*Ces multinationales européennes qui pillent les ressources du Sud
* les pays riches consomment dix fois plus de ressources par habitant que les pays pauvres.(eau, produits agricoles, minerais, pétrole, bois…etc…).
pour nourrir cette frénésie de consommation, certains pays n’hésitent pas à s’accaparer et surexploiter les ressources naturelles des pays du Sud, entraînant dégradations de l’environnement et violations des droits humains. Et parce que les multinationales, qui exploitent et utilisent ces ressources, ne sont pas tenues légalement responsables des conséquences de leurs activités sur les personnes et l’environnement à travers le monde… En Europe, associations de solidarité internationale et écologistes, syndicats et chercheurs, lancent la campagne « Une seule planète » pour une gestion durable des ressources…
“Toutes les cinq secondes, c’est l’équivalent du poids d’une Tour Eiffel de ressources naturelles qui est prélevé des écosystèmes et des mines.”
C’est à partir de ce constat alarmant que des associations écologistes et de solidarité internationale, des syndicats et des chercheurs, coordonnés par le Centre de recherche et d’information pour le développement (Crid), lancent, ce samedi, la campagne “Une seule planète” pour une gestion durable et équitable des ressources naturelles.
Car les pays riches ne se contentent pas de consommer dix fois plus de ressources par habitant que les pays pauvres. Cette consommation, d’eau, de minerais, de pétrole ou de produits agricoles, se fait aussi au prix de dégradations environnementales et de violations des droits humains, générées par les multinationales qui (sur)exploitent ces ressources. Des entreprises qui ne sont jamais tenues légalement responsables des conséquences de leurs activités, en raison de leur poids économique et politique et de l’attentisme des gouvernements et des populations. Sylvain Angerand, chargé de campagne forêts et ressources naturelles aux Amis de la Terre, livre cinq exemples de “scandales environnementaux et sociaux”.
- Eramet en Indonésie
Ce groupe minier français prépare l’exploitation du gisement de nickel de Weda Bay, au cœur de l’île d’Halmahera. Ce gisement est situé sous une forêt primaire théoriquement protégée mais qui a été déclassée en 2004 sous la pression des industriels. L’enjeu économique est en effet de taille puisqu’il représente potentiellement le deuxième gisement au monde, avec 4 millions de tonnes de nickel potentiellement exploitables. Cette exploitation menace l’équilibre environnemental de l’île et le mode de vie des communautés autochtones et des populations locales.
>> Pour en savoir plus : le rapport des Amis de la Terre France et la présentation du projet de Weda Bay par Eramet.
- Michelin au Nigeria
Pour fabriquer le caoutchouc nécessaire aux pneus, l’entreprise française exploite des plantations d’hévéas, via une filiale, la société internationale de plantations d’hévéas. Au Nigeria, cette culture, d’une superficie d’environ 3 000 ha, s’est traduite par la destruction de forêts primaires dans l’état d’Edo, au sud du pays, et la dépossession de leurs terrains des populations locales. Or, 20 000 personnes vivent dans cette zone, dont 80 % sont dépendantes de la forêt pour subvenir à leurs besoins.
>> Pour en savoir plus : le rapport des Amis de la Terre Indonésie, l’article de Terra Eco sur la fabrication du pneu (payant) et les engagements de Michelin en faveur de l’environnement.
- Tereos au Mozambique
Cette coopérative sucrière cultive près de 100 000 ha, dont 15 000 de canne à sucre, au Mozambique, qui viennent s’ajouter aux productions en provenance de sa filiale au Brésil. Comme tous les agrocarburants, ces plantations génèrent des conflits en occupant des surfaces agricoles utilisées par les populations locales pour se nourrir, dans un pays où la faim reste un défi majeur. Elles entraînent par ailleurs des phénomènes de déforestation en déplaçant les paysans sans terre vers des zones forestières qu’ils vont défricher.
>> Pour en savoir plus : la campagne d’Oxfam “Privés de terre, privés d’avenir”, la chronique de l’économiste Jacques Berthelot et le communiqué des Amis de la Terre sur l’accord signé entre l’Union européenne, le Brésil et le Mozambique en matière d’agrocarburants.
- GDF-Suez au Brésil
L’entreprise est impliquée dans le financement de deux mega-barrages, San Antônio et Jirau, sur la rivière Madeira en Amazonie brésilienne. Ces projets vont déplacer des milliers d’autochtones et détruire les forêts où vivent plusieurs peuples d’Indiens. La venue d’industriels dans ces zones retranchées peut aussi entraîner la propagation de maladies, comme la grippe ou la rougeole, contre lesquelles les Indiens sont peu immunisés.
>> Pour en savoir plus : le rapport de Survival France, la chronique de l’écrivain Jean-Marie Le Clézio et du directeur de Survival Jean-Patrick Razon dans Le Monde et la réponse de GDF-Suez dans les colonnes de Libération.
- Total au Venezuela
Le pétrolier français exploite, dans des mines à ciel ouvert ou des gisements souterrains, au Venezuela, à Madagascar et au Canada, des huiles extra-lourdes et des sables bitumineux, c’est-à-dire des résidus de pétrole qui ont migré dans les roches superficielles et qui prennent la forme d’un bitume très visqueux et lourd. Leur exploitation, très coûteuse, a été lancée depuis quelques années en raison de l’augmentation des cours du pétrole. Total s’est donné pour objectif de produire, à l’horizon 2020, 200 000 barils de ce pétrole par jour, soit 9 % de sa production actuelle. Or, l’extraction de ces hydrocarbures, qui contiennent des métaux lourds comme de l’uranium, du nickel ou du cadmium, entraîne des pollutions des sols, de l’air et des nappes phréatique, détruit des forêts et requiert des ressources considérables en électricité, eau, carburant. Au total, de son extraction à sa consommation, ce pétrole émet cinq fois plus de gaz à effet de serre que le pétrole conventionnel.
>> Pour en savoir plus : le rapport de Greenpeace, la campagne “Total aggrave son cas” des Amis de la Terre et la présentation du projet d’exploitation par Total.
“Aujourd’hui, toutes les ressources facilement exploitables ont déjà été exploitées, conclut Sylvain Angerand. En repoussant toujours nos limites, nous nous rendons dans des zones fragiles, où nous exacerbons les conflits et tensions politiques et où nous provoquons des désastres écologiques et sociaux.”
Au-delà de la simple pression sur les multinationales pour limiter cette surexploitation des ressources du Sud, l’action réside aussi à notre niveau. Elle se résume finalement en une idée, que nous connaissons tous même si nous nous refusons souvent à l’appliquer : réduire notre consommation. Les solutions sont nombreuses pour y parvenir : renforcer les transports publics, relocaliser l’économie, augmenter la durée de vie des produits encore proposer davantage de services. “La réorganisation de la société sera longue à mettre en place. Par contre, des mesures politiques, notamment au niveau européen, peuvent être d’ores et déjà prises pour agir dans le sens d’une moindre consommation et pour mettre fin à cette schizophrénie des gouvernements entre objectifs économiques et environnementaux”, ajoute-t-il. (Le Monde-20.10.2010.)
**Prix Pinocchio :
Les Amis de la Terre décernent les bonnets d’âne du développement durable
Elles communiquent en faveur du développement durable sans se soucier des conséquences environnementales et sociétales néfastes de leurs activités. C’est pour cette raison que les entreprises Somdiaa, Eramet et Crédit agricole se sont vues décerner les prix Pinocchio du développement durable 2010 par l’ONG Les Amis de la Terre, mardi 9 novembre, à l’issue d’un vote de près de 6 000 internautes Le groupe Somdiaa, filiale de l’entreprise d’agroalimentaire Vilgrain, est lauréat de la catégorie droits humains, pour les impacts de ses activités de production et de transformation de canne à sucre, dont l’extension se fait aux dépens des communautés rurales, qui voient leur sécurité alimentaire menacée.Le prix environnement, lui, dénonce la multinationale française Eramet pour le projet de développement de la mine de nickel de Weda Bay, en Indonésie. « Ce cas illustre le double discours du groupe qui, loin de l’image d’entreprise citoyenne qu’elle souhaite promouvoir, vient d’obtenir une caution de la Banque mondiale pour un projet extractif à grande échelle dans les fragiles écosystèmes forestiers de l’île d’Halmahera », précise Aloys Ligault, chargé de campagne pour la responsabilité sociale et environnementale aux Amis de la Terre. Ce gisement est en effet situé sous une forêt primaire théoriquement protégée mais qui a été déclassée en 2004 sous la pression des industriels.INSUFFISANCE DES CONTRAINTESEnfin, le Crédit agricole est pointé du doigt pour « greenwashing », c’est-à-dire pour écoblanchiment, lié à l’usage abusif d’arguments environnementaux dans la publicité et le marketing. « Dans sa campagne de communication ‘It’s Time for Green Banking‘, la banque affirme avoir adopté un positionnement en faveur d’une croissance durable, alors qu’elle continue à investir massivement dans les énergies fossiles », explique Aloys Ligault. En août dernier, elle investissait en effet dans la centrale à charbon de Medupi en Afrique du Sud, un projet polluant et décrié par la société civile internationale.
« Au final, il s’agit avant tout d’informer et dénoncer les activités de certaines multinationales, que les gouvernements ne parviennent pas à contraindre. De combien de BP aurons-nous besoin pour que les pouvoirs publics prennent enfin leurs responsabilités ? », conclut Aloys Ligault. Ces antirécompenses font parfois changer les choses : le Crédit agricole, déjà nominé l’an dernier, avait revendu des actions de l’entreprise Dongfeng, fournisseur des militaires birmans. (Le Monde-09.11.2010.)
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*Une entreprise qui viole les droits de l’homme ne devrait pas avoir accès aux financements publics
L’intégralité du débat avec Nathalie Péré-Marzano, déléguée générale du CRID (Centre de recherche et d’information pour le développement) et Antonio Manganella, chargé de mission plaidoyer sur la responsabilité sociale des entreprises pour le CCFD-Terre Solidaire, mercredi 20 octobre 2010 – Des associations de solidarité internationale, des associations écologistes, des syndicats et des chercheurs ont lancé mardi une campagne européenne pour une « gestion durable et équitable des ressources naturelles » qui interpelle les citoyens sur les conséquences sociales et environnementales de l’exploitation des ressources naturelles des pays du Sud par les multinationales européennes. Au nom du réseau « une seule planète », Nathalie Péré-Marzano du Centre de recherche et d’informations sur le développement (CRID) et Antonio Manganella, chargé de mission plaidoyer sur la responsabilité sociale des entreprises pour le CCFD-Terre Solidaire, ont répondu aux questions des internautes du Monde.
Toto : Quelles sont les ressources qui sont concernées ? Nathalie Péré-Marzano et Antonio Manganella : Les ressources dont il est question sont à la fois des ressources naturelles, renouvelables et non renouvelables. Dans le cadre du réseau Une seule planète, il s’agit des ressources extractives (minières, énergétiques), des ressources halieutiques, de l’eau, de la terre. La raison pour laquelle nous nous intéressons à ces ressources en particulier, c’est que leur exploitation est basée sur un modèle qui est source de violations de droits humains et de dommages environnementaux parfois irréversibles. D’autre part, il y a un problème de surexploitation de ces ressources naturelles lié à nos modes de vie et à notre surconsommation. Au-delà de la question de la finitude de certaines de ces ressources, nous souhaitons faire prendre conscience que nos modes de vie, au Nord, ont un impact sur la vie des populations du Sud, où sont présentes la quasi-totalité des ressources naturelles.
Presque tous les pays sont concernés. Il est évident que la plus grosse concentration se retrouve en Asie, en Afrique et en Amérique latine.
Darien : Quelles sont les conditions des concessions accordées par les pays du Sud pour l’exploitation de leurs ressources par des entreprises étrangères ?
Nathalie Péré-Marzano et Antonio Manganella : Ces conditions varient d’un pays à l’autre. Dans certains cas, des entreprises multinationales peuvent tirer bénéfice de la faiblesse institutionnelle des pays dans lesquels elles s’installent. Un point commun, malheureusement, semble être la non prise en compte des besoins des populations locales et la non anticipation des impacts des activités sur la vie de ces populations locales. Il reviendrait normalement aux multinationales de prendre toutes les mesures préventives nécessaires et c’est souvent prévu dans les législations nationales et internationales. Mais il n’y a aucun contrôle du résultat de ces études d’impact. L’Inde, par exemple, met aujourd’hui en place des zones économiques spéciales (des espèces de zones franches modernes) pour inciter des entreprises internationales à s’y installer et à y investir. Ces zones bénéficient d’exonérations fiscales importantes, mais aussi d’un faible contrôle sur les conditions de travail des employés
Abel : Est-ce que vous avez des exemples concrets de conséquences néfastes ?
Nathalie Péré-Marzano et Antonio Manganella : Il y a par exemple le fameux projet de barrage au Brésil sur le Rio Madeira, qui est un projet pharaonique de construction du deuxième plus gros barrage au monde, qui va être essentiellement porté par GDF Suez. Ce projet va entraîner le déplacement forcé de plus de 3 000 personnes, essentiellement des communautés indigènes vivant en Amazonie, pour lesquelles rien n’est prévu aujourd’hui.
On peut aussi parler d’Arcelor Mittal, qui a à Johannesburg une de ses plus grosses usines. Des plaintes ont été portées sur le non respect des droits humains et environnementaux liés aux activités de cette usine, violations qui ont été reconnues par l’Etat. Il s’agit notamment de dégâts sur les nappes phréatiques de la région. Des ONG et syndicats de la région se sont mobilisés pour dénoncer cette situation. A ce jour, Arcelor s’est engagé à dépolluer et à adopter un plan de gestion environnementale, mais personne ne connaît les dispositions qui ont été prises. Il y a une opacité totale, et il n’y a aucun dédommagement des victimes de ces violations.
Autre exemple : l’entreprise Eramet, dont Areva détient 26 % du capital, s’apprête à exploiter un gisement de nickel sur l’île de Weda Bay, en Indonésie. Cette exploitation va générer une destruction des forêts primaires dans lesquelles se trouve le gisement, une expropriation des populations locales et autochtones qui vivent dans et par ces forêts.
Michel Delanoë : Quelles sont les conséquences sociales environnementales et économiques de l’exploitation du soja en Amérique latine (Uruguay, Paraguay…)?
Nathalie Péré-Marzano et Antonio Manganella : Les conséquences de l’extension de la monoculture du soja en Amérique latine sont en plusieurs points dramatiques : expropriations de petits paysans de leurs terres, avec parfois recours à la force pour parvenir à ses fins et assassinats ; dégradation irréversible des sols que provoque cette culture, et surexploitation des sources d’eau, dont le soja a énormément besoin dans ce modèle d’exploitation ; privation de terres et donc à la fois de capacité pour une famille de se nourrir, mais aussi de vivre de sa production, avec toutes les migrations vers les villes que cela provoque, et le plus souvent, dans les zones périurbaines les plus pauvres des agglomérations.
Speed: Les multinationales doivent tout de même payer pour avoir ces concessions. Où va l’argent ? Est-il détourné aussi vite qu’il est arrivé dans les caisses des Etats ?
Nathalie Péré-Marzano et Antonio Manganella : C’est une question complexe. Il y a aussi beaucoup d’opacité sur les conditions de négociation entre l’Etat et les multinationales. C’est pour cette raison que nous demandons un « reporting » extra-financier obligatoire pour toutes les entreprises exerçant des activités à l’étranger. Il s’agit pour l’entreprise de communiquer publiquement sur les données concernant les droits de l’homme, l’environnement, la relation avec les parties prenantes (et donc aussi les populations locales).
Wraude : Dans quel sens peut-on agir auprès des multinationales ? Car si elles sont implantées de cette façon, c’est qu’elles y ont un intérêt, sûrement non négligeable. Elles ne devraient donc pas partir, mais peut-être plutôt changer leur façon d’agir, et y seraient-elles vraiment prêtes ?
Nathalie Péré-Marzano et Antonio Manganella : Déjà, il faut que les régulateurs internationaux s’occupent de combler l’absence de cadre juridique contraignant et applicable à toutes les entreprises. Plusieurs campagnes sont menées, on peut donc les soutenir (la campagne « Une seule planète » propose la signature d’une pétition sur ce sujet, en lien avec un réseau européen qui travaille sur les questions de régulation des entreprises. Peuples solidaires/Action Aid France fait régulièrement des appels urgents adressés aux décideurs concernés, que tout citoyen peut signer, pour dénoncer les mauvaises conditions de travail et les atteintes aux droits des salariés).
Il faut un cadre juridique pour créer du droit, et des sanctions si ce droit n’est pas respecté. Aujourd’hui, les entreprises ne s’engagent dans des démarches de transparence sur leurs impacts sociaux et environnementaux que sur une base volontaire. Chacune produit l’information qu’elle veut. Une autre façon d’agir, c’est de faciliter l’accès des victimes des multinationales aux cours européennes de justice afin d’obtenir réparation et d’avoir un effet dissuasif sur les multinationales. Il faut aussi demander que soit reconnu le lien juridique entre une société mère et ses filiales, car aujourd’hui, une filiale opère en toute impunité sans que la société mère puisse être considérée comme responsable même si elle détient 100 % des parts de la filiale.
Wraude : Mais ces régulateurs peuvent ils avoir une réelle influence sur les multinationales superpuissantes ? Quelles sanctions pourraient vraiment être efficaces ?
Nathalie Péré-Marzano et Antonio Manganella : On peut commencer par des sanctions financières : une entreprise qui viole de manière avérée les droits de l’homme ou l’environnement peut-elle avoir accès à des financements publics nationaux, européens ou internationaux ? Par exemple, aujourd’hui, un grand travail a été fait pour sensibiliser la Banque européenne d’investissement pour qu’elle insère des critères sociaux et environnementaux dans les prêts qu’elle décide d’accorder à des entreprises multinationales. La même chose devrait être faite au niveau de la Banque mondiale et des autres bailleurs internationaux, mais aussi des agences de crédit à l’exportation des pays, comme la Coface en France.
ASL : Le boycott des produits de ces multinationales est-il envisageable ? Serait-il bénéfique ou ne pénaliserait-il pas, in fine, les pays émergents ?
Nous proposons plutôt deux pistes de réflexion, au niveau du réseau Une seule planète. La première, c’est de réfléchir à notre surconsommation, de comprendre comment des produits de consommation courante comme le téléphone portable, l’ordinateur portable, la voiture, engendrent la perpétuation d’un modèle d’exploitation des ressources naturelles insoutenable, et donc de s’engager dans des changements de mode de vie.
La deuxième piste s’appuie sur le concept d’espace écologique, concept que l’on peut traduire dans son environnement proche, dans sa ville, à une échelle locale ou régionale. Il s’agit de définir un seuil maximum de consommation au-delà duquel on sait qu’on empiète sur les droits fondamentaux d’autres populations et on contribue à la dégradation de l’environnement ; et un seuil minimum en dessous duquel on sait que des populations ne peuvent pas satisfaire leurs besoins fondamentaux.
L’idée est de voir dans quel espace écologique on se situe, et comment on peut aller sur un espace qui a ce seuil maximum et ce seuil minimum, avec quelles politiques publiques on peut arriver à cet espace écologique vivable pour tous. C’est un outil qui peut aider à une évolution des populations publiques, de l’échelon local à l’échelon national. Là, nous parlons d’entreprises qui exploitent des ressources naturelles, donc leurs produits ne sont pas immédiatement accessibles aux consommateurs, ils sont transformés, en téléphones portables, en voitures… Donc le boycott, dans ce cas-là, ne nous semble pas efficace.
ASL : Y a-t-il des cas où les populations locales parviennent à empêcher ce type de projets ? Il me semble me souvenir d’un cas en Equateur où le gouvernement a accepté de revenir sur un projet pétrolier sous la pression des populations indiennes…
Nathalie Péré-Marzano et Antonio Manganella : Oui, en effet. Cet exemple de l’Equateur montre qu’il est nécessaire d’avoir une implication des décideurs politiques pour arriver à réguler et responsabiliser les multinationales, car très souvent elles opèrent après accord de ces décideurs politiques. Sur le cas d’Eramet, dont nous parlions, en Indonésie, initialement, la zone où se trouve le gisement était une zone protégée, et c’est le chef du gouvernement de l’époque, Megawati Soekarnoputri, qui a laissé promulguer un décret permettant l’exploitation de ce gisement dans cette zone protégée. Tout récemment, l’entreprise Vedenta a dû renoncer à un projet d’installation dans l’Etat indien d’Orissa en raison de l’opposition de la population locale, mobilisée depuis plusieurs mois. Aujourd’hui, le ministre de l’environnement indien a même voulu créer des tribunaux de l’environnement pour s’assurer du respect des populations locales et de l’environnement dans l’octroi des concessions aux multinationales.
Baskal : Les pouvoirs politiques occidentaux ne sont-ils pas complices dans le soutien qu’ils apportent en faveur du développement des entreprises nationales à l’international ?
Nathalie Péré-Marzano et Antonio Manganella : Si ce n’est un soutien, il y a un laisser-faire qui aujourd’hui ne nous semble plus acceptable, mais qui est lié à un système, celui du tout-marchandisable, qui fait que les entreprises sont d’abord préservées parce que créant de l’activité économique, et non pas sanctionnées par rapport aux dégâts sociaux et environnementaux qu’elles peuvent provoquer. A partir du moment où on limite la notion de développement à celle de la croissance économique et de la mesure du PIB, évidemment, les politiques ne peuvent faire autre chose que de favoriser ce type de développement.
Il y a un deuxième vice à ce système : il est entré dans une phase de recherche de profits à court terme, et en fait, les multinationales, si elles pratiquent le moins-disant social et environnemental, c’est pour réaliser davantage de profits, qu’elles iront placer dans des bulles spéculatives, ce qui augmentera d’autant leurs bénéfices. Au passage, notons que cette spéculation repose sur l’existence de paradis fiscaux et de centres offshore, dont on sait que les multinationales sont les plus grandes consommatrices. Barack Obama a réussi à faire voter une loi régulant les opérations de Wall Street, ce qui prouve que quand il y a une volonté politique, on peut faire des choses qui paraissaient inaccessibles.
A Charbonnier : Vous parlez du cas de multinationales occidentales. Comment peuvent-elles selon vous suivre des standards environnementaux et de développement plus stricts, qui entraînent une augmentation des coûts, tout en faisant face à une concurrence de plus en plus rude des compagnies, chinoises en particulier, dont les standards et les coûts sont beaucoup plus faibles. Je pense à l’Afrique en particulier, mais aussi en Asie du Sud-Est et en Iran.
Nathalie Péré-Marzano et Antonio Manganella : C’est bien pour cela que l’idée est de requestionner ce qu’on appelle le développement fondé uniquement sur la croissance économique. Les Chinois, les Brésiliens, les Indiens, qu’on pointe du doigt aujourd’hui parce qu’ils auraient l’indécence de se développer, appliquent un modèle imposé par les pays riches depuis des décennies. La Chine aujourd’hui s’est engagée, en votant une norme internationale, ISO 26000, sur la responsabilité sociétale des entreprises, ce qui n’a pas été voté par exemple par les Etats-Unis. Nous plaidons aussi pour que l’Union européenne mette en place des règles sur la responsabilité sociétale des entreprises, applicables à toutes les entreprises opérant dans son espace, y compris celles qui sont hors Union européenne.
Mathieu : La solution pour un problème mondial ne serait-elle pas un organisme supra étatique qui pourrait « condamner » les multinationales qui ne respecteraient pas certaines règles d’éthique et environnementales ?
Nathalie Péré-Marzano et Antonio Manganella : La communauté internationale s’est donné il y a longtemps une forme d’organisme supra national, l’ONU, qui a déjà beaucoup de commissions, entités rattachées, comme notamment la Commission économique et sociale, la Commission des droits de l’homme. Il nous semble qu’il y a urgence à repenser l’architecture onusienne plutôt, peut-être, que d’empiler une nouvelle entité supra nationale. Et la régulation à l’échelle régionale (Union européenne, Union africaine, etc.) doit aussi être opérée de façon complémentaire. L’effet d’entraînement et d’exemplarité d’une région est une réalité. L’Union européenne a longtemps été, de ce point de vue, un modèle socio-économique envié par d’autres régions. A l’échelle mondiale, aujourd’hui, les Nations unies travaillent pour aboutir à un cadre pouvant réguler les activités des entreprises multinationales. C’est ce qu’on appelle le processus Ruggie, dont les négociations s’achèveront début 2011. (Le Monde-19.10.2010.)
Plus d’informations sur le site de la campagne des ONG européennes pour « une gestion durable et équitable des ressources naturelles » : www.uneseuleplanete.org
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**Top 5 de la honte
Survival International marque la journée de la Conquête de l’Amérique (12 octobre) en faisant figurer au palmarès du ‘Top 5 de la honte’ les cinq multinationales les moins respectueuses des droits des peuples indigènes.
Les Indiens isolés du Pérou ont bien fait comprendre qu’ils veulent qu’on les laisse tranquilles.
Elles sont :
- GDF Suez. En partie détenue par l’Etat français, le géant énergétique GDF Suez est impliqué dans la construction du barrage de Jirau qui deviendra le plus grand ouvrage hydroélectrique du Brésil. La compagnie poursuit la construction du barrage en dépit des mises en garde des ONG dont Survival contre les dangers que représente le chantier pour les Indiens isolés qui vivent dans la région.
- Perenco/Repsol. La compagnie franco-britannique Perenco et le géant pétrolier hispano-argentin Repsol-YPF exploitent le territoire d’Indiens isolés au nord du Pérou. Parmi les recommandations de Perenco à ses ouvriers en cas d’attaque figure : ‘Effrayez-les, repoussez-les, ou dites-leur de rentrer chez eux’.
- Samling. Cette compagnie d’exploitation forestière malaisienne détruit les forêts des chasseurs-cueilleurs penan au Sarawak, dans la partie malaisienne de l’île de Bornéo. De nombreux Penan ont été arrêtés et emprisonnés pour avoir érigé des barricades contre la compagnie. James Ho, chef d’exploitation de Samling a déclaré : ‘Les Penan n’ont aucun droit sur ces forêts’.
- Wilderness Safaris. Ce tour-opérateur a récemment ouvert un lodge touristique de luxe dans la Réserve du Kalahari central au Botswana. Le lodge met à disposition des touristes une piscine et un bar alors que les Bushmen sont privés d’eau et interdits de chasse sur leur propre terre par le gouvernement. Andy Payne, directeur de Wilderness Safaris, a répondu à nos critiques en proférant : ‘Nous offrirons un verre d’eau à tout Bushman qui le sollicitera’.
- Yaguarete Pora. La compagnie d’élevage brésilienne est résolue à détruire de grandes zones forestières du Chaco paraguayen où vivent des Indiens isolés ayoreo. Les membres déjà contactés de leurs familles revendiquent un titre de propriété depuis 1993. Yaguarete a dû s’acquitter d’une amende infligée par le gouvernement pour avoir dissimulé la présence des Indiens, mais la compagnie a bien l’intention de continuer la destruction de la forêt.
Stephen Corry, directeur de Survival International, a déclaré aujourd’hui : ‘Ces compagnies symbolisent tout ce que le Jour de Christophe Colomb représente – la quête de l’argent et du profit aux dépens de peuples qui veulent simplement vivre en paix sur leur propre terre. 518 ans après la conquête de l’Amérique et la décimation des Indiens qui s’est ensuivie, il est temps que les peuples indigènes soient traités avec plus de respect’.
Note aux rédactions :
La compagnie britannique Vedanta Resources aurait pu figurer sur cette liste si elle avait été établie avant le mois d’août dernier lorsque le gouvernement lui a refusé l’exploitation d’une mine controversée de bauxite sur une terre tribale dans l’Etat d’Orissa en Inde.(Survival-11.10.2010.)
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