*Le système Moubarak
**Hosni Moubarak règne sans partage sur l’Egypte depuis 30 ans. Lefigaro décrypte les rouages d’un régime autoritaire contre lequel la rue se retourne désormais.**
Agé de 83 ans, Hosni Moubarak devrait briguer un sixième mandat en septembre.
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**La fortune des Moubarak avoisinerait les 70 milliards de dollars
Selon des experts cités par le journal britannique The Guardian, la fortune de la famille Moubarak pourrait même atteindre 70 milliards de dollars à la suite de partenariats d’affaires avec des entreprises étrangères.
Le peuple égyptien réclame ostensiblement son départ, mais Hosni Moubarak s’accroche. Alors qu’environ 40% de la population (l’Egypte compte 80 millions d’habitants) vivrait avec moins de trois dollars par jour, le journal britannique The Guardian rapporte ce dimanche que selon des experts du Moyen-Orient la fortune de la famille du président égyptien serait comprise entre 40 et 70 milliards de dollars. Elle serait répartie comme tel : 15 milliards de dollars pour Hosni Moubarak, un milliard pour son épouse Suzanne, huit milliards pour son fils aîné, Alaa et 17 milliards pour son second fils Gamal. Par comparaison, celle du couple Ben Ali est estimée à cinq milliards de dollars, selon le classement du magazine américain Forbes. Et celle de l’homme le plus riche des Etats-Unis, Bill Gates, à 54 milliards.
Selon le journal algérien Al Khabar, une bonne partie de la fortune des Moubarak serait déposée dans des banques ou investie dans de l’immobilier. La famille Moubarak possèderait ainsi, en dehors de l’Égypte, des propriétés aux États-Unis, en Grande-Bretagne (dont les fils et la mère détiennent la nationalité), en France, en Suisse, en Allemagne, en Espagne et à Dubaï. Enfin, ses deux fils, Gamal et Alaa ont créé et pris des participations dans de nombreuses sociétés en Europe et aux États-Unis. A en croire la chaîne de télévision australienne ABC News, le premier aurait commencé son business dans les années 80 en spéculant sur la dette de son pays sur le marché financier international. Avec les bénéfices réalisés, il acquérait des terrains militaires à des prix défiant toute concurrence qu’il revendait à des investisseurs. Le produit était directement versé dans des comptes en banques en Europe.
Régime corrompu
Cet enrichissement fulgurant ne surprend pas les experts. Selon Christopher Davidson, professeur de politique au Moyen-Orient à l’Université de Durham, Moubarak, son épouse et ses deux fils «ont été en mesure d’accumuler ces richesses dans le cadre d’un certain nombre de partenariats d’affaires avec des entreprises et des investisseurs étrangers, à l’époque où il était général dans l’armée et en position de bénéficier de la corruption dans les entreprises». Il ajoute : «Presque tous les projets ont besoin d’un parrain et Moubarak était bien placé pour profiter de toutes les offres proposées. Il y avait beaucoup de corruption dans ce régime et un étouffement des ressources publiques à des fins personnelles».
La plupart des Etats du Golfe exigent des entreprises étrangères de donner à un partenaire local 51% de parts dans de nouvelles start-up. «En Egypte, le chiffre est généralement plus proche de 20% mais cela permet toujours aux politiciens et à leurs proches alliés dans l’armée d’avoir accès à d’énormes profits sans mise de fonds initiale et avec peu de risques», poursuit le professeur de Princeton. C’est pour cette raison que McDonald’s aurait refusé de s’implanter en Tunisie.
Ces pratiques seraient comparables à celles d’autres dirigeants régionaux, à en croire Amaney Jamal, professeur de sciences politiques à l’Université de Princeton.«C’est le modèle appliqué par d’autres dictateurs du Moyen-Orient afin que leur richesse ne soit pas saisie au cours d’un changement de pouvoir. Ces dirigeants prévoient ce cas», affirme-t-il. (Le Figaro-06.02.2011.)
**la crainte d’un retour en force du régime
*quinze heures aux mains de la Sûreté d’État
*Des prisonniers les yeux bandés de scotch
En reportage dans le pays profond, notre envoyé spécial a pris la mesure du retour en force des autorités.
Envoyé spécial du Figaro à Abou Hummus
Des milices de quartier contrôlent des véhiculent, mercredi, au Caire.
Abou Hummus est une pittoresque bourgade qu’entoure un damier vert tendre de champs de blé et de trèfle d’Alexandrie. Dans la rue principale, des vieillards vêtus de djellabas bavardent autour d’une carriole chargée de légumes. Des jeunes sirotent un thé, des piles d’étoffe bon marché s’exposent sur un étal. À quelques pas de là, cependant, la carcasse calcinée du poste de police, un cube de brique rouge aux fenêtres désormais éventrées, évoque la violence des affrontements qui ont récemment ébranlé ces lieux. Posée à l’extrémité ouest du delta du Nil, Abou Hummus fournit la preuve que les troubles actuels, quoi qu’en dise la propagande officielle, ne sont pas le seul fait d’agitateurs professionnels qui se concentreraient au Caire, à Alexandrie ou à Suez. Samedi dernier, selon les témoins rencontrés sur place, des centaines de jeunes venus des villages voisins se sont rassemblés pour crier leur colère, caillasser les locaux du Parti national démocrate de Hosni Moubarak et défier la police. La nouvelle n’a pas fait une ligne dans les journaux.
Si la vie a repris son cours, une vive tension reste palpable à Abou Hummus, où les habitants vivent manifestement rongés par la peur. L’arrivée de visiteurs étrangers munis d’un appareil photo suffit à provoquer un attroupement inquiet, qui vire bientôt à la foire d’empoigne. Quelques gifles partent. Une nuée de gamins hystériques hurle des insultes, tandis qu’une vingtaine d’hommes armés de gourdins se dispute la garde des deux «espions». «D’où venez-vous ?», crient les villageois. Depuis plusieurs jours, la télévision gouvernementale répète en boucle que des agents de l’étranger cherchent à «déstabiliser» l’Égypte. «Il faut comprendre ces gens, s’excusera en souriant le chef de la police locale. Ils vivent dans la peur des pillages.»
« Nous n’en aurons que pour quelques minutes »
C’est dans un café situé à la sortie d’Abou Hummus que Hussein et Ates ont accepté, ce jeudi 3 février, d’évoquer les récents incidents. Depuis leur village voisin d’Al-Garadat, tous deux suivent au jour le jour l’évolution de la situation à Alexandrie et au Caire. «Les avis ici sont partagés entre ceux qui disent attendre le changement et les autres, plus nombreux sans doute, qui vivent dans la crainte d’un retour en force du régime», explique Hussein. Ates, 25 ans, reconnaît avoir été «témoin» de la flambée de violence survenue samedi dernier à Abou Hummus. «La veille, les jeunes du village avaient vu à la télé ce qui s’était passé dans les grandes villes et ils ont voulu faire pareil. Un ami m’a appelé vers 11 heures pour me dire de venir. Sur place, il y avait beaucoup de monde. La police a tiré en l’air mais les gens ont continué d’avancer et des jeunes ont mis le feu au poste pour revendiquer la liberté.»
Cinq jours après les faits, satisfaire cette revendication n’est visiblement pas la priorité de la police et des miliciens de quartier qui, jamais très loin, sont décidés à ramener le calme dans les rues d’Abou Hummus. Soustraits à la vindicte des habitants, les deux visiteurs importuns, un rédacteur et un photographe sont ainsi conduits à travers un dédale de ruelles jusqu’à la modeste masure qui abrite désormais les services de sécurité. Contrôle des passeports, examen des appareils photo. «Ne vous inquiétez pas, glisse le chef des policiers avant de proposer un thé à ses hôtes. Nous n’en aurons que pour quelques minutes.» Mohammed Sadwy Dief, un «avocat» curieusement invité à participer à l’interrogatoire, rassure : «Les gens croient que vous êtes venus pour semer le désordre. Mais ici, vous savez, c’est la campagne. Il ne se passe rien…»
Débute alors pour les envoyés spéciaux du Figaro, comme ce fut le cas ces derniers jours pour de nombreux journalistes présents dans le pays, une étrange visite au cœur de l’appareil d’État égyptien. Du commissariat local, ils sont transférés dans une caserne de la Sûreté d’État, dans la ville voisine de Damanhur puis, après trois heures d’attente inexpliquée, au gouvernorat. La partie semble alors se corser. «Qui avez-vous rencontré à Abou Hummus ?», interroge un gradé. Un autre confisque un téléphone des journalistes et entreprend d’en explorer la mémoire. «Il y a des phrases surlignées», jubile un troisième en épluchant un carnet de notes. Les militaires, s’ils demeurent très corrects et proposent à leurs «invités» de partager leur ration, ne font désormais preuve d’aucune amabilité.
Dans le bureau du général qui dirige l’interrogatoire, où trône en majesté un portrait de Hosni Moubarak, le téléphone n’en finit plus de sonner. «Ce sont des Français, leur chauffeur prétend qu’ils ont rencontré un dénommé Ahmed», marmonne un aide de camp. À la télévision, sous le regard impassible des officiers, le vice-président, Omar Souleiman, dénonce un «complot» mais promet que les citoyens qui n’ont pas été impliqués dans les violences ne seront pas poursuivis.
Des prisonniers les yeux bandés de scotch
23 heures. Sans explication, les journalistes sont embarqués séparément à bord de deux Jeep qui filent à vive allure en direction d’Alexandrie. Sur la droite, quelques maisons d’Abou Hummus sont encore éclairées. Aux innombrables barrages qui apparaissent dès les faubourgs d’Alexandrie, des jeunes armés de bâtons lèvent les bras et saluent les militaires comme des héros. Il y a deux jours encore, les rues étaient tenues par les anti-Moubarak mais la donne, à l’évidence, a changé. Fini de rire, semblent dire les soldats lorsqu’ils débarquent leurs deux détenus devant les locaux de la sûreté d’État.
On repart alors pour de longues heures d’attente, avant l’ultime interrogatoire dans une pièce meublée d’un tapis et d’une table basse. Peu avant 3 heures du matin, la détention est enfin levée. En quittant la caserne, nous croisons un minibus bondé de prisonniers aux yeux bandés par un morceau de scotch. Eux, c’est probable, n’auront pas notre chance. Reste maintenant à franchir la dizaine de barrages qui nous sépare de l’hôtel. Le périple va prendre une grosse demi-heure et s’achever par une nouvelle interpellation à cinquante mètres du but. Contrôle des passeports, bref interrogatoire. «C’est bon pour cette fois, glissent les moukhabarat ( policiers en civil), narquois. Mais ne vous avisez pas de sortir dans les manifestations si vous ne voulez pas vous faire égorger.» Le pouvoir, de toute évidence, n’a pas desserré son emprise sur le pays profond. (Le Figaro-04.02.2011.)
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**trente ans à la tête de l’Egypte
En octobre prochain, Hosni Moubarak aura passé trente ans à la tête de l’Egypte. Président omnipotent, il n’aura même pas daigné, pendant ces trois décennies, s’adjoindre un vice-président comme le faisaient ses prédécesseurs. A l’heure où des milliers d’Egyptiens bravent l’interdiction du régime de manifester contre le chef de l’Etat, sur quoi repose le pouvoir de l’un des plus anciens dirigeants du monde ?
«Il y a toujours eu des critiques contre Moubarak, mais elles deviennent plus acerbes avec le temps. Toutefois, on aurait tort de comparer l’impopularité de Moubarak avec celle de Ben Ali», estime Jean-Noël Ferrié, directeur de recherche au CNRS.
Hosni Moubarak est arrivé au pouvoir à l’issue de l’assassinat de Sadate en 1981. Militaire de formation, héros de la guerre de 1973, il jouit du soutien de l’armée, élément-clé du régime. «Il est peu probable que les manifestants puissent le renverser sans avoir à affronter d’abord les militaires», souligne le spécialiste. Moubarak devrait d’autant plus pouvoir compter sur l’armée que celle-ci, très riche, contrôle de nombreuses sociétés et ne souhaite pas voir ses avantages remis en cause.
Les Frères musulmans diabolisés
Quant à la scène politique, elle reste verrouillée. Les législatives de novembre 2010 ont montré que le PND (Parti national démocrate), parti quasi unique dirigé par Moubarak, n’était pas prêt à faire une place plus grande à l’opposition. Alors que les élections précédentes de 2005, un peu plus ouvertes que d’ordinaire, avaient été marquées par un score inattendu des Frères musulmans (islamistes), avec 88 sièges, le récent scrutin a été l’occasion pour le PND de remettre les pendules à l’heure. Bilan : le premier tour a été entaché de telles fraudes que les plupart des partis de l’opposition, dont les Frères musulmans, ont décidé de se retirer. Versant de la médaille, le PND dispose désormais d’une majorité si confortable – 494 sièges sur 508 que cela indispose même certains membres du parti.
«Le régime n’a pas supporté les scores des islamistes en 2005, ça l’a tétanisé», analyse Jean-Noël Ferrié. Les Frères musulmans sont la bête noire historique du régime. «Ils l’effraient car ils donnent l’impression de former un bloc important et ne sont pas prêts à rentrer dans un jeu de compromission avec le PND». A ce titre, la Confrérie, qui a su séduire le peuple en organisant un réseau d’associations caritatives pour combler les lacunes de l’Etat, est régulièrement victime d’arrestations. «Le gouvernement les maintient sous pression, pour qu’ils ne soient pas tentés d’aller trop loin», explique Jean-Noël Ferrié.
Entre le PND et les Frères musulmans, Moubarak a fait en sorte d’éradiquer toute forme de force politique alternative crédible. «Comme tous les régimes autoritaires, il a pratiqué la politique de la terre brûlée. Si Moubarak chute, il ne sera pas forcément remplacé par les Frères musulmans. Mais ce sera le chaos assuré», analyse Jean-Noël Ferrié.
Cette absence d’opposition permet aussi à Moubarak de s’assurer du soutien des grandes puissances internationales. Le président égyptien centre son discours sur la menace des Frères musulmans, pour donner l’impression aux Occidentaux qu’il est la seule alternative possible. «Et personne ne le souhaite : ni les Européens, qui ne sont pas prêts à accepter des extrémistes religieux au pouvoir, ni les Américains qui veulent maintenir une situation apaisée entre l’Egypte et Israël».
On constate par ailleurs un durcissement du pouvoir en prévision de la succession de Moubarak, qui affiche 83 ans. Les transitions sont des périodes toujours délicates pour les régimes autoritaires. S’il semble probable que le raïs brigue un sixième mandat en septembre prochain, plusieurs experts pensent néanmoins qu’il n’ira pas au bout de celui-ci et tentera de faire accepter son fils Gamal à la place. Ce dernier incarne une branche réformatrice et libérale du PND, mais il pourrait souffrir de ne pas être issu des rangs de l’armée. «Si les Egyptiens décident de ne pas accepter Gamal, rien ne prédit que l’armée acceptera de se retourner contre la rue pour l’imposer», analyse Jean-Noël Ferrié. (Le Figaro-27.01.2011.)
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