Devenir invisible !
**Rendre des objets invisibles
« Je m’attendais juste à des rires ; j’ai été le premier surpris par le sérieux des questions. »
raconte le théoricien de l’Imperial College de Londres, évoquant ses travaux sur les ondes électromagnétiques.
L’invisibilité entre dans la réalité matérielle
Faire disparaître un objet à nos yeux, mais aussi faire échapper un édifice aux séismes et aux tsunamis : les travaux sur les métamatériaux se multiplient. Tour d’horizon à l’occasion d’un colloque. D’ici une génération, cela semblera une évidence. Il y a encore huit ans, personne n’aurait pourtant parié sur l’impossible : rendre des objets invisibles. Jusqu’à ce jour de 2004 où le facétieux chercheur John Pendry a pris la parole dans un congrès organisé au Texas par la Darpa, l’Agence de recherche du Ministère américain de la défense.
« Ils voulaient des idées décoiffantes. Alors j’ai fait un peu de provocation », raconte le théoricien de l’Imperial College de Londres. Evoquant ses travaux sur les ondes électromagnétiques, il explique qu’il s’agit de mimer Harry Potter en fabriquant une cape d’invisibilité ! « Je m’attendais juste à des rires ; j’ai été le premier surpris par le sérieux des questions. » David Smith, de l’Université américaine de Duke, lui propose de collaborer. Bingo : en avril 2006, ils expliquent dans la revue Science comment fabriquer une telle cape d’invisibilité. Six mois plus tard, le magazine annonce que David Smith a fait « disparaître »un petit cylindre de métal aux yeux d’un faisceau d’ondes radar. La quête de l’invisibilité est définitivement lancée.
Le principe consiste à jongler avec les propriétés électromagnétiques des matériaux. Et notamment courber la trajectoire des ondes en contrôlant leur indice de réfraction, un paramètre qui caractérise le changement de direction qu’elles subissent lorsqu’elles changent de milieu, comme lorsqu’un rai de lumière pénètre dans l’eau. Cette possibilité avait été évoquée dès 1968 par le théoricien russe Victor Veselago, sans trouver de débouché. Car personne n’avait trouvé de recette, jusqu’à ce que John Pendry imagine, en 1999, un revêtement réalisé avec des structures aux propriétés géométriques, électriques et magnétiques bien précises – ce qu’on appelle désormais un métamatériau – capables de courber la trajectoire d’une onde pour la faire ressortir, à l’opposé, dans la direction de départ. Un peu comme l’eau d’un torrent qui contourne un rocher et reprend sa course. Tout ce qui est placé à l’intérieur de ce revêtement, de cette « cape », est donc invisible.
Le hic, c’est que la géométrie du matériau doit être beaucoup plus fine que la dimension caractéristique de l’onde, ce qu’on appelle sa « longueur d’onde » (qui, pour la lumière, est synonyme de couleur). « Pour faire une cape, il faut fabriquer des structures dix fois plus petites que la longueur d’onde que l’on veut manipuler », résume Sébastien Guenneau, de l’Institut Fresnel, près de Marseille. C’est donc relativement aisé avec les ondes radar ou radio dont la longueur se mesure en millimètres ou en centimètres. Avec de la lumière visible, c’est une autre affaire : il faut graver des motifs de quelques dizaines de nanomètres.
Déjà, les brevets se multiplient, notamment dans le domaine des télécommunications, rappelait André de Lustrac, de l’Institut d’électronique fondamentale d’Orsay, lors d’une conférence tenue le 23 mai à Paris. « Il s’agit de mieux utiliser l’énergie et de protéger l’environnement. On peut concevoir des antennes de téléphonie mobile beaucoup plus petites et plus économes en énergie. Ou réduire la traînée dans l’air d’une antenne d’avion pour -réduire la consommation de carburant. Il y aura aussi beaucoup d’applications dans les télécommunications par fibre optique. »Des domaines qui progressent vite car les chercheurs ont affaire à une longueur d’onde précise. Par exemple 1,55 micromètre pour l’infrarouge des lasers de télécommunication. À l’inverse, la lumière visible comprend une large gamme de couleurs qui rend la fabrication de métamatériaux bien plus difficile, même si quelques expériences ont d’ores et déjà été réalisées. Dans les ondes radio, en revanche, on sait masquer des objets de plus de 10 centimètres dans une palette de longueurs d’onde. Mais si la cape de Harry Potter n’est encore qu’un lointain rêve, les métamatériaux ont le vent en poupe. Pour protéger de la chaleur des composants électroniques, par exemple, mettre au point des cellules solaires performantes, fabriquer des papiers peints étanches au bruit ou de puissantes
hydroliennes de dimensions réduites.
L’une des promesses les plus spectaculaires concerne la protection contre les catastrophes naturelles, à l’instar des travaux pionniers de Sébastien Guenneau. Lui sait rendre invisible un objet aux « yeux » des vagues : il suffit de le placer au centre d’une sorte de digue circulaire percée de nombreux orifices, et il n’oppose plus de résistance au passage de l’onde. On imagine ce que permettrait un tel système contre un tsunami. « L’idée n’est pas de le faire disparaître, mais de protéger des zones sensibles. Des centrales électriques, des ports, des plateformes de forage, par exemple. » Des lentilles à vagues qui détourneraient les ondes destructrices pour les focaliser sur un lieu désert. Le concept se prolonge aussi en matière sismique, a aussi montré Sébastien Guenneau. « Il semble envisageable de concevoir la dalle qui porte un réacteur nucléaire pour le rendre insensible aux séismes. » À Grenoble, la firme de construction Ménard va tester ce principe de lentille antisismique sur un chantier, en collaboration avec le chercheur. Sur 5000 m2, sont enfouis des pieux de béton de différents diamètres suivant un motif soigneusement calculé. Début juillet, des essais de micro-séismes seront réalisés, pour voir si les vibrations peuvent être détournées de la zone ainsi protégée. « Si c’est concluant, on pourrait empêcher que les secousses créées par des travaux de terrassement ne fissurent des bâtiments voisins », se réjouit Sébastien Guenneau.
Désormais, certaines équipes s’attaquent à l’inconcevable : rendre le temps invisible ! Vous ne rêvez pas, affirme John Pendry : « Imaginez qu’on puisse effacer l’effet Doppler qui sert à mesurer les vitesses. Quelle que soit son allure, une voiture apparaîtrait immobile sur les écrans radars placés au bord des routes… » *Denis Delbecq/Le Temps. Le Soir.Be-samedi 26 mai 2012.
***********************************
Way great! Some very valid things! I enjoy you penning this article along with the remainder of the location is additionally truly good.
bloons tower defense 4