Comment les banques en Occident se sont fait hara-kiri
*Le « Rapport Angelides »
Drôle comme il est passé inaperçu, ce rapport Angelides qui décrivait les origines de la crise financière de 2008 et anticipait en filigrane ses aboutissements : la mort du système… et le suicide des banques qui pensaient lui survivre en spéculant contre lui ! Ecrit par une commission de huit personnalités indépendantes sous la houlette de Phil Angelides, ce rapport conclut une minutieuse enquête de terrain et fut remis le 27 janvier 2011 au président des Etats-Unis et au Congrès américain. « Des faiblesses quasi-fatales à notre système financier »Ses conclusions sont accablantes :« Au cours de notre enquête, nous avons identifié des défaillances dramatiques dans la gouvernance des entreprises, des trous béants dans nos systèmes de régulation et des faiblesses quasi-fatales à notre système financier. »Or, comment réagirent les établissements bancaires lorsqu’ils s’aperçurent que le système financier, par ses excès, courrait au précipice ? Ils firent ce que seul le fou peut commettre : l’irréparable en spéculant à qui mieux mieux sur la mort du système, précipitant sa chute… et entérinant leur future perte !
Aidées dans un premier temps par des autorités politiques complices qui déversèrent des tombereaux de milliards pour les sortir du séisme de 2008, les banques purent donner l’illusion d’avoir réussi leur affaire en s’égosillant sur leurs profits retrouvés et leur bonus ébouriffants.
Un système mondialisé bâti comme un château de cartes
Comme il était facile de le prévoir, ces banques (à commencer par l’américaine Goldman Sachs et l’allemande Deutsche Bank) se trouvent désormais prises à leurs propres pièges. Après avoir asséché les finances publiques des pays, nos arrogantes doivent affronter les difficultés de paiement de plus en plus criantes de leurs « sauveteurs » : c’est la crise de la dette.
Rien que pour la France, les engagements des banques représentent plus de quatre fois le PIB national, plus de soixante fois la capitalisation bancaire propre. Cela leur permettrait de faire face aux défauts de solvabilité de leurs débiteurs, soit plus de 1 068 fois les profits « monstrueux » qu’elles prétendent dégager.
Que des pays comme l’Islande renvoient balader leurs créanciers (fait par référendum à deux reprises), que la Grèce, le Portugal, l’Espagne en viennent à faire défaut (on s’en approche à grands pas), et c’est le coup fatal porté aux banques allemandes, françaises, anglaises… donc à tout un système mondialisé bâti comme un infernal château de cartes.
Un point de non-retour systémique
En janvier 2011, le rapport Angelides alertait :
« Nous avons découvert qu’une série de décisions et d’actions nous ont conduits vers une catastrophe à laquelle nous étions mal préparés. Ce sont des sujets graves, que l’on doit affronter et résoudre afin de rétablir la confiance dans nos marchés financiers, afin d’éviter la prochaine crise et reconstruire un système capitalistique qui puisse fonder une nouvelle ère, celle d’une prospérité largement partagée. »
Quatre mois après, rien n’a été fait, bien au contraire. Pire encore, le système financier détraqué continue de spéculer, à travers des taux obligataires frisant l’apoplexie, sur sa propre mort. En Grèce, en Irlande, au Portugal…
Et maintenant aux Etats-Unis où l’agence de notation Standard & Poor’s vient d’abaisser à « négative » la perspective de la dette souveraine américaine, semant une nouvelle panique dans cet asile spécialisé, et transformant un peu plus les actifs florissants de banques en produits hautement toxiques.
La vérité est que ce point de non-retour systémique est désormais dépassé. Qu’annoncer la mort du système n’est plus une prévision parmi d’autres mais un constat de plus en plus vérifié. Mais pouvait-on attendre des fous qu’ils trouvent eux-mêmes les remèdes à leur mal ?
Illustration : un tourbillon de dollars…(Rue89-19.04.2011.)
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**Finance folle
» vous allez adorer la prochaine crise » ! !
L’auteur de ces lignes est un assureur conscient de l’impopularité actuelle des professions financières. Mes responsabilités professionnelles m’ont placé depuis trente ans au cœur de la mêlée, et j’en tire des observations qu’il me paraît utile, nécessaire même, de verser au débat. J’assume le fait que ce texte est aussi un plaidoyer pro domo ; ce n’est pas pour autant constitutif d’une erreur d’analyse. Je demande qu’on juge ma démonstration sur ses propres mérites.L’Europe continentale vient de subir une défaite idéologique historique. J’imagine que vous ne l’aviez pas noté…
Nos dirigeants ont opéré un choix politique majeur : sans débat démocratique, en catimini, ils ont donné le pouvoir à la finance dérégulée au détriment du capitalisme tempéré. Ils ont préféré les « hedge funds » aux banques régionales, les « dark pools » aux bourses traditionnelles, les fonds d’investissement du Delaware à l’assurance-vie.
Il est nécessaire d’encadrer le marché, mais comment ?
La finance se partage en deux camps :
*d’un côté, le monde de la banque et de l’assurance européenne, tourné vers le client et l’investissement à long terme ;
*de l’autre côté, le tout-marché, redoutablement efficace et rapide, volatil et instable, insaisissable puisque son centre est partout et sa limite nulle part.
Le marché financier est nécessaire, indispensable, précieux même, mais il doit être encadré.
Il était une fois un broker qui a mis en place un crédit subprime pour un ménage pauvre du « midwest » ; une sorcière de Wall Street a mélangé ce crédit à d’autres crédits pourris dans un paquet-cadeau obscur auquel des agences de notation ont conféré la solidité d’un Etat ; paquet- cadeau empoisonné dans lequel a croqué la banque d’un Land allemand… Ce jeu-là a coûté des milliards quand la crise est venue, à partir de la fin de 2006.
Réguler le marché, c’est faire en sorte que cela arrive le moins souvent possible. Pourtant, c’est le modèle dérégulé qui a été choisi par les dirigeants européens. Comment en est-on arrivé là ?
Les chahuteurs s’échappent, les bons élèves punis
Echec et mat en trois coups, alors que les marchés anglo-saxons avaient perdu la première manche :
*Première manche : crise de 2007/2010, crise des marchés financiers. Aux Etats-Unis, la finance a oublié le client depuis longtemps, tout passe par le marché. Le règne du subprime peut commencer. Mais le système explose, trop fragile, trop fou, trop instable. L’économie telle qu’on la connaît manque de disparaître. C’est le 11 Septembre de la finance. L’auteur de ces lignes a vécu en direct à la fois l’effondrement des tours jumelles et la chute de Lehman Brothers. L’impression était la même : un système qui s’écroule. « Plus jamais ça » dirent en chœur les grands de ce monde.
*La deuxième manche, c’est Obama contre Goldman Sachs. On a nationalisé quelques banques en déshérence et commencé un semblant de ménage à Wall Street. Cela a duré six mois. Dans une cour de récréation, quand il y a un chahut, les fauteurs de troubles s’échappent avant l’arrivée du proviseur, qui attrape ceux qu’il peut, en général un bon élève distrait qui pensait à autre chose. La plupart des grandes institutions européennes sont ce bon élève puni parce qu’il ne peut pas s’échapper. Les fauteurs de trouble se font discrets, ils vont devenir très puissants, plus qu’avant…
Courir avec un sac de cailloux en bandoulière
En effet, les nouvelles règles mises en place par les autorités européennes limitent la capacité d’action des banques et des assureurs européens. Les banques et les compagnies d’assurance, soumises à la supervision des autorités de contrôle, devront avoir plus de capital pour pouvoir travailler. Si elles conservent le même niveau de capital, elles devront réduire leur activité.
Les banques, par surcroît, seront soumises à de nouveaux ratios de liquidité qui vont renchérir leur coût de financement, c’est-à-dire le prix de leur matière première. Quel moment étrange dans le cycle économique pour mettre en place des mesures si évidemment récessives !
Il y a deux grandes façons de superviser un établissement financier : soit les autorités de contrôle regardent de près ce qu’il s’y passe, soit elles veillent à ce que le niveau de capital soit très élevé.
Si on prend une image automobile, dans le premier cas, on veille à la formation du conducteur afin de réduire le risque d’accident, dans le second, on sécurise la voiture quitte à l’alourdir et à la renchérir, sans se soucier de la formation de l’automobiliste. Certes, les deux méthodes sont utiles et complémentaires, mais les régulateurs ont choisi l’option deux renforcée, et ils ont eu la main lourde !
Les banques vont moins prêter, les assureurs moins investir. Le monde régulé va se réduire, rétrécir. Certes, il va rester solide, tenter de faire le job. Mais c’est dur le marathon avec un sac de cailloux en bandoulière.
Des choix qui conduisent à une finance dérégulée
Contrairement aux idées reçues, les banques et les assurances d’Europe n’ont pas causé la crise. Parce qu’elles sont soumises à la loi des régulateurs publics, elles sont le bon élève que le proviseur punit pour l’exemple.
Le capital est plus rare qu’on ne le pense, et surtout il est cher. Les nouvelles régulations visent à renforcer les carrosseries, il aurait fallu mettre des radars sur la route et donner plus de moyens à la police de proximité, c’est-à-dire améliorer le suivi individuel de chaque établissement.
Cette nouvelle régulation fera de la place pour tous les autres acteurs du monde financier, ceux qui ne sont pas régulés, qui sont libres comme le renard dans le poulailler, et dont la part de marché va croître puisque les acteurs traditionnels ont les mains attachées dans le dos et un boulet au pied…
C’est pour cela que trop contraindre banques et assureurs revient à faire le choix de la finance dérégulée. Paradoxalement, à cause des nouvelles règles prudentielles, la prochaine crise sera pire. Ce ne sera pas tout de suite, mais c’est pour bientôt…
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil » écrivait René
Char. (Rue89-29.03.2011.)
Photo : une tradeuse à la bourse de Francfort, en octobre 2008
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**Etats-Unis : vers une crise de la dette « apocalyptique » ?
La lutte au couteau qui se déroule aujourd’hui aux Etats-Unis entre les républicains, majoritaires à la Chambre, et le président Obama illustre l’impasse budgétaire et financière dans laquelle s’est fourvoyé le royaume du maître-dollar.La dette américaine (14 000 milliards de dollars) dépasse désormais la cap aussi psychologique que douloureusement concret des 100% du PIB. Et rien qui annonce un reflux de cette vertigineuse hémorragie, bien au contraire !Le budget impossibleLes républicains exigent d’urgence des économies budgétaires drastiques pour économiser 4 000 milliards de dollars en dix ans… mais assorties tout de même de nouvelles réductions d’impôts pour les entreprises et les plus riches, afin (ben pardi) d’« assurer la relance économique » !
Le président Obama freine des quatre fers et implore de faire « partager les sacrifices » à toutes les couches sociales du pays.
Les deux parties avaient jusqu’au 8 avril minuit pour s’entendre sur le solde du budget 2011. Faute de quoi, le pays débouchait sur un retentissant blocage (« shut-down ») aux conséquences courtelinesques :
*mise à pied immédiate de 800 000 fonctionnaires ;
*fermeture des parcs nationaux, des musées et même de l’emblématique statue de la Liberté.
Ce n’est qu’à cinquante minutes de l’échéance fatale que républicains et démocrates purent péniblement s’entendre à coups de compromis contraints. Et pour une période provisoire de cinq petits mois seulement.
Le plafond de la dette pulvérisé
Comme si cela ne suffisait pas, nos bretteurs ont jusqu’au 16 mai dernier carat pour trouver un autre accord relevant le plafond autorisé de la dette. Le quota précédemment fixé sera en effet largement atteint à cette date. Bis repetita, les républicains, poussés aux fesses par un Tea Party hystérique, rechignent salement à la manœuvre.
Faute d’accord (c’est pas gagné ! ), au 16 mai les Etats-Unis se retrouveront dans la situation peu enviable d’un vulgaire pays du tiers-monde ou de la Grèce, incapables d’honorer les intérêts de leurs dettes. Une éventualité « de nature apocalyptique pour toute l’économie », selon Jay Carney, porte-parole de Barack Obama.
On notera qu’un accord de façade ne pourrait là aussi que repousser un sombre épilogue. La fameuse reprise, seule à même de résoudre durablement le problème, s’avère bien trop poussive et ne tient qu’à des injections massives de dollars planche-à-billets. Lesquelles renforcent à leur tour les abyssaux déficits. Cercle vicieux et puits sans fond(s).
Un discours électoraliste assez vain
Pour colmater des brèches de plus en plus béantes dans la sacro-sainte confiance qui sert de ciment à cet édifice vacillant, Barack Obama s’est fendu d’un nouveau discours le mercredi 13 avril.
Las, les mesures annoncées par le valeureux président américain brillent surtout, à la veille de la campagne pour la présidentielle de 2012, par leur visée purement électoraliste :
« Protéger la classe moyenne, nos engagements vis-à-vis des personnes âgées et nos investissements dans l’avenir. »
Et que dire de la vacuité de ces pures déclarations d’intention ? Réduire les dépenses, mais comment ? Lutter contre les dépenses de santé « superflues », mais lesquelles ? Réformer le code des impôts, faire payer les riches ? N’est-ce pas la scie récurrente – et stérile – de tous les gouvernants lors des périodes de crise ?
Leur rafiot planétaire toujours en perdition
Fallait-il aussi attendre des miracles de ce discours, tant la situation financière et économique des Etats-Unis semble désormais inextricable, et pour tout dire irréversible ?
Politiques et spécialistes de tout bord, fussent-ils « maître du monde » n’en finissent plus d’étaler leur impuissance et leur incompréhension. Le fameux « Yes we can » n’a jamais sonné aussi creux. Peut-être en fin de compte assisterons-nous à une sorte de nettoyage par le vide des écuries d’Augias.
En attendant, Barack Obama et ses compatriotes pourront toujours se consoler en se gaussant des déboires chroniques de l’Union européenne, ou en lorgnant vers le concurrent chinois dont l’euphorie vient d’être sérieusement douchée par l’agence de notation Fitch (des histoires de dette, toujours).
Qui prétendra que leur rafiot planétaire ne prend pas l’eau de toute part ? (Rue89-15.04.2011.)
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« Il faut mettre les banques sous tutelle »
Susan George, d’Attac…L’altermondialiste prône la défense de l’héritage des Lumières et une prise de pouvoir de l’Etat sur le système financier et bancaire.
Les Sages révoltés de notre République, ce sont ces voix qui nous réveillent parce qu’elles mêlent l’eau et le feu, l’expérience et la passion. Parmi eux Stéphane Hessel, 93 ans, Albert Jacquard, 85 ans, ou Edgar Morin, 89 ans.
Mais aussi Susan George, 75 ans : présidente d’honneur d’Attac, auteure de nombreux livres, la Franco-Américaine se bat depuis des années pour un monde moins injuste vis-à-vis du Sud et contre le système économique néolibéral. Nous l’avons rencontrée chez elle, vendredi, à l’heure du thé.
La conversation a justement commencé sur le succès du petit opuscule d’Hessel, « Indignez-vous ! », un homme qu’elle décrit comme « impeccable du point de vue moral, qui pratique ce qu’il prêche ». Entretien.
Rue89 : Appeler à l’indignation, un terme qui se place sur le terrain moral, est-ce la meilleure approche pour changer les choses ? N’est-il pas plus efficace de dire « raisonnez ! » ou « révoltez-vous ! » ?
Susan George : Hessel est sur le registre des valeurs, pas sur celui de l’analyse des dossiers économiques ou géopolitiques. Il appelle à l’indignation comme prélude à l’action. Il dit : rejoignez quelque chose. Et il s’adresse particulièrement aux jeunes. Fort de son passé, c’est vrai, il ne veut pas se résigner.
Moi, ce que je sens très fort, c’est l’attaque contre les Lumières. Et ça me désole : à la fois sur le plan philosophique et sur le plan de l’action, je trouve que c’est une très grande conquête de l’humanité.
Le libéralisme politique – tel qu’il était entendu au XVIIIe siècle, ce mouvement européen qui commence avec Locke et qui continue avec les encyclopédistes français – est à la base de la constitution américaine, il est à la base des libertés – politiques, religieuses, de la presse, de l’opinion…
Des gens sont morts pour cela, et la démocratie vient de cette époque-là. Eh bien, j’ai l’impression que ces Lumières font aujourd’hui l’objet d’une très grande attaque idéologique.
J’essaye de me placer dans cette tradition-là, qui vaut la peine d’être défendue.
Les jeunes générations se résignent-elles davantage face à cette attaque ?
L’Europe est un peu K.-O. Tout cela est allé très très vite. En 2009, quand j’étais à Londres pour le contre-G20, il y avait une réaction. On était 35 000 à Hyde Park. Les médias, le lendemain, étaient avec nous ; même Gordon Brown, alors premier ministre britannique, s’empressait de dire qu’il était de notre côté. Le monde était alors à un cheveu de la catastrophe.
Le G20 a parlé des paradis fiscaux, de l’emprise des marchés financiers, de l’emploi, de l’environnement, etc. Et puis une fois que les banques ont été sauvées, tout cela a complètement disparu. Le G20 et le G8 bricolent des solutions pour sauver les banques une deuxième fois. Et puis rien.
Pourquoi cette résignation ? Les gens pensent peut-être que leurs dirigeants sont en train de sauver la Grèce ou l’Espagne. C’est complètement faux, ils sont en train de sauver les banques qui ont acheté de la dette grecque ou de la dette espagnole… Il ne s’agit pas de faire quoi que ce soit pour les peuples.
Non seulement on sauve les banques une seconde fois, mais qui le fait ? Ce sont les peuples, par l’amputation de leur retraite, la baisse de leur salaire, la mise à pied de fonctionnaires. Pourquoi les gens aujourd’hui n’arrivent-ils pas à se regrouper ? En France, on est focalisés sur les élections de 2012, qui sont vraiment secondaires.
La crise qu’on vient de vivre n’a-t-elle pas débloqué quelque chose, dans la réflexion sur l’économie ?
Les gens ont vu que cela ne marchait pas, que le néolibéralisme ne fonctionnait pas. Mais ils continuent comme si cela fonctionnait… La mayonnaise de la contestation ne prend pas.
Il faudrait que les gens fassent des alliances, comme nous essayons de le faire à Attac : on a par exemple des partenariats sur les taxes financières avec des syndicats et diverses organisations – Secours catholique, Comité catholique contre la faim et pour le développement, Oxfam, Les Amis de la Terre…
On essaye de fédérer le monde syndical, caritatif, associatif, écologique. C’est la bonne piste, personne n’est en mesure de gagner seul.
Dans un scénario optimiste, le changement que vous souhaitez, par où commencer ?
Apprendre. Il faut commencer par apprendre. Aujourd’hui, la politique est devenue bien plus compliquée. C’est bien de s’indigner, mais il faut d’abord comprendre pourquoi cela ne marche plus.
Quand j’ai commencé à militer, on disait « Les Etats-Unis hors du Vietnam ! » Les gens étaient d’accord ou pas, mais ils comprenaient ce que cela voulait dire. Quand on disait « Arrêtez l’apartheid », on n’avait pas besoin d’un long discours. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas.
J’ai fait une longue campagne contre l’AGCS [Accord général sur le commerce des services, ndlr], personne ne savait ce que c’était : une OPA sur les services publics et les services de proximité.
Si on ne sait pas comment ça se passe, ce qui est voté, à quel moment, on ne peut agir. Ça ne sert à rien d’être « contre » si on ne peut ni l’expliquer à d’autres, ni taper au bon endroit. Autant se taper la tête contre les murs. Donc il faut apprendre, aider d’autres à apprendre, organiser, faire des alliances.
Et communiquer : on a de plus en plus besoin de choses visibles, qui intéressent les médias. Et ça, on le fait très mal. Il faut sortir des rituels. Faire une manif, c’est comme si je vous demandais de vous intéresser à la messe de 10 heures. Ça fait des années que je dis qu’avec 30 personnes, on peut faire quelque chose de visible, de drôle, et qui appuie là où ça fait mal.
Je propose ainsi depuis longtemps qu’on fasse non pas des « sit-in », mais des « laugh-in » [to laugh= rire, ndlr] : aller rigoler devant tel ministère, ou devant le Medef… Car ce qu’en France on craint le plus au monde, et surtout chez les hommes politiques, c’est le ridicule.
Il y a eu des initiatives de ce genre, comme Sauvons les riches. Ou l’opération Cantona, pour retirer son argent de la banque le même jour. Qu’en avez-vous pensé ?
C’était amusant, mais aussi une fausse bonne idée. Il ne comprenait pas comment fonctionnent les circuits financiers.
Nous travaillons sur une autre approche : « Pour changer la banque, changez de banque. » Mais nous n’avons pas demandé tout de suite aux gens de le faire, parce que la seule banque vers laquelle on conseillerait d’aller aujourd’hui est la Nef, qui n’a que 60 employés, aucune surface.
Ce ne serait pas sérieux. Mais cela peut changer : la Nef se rapproche aujourd’hui de la Banca Etica [une plus grosse banque en Italie, ndlr] et d’autres banques européennes.
Dans les initiatives à prendre, vous ne parlez pas du vote. Et vous considérez 2012 comme une préoccupation « secondaire ». Pourquoi ?
Pour moi, ces primaires au PS, c’est une énergie politique qui se perd. Je ne comprends pas la notion de primaire pour ce parti. C’est une idée importée des Etats-Unis, qui se comprend là-bas, mais qui n’a pas beaucoup de sens ici.
Mais ne peut-on pas aussi faire pression sur les grands partis à la veille d’une élection importante ? C’est ce qu’a fait Nicolas Hulot en 2007, par exemple…
Je me méfie des ambitions personnelles qui peuvent naître. Au sein des organisations comme Attac, on l’a déjà vu. Mais infléchir les programmes, ça oui, c’est notre vocation. C’est plus facile avec des célébrités comme Hulot… Nous organisons des réunions, en province notamment, dans lesquelles des partis de gauche sont présents.
Pour un pouvoir politique, quelle serait la première décision à prendre ?
Prendre le contrôle des marchés financiers, des banques. Ça crève les yeux. Ils font la pluie et le beau temps : il faut les mettre sous tutelle.
Est-ce réaliste de commencer dans un seul pays ?
[Silence] Question difficile. Je ne l’ai pas creusée, à ma grande honte.
Je laisserais les banques échanger des devises, mais elles seraient taxées sur les transactions. J’interdirais l’accès à la plus grande partie des dérivés, ce marécage. Certains dérivés servent d’assurance, très bien. Mais je suis très hostile aux dérivés « nus », qui permettent de s’assurer pour quelque chose qu’on ne possède pas. C’est un peu comme si je prenais une police d’assurance-incendie sur votre maison. J’aurais alors intérêt à la brûler…
C’est un peu ce qu’a fait Goldman Sachs…
Et d’autres ! Ce marché est colossal. C’est 600 000 milliards par an. L’investissement va dans les produits financiers sans passer par l’économie réelle. Il faut instaurer une loi Glass-Steagall [adoptée aux Etats-Unis après la crise de 1929, ndlr] pour les banques, pour séparer les activités de crédit et d’investissement.
Dans un pays, on peut aussi dire aux banques : « Vous allez prêter en priorité aux PME-PMI, surtout celles qui ont un projet écologique ou social. » C’est un contrôle du crédit, dans le sens où il y aurait des bénéficiaires prioritaires ; mais on ne va pas nationaliser toute l’économie.
Pourquoi encadrer le crédit de façon rigide ? On peut aussi imaginer des bonifications de crédit pour les PME.
Pourquoi pas, il faut étudier les meilleures suggestions, je ne suis pas économiste.
Y a-t-il des solutions internationales ?
Pour les paradis fiscaux, oui. Si on peut interdire à la Société Générale d’y avoir recours dans un seul pays, est-ce qu’en droit, on peut l’obliger à fermer sa succursale de Jersey ? Je ne suis pas sûre.
Je me suis demandé s’il était possible d’interdire aux agences de notation de noter les Etats. Mais aux Etats-Unis, la Cour suprême a estimé que le premier amendement les protégeait, au nom de la liberté d’expression.
Le G20 est-il un espace qui pourrait servir à quelque chose ?
Le G20 est illégitime. Il ne représente que les grands joueurs du système. Où est le G172 ?
Et l’Europe ?
Imposer une solution néolibérale d’une telle ampleur à la Grèce est une faillite politique et morale de l’Europe. On punit le peuple. C’est un sujet d’indignation.
Certains proposent aujourd’hui d’abandonner l’euro.
Il faut garder l’euro mais en le changeant. Je ne prendrai jamais la responsabilité de dire « sortons de l’euro », ce serait une catastrophe. Je crois qu’il faut plus de solidarité. Aujourd’hui, c’est classe contre classe, pas pays contre pays.
Emmanuel Todd défend la solution protectionniste…
Bien sûr qu’il faut du protectionnisme mais au niveau européen, pas au niveau français. Cette doctrine, le libre-échange, a été lancée à une époque où le marché, le territoire, le droit et le capital avaient les mêmes limites. Mais plaquez ce système dans un monde où le capital va à sa propre vitesse et où le droit est inexistant et vous mettez tous les travailleurs en concurrence. Je suis favorable à un protectionnisme raisonné.
Vous vous déclarez hostile aux milliardaires philanthropes….
Ce que fait Bill Gates contre le sida, c’est sans doute très bien, mais sa révolution verte [un programme controversé d'aide aux agriculteurs africains, ndlr] risque d’être une catastrophe en Afrique. Un milliardaire n’a pas à décider ce qu’il y a de mieux pour les peuples.
Si un milliardaire veut faire don de sa fortune, ça doit se faire en concertation avec des spécialistes locaux.
Ces milliardaires – Bill Gates, George Soros, ou Warren Buffet – peuvent-ils avoir un rôle utile dans la société ?
J’ai demandé à un ami américain qui a un pied dans ces milieux-là si lui ou quelqu’un d’autre pouvait enfin dire à Bill Gates que sa révolution verte serait une catastrophe. Il m’a répondu : « Nobody can say anything to Bill Gates » [« Personne ne peut dire quoi que ce soit à Bill Gates », ndlr].
Warren Buffet est un cas à part, il représente la vieille tradition. Dans ma ville, je me souviens que dès 10-12 ans, on devait faire des choses pour la communauté quand on était un privilégié. Aujourd’hui, l’exacerbation de l’intérêt individuel grandit.
J’ai parlé des Lumières justement parce que cet esprit-là se perd. Au sujet de l’importance de la cohésion sociale, le livre de Richard Wilkinson et Kate Pickett montre justement à quel point l’inégalité est mauvaise pour la société, à quelle point elle coûte cher. Les banlieues, les SDF, les gamins qui ne savent pas compter et écrire, ça coûte cher à la société. Il faut s’attaquer aux causes.
Vous proposez un curieux ordre des « chevaliers de l’environnement ».
C’est de la fantaisie. Il y a longtemps que je me demande comment mobiliser les riches pour quelque chose d’utile. Par exemple, on pourrait les encourager à être plus verts que leur voisin, plutôt qu’à se concurrencer sur le montant de leur fortune. Un ordre très fermé, très prestigieux récompenserait le plus vert. Une sorte de Nobel.
J’ai demandé à quelqu’un en Angleterre qui connaît le prince Charles si on pouvait réunir les têtes couronnées, ou leurs enfants, pour se réunir et remettre un prix de ce type-là dans le domaine écologique. Il m’a tout à fait découragée en me répondant que ces gens avaient des calendriers infernaux. C’était une idée comme ça.
Fitzgerald disait : « Les riches ne sont pas comme toi et moi » ; si on ne peut pas les prendre du côté de l’honneur et de la reconnaissance, que pouvons-nous leur donner d’autre ?
Avez-vous l’impression que votre pensée change ?
Je change de sujet mais je travaille toujours sur la même chose, le pouvoir. Ce qui m’a intéressée, au départ, c’est l’expression du pouvoir dans le Nord et ses relations avec le Sud.
J’ai changé de secteur après dix ans sur l’agriculture pour me tourner vers la dette. De fil en aiguille, après les effets du néolibéralisme, j’ai élargi mon centre d’intérêt, jusqu’à travailler sur les causes de cette doctrine complètement folle. C’est une religion, ou plutôt une secte : c’est la scientologie.
Je n’ai pas l’impression de radoter. Parfois, comme les autres, je désespère. Mais il faut agir contre ce sentiment.
Dans votre livre, vous écrivez ne pas croire à la révolution. Vous y avez cru ?
[Silence] Je ne sais pas si j’y ai cru. Autour de moi, on y a cru. En tout cas, j’ai toujours été non-violente. A Gênes et ailleurs, je trouvais que pour les mouvements altermondialistes, il était stratégiquement stupide de se confronter avec l’Etat là où il est le plus fort [lors du sommet de 2001, Carlo Giuliani, un manifestant, avait été tué, ndlr].
Peut-être que la révolution a encore du sens dans les pays où la démocratie n’existe pas. En Tunisie, s’ils arrivent à faire autre chose qu’une révolte, je dis bravo. (Rue89-17.01.2011.)
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Les banques centrales malmenées sur les Bourses européennes
Plombées par une menace de dégradation de leurs notes et les déclarations de la Banque centrale européenne sur la Grèce, les valeurs des banques européennes ont enregistré une forte baisse ce vendredi.
Un véritable effet domino a eu lieu sur les places européennes ce vendredi. Tout d’abord, ce sont les cours des banques italiennes, qui ont brutalement chuté en Bourse peu après l’ouverture de séance. Le titre de la banque Intensa Sanpaolo a ainsi débuté la journée en baisse de -8%,avant de se ressaisir légèrement pour finir en repli de 4,26% à 1,70 euro à la Bourse de Milan. Une autre banque italienne, UniCredit, a été suspendue de cotation à cause d’une trop forte volatilité de son titre, avant de reprendre, et de clôturer en repli de 5,54% à 1,363 euro.
Selon les traders, la baisse spectaculaire des valeurs bancaires italiennes est liée à la publication hier d’une note de dette de Moody’s. L’agence de notation a en effet menacé d’abaisser la note de 16 banques italiennes et de deux institutions financières nationales dans les prochaines semaines. Une décision, qui fait suite à l’avertissement sur la note souveraine Aa2 de l’Italie, que Moody’s envisage éventuellement d’abaisser. L’agence considère que l’économie italienne est mal préparée à un relèvement de taux d’intérêt de 1,5% par la Banque centrale européenne (BCE).
Les banques espagnoles également sous pression
Un scénario semblable s’est produit à la Bourse de Madrid, où les banques Santander et BBVA cèdent en clôture 1,42% et 1,07% respectivement. Cette baisse, outre l’influence de l’Italie, est amputable aux commentaires peu optimistes d’un membre du directoire de la BCE, José Manuel Gonzalez-Paramo. Selon ce dernier, les difficultés liées à la dette continuent d’entraver le rebond de croissance des principales économies de l’Union européenne. «En dépit des signes de reprise, la crise perdure et nous ne sommes pas prêts d’en voir la fin», a-t-il déclaré lors d’un discours à l’université de Malaga, ajoutant que la zone euro se trouve dans l’épicentre de la crise financière mondiale.
Dans le souci d’épargner au contribuable la totalité du coût d’un nouveau renflouement de la Grèce, le gouvernement espagnol a demandé aux banques et aux caisses d’épargne du pays de maintenir leur détention de dette souveraine grecque sur les cinq prochaines années. Par ailleurs, le deuxième plan d’aide à la Grèce devrait atteindre 110 milliards d’euros à l’échelle européenne, avec le secteur privé contribuant à 25% de ce montant, selon certaines sources. Cette pression sur les banques espagnoles dans un contexte financier incertain, aurait également contribué à la chute des titres des banques à Madrid. «On a eu un petit coup de panique sur les marchés avec les déclarations des uns et des autres sur la Grèce», résume un trader parisien dans un entretien avec Reuters.
Les banques françaises et britanniques touchées
La crise de la dette de la zone euro et des incertitudes concernant le financement du plan d’aide à la Grèce font chuter les titres des banques de plusieurs places européennes. Dans le sillage des banques italiennes et espagnoles, Natixis clôture en baisse de -3,67% à la Bourse de Paris, où elle se clesse lanterne rouge du Cac 40. Les autres établissements financiers cotés à Paris, Axa (-2,45%), BNP Paribas (-2,13%), Crédit Agricole (-2,04%), et Société Générale (-1,78%), finissent également en bas du palmarès.
La même secousse sur le secteur financier a eu lieu à la City, à Londres, mais dans une moindre mesure. Standard Chartered a cédé -0,95%, et le titre de Barclays a chuté de -1,9% à clôture de la Bourse de Londres. HSBC parvient même à finir la séance dans le vert, gagnant +0,3%. Malgré les inquiétudes du Comité de politique financière sur la crise de la dette, la Fédération bancaire britannique indique que les grandes banques emploient déjà leurs bénéfices pour renforcer leurs fonds propres. Mais certains analystes craignent maintenant que leur capacité à prêter aux ménages et aux entreprises en pâtisse.
Dernière mauvaise nouvelle pour le secteur bancaire ce vendredi: l’agence Moody’s a abaissé la note affectée à la dette de deux banques du pays, Anglo Irish Bank et Irish Nationwide Building Society de Caa1 à Caa2. Cette décision a été prise en réaction aux propos du gouvernement irlandais, qui indiquait la semaine dernière vouloir supporter les pertes de ces banques par leurs créanciers obligataires. Ces deux banques irlandaises ne sont pas cotées en Bourse. (Le Figaro-24.06.2011.)
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