Algérie
Une nouvelle année de silence s’achève. Un silence qui intensifie le flou et l’incertitude. 2019 s’annonce compliquée. A quelques mois de l’échéance présidentielle, la confusion persiste. Debrief d’un silence et d’un flou sans précédent.
Le président Abdelaziz Bouteflika a signé hier, au siège de la présidence de la République, en présence de hauts responsables de l`Etat et des membres du gouvernement, la loi de finances 2019. Le cadrage macroéconomique retenu pour l’exercice 2019 table sur un prix du pétrole à 50 dollars le baril, un taux de croissance de 2,6% et un taux d’inflation de 4,5%.
Sur le plan budgétaire, la loi prévoit des recettes de 6508 milliards de dinars (mds DA) dont 2714 mds DA de fiscalité pétrolière. Quant aux dépenses budgétaires, elles s’élèveront à 8557 mds DA, en légère baisse par rapport à celles de 2018. Concernant le budget de fonctionnement, il est estimé à 4954 mds DA.
Cette loi, dont l’entrée en vigueur est prévue le 1er janvier, est établie sur la base d’un baril de pétrole à 50 dollars. Ce 27 décembre fut donc la dernière apparition du chef de l’Etat pour cette année 2018. En termes de sorties médiatiques, le président de la République, affaibli par la maladie, étaient de plus en plus rares.
Une petite rétrospective s’impose. Le 9 avril dernier, Abdelaziz Bouteflika a procédé, lors d’une visite dans la capitale, la première depuis le début de l’année 2018, à l’inauguration de la mosquée Ketchaoua après sa restauration. Au niveau de la place Ibn Badis où est érigée cette mosquée historique, le président Bouteflika a, d’un geste lent, salué la foule.
Il a par la suite inauguré les deux nouvelles extensions du métro d’Alger reliant la Grande-Poste à la place des Martyrs et Haï El Badr à Aïn Naâdja. Le 15 mai dernier, le président avait inauguré la zaouïa Belkaïdia, du nom d’une confrérie soufie algérienne, située dans la localité de Tixeraïne, commune de Birkhadem, dévoilant une plaque et prenant part à une prière en compagnie des dignitaires de la confrérie.
Le chef de l’Etat s’est ensuite rendu à la Grande Mosquée d’Alger afin d’effectuer une visite d’inspection. Le 5 juillet, il s’était recueilli au Carré des martyrs du cimetière El Alia, à Alger, à la mémoire des martyrs de la Révolution du 1er Novembre 1954, et ce, à l’occasion du 56e anniversaire de l’indépendance.
Le 1er novembre, l’ENTV a diffusé à l’occasion de la célébration du 64e anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération nationale les images du président Bouteflika au Carré des martyrs du cimetière El Alia, à Alger. Vêtu d’un manteau et coiffé d’une toque de fourrure, le président Bouteflika avait le visage «fatigué».
Avec des mouvements lents, il a salué les principaux personnages de l’Etat, dont le vice-ministre de la Défense, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, plusieurs ministres et les présidents des deux Chambres du Parlement.
Lors de cette cérémonie, aucune parole n’a été prononcée, hormis celle de l’imam présent sur place. Le 29 novembre, à l’occasion de la tenue de la rencontre gouvernement-walis, à Alger, un message du chef d’Etat est lu en son nom par le secrétaire général de la présidence de la République, Habba Okbi.
Durant cette année, le président de la République a également brillé par ses absences. Tout récemment, le chef d’Etat, alité du fait d’une grippe aiguë, selon un communiqué de la présidence, n’a pas pu recevoir le prince héritier d’Arabie Saoudite, Mohamed Ben Salmane, en visite de travail en Algérie.
Alors que les appels pour un 5e mandat se succèdent, à l’image de celui lancé par le coordinateur du FLN, Moad Bouchareb, prononcé, dans le cadre de la campagne de soutien au candidat FLN aux sénatoriales, qui assurait : «Nous soutenons le président Bouteflika sans hésitation ni complexe. Son programme ambitieux s’inscrit dans la continuité, dans un contexte marqué par la paix et la sécurité.
Les programmes du président Bouteflika ont rendu leur dignité aux Algériens», le doute plane toujours sur une éventuelle candidature du président sortant. Pis encore. A quelques mois de l’échéance présidentielle, aucune candidature «sérieuse» ne pointe à l’horizon. Et si on faisait le bilan de ces 20 dernières années d’abord ? Pour Amar Ghoul, président de Tajamou Amel El Djazaïr (TAJ), il est plus que positif.
«Le programme du président tracé depuis 1999 et tous les projets réalisés sont là, aujourd’hui, pour témoigner de la sincérité de l’homme, de son engagement et sa clairvoyance», a-t-il déclaré il y a quelques semaines devant les militants d’Alger de son parti, en présence de représentants de partis politiques, de l’ambassade de la Palestine et celle du Sahara occidental.
Déprime
De son côté, le politologue Mohamed Hennad ne partage pas cette opinion. Selon lui, un tel bilan devrait englober les trois aspects : politique, économique et social. «Concernant le premier, notre système de gouvernance, au lieu de se réformer, continue de se corrompre. La pratique politique dans notre pays est devenue exécrable où, par exemple, les sièges aux différentes assemblées se monnayent !
Pour ce qui est du second, après une véritable manne financière qui a duré plus d’une décennie, voilà l’Algérie qui recourt à la fausse monnaie, la planche à billets. Les montants ainsi ‘‘prêtés’’ de la Banque nationale par le Trésor public représentent, aujourd’hui, une partie significative de notre PNB ! Nous serions mieux avisés de nous attendre à un taux d’inflation aujourd’hui inimaginable», confie-t-il.
Et enfin, en ce qui concerne le volet social, Mohamed Hennad constate une démobilisation grandissante de la société, traduite par une déprime nationale. Selon lui, le citoyen, ne sachant trop où donner de la tête, fait dans la débrouillardise, souvent au mépris de la loi et aussi de la morale ! D’autres ont choisi le chemin de l’exil au péril de leur vie.
Le politologue fait un constat amer : «C’est malheureux de le dire, mais depuis 2011 la situation du pays ne cesse de régresser ! Force est de constater que notre pays continue de naviguer à vue. Ceci dit, il est évident que notre expérience en tant que collectivité nationale est aujourd’hui plus riche.»
Selon lui, le régime politique actuel, craignant pour sa survie, a peur de prendre toute initiative réformatrice. «Il est d’autant plus dans l’incapacité qu’il se sent haï pour son comportement et méprisé pour son palmarès, à tel point qu’il sent que la population veut en découdre avec lui. Aussi, il fait comme cet enfant qui se sent mal aimé se venge en ayant recours au grabuge», conclut-il.
D’un point de vue sociologique, Mohamed Kouidri, professeur de sociologie, de la population et de la famille à l’université d’Oran, affirme que la situation actuelle a fait sensiblement baisser l’attrait de la population pour la politique. «Il y a longtemps que le citoyen s’est ‘‘retiré’’ de la politique en comparaison avec la période qui a précédé la tragédie nationale de la décennie noire.
La désaffection pour les élections, en général, a atteint des niveaux improbables au courant de cette décennie, durant laquelle la participation est descendue sous la barre inimaginable des 20%», explique le sociologue. Selon lui, depuis, la remontée du taux de participation est réel, mais sans jamais atteindre les anciens niveaux. «Je le vois chez les étudiants qui étaient à la pointe des débats et de l’activisme politique.
Ce sont eux qui, en dehors des cours, viennent me dire aujourd’hui toute leur désaffection pour la politique», conclut-il. Pour autant, à quelques semaines de la présidentielle, le ministre de l’Intérieur n’a toujours pas évoqué de rendez-vous électoral. Ce silence confirme-il l’impasse ?
Hypothèses
Pour Mohamed Hennad, il pourrait rassurer tout le monde et expliquer que ça sera chose faite quand le président de la République aura convoqué le corps électoral. «Mais cela reste la seule explication plausible pour le moment», assure-t-il. De son côté, Fatiha Benabbou, constitutionnaliste, explique que la convocation du corps électoral doit se faire dans les 3 mois. Aujourd’hui plus que jamais, l’éventualité du report de la prochaine présidentielle est énormément évoqué.
A la question de savoir si on pourrait franchir ce cap, la constitutionnaliste Fatiha Benabbou explique que la Constitution ne prévoit pas de prolongement dans une situation normale. Selon elle, pour qu’il y ait prolongement, il faut réviser la Constitution.
«A mon avis, la prolongation du mandat présidentiel ne peut pas se faire par le biais d’un pouvoir limité. Il faut demander à l’auteur de la Constitution, à savoir le peuple, son avis. Cela doit se faire via un référendum. Si ce dernier accepte, il donne à cette décision une caution démocratique.
On introduit alors dans la révision de la Constitution la même disposition que pour le Parlement»,explique-t-elle. En effet, l’article 119 de la Constitution stipule que «le mandat du Parlement ne peut être prolongé qu’en cas de circonstances exceptionnellement graves, empêchant le déroulement normal des élections».
Pour Mohamed Hennad, «il faut ou bien admettre officiellement, sans tarder, l’impossibilité pour M. Bouteflika de rempiler pour un énième mandat ou procéder au report de l’élection prévue en attendant… Il n’y a pas d’autres options». Et s’il y a effectivement référendum, quelle sera la réaction de la population ? Dans ce cas de figure, le sociologue Mohammed Kouidri avoue ne pouvoir que formuler une hypothèse.
Et comme toute hypothèse, elle pourrait être infirmée bien sûr, ou confirmée pour devenir une thèse. «Dans le cas de la tenue d’un référendum, la réponse ira dans le sens déterminé par : 1) le fond et la forme de la question ; 2) le nombre de partis qui s’allieront pour appeler à cette réponse, et leur ancrage parmi la population.
Et là, nous avons les données des scrutins passés et leurs résultats par commune, wilaya, etc. On sait déjà que ce qu’on appelle la majorité présidentielle est traditionnellement très majoritaire dans les wilayas de l’intérieur, plus nombreuses, plus denses et plus conservatrices dans le sens : El Moualfa ouala Ettalfa», conclut-il.*SOFIA OUAHIB - elwatan – vendredi 28 décembre 2018
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Abdelaziz Rahabi, ancien ministre :
«Il ne faut pas que le problème de Bouteflika devienne celui de l’Algérie»
Trouvez-vous normal que l’élection présidentielle soit évacuée du débat national, alors que trois mois nous séparent de l’échéance ? Que se passe-t-il dans la maison du pouvoir ?
En fait, les Algériens découvrent la présidence à vie et ses conséquences. Depuis Ben Youcef, le premier Président, la question des pouvoirs s’est posée avec une violente acuité en raison du caractère éminemment présidentialiste de nos Constitutions.
C’est l’incapacité d’un président de la République qui se pose pour la première fois dans l’histoire de l’Algérie.
Alors que partout dans le monde on a évolué vers l’équilibre des pouvoirs, chez nous les décideurs croient encore que la meilleure façon de gouverner est de museler la libre expression, de contrôler la justice et de distribuer la rente.
Vous évoquez souvent des groupes d’intérêts non institutionnels qui pousseraient vers le report de la présidentielle. Pourquoi et qui sont-ils ?
Ils ont toujours existé dans des formes différentes en raison de la nature des systèmes économiques. Dans les années 1970, le socialisme avait ses capitalistes bureaucratiques et sa bourgeoisie compradore, certes moins visibles, mais aussi influents que les groupes d’intérêts qui se sont constitués ces trois dernières décennies. Ceci n’est donc pas nouveau. Ce qui l’est par contre, c’est l’engagement politique peu discret de certains groupes d’intérêts économique et autres tentés de se substituer aux pouvoirs publics. Cette confusion n’est bonne ni pour les hommes d’affaires ni pour l’Etat.
Les différents groupes constitutifs du pouvoir sont-ils d’accord pour la non-tenue de l’élection présidentielle dans ses délais ?
Ce n’est pas aussi facile ni aussi simple, car dans les traditions du système algérien, les décisions se prennent de façon concertée et solidaire, en tenant compte de paramètres durables et stabilisants. A ce titre, il n’est pas évident que ceux qui donnent l’impression d’avoir le pouvoir réel aujourd’hui soient consultés pour l’après-Bouteflika. L’Etat sait reprendre ses pouvoirs dans les situations de crise, parce que conscient qu’il est la seule forme d’organisation pérenne.
Pensez-vous qu’une révision de la Constitution puisse avoir lieu avant avril 2019 ?
Dans la tradition du système algérien, une telle démarche est collégialement adoptée pour éviter d’aggraver la crise. Je ne crois pas que cela fasse consensus en ce moment, ni au sein de la classe politique, y compris au sein de la coalition, ni au sein du commandement de l’armée en raison de ses implications sur la stabilité, donc de l’ordre public. De même que socialement, les nouveaux acteurs comme les réseaux sociaux ne semblent pas favorables à cette aventure. Il ne faut pas que le problème de Bouteflika devienne celui de l’Algérie.
Comment le système est-il parvenu à cette impasse ? Bouteflika n’a-t-il pas pensé à préparer sa sortie ?
Le président à vie n’accepte aucune contestation de son pouvoir. Il œuvre à neutraliser toute forme de velléité de lui succéder et empêcher ainsi l’émergence de nouvelles élites politiques. Le cas de l’Algérie de Bouteflika est symptomatique.
En fait, les Algériens découvrent avec lui la présidence à vie dans laquelle nous sommes entrés à contre-courant de l’histoire, alors qu’elle a été exercée par Moubarek, Ben Ali, El Gueddafi et même en Europe avec l’Espagne de Franco.
Et tout le monde connaît ce que ce type de régime politique a eu comme conséquences. Chez nous, seul Liamine Zéroual avait la générosité et la vision pour nous éviter cette situation en limitant, dans la Constitution de 1996, la Présidence à deux mandats uniquement.
Ne pensez-vous pas que cette situation pèse lourdement aussi sur la famille du Président, à qui on attribue beaucoup de pouvoir ? N’est-elle pas finalement elle-même otage de ce système ?
C’était prévisible. Le Président est sensible au système politique du makhzen dont la nature diffère de celle du régime algérien en raison des parcours historiques différents de chacun des deux pays. Ainsi, le palais présidentiel, réduit à sa simple expression ces dernières années, s’est substitué aux institutions pour contrôler dans le moindre détail la distribution de la rente et la gestion des carrières administrative, politique et militaire. Apparemment, c’est suffisant pour diriger un pays aussi complexe que l’Algérie.
Ce qui choque le plus, c’est la vitesse à laquelle le système global algérien s’est accommodé de ce mode de gouvernement dans lequel la figure du Président – absent – est sacralisée et son entourage installé dans une sorte de délégation de pouvoirs par omission. Ceci est d’ailleurs un instrument de mesure des archaïsmes nous renseignant sur le retard pris dans la construction d’un Etat moderne.
Face à toutes ces inquiétudes, comment l’institution militaire réagira-t-elle, selon vous ?
Le commandement de l’armée n’a pas été par le passé un élément de promotion de la démocratie en Algérie, particulièrement celui issu de la Guerre de Libération. L’équation sécuritaire est peut-être la matrice de cette attitude en raison du traumatisme de la Guerre de Libération et des leçons de la crise sécuritaire et politique des années 1990, mais n’est pas l’otage de cette situation et semble envisager avec sérénité sa professionnalisation, le rajeunissement de son commandement et l’adaptation aux nouvelles menaces. C’est cela qui renforce le lien avec le peuple, bien plus que l’implication dans le débat politique.
La responsabilité incombe également aux politiques qui, par manque de courage ou de vision, appellent l’armée à s’impliquer, participant ainsi à la fragilisation du consensus national dont elle doit bénéficier pour mener à bien ses missions constitutionnelles.
Comment sortir de cette impasse ?
Certainement pas en cherchant un subterfuge comme la révision de la Constitution ou en appelant à une conférence nationale sur le modèle de l’Afrique subsaharienne des années 1990. Ce modèle de conférence comporte un double risque. Si elle est souveraine, elle relèvera davantage l’incapacité de Abdelaziz Bouteflika. Si elle ne l’est pas, elle perdra toute forme de crédibilité et son échec aggravera la crise. Je pense que ces recettes de dernier quart d’heure, inconsistantes et irresponsables, participent à la mise en place d’une atmosphère malsaine qui procède de la politique de la terre brûlée.
Selon vous, qui êtes diplomate de carrière, comment réagiraient les partenaires de l’Algérie en cas de non-respect de l’ordre constitutionnel ?
En Algérie, nous avons tendance à beaucoup prêter aux étrangers, soit pour trouver un bouc émissaire ou bien pour nous décharger sur nos partenaires. C’est aussi malsain qu’indigne d’essayer de rallier les diplomates étrangers avant son propre peuple et de s’en vanter sans vergogne. Dans le monde aujourd’hui, toute évolution positive ou négative a des conséquences sur le voisin ou le partenaire qui doit donc anticiper, s’adapter ou encore orienter quand cela est possible. Le monde est ainsi fait. Cela ne dépend que de nous et de l’adhésion de notre peuple à ce que nous proposons ou entreprenons. Il reste que la crédibilité et la visibilité ne sont pas les plus fortes qualités de nos dirigeants.
Quelles seraient les conséquences politiques et géopolitiques en cas de non-respect de l’agenda électoral ?
Je ne crois pas personnellement à une telle perspective. Il est vrai que nous ne sommes pas suffisamment mondialisés, mais nous devons tenir compte du fait que l’exception algérienne dans la région doit cesser. Et c’est dans notre propre intérêt avant celui des étrangers. Une Algérie plus juste et plus forte est avant tout une exigence interne.*HACEN OUALI - elwatan – jeudi 27 décembre 2018
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Ali Benflis. Président de Talaie El Hourriyet
«Il faut résoudre la crise politique»
Report de l’élection, continuité, consultations entre partis politiques… Dans cet entretien, le président de Talaie El Hourriyet s’exprime sur les événements marquants de l’actualité nationale. L’ancien candidat à la présidentielle de 2014 ne veut pas prendre position quant au report de l’échéance électorale d’avril prochain, tant que la proposition n’est pas exprimée officiellement. Mais d’ores et déjà, il affirme n’avoir fait part «à personne» d’une prétendue approbation pour le report. Pour lui, «la Loi fondamentale ne peut être transgressée au gré des conjonctures politiques». Ali Benflis n’y voit aujourd’hui aucune raison pertinente. «Qu’on n’attende pas de nous que nous apportions notre caution à toute violation de la Constitution qui ouvrirait la voie à de nouvelles perturbations politiques qui viendraient éloigner davantage les chances d’une solution consensuelle à la crise dont souffre notre pays.» Pour sa participation à l’élection présidentielle, il souligne qu’il prendrait «ses responsabilités au moment voulu».
– On est à quatre mois de l’élection présidentielle et les derniers développements sur la scène politique jettent le doute sur la tenue de ce rendez-vous politique décisif pour le pays. Quelle est l’analyse que vous faites de cette situation et des évolutions qu’elle peut connaître dans un avenir proche ?
L’approche de l’élection présidentielle a exacerbé la lutte entre cercles du pouvoir, créant une confusion qui rend encore plus illisibles les grilles de lecture de la scène politique nationale.
Dans cette confusion où chaque groupe d’intérêt avance ses pions pour pouvoir influer, d’une façon ou d’une autre, sur l’échéance électorale, avec toutefois la même finalité, à savoir le souci de sauver le régime politique actuel, des scénarios sèment le doute sur la tenue de l’élection présidentielle à l’échéance fixée par la Constitution. Pour le moment, les véritables commanditaires de ces idées avancent masqués et leurs objectifs sont inavoués, et en l’absence d’annonce officielle, il est difficile de prévoir avec précision l’évolution de la situation dans un avenir proche. Ce que je peux dire, c’est que cela n’augure rien de bon pour le pays.
– L’idée du report de l’élection présidentielle est promue par un parti dit de l’opposition, celle de la «continuité» par les partis de «l’alliance présidentielle». Avez-vous eu à discuter de ces questions avec des responsables de parti qui ont déclaré que vous leur avez donné votre approbation ?
Je n’ai donné à personne une prétendue approbation pour le report de l’élection présidentielle. Et à ce que je sache, il n’y a eu aucune annonce officielle du report de ces élections. Cela étant, Talaie El Hourriyet demeure attaché au respect de la Constitution et des lois de la République. La Loi fondamentale ne peut être transgressée au gré des conjonctures politiques. Elle est le socle sur lequel doit reposer la stabilité du pays.
– Le président de Taj, Amar Ghoul, dit que vous n’êtes pas contre la tenue d’une conférence nationale…
Je ne voudrais polémiquer avec personne. Je tiens cependant à affirmer que l’initiative de TAJ ne m’a jamais été soumise. J’en ai pris connaissance par la presse. Comment voulez-vous que je sois pour ou contre une initiative dont j’ignore totalement les tenants et aboutissants ? J’ai, par contre, reçu une invitation pour prendre part à la cérémonie de clôture du congrès de ce parti. Je me suis excusé. Talaie El Hourriyet n’y était pas représenté.
– Etes-vous d’accord avec l’idée du report de l’élection présidentielle ou sa tenue dans les délais ?
De prime abord, je ne vois aucune raison pertinente, ni aucune justification, ni aucun fondement constitutionnel ou légal pour le report de la prochaine élection présidentielle. Je me prononcerai sur cette question lorsqu’il y aura une proposition ou une décision officielle à ce sujet. Et qu’on n’attende pas de nous que nous apportions notre caution à toute violation de la Constitution qui ouvrirait la voie à de nouvelles perturbations politiques qui viendraient éloigner davantage les chances d’une solution consensuelle à la crise dont souffre notre pays.
– Allez-vous vous porter candidat à la prochaine élection présidentielle, si elle se tient dans les délais ?
Ce n’est pas une décision que je pourrai prendre à la légère dans un contexte politique enveloppé par une opacité épaisse et chargé d’incertitudes.
Il est sûr, néanmoins, que je prendrai mes responsabilités le moment venu, lorsque les choses seront plus claires, en accord avec les structures compétentes du parti.
– Devant toutes les hypothèses et les différents scénarios possibles, quelle serait la proposition de votre parti, Talaie El Hourriyet, pour une sortie de crise ?
Talaie El Hourriyet a une proposition de sortie de crise avalisée par le congrès constitutif du parti, déjà en juin 2015, et que j’ai exposée à plusieurs occasions. Je suis un homme de dialogue. Je l’ai toujours été et je le serai toujours. Ces dernières années, la crise que traverse notre pays s’aggravant, je n’ai eu de cesse d’appeler au dialogue. Un dialogue national pour un nouveau projet unificateur et rassembleur !
Pas un dialogue pour la forme qui consacrerait le statu quo et qui servirait de faire-valoir au régime politique actuel. Un dialogue dont les modalités, l’ordre du jour, le format, le calendrier et la liste des participants sont définis par voie consensuelle et dont la finalité est l’instauration progressive d’un Etat de droit qui seul peut assurer la pleine citoyenneté, la légitimité et le fonctionnement harmonieux des institutions de la République.
Notre proposition de sortie de crise s’articule autour de 5 axes :
1)- le retour à la souveraineté du peuple à travers des élections libres, organisées par une instance réellement indépendante et souveraine ;
2)- la formation d’un gouvernement d’union nationale constitué des principales forces politiques qui auront émergé de ces élections ;
3)- l’élaboration d’un «pacte de la transition» ;
4)- l’élaboration d’une nouvelle Constitution de la République qui sera soumise au suffrage populaire ;
5)- l’accompagnement et la garantie de la transition démocratique par l’Armée nationale populaire.
Dans ce contexte de crise, l’organisation de l’élection présidentielle libre, transparente et régulière à l’échéance électorale prévue par la Constitution, en donnant la parole au peuple pour qu’il s’exprime souverainement, est de nature à sortir notre pays de l’impasse actuelle.
– Les prix du pétrole dégringolent, le ministre de l’Energie annonce que dans deux ou trois ans l’Algérie n’exportera plus de gaz, la moitié de ses recettes se volatiliseront, sans parler de la planche à billets qui finira par produire de l’inflation, ainsi que l’amenuisement des réserves de change. C’est un tableau sombre qu’on présente de l’Algérie dans les toutes prochaines années. Etes-vous de ceux qui pensent qu’il y a toujours une possibilité de redresser la situation ou de ceux qui s’inquiètent d’un total effondrement ?
Autant je partage les inquiétudes de ceux qui craignent l’effondrement, autant je suis convaincu qu’il y a des possibilités de redressement de la situation.
Le statu quo mènera inéluctablement à l’effondrement. C’est l’avis quasi unanime des experts. Toutes les prévisions sérieuses vont dans ce sens. Les indicateurs économiques sont au rouge.
Le redressement est possible mais il est lié au changement. Le pouvoir politique en place n’a ni la crédibilité ni la volonté politique pour mener les réformes nécessaires afin d’engager la transition d’une économie de rente à une économie de production de richesses.
Notre pays a encore des ressorts pour rebondir ; il a d’importantes ressources humaines à valoriser, d’importants réservoirs de productivité à libérer, de ressources naturelles à exploiter. Mais il faut d’abord résoudre la crise politique globale. Il faut que le pouvoir en place abandonne ses prétentions à la pérennité et place les intérêts de la nation au-dessus de toute autre considération. Il faut que soit rétablie la légitimité populaire et que le pays s’engage sur la voie de la démocratie et de l’instauration de l’Etat de droit.
Sinon, le pouvoir politique actuel continuera à scruter les fluctuations des cours du brut sur les marchés internationaux, à tirer sur la corde de la planche à billets jusqu’à l’extrême limite avant de recourir, pieds et mains liés, à un endettement massif à des conditions draconiennes.* SAID RABIA - elwatan – 26 décembre 2018
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On n’est pas encore sorti de l’auberge
Pour faire simple, il faut avoir le langage de la vérité. Il nous faut donc nous préparer à passer une année 2019 très pénible économiquement, socialement et politiquement parlant.
Ce n’est pas pour jouer aux oiseaux de mauvais augure que l’on se lance dans une perspective aussi pessimiste, c’est la réalité brute transmise comme un véritable témoin empoisonné par l’année qui s’en va qui sert d’indicateur à une très grosse appréhension, que ni la démagogie des politiciens ni l’étalage des chiffres et des statistiques officiels n’arrivent à dissiper.
En fait, tous les mauvais présages qui s’amoncelaient sous forme d’épais nuages sur nos têtes en 2018 annonçant des restrictions très fortes sur notre niveau de vie, déjà dans un état lamentable, risquent d’éclater un à un comme une bombinette à fragmentation. Dans tous les domaines de la vie active, une majorité d’Algériens sera confrontée malgré elle à une situation de précarité évolutive qui paraissait plus ou moins maîtrisée jusque-là.
Si la classe moyenne a été déjà sérieusement laminée durant ces vingt dernières années, elle risque carrément de disparaître totalement du registre avec les atteintes de plus en plus brutales au pouvoir d’achat des citoyens qui n’ont que leur salaire pour survivre. Et que dire des plus démunis, ceux qui sont au bas de l’échelle et qui sont devenus, par la force des choses, des laissés-pour-compte pour les gouvernants. Seule la catégorie des nouveaux nantis couverts par l’oligarchie dominante sous l’œil bienveillant du pouvoir trouvera encore sa voie dans le sinistre décor qui nous attend.
C’est dit simplement, mais nombreux parmi nos experts les plus compétents ne se sont jamais arrêtés pour dresser, arguments scientifiques à l’appui, les tableaux les plus sombres en guise de signaux d’alerte pour avertir l’opinion sur les conséquences désastreuses de la mauvaise gouvernance pratiquée par nos dirigeants.
Ces experts, sans aucun parti pris politique ni idéologique, se sont limités à démontrer que le gouvernement, par les méthodes qu’il a employées, les choix qu’il a consentis, les décisions qu’il a prises, était fondamentalement dans l’erreur, en tout cas à chaque fois en porte-à-faux des grands projets sociaux et économiques qu’il s’était assigné de réaliser.
Obstiné, aveuglé par ses certitudes dans un système totalitaire où les contre-pouvoirs sont inexistants, le gouvernement s’est toujours résolu à mener sa barque selon une vision étriquée, démagogique, populiste, voire paternaliste même, essentiellement pour se donner bonne contenance à travers ce qu’il appelle pompeusement la concrétisation du «programme du Président» qui reste pourtant un simple slogan sans contours précis, une feuille de route très floue dans sa définition, ses priorités, ses échéances.
Résultat : cette année 2018 qui devait être une année charnière pour ouvrir des horizons plus prometteurs, une année de relance économique, de reprise de la croissance, de diminution du chômage, aura été celle de la stagnation et, diront les observateurs avertis, celle de la régression. Une année pendant laquelle les discours triomphalistes des dirigeants ont été servis sans retenue pour faire croire à la population que l’état du développement de l’Algérie est dans une phase ascendante alors que dans les faits les courbes graphiques le caractérisant disent le contraire et vont donc à sens inverse.
Quand le gouvernement, en dépit des sérieux avertissements qui lui avaient été adressés aussi bien par les experts algériens que par les organismes internationaux pour éviter la folie de l’engrenage inflationniste, n’a pu trouver que le recours à la planche à billets pour faire face à ses besoins financiers, il se discrédite lui-même et donne une image non seulement trompeuse sur ses compétences et ses capacités à gérer les crises et les situations d’endettement, mais aussi dangereuse sur ses aptitudes réelles à maîtriser les enjeux desquels dépend l’avenir immédiat du pays.
Ainsi, malgré ses richesses pétrolières, l’Algérie reste parmi les rares pays à se tourner encore vers ce financement non conventionnel comme on le qualifie pudiquement pour ne pas heurter la sensibilité des Algériens, et laisse transparaître par voie de conséquence un cinglant échec de tous les engagements pris concernant la relance économique.
Cet échec se traduit d’abord par le fait que malgré toutes les promesses, le développement du pays reste lié à 95% aux exportations du pétrole. Nous ne produisons pratiquement pas grand-chose pour rééquilibrer un tant soit peu la balance commerciale, et tout ce que nous consommons en produits alimentaires et en biens d’équipements est importé dans une très large mesure. L’état des lieux est intransigeant. Même si des efforts sont entrepris dans le secteur de l’agriculture, nous restons loin des projections visant la suffisance alimentaire, alors que le pays est à vocation agricole. Le chômage est quant à lui toujours endémique.
A part peut-être la police qui offre du travail, les portes sont de plus en plus fermées pour les jeunes qui arrivent sur le marché de l’emploi. Le FCE, qui se targue d’avoir un large tissu industriel, ne comble en fait en rien le déficit et on se demande à quoi sert cet organisme qui brasse pourtant des sommes colossales. Dans l’Algérie d’aujourd’hui, même les diplômés ne trouvent pas du boulot.
Ce qui explique la persistance de la malvie, et le développement dramatique des harraga qui s’est amplifié durant l’année 2018. Les crises sociales n’arrivent pas à trouver des solutions et se perpétuent par des mouvements de contestations populaires qui tendent à se généraliser sans que le gouvernement puisse réagir, sinon par la matraque. Mais c’est la crise politique qui est à la base de tout ce désordre.
Elle est d’ailleurs bien illustrée par cette fin d’année où le pouvoir ne sait plus où donner de la tête pour gérer les pressions qui se font autour de l’élection présidentielle d’avril 2019. Une véritable cacophonie remplit le champ médiatique à ce sujet alors que l’avenir économique du pays s’annonce très périlleux. Tout tourne autour de la personne de Bouteflika, un président malade, gagné par l’âge, et dont la candidature pour un 5e mandat a constitué le centre du débat pendant toute l’année.
Avec toutes les tentations de revisiter la Constitution et de laisser encore une fois l’image d’un pays où le respect de la légalité et de l’alternance démocratique reste un vœu pieux. Cela promet encore beaucoup de tourmente pour l’année 2019.
Ce n’est pas une simple prédiction rabat-joie, mais c’est plus fort que nous de le dire ; autrement dit, on n’est pas encore sorti de l’auberge… Un baril de pétrole qui risque de tomber à moins de 50 dollars.* chronique de ABDEREZAK MERAD - elwatan – 27 décembre 2018
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*Prévisions - Ce qui vous attend en 2019
D’ores et déjà, 2019 est considérée comme l’année de l’élection présidentielle qui marquera la fin – ou pas – du règne du président Bouteflika qui dure depuis plus de dix-neuf ans. Mais à côté, cette année prévoit aussi l’entrée en vigueur de plusieurs décisions annoncées. El Watan Week-end vous livre une sélection des changements et nouveautés auxquelles il faut s’attendre.
Une élection présidentielle ou peut-être pas !
Elle aura lieu en avril prochain. En tout cas, si l’idée du président du MSP de reporter l’élection présidentielle n’est pas adoptée. Un grand changement dans le régime ? On n’en attend pas vraiment, vu que des alliés du régime en place continuent de scander «5e mandat» et «continuité» et que c’est en berne du côté de l’opposition qui n’avance pas de potentiels candidats.
Fini le débit internet de 1 méga
A partir du 1er janvier, l’opérateur public Algérie Télécom ne servira plus d’offres à moins de 2 mégas. Tous les Algériens connectés à internet aujourd’hui à 1 méga verront, automatiquement, le débit passer à 2 mégas, le minimum requis pour accéder à une vidéo et autres services à valeur ajoutée.
C’est ce qu’a déclaré la ministre des TIC. Le débit internet fixe minimum en Algérie passera de 1méga/bits à 2 mégas/bits avec une baisse du coût de la prestation. En effet, le tarif de ce service passera de 2600 DA/mois à 1600 DA/mois.
Concernant ceux qui disposent déjà d’un débit internet de 2 mégas/bits, ils pourront choisir entre ne plus payer que 1600 DA/mois à partir du 1er janvier 2019, ou passer à l’offre 4 mégas/bits à 2000DA/mois.
Numérisation des administrations
Selon les récentes déclarations du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, l’administration algérienne bénéficiera à partir de la nouvelle année, d’«une interconnexion approfondie entre le niveau central et le niveau local, ainsi qu’une interconnexion élargie entre secteurs, avec tous les moyens que cela exige».
Fini l’importation coûteuse des produits raffinés
L’Algérie cessera d’importer des produits raffinés en 2019, a déclaré la semaine dernière le PDG de la compagnie pétro-gazière nationale Sonatrach, Abdelmoumen Ould Kaddour. En effet, à partir de la nouvelle année, l’Algérie se contentera des productions des différentes raffineries de Sonatrach, notamment celle d’Augusta (Italie).
Les Algériens établis à l’étranger pourront s’affilier au système de retraite
Dans le cadre du PLF 2019, la commission des finances et du budget de l’APN a signé une loi permettant à la communauté algérienne à l’étranger, qui exerce une activité professionnelle, la possibilité de s’affilier au système national des retraites, à travers le versement d’une cotisation en devises en contrepartie de droits de retraite en dinars.
Selon le rapport complémentaire de la commission, cette loi permettra de contribuer au financement du système de retraite national qui est important pour la solidarité entre générations et d’obtenir, en contrepartie, des droits de retraite dans leur pays.
Le calendrier des vaccins sera informatisé
C’est Djamel Fourar, directeur de la prévention au ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière (MSPRH), qui l’a annoncé. La vaccination des enfants sera informatisée, et les mamans seront convoquées par messages sur leur téléphone portable afin de leur rappeler le calendrier des vaccins de leurs enfants.
Cartes magnétiques made in Algérie Poste
Selon les déclarations de la ministre des TIC, Houda Feraoun, Algérie Poste fabriquera ses propres cartes magnétiques à partir de 2019.
L’interdiction de fumer s’élargira à tous les lieux publics
Après les écoles, les hôpitaux, les différents moyens de transport public et les aéroports, il sera interdit de fumer dans tous les lieux publics fermés sans exception, et ce, à partir du 1er janvier.
En effet, les décrets relatifs à l’interdiction de fumer seront généralisés et les pouvoirs publics viennent d’officialiser une nouvelle loi sur la santé, interdisant désormais l’usage de la cigarette dans les lieux publics et prévoyant en outre des amendes à l’encontre des contrevenants.
Le salon de l’auto de retour à Alger !
Après deux ans d’absence, le Salon de l’automobile fera son grand retour à Alger au printemps 2019. Ce Salon international se tiendra en avril prochain au Palais des expositions des Pins Maritimes, Safex.
5% de plus pour les retraités
Pour l’année 2019, 3,2 millions de retraités algériens bénéficieront d’une augmentation de l’ordre de 5%, a déclaré dernièrement le ministre du Travail, Mourad Zemali, devant les membres de la commission des finances de l’APN. Et ce, «même si la caisse nationale des retraites enregistre un déficit de 580 milliards de dinars», a-t-il dit.
Les premières agences bancaires d’Algérie Poste verront le jour
La ministre Houda Feraoun l’a déclaré en juin dernier à Tizi Ouzou. Ayant dépassé les problèmes budgétaires, Algérie Poste s’est lancée dans un programme d’investissement et de développement.
Premier pas : mettre en place des bureaux de poste aux normes bancaires. Les études sont presque finalisées, selon la ministre, mais les agences bancaires ne lèveront rideau qu’en 2019.
A Aïn Temouchent, le périphérique de Beni Saf sera livré
Après tant d’attente, le périphérique de Béni Saf de 12 km de longueur sera livré durant le premier semestre de l’année prochaine, selon le directeur des travaux publics de la wilaya. Les habitants de la ville pourront peut-être ainsi être débarrassés des problèmes de l’encombrement routier et des poids lourds qui envahissent les ruelles du centre-ville.
25 milliards de dinars pour les routes dans la LF 2019
Une enveloppe de 25 milliards de dinars sera attribuée, dans le cadre de la LF 2019, à la maintenance des routes et leurs annexes, a déclaré dernièrement le ministre des Travaux publics et des Transports, Abdelghani Zaalane. Soit 10 milliards de plus que l’enveloppe allouée au secteur en 2018.
Un pas vers la e-santé !
Mokhtar Hasbellaoui, ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, a affirmé que des notes ont été envoyées aux directeurs des CHU et directeurs de santé des différentes wilayas afin d’accélérer l’opération de préparation des dossiers électroniques des patients. Soulignant que son département a mobilisé tous les moyens matériels et physiques pour arriver à la numérisation du secteur de la santé durant l’année 2019.
Par ailleurs, selon Mohamed El Amine Djaker, spécialiste des technologies de l’information et de la communication à l’OMS, une stratégie nationale de e-santé sera élaborée durant l’année à venir, en collaboration avec le ministère, après la mise en place des cadres juridiques nécessaires.
LLP, nouvelle formule du logement promotionnel
C’est le ministre Abdelouahed Temmar qui l’a dit. L’Algérie s’apprête à lancer une nouvelle formule du logement promotionnel ouvert à la location. La nouveauté de cette formule, ouverte aux citoyens de la classe moyenne, est de permettre aux souscripteurs de bénéficier de logements dans les différentes wilayas et pas forcément dans leur ville natale. Les premières conditions de souscription : revenus mensuels allant de 24 000 DA à 80 000 DA, ne pas avoir déjà bénéficié d’un logement d’un autre programme ou d’une aide de la part de l’Etat et les mariés seront prioritaires.* RYMA MARIA BENYAKOUB - elwatan – vendredi 28 décembre 2018
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Présidentielle, libertés, Pouvoir d’achat… :
2019, une année charnière
C’est une année difficile, agitée et troublante qui prend fin aujourd’hui. Elle se termine dans un brouillard total dans lequel toute la classe politique est perdue. Rien de rassurant. Tout est inquiétant. C’est dans ce climat chargé d’inconnues que l’Algérie entre dans une nouvelle année aussi charnière que décisive.
Une année politique par excellence, celle de l’élection présidentielle entièrement à part. Le pays est sensiblement suspendu à cette échéance dont les contours demeurent flous. Elle est pour le moins problématique. Le désordre institutionnel, accompagné d’une confusion politique qui caractérise la fin du 4e mandat de Abdelaziz Bouteflika, réduit considérablement le champ de vision national.
C’est avant tout en raison du doute semé par les partisans du chef de l’Etat. Par leurs appels – timides et forcés – au 5e mandat, puis à la «continuité» pour aboutir enfin à la proposition d’une «conférence de consensus», par ailleurs rejetée par la majorité des acteurs politiques.
Ce discours des «partisans» obscurcit le tableau de bord politique et révèle par conséquent l’ampleur de la crise et l’incapacité à trouver une sortie par le haut. Du coup, l’élection présidentielle, devant être un rendez-vous politique en mesure d’apporter des réponses dans une compétition programmatique à la crise multiforme que traverse le pays, est devenue la rencontre de toutes les incertitudes. Une constellation d’obstacles.
C’est une croisée des chemins sans issue. Une impasse. Un vrai piège pour tous. Le pays est sur une ligne de crête courte et étroite. Pour l’heure, rien n’est fait pour faire de la présidentielle d’avril prochain une opportunité afin de briser le périlleux statu quo qui plombe le pays. Il n’est pas trop tard, mais plus que jamais, le temps presse.
Les Algériens expriment de différentes et incessantes manières leur angoisse, mais surtout leur désir irrépréhensible pour le changement. Ils attendent impatiemment de fixer au pays un nouveau cap et de nouveaux horizons à la hauteur de leurs ambitions collectives et individuelles. 2019 peut être cette année porteuse de ce rêve légitime. Ce n’est plus un choix, c’est une nécessité historique.
L’Algérie ne pourra plus supporter le poids écrasant d’un sous-développement politique, doublé d’un retard économique criant et leurs conséquences sociales et sociétales désastreuses. 2019 est une année charnière qui doit inciter la classe politique, pouvoir et opposition, à négocier sereinement ce virage politique et proposer au pays un projet d’ensemble en mesure de le propulser vers l’avenir.
Lui offrir un destin et l’extraire définitivement des vicissitudes liées à son histoire récente, car il ne s’agit pas d’enjeu de pouvoir, mais il y va du devenir d’une nation. Un rendez-vous avec l’histoire à ne pas rater. La situation est d’autant plus inquiétante qu’elle exige un sursaut patriotique. L’heure doit être réglée à la mobilisation nationale et non pas aux règlements de comptes mortifères.
En 2019, l’Algérie doit retrouver son chemin naturel du développement politique, pour mieux retrouver celui de l’essor économique et social. Cela passerait nécessairement par le rétablissement plein et entier de l’exercice de la citoyenneté et l’instauration d’un climat de liberté. La voie de la répression et de l’étouffement des voix discordantes ne feront qu’aggraver la crise. La régression sociale qui s’annonce en raison de l’impasse économique prépare le lit de la violence, dont le pays n’a guère besoin. Le pari n’est pas impossible.
L’Algérie recèle suffisamment de potentialités pouvant relever les défis d’avenir, elle dispose d’une compétence nationale avérée, certes marginalisée ou exclue mais disposée à concourir à rebâtir le pays sur des bases sérieuses et solides. Pour cela, il faut une nouvelle gouvernance adossée à un système politique moderne – la rationalité – qui doit définitivement rompre avec les archaïsmes du passé. La nouvelle année qui s’annonce ne doit en aucun cas ressembler à celle qui s’achève.
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