Tunisie, après l’euphorie révolutionnaire

**Sept ans après: Quelques vérités à vous dire!

La révolution tunisienne a suscité autant la surprise et l’admiration, que l’interrogation, la perplexité ou la déception. Elle a fini par recevoir une reconnaissance universelle, car tel est bien le sens de l’événement, par l’attribution du prix Nobel. Prix Nobel de la paix, il pourrait toutefois être considéré comme le prix de la révolution « . C’est par ces mots que le Professeur Yadh Ben Achour commence son essai intitulé Tunisie, une révolution en pays d’islam.

TUNISIA REVOLUTION

Au moment où paraît ce livre, la partie la plus consciente de la classe moyenne tunisienne avait les yeux tournée vers le bouleversement économique qui est en train de s’accomplir. Le problème des exploitations fiscales d’une bonne partie des tunisiens paraît attirer particulièrement l’attention et susciter le plus vif intérêt. Cela n’est pas étonnant, si l’on considère que, dans ce domaine, la rupture avec le passé est plus sensible qu’ailleurs. Mais pour apprécier la véritable valeur des nouvelles contestations populaires suite à l’adoption de la nouvelle loi de finance, il faut se faire, au préalable, une conception générale des attentes populaires au court de ces sept années postrévolutionnaires.

Aussitôt instaurée, la Deuxième République tunisienne n’a pas cessé de multiplier les tentatives pour trouver une sortie du sous-développement. La diversité des expériences entreprises en matière de croissance et de développement prouvent la constance de cette préoccupation majeure. Néanmoins, le système hérité de la Première République n’a cessé d’être renforcer.

Durant ces dernières années, le pays a adopté un modèle économique axé sur l’exploitation fiscale de la classe moyenne, dans le cadre duquel les investissements et la croissance ont surtout concerné les régions côtières et une élite bureaucratique aux commandes économiques et politiques du pays. De manière générale, l’on pourrait dire que la Tunisie avait deux visages: Il y avait les régions côtières, de plus en plus intégrées dans l’économie mondiale, et il y avait les régions de l’intérieur du pays, fortement dépendantes des aides de l’État sous forme de transferts sociaux et de politiques d’aide. Les attentes de la révolution devaient s’avérer donc vaines car au fond rien n’a changé.

Les années 2011 à 2017 virent une dépréciation flagrante du dinar tunisien, l’appauvrissement de la petite bourgeoisie des villes et une augmentation préoccupante des dettes extérieures. Elles virent des assassinats politiques, le retour des barons de l’Ancien Régime et l’augmentation du tôt de la corruption. Ces années virent aussi la remontée d’un discours officiel de plus en plus autoritaire, despotique et éloigné des préoccupations du peuple.

Depuis 2011, l’ensemble de la classe politique tunisienne veut se donner une nouvelle virginité! Mais pour l’ensemble des tunisiens, la classe politique a montré ses limites et son incapacité de servir le peuple.

En outre l’oubli inacceptable de la réalisation des objectifs de la Révolution, la marche forcée, et parfois zélée, vers un libéralisme sauvage a significativement contribué à l’élargissement du fossé entre une jeunesse déprimée et une classe politique qui cherche que les honneurs du pouvoir. 
Dans ce climat politique tendu, agité et nerveux, il n’y a rien de plus propre à rappeler les politiciens et les membres du gouvernement à la modestie devant la réaction du peuple même si un bon nombre d’entre eux croient que la Révolution tunisienne est un accident local et passager dont il s’agit seulement de tirer parti. Dans cette pensée, ils conçoivent des desseins, font des préparatifs, contractent des alliances secrètes; ils se disputent entre eux à la vue de cette proie prochaine, se divisent, se rapprochent, mais toujours loin des préoccupations populaires.

Urgence sociale, urgence économique, urgence éthique, aucune de ces urgences ne sera honorée sans une réforme profonde des mentalités et de la philosophie politique. Car chacune de ces urgences ne peut être pleinement satisfaite que par une implication réelle des acteurs politiques. Pour réussir les changements annoncés, pour tenir les promesses faites, il faut donc une bonne volonté. C’est un préalable, une condition sine qua non et plus encore un critère pour apprécier la sincérité de la classe politique.

Pour paraphraser François Mitterrand, une démocratie solide a besoin de l’oxygène pour survivre. Cet oxygène doit se chercher dans la volonté du peuple que Jean-Jacques Rousseau appelle « le souverain ».

L’heure est au bilan mais elle tombe au pire moment. La crise économique pèsera lourdement sur cette opération. Mais en dépit de l’influence considérable du fait économique sur l’esprit révolutionnaire, les Tunisiens ont établi dans les faits une relation entre la citoyenneté et démocratie dans son sens grec. Les politiciens n’auront donc qu’une existence ponctuelle et éphémère, à travers la consultation électorale, alors que souveraineté réelle continue, en dépit des calculs des palais, à faire partie des charges citoyennes. Pour preuve, on a qu’analysé le symbolisme de la campagne « Fech Nestannew ? » (Qu’est-ce qu’on attend ?).–huffpostmaghreb / 13 janvier 2018

********************troubles sociaux

*Colère légitime, manifestations abusives !?

TUNISIA PROTEST

D’aucuns peuvent penser, à tort ou à raison, que l’analyse de loin est loin d’être une analyse. Il faudrait vivre le moment pour en parler, pour avoir la légitimité de livrer son examen de la situation. Ce commentaire n’est pas toujours judicieux. Car c’est aussi en prenant de la distance, loin des effusions sentimentales du terrain – qui n’en sont pas moins justifiées – que l’on peut sortir des affrontements binaires et appréhender le contexte actuel du pays avec raison.

Certains dénoncent les récentes manifestations dans leur ensemble sans tenter de les comprendre pendant que d’autres les légitiment absolument sans poser la question de la forme de ces démonstrations de colère. Il convient de renvoyer dos à dos ces deux conceptions et de faire la part des choses.

Il y a dans le peuple une colère légitime. Les gens ordinaires* qui ont perdu en pouvoir d’achat, en qualité de vie objective après la révolution, les voient encore se restreindre. On appelle les plus maigres de notre société à se serrer la ceinture. Pendant ce temps, la lutte contre l’empire de la contrebande semble au point mort, alors que son démantèlement apporterait bien plus à l’état de la Tunisie que les hausses de prix et ces formes encore archaïques de mesures d’austérité. En plus de son impact purement économique, cette dichotomie quant aux priorités de l’État porte un message clair et dangereux: vivre du gain facile, de l’illégalité est moins oppressant que de vivre dans le travail légitime et honorable, dans le cadre de la citoyenneté. Cette injustice ne peut mener qu’au délitement de la citoyenneté tunisienne et du corps socioéconomique. Les gouvernants en sont éminemment responsables. C’est à eux de préserver la cohésion sociale au-delà de toutes circonstances.

Ceci dit, la plupart des manifestations qui ont eu lieu partout dans le pays étaient contreproductives. L’irruption quasi-systématique (manipulée ou non) du vandalisme, de l’anarchie, de la violence sort du contexte de la revendication légitime pour exprimer autre chose. Cette autre chose, c’est l’amoncellement étouffant des frustrations sociales qui finit par se défouler de manière névrotique et incontrôlée à chaque fois que s’en présente l’occasion. C’est prendre l’injustice comme prétexte pour relâcher ses démons. Cette posture chaotique -principalement exprimée par une jeunesse sous-prolétarienne désabusée et sans vision d’avenir- est contreproductive pour plusieurs raisons.

D’abord, elle empêche les classes ouvrières et moyennes -dont la décence commune rejette la violence jusqu’à un certain point- d’amorcer une véritable contestation populaire, d’élever la colère à une structure efficace capable de changer les choses. Ensuite, le désabusement des premiers exprimé dans la délinquance et le chaos, renforce le désabusement des seconds qui, ayant déjà accumulé des amertumes quant aux protestations, finissent par les rejeter complètement quand elles semblent s’associer aux casseurs et aux brigands. La contestation est donc muselée par les éléments extrémistes, et cela masque la vérité de la colère populaire en la montrant comme marginale. Cette forme de protestation porte en elle le règne du laisser-aller, de l’impunité lié à une mentalité générale qui, depuis la révolution, pousse certaines franges de la population -du haut comme du bas- à favoriser le gain facile et improductif, souvent illégal, au travail authentique et constructif qui fonde le civisme et la citoyenneté. Elle favorise objectivement le maintien du statu quo.

Pendant ce temps, les gens ordinaires* souffrent silencieusement, pris entre le marteau et l’enclume, et se résignent à voir leur qualité de vie dégringoler sous la pression des prix et de l’insécurité.

*L’expression Orwellienne de « gens ordinaires » est expressément large pour définir dans leur unité les classes populaires qui subissent les conditions qu’on leur impose et continuent à vivre selon des codes de décence commune malgré les aléas du quotidien.*.huffpostmaghreb / 10 janvier 2018

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manque de légumes et de fruits sur le marché 

FARMING TUNISIA

Les récoltes de fruits et de légumes de cette année s’avèrent moins fructueuses que d’habitude. Les produits deviennent plus rares et les prix ne cessent d’augmenter.

Revenant sur ce constat, le ministre du Commerce Omar Béhi a abordé, dans une conférence de presse tenue vendredi à Tunis, les raisons qui se cachent derrière.“Le manque de légumes et de fruits sur le marché est dû au choix fait par l’État,” a-t-il lancé.

En effet, le ministre a expliqué que le gouvernement a décidé de consacrer les eaux des barrages à la consommation courante plutôt qu’à l’irrigation. Un choix stratégique, selon lui, vue la sécheresse et le déficit au niveau des barrages durant ces trois dernières années.

Ancien secrétaire d’État à la production agricole, Behi a précisé que le gouvernement s’est trouvé devant deux choix “soit l’eau potable soit l’eau pour l’irrigation. “Et nous avons opté, sans hésitation, pour l’eau potable.”

“C’est le revers de la médaille” a-t-il ajouté en précisant que 95% des fruits et légumes sont des issus de cultures irriguées.
Il a, par ailleurs, cité l’exemple de Jendouba où d’habitude la superficie destinée à la production de pommes de terre s’élève à 2400 hectares, cette année elle n’est que de 700 hectares seulement.

Dans un rapport publié en 2015, la World Resources Institute classe la Tunisie parmi les 33 pays les plus susceptibles de connaitre un stress hydrique (ou pénurie d’eau) d’ici 2040.

Selon le rapport, la Tunisie se classe parmi les pays qui ont un risque très élevé de manquer d’eau dans les décennies à venir pouvant perdre ainsi plus de 80% de ses ressources naturelles d’eau d’ici 2040.

L’UNESCO a quant à elle déjà tiré la sonnette d’alarme affirmant que la Tunisie souffrira de sérieux problèmes d’eau à l’horizon 2025. *huffpostmaghreb / 12 janvier 2018

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Les Tunisiens fuient vers l’Algérie après la hausse du coût de la vie

Un groupe de jeunes tunisiens a lancé une campagne intitulée “Fash Nestna” qui vise à ramper vers l’Algérie en raison du coût de la vie élevé

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*VidéosLes Tunisiens fuient vers l’Algérie

***Une vidéo montrant des cortèges de ressortissants tunisiens, originaires notamment de la ville de Gafsa et de ses environs, fuyant leur pays en direction de l’Algérie, a largement circulé, hier, sur Facebook. Selon les pages qui ont diffusé la vidéo, il s’agit d’un mouvement destiné à protester contre la situation socio-économique en Tunisie. 

Selon le site “Jewel of Tunisia”, de jeunes manifestants ont brandi le drapeau de l’Algérie pour protester contre l’état de marginalisation à tous les niveaux, notamment le chômage et la non-interaction des responsables avec les revendications et les responsabilités des manifestants.

*médias 14 jamnvier 2018

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Tunisie : le couffin de la colère

ANALYSE. Après quatre jours de heurts, le mécontentement perdure. Plus que jamais, les protestations sociales, le chômage et le pouvoir d’achat en berne attendent une réponse politique.
PAR LE CORRESPONDANT du lepoint À TUNIS, BENOÎT DELMAS

Ça ne trompe pas. Passé 20 heures, les rues sont étrangement vides. Le mauvais temps, pluie et froid sur Tunis, n’explique pas tout. Les voitures ont quasiment disparu des trottoirs. Les violences nocturnes qui ont agité les quartiers sensibles (notamment les cités qui bordent la capitale) font craindre le vandalisme. Alors, on a rangé sa voiture. Comme à chaque soubresaut. Les mois d’hiver sont souvent socialement meurtriers en Tunisie. 1978, 1984, 2008 puis l’apothéose de 2011 avec la fuite du dictateur Ben Ali. C’était un 14 janvier. Aujourd’hui, à 48 heures du septième anniversaire de la révolution, une Tunisie s’est de nouveau enflammée. Pour des raisons similaires à 2011, mais dans un contexte différent. Les raisons ? Un chômage de masse : 15,3 % de la population, un tiers des diplômés sans emploi. Une inflation exponentielle : + 6,4 %. Elle dépassera les 8 % en 2018, selon les experts. Le dinar ne cesse de dévisser : il a perdu 40 % de sa valeur. Un euro s’échange pour 2,92 dinars. La pauvreté concerne près de 20 % de la population. Et l’absence d’espoir tutoie des sommets incandescents. Une absence d’espoir qui se traduit en chiffres dans les tentatives de migrations vers l’Europe. Ce phénomène touche également les milieux aisés avec la fuite des cerveaux.

Visages éteints dans les cafés tristes

Dans les estaminets des cités populaires qui ceinturent Tunis comme dans les bourgades intérieures, on ne peut qu’être frappé par les visages figés des hommes, jeunes ou vieux. Comme en attente de quelque chose. On fait traîner le café à 800 millimes (30 centimes d’euro) toute la journée. On patiente. « On est en stand-by de sa vie », racontait un garçon de 20 ans à Bir Ali, quelques jours après la mort de migrants venus de ce village. S’ils sont unanimes à constater que la crise économique fait des ravages, le contexte n’est pas le même. Depuis sept ans, on vote en Tunisie. Librement. Le bulletin de vote est censé remplacer le pavé. Mais, pour de nombreux citoyens, la situation n’est plus acceptable.

Wassila, 47 ans, est femme de ménage. Elle grappille 30 dinars par journée de travail. Elle ne s’en sort pas. D’un naturel tempéré, cette veuve constate qu’avec « la hausse du sucre, de l’huile, des tomates, des loyers, c’est impossible de vivre décemment ». Un avis partagé par la très grande majorité de la population, qui attend des solutions. Tous les regards sont tournés vers les téléviseurs, toutes les oreilles écoutent les radios. Pour l’heure, après quatre jours et quatre nuits de manifestations et de violences sporadiques, on attend une réponse du chef du gouvernement ainsi qu’une prise de parole du président de la République, Béji Caïd Essebsi. Si, constitutionnellement, celui-ci n’est pas chargé des affaires économiques, son rôle politique est crucial. Il peut provoquer une nouvelle donne. Youssef Chahed, le chef du gouvernement, a déploré les pillages, s’est affiché auprès des militaires et des sécuritaires. Plusieurs ministres vont se réunir avec la société civile afin d’écouter et de tenter de remédier à la situation. Pas si simple.

L’échec économique des dirigeants politiques

Lorsqu’il s’est présenté en recours, en 2011, BCE a connu un regain de popularité et une réelle notoriété. À 92 ans, l’homme préside Carthage, siège de la présidence de la République, depuis la fin 2014. Il avait conquis le siège avec 1,7 million de voix. Lui-même reconnaissait que le taux d’abstention – 5 millions sur 8 millions d’inscrits – était très important. À deux ans de la fin de son mandat, il peut provoquer une sortie de crise en appelant à un gouvernement de salut national. Alors que, de Douz (sud) à Kairouan, de Sousse à Hammam Lif, on protestait contre le coût de la vie, les blocs politiques à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) affichaient une solide division, se rendant mutuellement responsables de la situation économique, s’accusant de fomenter des grabuges. Les islamistes d’Ennahdha ainsi qu’une partie de Nidaa Tounes (le parti de BCE et du chef du gouvernement) rendaient le Front populaire (extrême gauche) coupable de tous les événements constatés ces derniers jours. Occultant au passage le fond du problème : le couffin. Ce panier utilisé pour faire les courses est le thermomètre de la fièvre sociale. La flambée des prix – alimentation, logement, habillement, gaz… – ne semble plus supportable. La classe moyenne est en voie de déclassement. Et ceux qui n’ont rien, les sans-grade, n’enregistrent aucune évolution de leur sort depuis 2011.

Des fractures au sein de la société

Au-delà du mirage de « la révolution de jasmin », terme sexy mais caduc, la Tunisie est une société profondément divisée. Un capitalisme de rentes – quelques dizaines de familles possèdent le pays – grippe tout renouvellement de l’entrepreneuriat. La division entre le pouvoir hypercentralisé de Tunis et de nombreuses régions du pays (centre, nord-ouest, sud, banlieues de la capitale) ne cesse de s’aggraver depuis des décennies. Fut une récente époque où l’on venait s’installer Cité Ettadhamon dans l’espoir de trouver un job de jardinier, de serveur, de femme de ménage, de bonne dans certains quartiers huppés. Cet ascenseur, à la force du travail, ne fonctionne plus. L’ascenseur social n’existe pas en Tunisie. Depuis plus de vingt ans. Le problème se situe là. Et les querelles politiques ne font que masquer une situation qui traverse toutes les couches de la société tunisienne.

TUNISIA-SOCIAL-DEMO ©  FAOUZI DRIDI / AFP
Un car de police dans une rue de Siliana, au sud de Tunis, ce 11 janvier 2018. 

En janvier 2011, ils étaient des centaines de milliers à travers le pays à crier « dégage » au régime Ben Ali. Mohamed, un jeune cadre, déclarait hier : « Nous sommes profondément divisés. » Il ne parlait pas de l’axe nord-sud, des régions intérieures versus les régions côtières. Il parlait des Tunisiens. Pour une partie de la population, il s’agit de « pillages », de « délinquance ». Le ministère de l’Intérieur a indiqué avoir arrêté 778 personnes ces quatre derniers jours. Pour une autre partie, les manifestations sont le fruit de l’échec politico-économique des sept gouvernements qui se sont succédé au pouvoir depuis la chute de la dictature. Sans progrès économique, c’est la démocratie qui est menacée. Dimanche sera l’anniversaire de la révolution, une date-clé qui inquiète. Des mouvements sont prévus.

Sans réussite économique, une démocratie en danger

Les manifestants ne sont pas à l’assaut d’une forteresse. Il ne s’agit pas d’une seconde révolution visant à changer le régime politique en place, mais d’un violent rappel au quotidien. À quoi bon une révolution si on n’en touche pas les dividendes ? Les slogans sur la hausse des prix ne sont pas un caprice, contrairement à ce que certains ministres veulent faire croire. On ne sait pas quoi manger le lendemain dans une frange de la Tunisie de 2018. Et les chants laudateurs de l’Occident sur la démocratie tunisienne résonnent difficilement dans les esprits des populations.

Ce qui se trame en Tunisie sur fond de refus de la loi de finances 2018 – pas en tant que telle mais pour sa kyrielle d’augmentations – traverse de nombreux pays du monde arabe. Une jeunesse privée d’avenir économique, donc de mariage (sans argent, point de noces pour un homme arabe), de libertés individuelles… Désormais, la Tunisie est un laboratoire. L’État tunisien aura fort à faire. S’il doit faire respecter la loi, assurer l’ordre, la réponse ne peut pas être que sécuritaire. La Tunisie se trouve dans la situation décrite par un proverbe finlandais : « entre l’écorce et le tronc ». Si les heurts ont marqué un recul cette quatrième nuit, tout le pays attend dimanche 14 janvier avec inquiétude.*source: Le Point /  12 janvier 2018

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*mise en place d’une constitution provisoire

Les 217 députés devraient conclure avant aujourd’hui l’examen du texte de 26 articles sur l’organisation des pouvoirs publics, une constitution provisoire qui permettra le démarrage des institutions de l’Etat, un mois et demi après les élections du 23 octobre. L’Assemblée annoncera officiellement l’ouverture des candidatures à la présidence dès l’adoption du texte, puis élira le président qui désignera le Premier ministre. Ce dernier soumettra son équipe à l’approbation de l’Assemblée.Le président sera «exclusivement Tunisien, de religion musulmane, descendant de parents tunisiens et âgé de 35 ans minimum». Il renoncera d’office à tout poste de responsabilité au sein de son parti et à son statut d’élu, selon l’article 8 de la loi voté vendredi soir. Le président est choisi au vote secret à la majorité absolue (50+1) parmi des candidats qui doivent être parrainés chacun par quinze élus au moins, un deuxième tour étant prévu dans le cas où aucun n’obtiendrait la majorité. Lors des débats souvent vifs et houleux, des élus avaient proposé en vain d’autoriser la candidature de binationaux ou d’énoncer expressément le droit de «chaque Tunisien ou Tunisienne» d’être candidat à la présidence. Le président devrait être Moncef Marzouki, chef de file du Congrès pour la république (CPR, gauche, 29 élus) membre de la coalition majoritaire avec Ettakatol (gauche, 20 élus) et le parti islamiste Ennahda (89 élus). L’article 10 relatif aux prérogatives du président a enflammé l’hémicycle du palais du Bardo.
L’opposition a boycotté le vote, arguant que le futur président est dessaisi au profit du Premier ministre, poste destiné à Hamadi Jebali, numéro deux du parti islamiste Ennahda (98 élus). L’article stipule que le président désigne le chef du gouvernement et fixe «en concertation» avec lui la politique étrangère du pays. Il est le chef suprême des forces armées mais ne nomme ou ne révoque les hauts officiers qu’«en concertation» avec le chef du gouvernement. Le président dispose du droit de grâce et peut déclarer la guerre et conclure la paix après approbation des deux tiers des membres de l’Assemblée. Une autre disposition controversée (article 7) a été amendée pour déléguer «en cas de force majeure» les pouvoirs exécutif et législatif aux trois présidents (président de l’Assemblée, chefs de l’Etat et du gouvernement) et non plus au seul Premier ministre. Le cumul des mandats d’élu et de membre du gouvernement a été âprement négocié tout comme le statut du Gouverneur de la Banque centrale qui sera nommé par le chef du gouvernement, comme tous les autres haut fonctionnaires, au lieu d’être élu comme l’a bruyamment réclamé l’opposition.
L’Assemblée devait encore adopter des dispositions «délicates» sur le pouvoir judiciaire et la motion de censure du gouvernement avant de conclure ses travaux. Malgré la longueur des débats entamés mardi, les séances, retransmises en direct à la télévision, ont suscité un engouement sans précédent des Tunisiens, des médias et réseaux sociaux qui se délectent des polémiques et scrutent le vote, les faits et gestes des élus.
Les uns s’émerveillent d’un «exercice de la démocratie» et d’autres crient à la «tyrannie de la majorité» ou s’étonnent de voir des élus s’étaler sur des «détails» politiques, juridiques ou sémantiques alors que le pays s’enfonce dans une grave crise socio-économique. (L’Expression-11.12.2011.)

**Les femmes tunisiennes sur le qui-vive

Assemblée constituante à Tunis

En Tunisie, l’euphorie révolutionnaire de l’après Ben Ali s’est muée en inquiétude pour les femmes. Le prochain gouvernement dirigé par un membre du parti islamiste Ennahda respectera-t-il, comme il l’affirme, leurs droits acquis il y a plus d’un demi-siècle ? Pour le moment, elles observent et se préparent à résister.

La deuxième République tunisienne aura commencé par un crêpage de chignon. C’était le mardi 21 novembre dernier, jour de la séance inaugurale de l’Assemblée nationale constituante, jour historique, jour de liesse. Sous un ciel azur et un soleil triomphant, un millier de femmes s’étaient réunies aux portes du Bardo à Tunis – siège de la Chambre des députés –, brandissant leurs slogans à l’attention des 217 parlementaires chargés d’écrire la future Constitution : « Ne touchez pas à nos droits », « Rien n’est plus sacré que notre liberté » ou encore « Vive la démocratie ! » Alors que Souad Abderrahim, tête de liste et vitrine du parti islamiste majoritaire Ennahda, tailleur-pantalon bleu marine et cheveux lâchés sur les épaules, se frayait un chemin jusqu’à l’hémicycle, une femme survoltée surgit de la manifestation, empoigna sa chevelure et hurla : « Dégage ! »
L’incident a fait la une du quotidien tunisien le Temps, sous la forme d’une caricature montrant une petite blonde rouge de colère attrapant la tignasse d’une grande brune en talons aiguilles. L’incident a fait sourire. Mais il a surtout été interprété comme une métaphore de la société tunisienne aux lendemains de la révolution du Jasmin, tiraillée d’un côté par les représentants de la modernité, de l’autre par ceux du retour à l’ordre moral au nom du Coran.

Dans les milieux progressistes (1), on surnomme Souad Abderrahim « Souad Palin » : « Même côté pitbull en rouge à lèvres que l’ex-colistière du sénateur John Mc-Cain », souligne Lala Aïdi, épouse du ministre du Travail du gouvernement de transition, « et surtout même volonté de purifier la société ». La députée de Tunis avait en effet déclaré à la radio arabophone Monte Carlo Doualiya, début novembre, que « les mères célibataires étaient une honte pour le pays » et que « les libertés devaient être encadrées par les coutumes, les traditions et les bonnes moeurs ». Aujourd’hui, elle s’en défend. Assise dans l’hémicycle, seule femme non voilée de son parti, elle affirme même : « J’ai dit le contraire. Nous sommes pour toutes les libertés, à condition qu’elles n’entament pas notre identité arabo-musulmane. » Le Figaro.Madame-19.12.2011.)

 

*Les Tunisiens votent pour la constituante

 Ennahda rafle la mise aux élections

 

 La formation islamiste est largement en tête et remporte une majorité confortable

*La journée d’hier était aussi particulière qu’avant-hier, jour des élections. Dans la mesure où tout le monde était resté sur sa faim quant à l’écoute des premiers résultats provisoires. Encore davantage pour les 1500 journalistes représentant les différents canaux médiatiques du monde entier qui étaient sans cesse à la chasse de l’info où qu’elle soit. Beaucoup d’entre eux n’ont pas fermé les yeux ou très peu dormi. Certains sont même allés dire qu’il y avait anguille sous roche quant aux raisons qui ont retardé les résultats. Même si officieusement, beaucoup savaient que le parti Ennahda serait largement vainqueur. Partant de cette certitude, les journalistes assoiffés d’informations et lassés d’attendre les premiers chiffres, avaient pris d’assaut, tôt le matin, le siège du parti Ennahda. Toutes les demandes d’audience ont été acceptées et les premières caméras arrivées sur place, commençaient à tourner.

 Les sympathisants d'Ennahda se préparent à fêter la victoire

Interrogé par un journaliste de l’AFP, Samir Dilou, membre du bureau politique du parti islamiste Ennahda, a déclaré qu’il s’attendait à ce que sa formation obtienne «environ 40% des voix». Et d’assurer: «On n’est pas très loin des 40%, ça peut être un peu plus comme un peu moins, mais on est sûr de l’emporter dans 24 des 27 circonscriptions» du pays. Or, au milieu de la nuit, la radio Mosaïque FM annonçait déja que le mouvement islamiste Ennahda serait largement en tête des élections à l’Assemblée constituante.
A Sfax, deuxième ville du pays, il obtiendrait 40% des voix, d’après un échantillon représentatif. Dans la circonscription de Ben Guerdane (sud), frontalière avec la Libye, il réaliserait un score de 56%.
Selon les premiers échos qui devenaient de plus en plus insistants, le mouvement islamiste Ennahda arriverait en tête de plusieurs circonscriptions aux élections tunisiennes, alors que le taux de participation au scrutin a atteint dimanche 90%. Les résultats définitifs sont finalement tombés hier, lundi soir, et le secrétaire général de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) Boubaker Bethabet, a précisé que plus de 90% des 4,1 millions d’électeurs se sont rendus aux urnes dimanche.
D’autres sources avancent que le Congrès pour la République (CPR) créerait la surprise et se situait en deuxième position, devant Ettakatol de Mustapha Ben Jaâfar et le Pôle démocratique progressiste (PDM), une coalition de plusieurs formations de gauche. Autre surprise, pour le moins inattendue, c’est l’effondrement du Parti démocratique progressiste (PDP) donné initialement comme l’un des favoris. Le directeur de la campagne électorale d’Ennahda, Abdelhamid Jelassi, annonce que son parti a également remporté la majorité des 18 sièges attribués à la communauté tunisienne à l’étranger.
Giovanna Tanzarella, observateur international pour le Réseau Euromed France (RCF) que nous avons rencontré au siège du parti Ennahda est formel: «La tendance me semble se confirmer et qu’Ennaha aura un résultat encore plus large que se qu’on pensait. J’étais dans plusieurs bureaux de vote, de La Marsa en passant par Ettadhamoun jusqu’à Rades et autres quartiers du centre-ville de Tunis et au moment du dépouillement, tard dans la soirée du dimanche, les bureaux de vote donnaient des résultats très larges en faveur d’Ennahda. Il a été le premier parti dans les bureaux de vote où je me suis rendue». Autrement dit, aujourd’hui l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) a annoncé les résultats définitifs de cette élection historique après les premiers résultats partiels donnés dans la journée. (L’Expression-25.10.2011.)

 

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**Les Tunisiens votent pour la constituante

 L'urne de vérité

 

*Premières élections libres de l’histoire du pays

**La voie ouverte vers la démocratie

Les Tunisiens éliront aujourd’hui l’Assemblée constituante dans le cadre des premières élections libres de l’histoire du pays.La première élection démocratique des pays entrés dans la vague des révoltes. C’est la Tunisie qui ouvre le bal. Plus de 7 millions d’électeurs sont appelés à départager quelque 11.000 candidats en lice pour occuper l’un des 217 sièges que comptera la future Assemblée constituante. Une Assemblée qui va poser les jalons d’un Etat démocratique en Tunisie. Alors que la campagne électorale s’est achevée vendredi soir, à la veille du scrutin, une bonne partie de la population reste indécise sur le choix à effectuer.***Le printemps tunisien dure depuis neuf mois et n’a pas été toujours ensoleillé. Le doute, voire l’indifférence se sont installés depuis quelques mois dans les esprits. L’émiettement de la classe politique (111 partis en lice en plus d’une foultitude d’initiatives associatives) a fini par déstabiliser les Tunisiens qui, en plus, manquent totalement d’exercice démocratique électoral. «Je n’irai pas aux urnes. Il y a tellement de candidats et de programmes que je ne comprends rien», avoue Salem, au volant de son taxi jaune. Cette appréhension risque de faire avorter le rendez-vous du 23 octobre pour les différents acteurs de l’élection qui, dans leur communication, adoptent un mot d’ordre commun : inciter les électeurs à participer au vote. «Aux urnes citoyens !» lit-on en une d’un journal national résumant cette tendance.
C’est que le spectre de l’abstention marque les esprits et fait peur aux partis politiques plus que l’adversité. En dépit d’efforts soutenus pour convaincre les Tunisiens d’aller voter, le nombre des citoyens inscrits au vote n’a pas dépassé les 55%, chiffre en deçà de la barre des 60% désignée comme seuil pour la crédibilité de l’instance qui naîtra de ce rendez-vous historique.
Le président de l’Instance supérieure indépendante des élections (ISIE), Kamel Jendoubi, a livré, lors d’une conférence de presse tenue hier matin au Centre international de presse, des statistiques liées à l’organisation des élections et en a profité aussi pour pronostiquer le taux de participation des Tunisiens résidents à l’étranger qui, selon lui, avoisinerait les 60%.
Le conférencier, qui a rassuré sur les conditions de déroulement des élections, n’a pas manqué, à l’occasion, d’écorcher le ministère des Affaires étrangères qui, selon lui, a empiété sur les prérogatives de l’instance en prenant l’initiative de faire des déclarations sur les conditions dans lesquelles se sont tenues des élections à l’étranger. Faut-il rappeler qu’il s’agit des premières élections où l’administration est tenue entièrement à l’écart de l’organisation. L’ISIE a rappelé aussi, dans un communiqué publié vendredi soir, l’interdiction faite aux candidats de violer le silence électoral décrété depuis hier, sous peine de sanctions.
Face à la grande inconnue qu’est l’électorat tunisien, le vote pour l’Assemblée constituante emballe partis politiques et organisateurs en ce qu’il constitue un moment décisif de l’histoire de la Tunisie de l’après-Ben Ali. Fera-t-il date comme acte fondateur de la deuxième République ? C’est à cela que devront répondre les Tunisiens aujourd’hui.(El Watan-23.10.2011.)
- L’intérêt accordé par la chaîne Al Jazeera aux partis islamistes en Tunisie s’est traduit par un temps d’antenne estimé à 60% au détriment des autres tendances en lice pour les élections du 23 octobre. L’information a été livrée vendredi par l’unité de surveillance des médias, dépendant de l’Instance supérieure indépendante des élections (ISIE). De son côté, France 24 a favorisé le parti d’Attakatoul, dirigé par Mustapha Benjaâffar et réputé proche du PS français, ajoute encore le rapport. Ce document, qui s’est basé sur les observations de la couverture consacrée par les médias à la campagne électorale pour la période du 1er au 13 octobre, a noté la domination des cas d’impartialité de la part des médias pris comme échantillon et le peu d’espace accordé aux femmes candidates.- 4000 nouveaux surveillants sont venus s’ajouter vendredi aux milliers de surveillants et d’observateurs agréés par l’Instance supérieure indépendante des élections (ISIE). Ces jeunes ont été formés à la veille de l’élection par le réseau «Mourakiboune» composé par un nombre d’associations spécialisées dans le monitoring des élections.
 ***un scrutin historique

C’est parti! Les Tunisiens se rendront tôt ce matin dans les bureaux de vote pour les premières élections libres de l’histoire du pays. La première élection démocratique des pays entrés dans la vague des révoltes. C’est la Tunisie qui ouvre le bal. Plus de 7 millions d’électeurs sont appelés à départager quelque 11.000 candidats en lice pour occuper l’un des 217 sièges que comptera la future Assemblée constituante. Une Assemblée qui va poser les jalons d’un Etat démocratique en Tunisie. Alors que la campagne électorale s’est achevée vendredi soir, à la veille du scrutin, une bonne partie de la population reste indécise sur le choix à effectuer. Pourtant, tout le monde espère une participation massive au vote. A se balader dans les rues de la capitale, rien ne se dégage des visages des Tunisiens que quelque chose d’historique va se passer dimanche 23 octobre. A J-1 du scrutin, l’ambiance est étrangement calme dans la capitale. Sur l’avenue Habib-Bourguiba, dont on n’est pas près d’oublier les images de ces foules entassées le 14 janvier 2011, le jour de la fuite de Zine el Abidine Ben Ali, chacun vaque à ses occupations. Les gens semblent avoir l’air ailleurs, distraits même. En dehors des quelques panneaux publicitaires de l’Isie, l’instance indépendante chargée de l’organisation des élections, affichés aux quatre coins de la ville, les traces de la campagne électorale qui vient de s’achever sont déjà effacées.
Le sujet sur les élections est plutôt débattu sur les terrasses des cafés et salons de thé de l’avenue Bourguiba et celles qui la jouxtent. Là, on comprend un peu mieux que l’élection n’est pas perdue de vue et hante quelques esprits. Hommes, femmes, vieux comme jeunes, tous en parlent. L’élection constitue le principal sujet de discussion. Nous sommes allés à la rencontre de certains d’entre eux pour savoir comment ils appréhendent ces élections. Ziad, cafetier, déclare: «Hormis Ennahda, il n’y a aucun autre parti valable. J’espère que les deux jours qui viennent se passeront bien. L’important n’est pas tel ou tel parti mais qu’il y ait des dirigeants qui gèreront les affaires du pays en toute démocratie et transparence. Si la confiance est établie entre le peuple et le prochain gouvernement, les Tunisiens donneront toute l’aide qu’il faut pour remettre le pays sur pied.» Ali, 67 ans, qui a vécu la période Bourguiba en côtoyant parfois ce dernier, est plus ferme. «Les partis sont venus pour accaparer le pouvoir et l’argent. Seul le parti Ennahda est valable. Nous sommes musulmans et n’avons confiance qu’en un parti islamiste», dit-il. Rabeb, opticienne dans une boutique à la rue de Rome, est carrément out. «Pour moi, tout est flou. Je n’ai aucune idée sur les partis d’autant que je n’ai pas fait de recherche pour mieux comprendre leur programme. Une chose est certaine. J’irai voter demain mais sans savoir pour qui. Ce soir je réfléchirai. La nuit porte conseil», dit-elle.
Mehdi, ce jeune musicien rencontré également à la rue de Rome, semble serein et a au moins opté pour un parti dont on n’a pas trop entendu parler.«Sincèrement, je n’ai pas confiance aux partis tant qu’il n’y a pas de garantie qu’ils appliqueront leurs programmes respectifs. Mais tout de même, je voterai pour le parti le Mouvement pour la IIe République. Un parti que j’ai suivi de près depuis sa création au mois de mai dernier. Il m’a attiré car son discours est direct, clair et transparent à travers lequel on ressent son authenticité.» Mais parmi un millier de listes, représentant 150 tendances, le choix est vraiment ouvert. Des communistes, des libéraux, des islamistes et même des baâthistes inspirés de la doctrine de Nasser, brandissant des portraits de Saddam Hussein, sont en lice. La ferveur pré-électorale a embrasé tout le pays et pas seulement la capitale.
Femme, laïcité et place de la religion ont été des thèmes qui ont fait sensation et pas seulement sur les plateaux des télévisions tunisiennes qui ont invité de nombreux représentants de la société et de responsables de partis politiques pour des débats afin de faire campagne à l’occasion de ces élections.
Au niveau du siège de l’Isie situé au quartier La Fayette, un bon nombre de journalistes étrangers, notamment européens arrivés, pour la plupart, hier à Tunis. Ils se bousculaient au bureau de réception de cette instance pour récupérer leurs accréditations ou demander à être accrédités. Jesus Rodriguez, journaliste établi depuis deux ans à Tunis et manager à Montamedia.tv (espagnole) appréhende assez bien ces élections. Il lâche en vrac: «Je peux dire que j’appréhende bien ces élections. Je ne fais pas totalement confiance aux partis politiques, mais j’ai entièrement confiance au peuple. Ils ne sont pas dupes en tout cas. S’ils ont déchu l’ex-président, ce n’est pas pour revenir à un système corrompu. Ils veulent, peut-être, aller trop vite mais la démocratie ne s’apprend pas en 9 mois. D’autant plus qu’ils ont été muselés pendant 23 ans. Alors, il faut qu’ils apprennent à s’exprimer et à donner leur opinion.» Jacopo Granci, un autre journaliste italien qui a séjourné pendant quatre mois à Alger en 2008, déclare: «L’ambiance, par rapport à la rue, est très calme contrairement à ce qu’on entendait de l’extérieur. Alors qu’au contact direct avec la population, j’ai relevé qu’il y a un bon pourcentage qui est sceptique. Les gens disent ouvertement qu’ils ne vont pas voter. Au niveau de certains quartiers, les avis en faveur du parti Ennahda sont nombreux. S’agissant des élections, j’estime qu’elles vont se dérouler dans de bonnes conditions et sans irrégularités.»
Mazan Essayed, ce journaliste libanais du quotidien Essafir, reste plutôt évasif: «Pour moi, les grandes questions qui se posent sont liées à l’Islam politique et quel rôle il jouera dans la Tunisie de demain et voir finalement le bilan de la révolution sur le plan politique et représentatif. Je suis ici pour voir la dynamique sociale, économique et intellectuelle au lendemain de la révolution.»
Enfin, tous les yeux sont aujourd’hui braqués sur la Tunisie, notamment des pays voisins et gageons qu’au soir du 23, les résultats ne donneront à voir aucune hégémonie. Le champ de bataille a opposé durant toute la campagne électorale, le parti Ennahda, revenu sur le devant de la scène après de longues années d’interdiction, et les partis progressistes. Le suspense reste entier jusqu’à ce soir à minuit. Une victoire écrasante de quelque parti que ce soit laissera planer le risque d’un pouvoir absolu que les Tunisiens ne sauraient accepter. (L’Expression-23.10.2011.)

 

***les femmes, une force puissante presque absente de la campagne

 

 Elles ne sont que 7% à être tête de listes pour le scrutin historique de dimanche, sont restées discrètes pendant la campagne électorale. Les femmes tunisiennes ont pourtant obtenu il y a plus de 50 ans un statut unique dans le monde arabe et sont déterminées à ne rien lâcher.
Pour Ahlem Memi, vendeuse ambulante à Tunis, ne pas voter serait une honte. Elle veut défendre des droits qu’elle sent menacés par la percée attendue des islamistes d’Ennahda aux élections.
Désorientée par la muliplicité des listes, la jeune femme en lunettes noires et T-shirt ample sur jeans moulant ne sait pas encore à qui elle donnera sa voix, mais est certaine d’une chose: « Ennahda, jamais! ».
« On a peur qu’ils introduisent la polygamie, qu’ils nous obligent à nous voiler. Peut-être que les islamistes vont consigner les femmes à la maison, qu’ils vont fermer les cinémas », explique-t-elle.
En Tunisie, les femmes ont obtenu depuis de longues années un statut que leur envient beaucoup de leurs consoeurs du monde arabe: droit de vote, droit à l’avortement, au divorce, interdiction de la polygamie et une égalité constitutionnelle entre les sexes.
Ces acquis, imposés à marche forcée par le père de l’indépendance (1956) Habib Bourguiba, s’enracinnent dans la pratique ancienne d’un islam tolérant, dans un pays où cohabitent encore sans heurts musulmans sunnites majoritaires et minorités kharéjite, juive, chrétienne.
Dès le 9e siècle s’est répandue dans le pays la pratique du « mariage kairouanais », du nom de la ville de Kairouan dont l’école islamique rayonnait alors dans toute l’Afrique du Nord, et qui interdisait à l’homme de prendre une deuxième femme, rappelle l’historien Alaya Allani.
Le vent de liberté de la révolution a fait ressurgir les voiles, noués traditionnellement sur la nuque dans les campagnes ou sous le menton (hidjab), mais a aussi vu apparaître les niqab, voile intégral ne laissant entrevoir que la fente des yeux. « C’est mon choix, nul ne devrait pouvoir m’imposer de porter ou de ne pas porter un habit », affirme Rahma, chômeuse de 24 ans en hidjab.
La question du statut de la femme, comme celle des minorités religieuses, sera centrale dans les discussions entre les 217 membres de l’assemblée constituante qui sera élue dimanche et dont la principale tâche sera de rédiger une nouvelle constitution.
Ennahda s’est engagé à ne « pas toucher » à ce statut, a répété qu’il ne voulait pas renvoyer les femmes dans leurs foyers. Mais certaines de ses déclarations sur la revalorisation des mères au foyer, sa volonté d’installer un grand ministère de l’Education, ont inquiété le camp des démocrates de gauche et du centre.
Déjà, dans certaines classes, des enseignants islamistes ont séparé les garçons et les filles, tandis que d’autres promettaient pour bientôt de nouveaux manuels scolaires, pour rétablir « la vérité », selon plusieurs témoins.
Vendredi soir dans son dernier meeting de campagne, Maya Jribi, secrétaire générale du PDP (centre-gauche) et seule femme à diriger un grand parti, a exhorter les femmes à voter en masse.
« Par leurs voix, les femmes peuvent faire basculer la balance. Nous avons besoin des voix de tous ceux qui sont pour la modération, contre les extrémismes et les forces rétrogrades », a-t-elle dit.
L’historien Fayçal Chérif croit en la capacité de résistance d’une population qui n’acceptera pas qu’on tente de revenir sur une émancipation actée « dès les années 30, quand le théologien Tahar Haddad considérait l’oppression des femmes comme non conforme aux valeurs de l’islam ».
Les femmes ont obtenu le droit vote dès 1956 et ont commencé à intégrer l’armée et la police la même année. « Pour nous c’est naturel, dit M. Chérif. Cela ne nous dérange pas de monter dans un taxi conduit par une femme ou de monter dans un avion piloté par une femme ». (AFP-22.10.2011.)

 

***De Bouazizi à la Constituante

 

Le rêve d’élections libres et transparentes était irréalisable il y a 23 ans, mais il est devenu possible aujourd’hui grâce au peuple tunisien et à ses sacrifices.

Bastion du soulèvement dans le Monde arabe, premier pays où le président a été chassé du pouvoir, la Tunisie est encore le premier pays qui organise des élections libres durant ce Printemps arabe. Les Tunisiens sont face à un autre défi consistant à organiser une élection libre et transparente. Un défi qui était impossible et irréalisable, il y a 23 ans. L’impossible est devenu réalisable. Aujourd’hui, c’est un rêve pour chaque Tunisien, qui remplit les conditions de participer d’une façon démocratique à édifier l’avenir politique de son pays. Ce grand acquis a été réalisé grâce à la volonté du peuple et à ses sacrifices. Chaque électeur aura certainement une pensée, dans un petit coin de sa tête, en la mémoire de feu Mohamed Bouazizi qui était à l’origine du soulèvement des Tunisiens. Qui ne se souvient de ce vendeur ambulant de fruits et légumes qui s’est immolé par le feu pour manifester contre le chômage, l’injustice, la dictature et le pouvoir des policiers durant le règne de Zine El Abidine Ben Ali? Tout a commencé à la mi-décembre de l’année dernière, lorsque le défunt Bouazizi s’est suicidé par le feu.
Au lendemain de ce geste, des témoignages affirmaient que son geste a été motivé après une prise de bec avec une policière qui l’aurait giflé. Le temps a innocenté l’inculpée, Fédia Hamda, qui a eu gain de cause devant les tribunaux tunisiens. Elle a obtenu un non-lieu et été libérée par la suite. Le peuple tunisien n’avait pas pardonné un tel geste. Les manifestations prenaient de l’ampleur au fil du temps et se propageaient pour toucher toute la Tunisie. Au Palais de Carthage, la peur s’est installée.
Le président Ben Ali voyait le danger venir. Il décida de s’adresser à la rue dans l’espoir de calmer les esprits. Trois discours, trois déceptions. Les monts et merveilles promis par le président n’ont pas convaincu les manifestants qui réclamaient, alors, sa tête! Un message que le Raïs a bien reçu. «Je vous ai compris», a-t-il dit lors de son dernier discours avant de décoller, un certain 14 janvier, à destination de Djeddah en Arabie Saoudite, pour chercher un refuge politique. Des scènes de joie et de liesse dans tout le pays. Le dictateur est tombé. La Tunisie est libre. C’est le premier pays arabe qui a réussi à déchoir son président qui a régné durant 23 longues années.
La bataille pour la succession a été déclenchée. Le peuple continua à demander la tête de tous les responsables et membres du gouvernement de Ben Ali. Après un long cafouillage, le but a été atteint. Tous les ministres de l’ancien régime et appartenant au parti du président déchu sont tombés. Après Ben Ali, et ses ministres, c’est le tour du RCD, parti au pouvoir, qui a été ciblé par les manifestants. Longue résistance, mais le parti a été dissous. Un autre acquis pour les manifestants. Mais, le consensus n’a toujours pas été trouvé en vue de la constitution d’un gouvernement d’union nationale. La justice a déclenché sa série de jugements contre les familles Ben Ali et Trabelsi. Même les hauts dirigeants de l’époque ont été appelés à la barre. Entre les jugements et le gouvernement d’union nationale, la vie politique a été dynamisée en Tunisie. La presse est libérée. La liberté d’expression est assurée. Les exilés politiques de retour au pays. Les prisonniers d’opinion ont été libérés. Plusieurs personnalités politiques ont emergé. De nouveaux partis sont agréés. Consultations et concertations en cascade entre le gouvernement provisoire et les partis politiques. Un consensus a été trouvé pour l’organisation d’élections libres pour mettre en place une Assemblée constituante chargée d’élaborer une nouvelle Constitution. Le rendez-vous est fixé pour le 23 octobre alors que le début de la campagne électorale était annoncé pour le 1er du même mois. Aujourd’hui, plus de 7 millions d’électeurs sont appelés à élire les 217 membres d’une Assemblée constituante. (L’Expression-23.10.2011.)

 

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*Tentative de sabotage du Transmed (Transméditerranéen), pipeline de gaz naturel qui relie l’Algérie à l’Italie via la Tunisie.

 

**Al qaîda s’installe en Tunisie

Des accrochages ont déjà opposé des unités de l’armée tunisienne à des éléments identifiés comme liés à des groupes djihadistes, fortement suspectés d’appartenir au réseau Al Qaîda.

 Cette opération intervient dans une conjoncture politique marquée par une forte présence de la tendance islamiste

Bien que la tentative de sabotage du Transmed (Transméditerranéen), pipeline de gaz naturel qui relie l’Algérie à l’Italie via la Tunisie, n’ait pas été revendiquée, certains observateurs l’attribuent à la branche d’Al Qaîda au Maghreb islamique. Cette opération intervient dans une conjoncture politique marquée par une forte présence de la tendance islamiste. Un net regain de tension a été relevé dans plusieurs régions de la Tunisie ces derniers jours. Des affrontements ont opposé des manifestants aux forces de l’ordre alors que des actes de vandalisme ont visé des postes de police ainsi que des établissements publics. Où va la Tunisie? Après l’euphorie provoquée par la Révolution de jasmin qui a mis fin à près d’un demi-siècle d’un règne sans partage de l’ex-président Ben Ali, la Tunisie voisine risque de connaître une période d’instabilité à laquelle n’est pas étrangère l’émergence de la mouvance islamiste. Aqmi aurait, selon certaines sources, installé des bases sur le territoire tunisien et s’approvisionne en armes et en munitions dans les arsenaux libyens sans contrôle depuis que l’Otan a lancé son opération militaire contre Mouamar El Gueddafi. La Libye et la Tunisie sont dans la tourmente. Deux pays secoués par de très fortes turbulences et qui constituent des bases potentielles pour les groupes terroristes islamistes et le grand banditisme en tous genres (trafic d’armes, de drogue, enlèvements et prises d’otages…) juste aux portes de l’Algérie où Al Qaîda au Maghreb islamique semble vouloir s’installer durablement. Alors que la lutte s’intensifie et s’organise contre les groupes terroristes qui écument la bande sahélo-sahélienne, les territoires libyen et par ricochet tunisien leur offrent une fabuleuse opportunité pour desserrer l’étau et mener des opérations de déstabilisation à partir de parcelles de terrain nouvellement investies. La Libye et la Tunisie deviendront-elles le théâtre d’opérations terroristes? Le risque est avéré. Ce qui conforte la position de l’Algérie qui plaide pour une solution rapide et politique en ce qui concerne le conflit libyen. L’Algérie a encore appelé tout récemment à appuyer les différentes initiatives et efforts pour une «solution pacifique» de la crise libyenne, en prenant en compte «la feuille de route de l’Union africaine (UA)». Un point de vue partagé par l’Italie, à l’occasion de la récente visite effectuée à Alger par Franco Frattini, son ministre des Affaires étrangères, le Maroc, la Tunisie, la Pologne, l’Union africaine…La Tunisie qui est en proie à un islamisme et à un terrorisme rampant, court le risque de vivre la dramatique expérience par laquelle est passée l’Algérie juste après sa «révolution d’Octobre». Au lendemain des émeutes déclenchées le 5 octobre 1988 qui ont été suivies par de profondes réformes ouvrant ainsi les portes au multipartisme, et à la liberté de la presse, les islamistes se sont servis des mosquées comme lieux de propagande de leur idéologie, interdit les salles de cinéma, les baignades pour femmes, imposé le voile…Des réflexes repris par les islamistes tunisiens qui comptent pouvoir imposer un mode de vie et un comportement en adéquation avec une application rigoriste des préceptes de l’Islam. Les actes de violence de ces derniers jours font penser à l’existence d’un plan ourdi qui tendrait à ébranler la stabilité de la Tunisie et mettre en échec la Révolution de jasmin. Ce qui ferait l’affaire des islamistes et reproduirait le scénario algérien. Certains y voient la main d’Al Qaîda au Maghreb islamique. (L’Expression-21.07.2011.)

 

 

*Six mois après la révolution …un arrière-goùt du jasmin…

Six mois après la Révolution, la Tunisie s’est retrouvée confrontée à une multitude de problèmes de divers ordres : le chômage, le manque de sécurité, l’insalubrité et la décrépitude du tourisme. L’enjeu, après avoir coupé la tête au régime Ben Ali, est de trouver la meilleure façon de sauvegarder les objectifs de la Révolution, notamment celui de tenir des élections transparentes. C’est le rôle de tout un chacun et, surtout, celui des partis politiques et de la société civile qui foisonnent.Et de tous les secteurs de l’activité économique, le tourisme qui connaît la plus grave crise de son histoire. Les professionnels en la matière affichent ouvertement leur inquiétude. Ils parlent d’une chute de 51% au début du mois de juin, soit un déficit de 554 millions de dinars. Tout le monde s’accorde à dire que la saison en cours est compromise. Les réservations pour les mois de juillet, août et septembre, ont baissé de moitié. De nombreux hôtels à Djerba, Sousse et autres villes côtières réputées pour l’engouement des touristes étrangers, sont fermés, d’où la perte de plusieurs postes d’emploi dans ce secteur important qui fait vivre plus de deux millions de la population. Notre présence à l’hôtel Ramada Plaza, sis sur la côte de Carthage nous a permis de constater de visu à quel point la situation est désastreuse. L’hôtel était presque vide si ce n’est la Fondation internationale Anna Lindh, qui a rassemblé 235 participants pour assister à un forum sur l’échange interculturel pour une transition démocratique. Ce sont eux qui ont sauvé la mise. Cet établissement, qui recevait par le passé plus de 150 touristes par semaine, a vu ce nombre se réduire à 75 par semaine, bien que des agences de voyages aient signé des conventions avec l’établissement. Ce n’est pas le service qui est défaillant, encore moins la splendeur de la côte de Carthage qui est remise en cause, c’est plutôt la recrudescence de la violence que craignent les touristes étrangers, comme en témoigne Susanne, une Anglaise amoureuse de ce petit coin paradisiaque. Ses amis retraités qui ont l’habitude de l’accompagner ont renoncé à l’idée cette année. Mais cette mordue du piano tient trop à cet endroit historique pour choisir une autre sphère. «Je viens un mois sur deux pour adoucir ma solitude et profiter de l’air frais qu’on ne trouve nulle part ailleurs». Elle joue chaque soir les meilleurs couplets de la chanson anglaise. Elle nous a même dédié une des meilleures chansons de John Lennon, à savoir, «Imagine ». Elle interrompt la partie et met du scotch pour le clavecin, histoire de le préserver de la poussière et des fausses manoeuvres des enfants, et dira : «Je me soucie beaucoup pour l’avenir de ce pays et je prie souvent qu’il surmonte la crise». Il faut dire que le tourisme tunisien a dû subir, en plus des retombées de la révolution, les conséquences funestes de plusieurs facteurs de perturbations extérieurs, notamment la guerre en Libye. Un véritable coup de fouet pour le tourisme maghrébin en général et le tourisme tunisien en particulier. L’affaire Lampedusa est également pour la chute du marché italien, considéré, avant que les événements ne surviennent, comme un partenaire stratégique. À l’heure actuelle, les responsables tunisiens en charge du secteur sont restés à l’expectative, ne sachant quelle stratégie adopter pour sortir de cette crise des plus accablantes. Il n’y a pas une solution immédiate, cependant il existe encore une éventualité pour sauver un tant soit peu les meubles. Les autorités mettent le paquet sur la promotion du tourisme intérieur en incitant les Tunisiens à passer leurs vacances au pays par des offres attrayantes, des remises oscillant entre 20% et 50%. Toutefois, redonner vie à ce secteur considéré comme l’épine dorsale de l’économie nationale, n’est pas toujours facile, car les Tunisiens connaissent le chemin de Barcelone ou de Londres lorsqu’il s’agit de leurs vacances. Nous parlons bien de la classe ayant les moyens de le faire, pour d’autres ils ne peuvent pas s’offrir le moindre plaisir même dans leur pays. Par le plus grand des hasards, à notre retour, on croise à la salle d’embarquement un groupe de jeunes étudiants de Sidi Bou Said. Ils s’appellent Ayman, Amira, Mohamed-Amine, Hosseyna et Bourhane. Une bande de copains qui choisit justement Barcelone pour s’évader. Ils diront qu’ils préfèrent une destination étrangère, non sans avancer la raison : une année plutôt, il était quasiment impossible de se frayer une place en tant que Tunisiens parmi les touristes, diront-ils. «Là où on va, ils nous disent que c’est réservé aux touristes. Maintenant que leurs complexes touristiques sont désertés, on nous propose des remises alléchantes. Par fierté je vais aller à l’étranger», raconte Ayman. L’insalubrité et les fléaux sociaux s’installent La Tunisie, notamment la Capitale, est confrontée à d’autres problèmes aussi cruciaux les uns que les autres, les braquages et surtout l’insalubrité, et ce, depuis la grève des éboueurs. Ceux qui avaient visité la ville auparavant témoigneront que les rues de l’ancienne ville de Tunis n’ont jamais été aussi négligées que cette année. Un passant prévient, « faites attention aux pickpockets ! » C’était un dimanche, les allés de cette ville-marché peinent à retrouver leur image habituelle. Les magasins de la Medina étaient presque tous fermés. Enfin, un compartiment ouvert ! Celui des tapis ! L’endroit s’appelle le Palais du Bey. La première chose qu’on remarque ce sont les cadres de certaines personnalités politiques et religieuses suspendus au mur, dont Abdelaziz Bouteflika et Jean Paul II. Et dire que cet endroit n’avait cessé de susciter la convoitise de plusieurs personnalités connues de par le monde. L’un des employés du palais nous conduira d’abord pour visiter la fameuse terrasse qui domine la mosquée Zitouna. Les membres de la délégation se sont réjouis de découvrir cette vue, le moins que l’on puisse dire, panoramique et époustouflante. Après avoir pris des photos pour immortaliser la visite, il nous emmène au salon du tapis. C’est là où sont stockées les pièces rares de la tapisserie tunisienne.Il étalera une dizaine devant la délégation de Anna Lindh, défendra la qualité du travail et se démènera, histoire de convaincre quelqu’un d’acheter. On l’écoutera un moment avec courtoisie, puis l’on s’en ira, le laissant expliquer dans le vide. SIDI BOU SAID : «JAMAIS SANS ENNEJMA EZZAHRA» Le palais de Ennejma Ezzahra est le passage obligatoire pour celui qui veut découvrir les charmes du village huppé de Sidi Bou Said. Il s’agit du palais du Baron d’Erlanger, rebaptisé Ennejma Ezzahra et construit par Rodolphe d’Erlanger, devenu par la suite le Centre national des musiques arabes et méditerranéennes (Cmam). La jeunesse du sud-tunisien a tenu à ce qu’elle y fête sa révolution. Il y a juste une semaine, une centaine de jeunes étaient arrivés au Cmam à pied, en l’honneur des acteurs de la révolution. Ils se sont montrés fiers de leurs réalisations. Ils reconnaissent les risques mais restent tout de même confiants, quant à l’avenir de leur pays. Ils rejettent le terme «jasmin» qu’on attribue à leur révolution. Ils diront que cette appellation est humiliante, et a été injectée par les medias étrangers pour dépossèder la révolution de son sens. Le jasmin symbolise la joie, la paix au moment où cette étape a coûtée cher aux Tunisiens. Quant au choix de Ennejma Ezzahra, il est loin d’être fortuit. Les acteurs de l’épopée ont voulu quelque part fêter le recouvrement de tout ce qui représente l’identité tunisienne, dont ce palais. La bâtisse qui donne sur la Marsa, n’avait jamais cessé de susciter l’avidité de Ben Ali. Selon des témoignages, il avait fait des pieds et des mains pour la détourner de sa vocation pour assouvir ses propres gourmandises et celles de la famille Trabelsi. Les efforts des jeunes ne sont pas vains. Ils fêtent pour la première fois le 20 mars, (la journée de la proclamation de l’indépendance de la Tunisie). Pareil pour la fête de l’armée à l’occasion de laquelle ils ont eu droit à un fait inédit. Loin du RCD (parti du président déchu), une parade a sillonné l’avenue Habib-Bourguiba. Les spectateurs jubilent, applaudissent et cherchent à exprimer des tas de choses. On a même vu certains faire l’éloge de l’ancien président tunisien Habib Bourguiba sans craindre les agents de Ben Ali.Voilà le côté positif de la révolution, le peuple tunisien s’est approprié son identité et a retrouvé sa liberté. Il peut même rouler au ralenti du côté du palais de Carthage, voire aborder et saluer la garde républicaine, chose inimaginable du temps de Ben Ali.*ENVOYÉE SPÉCIALE EN TUNISIE, REBIHA AKRICHE. (Le Courrier d’Algérie-05.07.2011.)*** Un colonel et un soldat assassinés dans le centre du pays  L’ombre d’Al Qaîda plane sur la Tunisie terrorism.jpgL’assassinat, hier, du colonel Tahar Ayari et de Walid Haji de l’armée tunisienne à Rouhia (nord) par un groupe armé mené par deux Libyens, remet au devant de la scène la menace terroriste qui risque de mettre en danger le processus démocratique. Le pays de la Révolution du jasmin enregistre les premières victimes du terrorisme. «C’est la première fois depuis la révolution que des militaires tunisiens se font tuer par des terroristes», a déclaré une
source militaire.

La Tunisie post-Ben Ali fait-elle face à des manœuvres de déstabilisation pour faire capoter sa révolution ? Où est-elle réellement en train de faire «connaissance» avec la nébuleuse Al Qaîda devenue la marque de fabrique de tous les attentats commis dans le monde ? Ces questions coulent de source tant la multiplication des alertes terroristes intervient en amont d’un processus politique, certes laborieux, mais prometteur pour l’avenir démocratique de la Tunisie. L’assassinat hier du colonel Tahar Ayari et de Walid Haji de l’armée tunisienne à Rouhia (nord) par un groupe armé mené par deux Libyens qui avaient sur eux «des passeports», replace la Tunisie, dans la rubrique des pays «infestés» par les apôtres de Ben Laden. Bien que ce double crime n’ait pas été encore revendiqué les premiers commentaires ne laissent pas l’ombre d’un doute quant à la «filiation» des auteurs. Al Jazeera a rapporté hier, citant une source militaire tunisienne, que le «groupe terroriste de Seliana ayant commis l’attentat appartient bien à Al Qaîda».

Auparavant, la radio tunisienne Mosaïque FM a donné, hier, une première piste qui pourrait appuyer l’hypothèse de l’internationale terroriste, en précisant que les militaires tunisiens ont été tués dans des affrontements qui les ont opposé à un «groupe armé de 9 personnes de nationalité tunisienne, algérienne et libyenne appartenant au réseau Al Qaîda». Il se confirme donc que cette attaque soit l’œuvre de l’organisation désormais dirigée par l’Egyptien Seif Al Adl.  Et les deux militaires tunisiens tués sont les premières victimes de «terrorisme» dans la Tunisie libérée de son dictateur Ben Ali. «C’est la première fois depuis la révolution (tunisienne qui a causé la chute du président Ben Ali, le 14 janvier) que des militaires tunisiens se font tuer par des terroristes», a déclaré une source militaire confirmée par une source judiciaire à l’AFP.

Cet attentat, premier du genre, est d’autant plus inquiétant pour une Tunisie, encore souffrante, que les deux Libyens et leurs acolytes étaient armés jusqu’ aux dents. «Ils portaient des ceintures d’explosifs et il s’agit de terroristes», affirme une source autorisée. Et d’ajouter que les échanges de tirs ont démarré après l’arrivée «de deux hommes (libyens) en provenance de Sbiba qui se sont dirigés vers un parc de stationnement à Rouhia et d’ouvrir le feu sur des unités de l’armée et de la garde nationale». Le ministère tunisien de l’Intérieur, lui, parle de «trois terroristes armés», retrouvés morts.
En tout état de cause, ce double assassinat marque l’infiltration des éléments  d’Al Qaîda en terre tunisienne. Et cela fait craindre le pire pour un si petit pays dépourvu de moyens de lutte et qui fait face à une incertitude politique. Preuve en est que dimanche, les autorités de ce pays avaient annoncé l’arrestation d’un Algérien et d’un Libyen, suspectés d’appartenance à Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI) et en  possession d’explosifs, à Nekrif (sud), dans la région de Tataouine.

Ce coup de filet est aussi considéré comme la «première arrestation» de membres présumés d’AQMI en Tunisie. Le ministre français de la Coopération, Henri de Raincourt, a reconnu que des «stocks d’armes ont été transférés hors de Libye»… «Il est exact aujourd’hui qu’un certain nombre d’armes sont sorties de Libye. Où sont-elles arrivées ? On ne le sait pas forcément et précisément», a-t-il déclaré à la chaîne de télévision TV5. Depuis hier, on peut légitimement penser que ces armes ont pu «servir» à Rouhia au nord de la Tunisie, pour tuer le colonel et son soldat. (…)  (El Watan-19.05.2011.)
 

*Après l’euphorie révolutionnaire, le vertige des lendemains incertains

 Un parfum de Trafalgar Square flotte sur l’avenue Habib Bourguiba. Enivrant et libertaire. Un souffle germinal parcourt l’avenue la plus emblématique de Tunis, rebaptisée symboliquement avenue Mohamed Bouazizi, du nom du premier martyr de la révolution tunisienne. La Tunisie entière vit au rythme de la révolution depuis ce cathartique vendredi 14 janvier qui a vu la chute de Ben Ali.
 

Tunis.
de l’envoyé spécial d’El Watan.

Zine Al Haribine Ben Ali (Ben Ali, le fuyard), quolibet sentencieux parmi d’autres par lequel les Tunisois se vengent de l’ancien maître de Carthage, leur ancien bourreau. «Ethaoura tounssia» est sur toutes les lèvres. Disséquée, analysée, vantée, et parfois même vilipendée, la «révolution tunisienne» est portée au firmament, fonde le nouvel orgueil et la fierté nationale. Dans les bars-cafés transformés en QG de partis politiques, dans les médias publics et privés, la «révolution» est servie sous toutes ses coutures, encensée à satiété, et consommée avec boulimie.Des débats houleux, sur la laïcité, la nouvelle Constitution, le nouveau code électoral, les élections (de la Constituante) du 24 juillet prochain, la nature du régime : parlementaire ou présidentiel… occupent l’espace public de plus en plus gagné par l’effervescence. On débat aussi de la composante et prérogatives de l’Instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la dette tunisienne (14,4 milliards de dollars) et les biens détournés par les clans Ben Ali/Trabelsi. Pas un jour ne passe sans qu’il ne charrie ici son lot de manifestations publiques. Les sempiternelles «Iatissamate» (manifestations) agacent commerçants, taximen, hôteliers… et les nostalgiques de l’ordre policier de Ben Ali. Juges, communaux, avocats, enseignants, hospitalo-universitaires, chômeurs diplômés (plus de 100 000 universitaires sans emploi) travailleurs des régies privés de transports, rapatriés de Libye (Plus de 50 000 Tunisiens travaillent en Libye), étudiants, etc. Tous les corps de métiers sont pris de convulsions, battent le pavé dans l’espoir d’améliorer un pouvoir d’achat, un rattrapage salarial. La cité administrative de La Casbah mitoyenne à l’avenue Habib Bourguiba, l’Hôtel de ville, l’esplanade du Théâtre communal, «edakhilia», le bâtiment du ministère de l’Intérieur aux allures de bunker – et où se trouvent les bureaux des polices politiques – entouré de fils barbelés et gardé par les blindés de l’armée, sont pris d’assaut quotidiennement par des centaines de manifestants.La révolution permanente«Thour thour ya chaâb, alla bakia edictatour» (peuple, révolte-toi encore et encore contre les restes de la dictature), scandent des Tunisiens.
«C’est une révolution permanente», s’égosille Nizar Amami, syndicaliste PTT et porte-parole de la Ligue de la gauche ouvrière. Très influent au sein de la centrale UGTT et cheville ouvrière du «Front du 14 janvier», le premier conseil de la révolution tunisienne formé d’une dizaines de partis et associations corporatistes et organisations de la société civile, le groupuscule trotskiste est sur tous les fronts.  Des cercles de débats passionnés et passionnants se forment presque toutes les après-midi le long de l’avenue principale et durent jusqu’au milieu de la nuit. Des noria de militants, sympathisants de tous les courants politiques : Baâth, nationalistes nassériens, «khouanjia» (les Frères) BCBG de Nahda, ou les salafistes hard du mouvement Tahrir – interdit –, jusqu’aux mouvements hétéroclites de la gauche et de l’extrême gauche radicale qui s’essaient à l’exercice nouveau de la politique. Une cinquantaine de formations politiques – sur plus de 105 demandes déposées au niveau du ministère de l’Intérieur – dispose désormais d’un agrément en bonne et due forme.
L’inflation démocratique  «Une inflation de projets politiques. Un supermarché à idées et programmes dans lequel se perdent les Tunisiens trop longtemps sevrés d’expression libre», fait observer Moufida Belghith du conseil de l’Ordre des avocats. «Avant la chute de Ben Ali, nombre de mes amis n’osaient même pas me serrer la main en public. Maintenant, ils le font volontiers, un peu comme pour demander pardon», disait amusé Kamel Comba.
A l’instar de centaines d’opposants aux régimes de Bourguiba et Ben Ali, Kamel est passé plusieurs fois par la case prison. De ces endroits «lugubres, noirs et froids» dont regorgeait le régime de Zaba et Bourguiba. Et pas n’importe laquelle : la sinistre prison de Tunis de Gorjani où l’ex-militant clandestin de la gauche radicale et membre fondateur des Patriotes démocrates à l’université (Wadaj) a été embastillé une première fois en 1982, puis en 1985. «Ma mère en est morte de chagrin», ajoute-t-il d’une voix éraillée. Nombre de ces partis qui activaient dans la clandestinité n’ont effectué leur première sortie publique que la semaine dernière. Au cinéma Mondial ou à l’espace El Teatro pour les plus modestes financièrement, le Palais des congrès pour les plus nantis.
Une pléthore de personnages politiques sort de l’ombre, un foisonnement de partis microscopiques nés de la chape de plomb qui n’est plus, de la parole libre. Libre à telle enseigne qu’elle nourri chez certains Tunisiens de l’agacement, de la peur, des appréhensions. «C’est un saut dans le vide et sans parachute», décrit le cinéaste Mohamed Adjbouni. «La révolution tunisienne n’a rien de douce ni de romantique, ajoute-t-il. Ce sont les médias français qui nous ont collé cette appellation absurde de révolution du Jasmin. Mais avaient-ils seulement croisé une seule fois les couronnes de jasmin ? Je me le demande encore !». Peu de touristes se hasardent encore en Tunisie et ce en dépit des offres alléchantes et racoleuses des tour-operators. Et pour cause ! Les braquages, rixes, vols… sont légion – 10 000 prisonniers de droit commun s’étaient évadés des bagnes tunisiens pendant les événements de janvier – écornant la réputation lisse et doucereuse de la capitale tunisienne, jadis mecque des bourses moyennes européennes.La ville sent assurément moins la rose et le jasmin d’antan. On grille les feux rouges, chose quasi inimaginable il y a à peine 40 jours ; stationnement sauvage de véhicules, ramassage défaillant des ordures ménagères… et à l’image des villes d’Algérie, une armée de vendeurs à la sauvette squattent en toute quiétude les grands boulevards.
Le blocage de centaines de municipalités, dont les «élus» RCD ont soit démissionné et/ou se sont volatilisés dans la nature, a installé la ville dans un état de non- gestion. La police et la garde nationale qui suscitent encore la méfiance des Tunisiens se sont mis en mode veille ou presque.
L’intervention mercredi dernier des «hakem», les policiers, pour déloger des manifestants qui se sont rassemblés à La Casbah étaient à deux doigts de raviver les tensions.  
Le come-back du RCDL’euphorie et le triomphalisme révolutionnaires ont cédé peu à peu la place au vertige des lendemains incertains. La peur de l’inconnu. La peur du «retour» du RCD, l’ancien parti au pouvoir, officiellement dissous, mais qui sous d’autres sigles revient au devant de la scène. Le nouveau Parti national, notamment, à sa tête un ancien ministre de l’Intérieur de Ben Ali. «Le RCD est une bombe à fragmentation. Mille et un éclats peuvent encore nous atteindre», déclarait, dimanche lors d’un meeting, le leader du Congrès pour la République, le neurologue Moncef Merzouki.La crainte, dit Mustafa Ben Ahmed, syndicaliste et membre de l’exécutif de l’UGTT, est que la Tunisie devienne le nouveau laboratoire de l’internationale islamiste ou du grand capital. Tout est ouvert sur tout dans la conjoncture où nous sommes, y compris une guerre civile, car il suffit de quelques camions d’armes qui entrent par les frontières pour… . «En définitive, si l’insécurité persiste, la situation économique se détériorera davantage, cela ne fera qu’inciter l’armée et sa junte militaire, qui est en train de se former, à l’intervention directe ou indirecte pour la prise du pouvoir. C’est un scénario auquel se prépare sérieusement la nouvelle élite militaire et c’est d’autant plus plausible qu’il rejoint une demande populaire certes pas expressément formulée, mais qu’elle appelle de ses vœux.» (El Watan-31.03.2011.)*   «La révolution s’est faite le 14 janvier et s’est arrêtée le jour même» selon Zeyneb Farhat. Association tunisienne des femmes démocrates Cette révolution a eu raison non seulement du pouvoir de Ben Ali mais aussi de tout le régime de la Tunisie post-indépendance, l’ère Bourguiba incluse.

C’est donc la chute de tout un système dictatorial qui nous a gouverné depuis 1956. Le 14 janvier est comme un arrêt sur image sur la Tunisie post-indépendance. Maintenant, la Tunisie est en suspens et tous attendent comment la chute aura lieu. Saura-t-elle accoucher d’une culture démocratique ? Les masses qui ont porté la révolution feront-elles preuve de culture démocratique ? Les forces démocratiques, celle de la gauche notamment, seront-elles à la hauteur de la responsabilité historique qui est la leur aujourd’hui.

Car même si nous avons eu à constater au cours de cette révolution la générosité, l’élan immense de solidarité entre tous les Tunisiens, nous aurons dans l’avenir à vérifier, et je pèse bien mes mots, la profondeur des traumatismes infligés pendant 60 ans de dictature à la société tunisienne. On saura alors si les Tunisiens sont aptes à amorcer et à diriger un gouvernement de transition démocratique et s’ils porteront à bout de bras un projet démocratique et laïc garantissant pour tous un bien-être extrême. On ne sort pas indemne en tout cas de 60 ans de despotisme. Certes, la culture citoyenne s’acquière. Jusque-là, l’espace public n’appartenait pas aux Tunisiens, maintenant ils se le sont réapproprié. Quel usage en feront-ils ? Sauront-ils faire preuve de responsabilité et de liberté citoyenne ? (El Watan-31.03.2011.)

**Abderrazak Hammami. Porte-parole du Parti du travail patriotique et démocratique

Les chefs politiques du RCD sont toujours présents

 Ses groupes de pression financiers et politiques le sont aussi. Bien qu’officiellement dissous, le RCD, qui dispose d’un gros magot, peut réapparaître sous une dizaine de filiales et succursales.

Il est donc nécessaire d’écarter de la scène politique les anciens responsables du comité central de ce parti, les chefs des coordinations, etc. Mais le danger ne disparaîtra pas pour autant car la vraie menace vient de cette alliance de classes qui détient et monopolise tous les leviers économiques du pays. Malgré cela et jusqu’au jour d’aujourd’hui, les forces révolutionnaires persistent dans leurs luttes pour conserver l’essentiel des acquis de la révolution. Nous faisons face à une alliance de classes que le RCD et le pouvoir déchu (Ben Ali et sa famille) représentaient politiquement. Il est clair que cette alliance est ébranlée, mais elle tente de se reconstruire sous de nouveaux sigles.
D’autre part, on retrouve également quelques forces réactionnaires, qui, le moment venu, joueront leur rôle d’appareil politique au service de cette alliance réactionnaire. (31.03.2011.)
 

 

***Alger- Hammamet Yasmine à bord du SUV H5

La Tunisie est toujours accueillante

 Un test drive reliant Alger à Hammamet Yasmine (Tunisie) a été effectué au cours du week-end dernier par des journalistes, et ce, à bord du nouveau 4×4 Haval H5 de Great Wall.

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Ce test de conduite, selon Nabil Meguiref, organisateur du rallye des medias algériens, est unique en son genre. Il a permis aux professionnels des médias, issus de différents quotidiens nationaux et magazines spécialisés, de tester les aptitudes de cet SUV sur un long trajet de plus de 2000km. L’autre but de ce test drive est de constater de visu que la destination Tunisie est bien prête à accueillir le prochain Rallye des médias algériens. Selon les journalistes ayant pris part à cette belle aventure, la Tunisie d’aujourd’hui est celle que nous avons toujours connue, sinon encore plus accueillante. La vie y bat son plein, les services de sécurité sont omniprésents sur le terrain et les Tunisiens sont davantage plus heureux de constater le retour des touristes algériens. Les mêmes journalistes ont également affirmé avoir été agréablement surpris par le comportement routier du SUV de Great Wall dont les rapports prix/qualité sont les moins chers du marché.  (El Watan-05.04.2011.)

 

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 *Tout sur la fuite de Ben Ali

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Sans nul doute, le départ de l’ex-président Ben Ali a surpris le monde entier et suscité de nombreuses questions. «Réalités» lève le voile sur cette énigme et révèle  en exclusivité les dernières heures du dictateur, encore président de la République tunisienne. Voici le jour où tout a basculé. 

****Il revient minutieusement sur les dernières heures de l’ex-président de la Tunisie.

*Nous sommes le jeudi 13 janvier 2011. Il est 21h00. Zine El Abidine Ben Ali vient de prononcer son discours. Fatigué, désorienté, en perte de vitesse, le chef de l’Etat multiplie, la main sur le cœur,  les engagements et les concessions. Ultime tentative de calmer la colère de la rue tunisienne à qui il «vend» et promet la liberté. Pense-t-il alors que le pire est derrière lui ? Aucunement. Car le Président, encore en exercice, est loin d’ignorer les appels à la manifestation lancés depuis belle lurette. Selon lui le lendemain serait une journée test. Elle s’avérera décisive.

Une colère inapaisée

La pression populaire finira par payer. Interrogés, de nombreux experts sont catégoriques. Les jours de Zine El Abidine Ben Ali à la tête de la Tunisie sont comptés…en mois. Mais, ne voilà-t-il pas que le vendredi 14 janvier, débute une journée qui prendra le monde  à revers et au cours de laquelle l’échelle «temps» n’a plus lieu d’être. Au matin, Ben Ali est alors loin, très loin, de penser que la rue tunisienne a sonné le glas de ses vingt-trois années de règne sans partage. Certes, à Carthage, les évènements sont suivis avec minutie et intérêt. Mais le président croit encore en sa bonne étoile. Au Palais, Ben Ali est seul ou presque. Ses deux plus proches conseillers- Abdelwahab Abdallah et Abdelaziz Ben Dhia- avaient été, dans une ultime concession au peuple, congédiés la veille. Ils incarnaient en grande partie le régime sécuritaire tant décrié par la population. Autour de lui, le Général Sériati, le chef de sa garde rapprochée et son épouse Leila Ben Ali, rentrée de Dubaï depuis peu. Dans le somptueux palais, l’atmosphère, déjà bien tendue, se dégrade peu à peu. Les nouvelles tombent. Elles ne sont pas rassurantes pour le couple présidentiel. La mobilisation s’accroît et s’étend à l’ensemble du pays. Grandes villes ou communes rurales, pas une région n’est épargnée. En quelques secondes, la manifestation de soutien au président organisée la veille par les cadres du RCD est balayée d’un revers de la main, jetée aux oubliettes. Par milliers, les Tunisiens descendent dans la rue, avec un slogan, une revendication non négociable : «Ben Ali, dégage». A Tunis, la démonstration de force  met un terme à tout espoir pour le dictateur. Des dizaines de milliers (certains évoquent 100.000) de Tunisois bravent les forces de l’ordre afin de réclamer son départ…devant (encore un symbole!) le ministère de l’Intérieur.

De la neutralité…à l’immixtion

Il est  près de 13 heures,  dans les rues tunisiennes, la contestation est à son comble. Intervient alors le Général Rachid Ammar. Jusqu’alors, le Chef d’état-major de l’Armée tunisienne était l’homme, de et dans l’ombre. Mais la situation se dégrade. Il en est alors de la sécurité de la nation. Il décide de «passer à l’action». Entre les deux hommes, les rapports sont tendus depuis le début des émeutes. Quelques jours auparavant, Ben Ali avait même décidé de le limoger. Le motif ? Le Général Rachid Ammar avait refusé de tirer sur les manifestants, conformément aux ordres du président. Mais l’homme de Carthage l’apprendra à ses dépens. Le militaire n’est pas un personnage quelconque. Il bénéficie du soutien indéfectible de ses soldats. Preuve en est… Le président le réintégrera rapidement à son poste, contraint et forcé. Car au moment où Ben Ali réitère l’ordre de tirer à son remplaçant, la réponse ne se fait pas attendre : «ce qu’a dit le Général Ammar  est partagé par l’ensemble de l’Etat major». A Carthage, le chef de l’état-major lui décrit une situation insurrectionnelle. Le peuple se dit prêt dans un ultime souffle à marcher vers le Palais. Le conseil «quasi-ordre» tombe.  Ben Ali doit quitter le pays. Le militaire se veut clair. L’armée sera obligée de décréter un couvre feu général. De fait, dans trois heures (à 17h), elle procédera à la fermeture de l’espace aérien. Trois heures pendant lesquelles il peut encore assurer sa sécurité. Au-delà, l’Armée ne répond plus de rien. 

Le convoi de l’angoisse

C’est un Ben Ali, assommé et sous le choc qui se prépare à quitter Carthage. Il est accompagné de son épouse et de son fils, Mohamed Aziz. Mais le Général se veut rassurant. Son départ est provisoire…le temps que la situation se décante et s’apaise. Dans une ultime tentative, le couple présidentiel tente de négocier la fuite de certains membres de la famille. Il essuie un refus. Affolée, Leila Trabelsi multiplie les coups de fils et prévient sa famille. Les Ben Ali ont emmené avec eux le strict nécessaire. Ils doivent plier bagages dans les plus brefs délais. Le convoi présidentiel sort de Carthage. Tout a été organisé dans la précipitation, si ce n’est l’urgence. Escorté par les militaires et des fidèles de sa  garde présidentielle, il se dirige vers l’aéroport de l’Aouina. Là-bas, un  boeing 727 les attend. Ni conseiller, ni garde personnelle. Même, le médecin personnel du président, présent à chaque déplacement, est absent. Ben Ali embarque. A bord de l’appareil, son épouse, son fils, son équipage habituel et quelques domestiques. Dans l’avion, règne un climat de peur et d’angoisse. Peur d’être débarqué ou encore peur d’être poursuivi. Les minutes passent.  En état de choc, la famille apprend le destin de l’entourage proche.  Certains membres de la famille Trabelsi ont d’ores et déjà été livrés à la vindicte populaire. Il est 17h40 lorsque décolle le Boeing. La destination est alors inconnue.

La chasse aux Trabelsi

L’Armée a des ordres. Seuls sont autorisés à quitter le territoire le président, son épouse, et son fils. Elle pourrait éventuellement fermer les yeux sur les autres fuites.  Mais le Tunisien lambda ne l’entend pas de cette oreille. Assoiffée de justice, la Tunisie n’est plus une terre de sécurité pour l’entourage présidentiel.  Il est 14h32, le vol Tunisair TU 750 s’apprête à décoller pour Lyon lorsque le commandant de bord, Mohamed Ben Kilani, reçoit un ordre. Il est sommé d’attendre cinq passagers supplémentaires.  Habitués aux passe-droits accordés à l’entourage du président, le pilote comprend rapidement. Avertis par la reine-mère, les Trabelsi ont convergé  à la hâte vers l’aéroport…avec l’intention de fuir le pays. Les évènements se succèdent alors très rapidement. Avec l’assentiment tacite de l’équipage, il tente d’abord de refuser à «l’amiable». Pour cela, il invoque un détail technique…Le changement de poids, comprenez l’avion ne peut transporter davantage de passagers car il y a un surpoids. Débute alors une violente dispute dans le cockpit. Le commandant est humilié et insulté. Mais ce dernier se montre intraitable. Il éloigne les passagers, sort de l’appareil avant de s’écrouler sur la passerelle. La compagnie doit alors désigner en urgence  un autre pilote. C’est en l’attendant que les cinq membres de la famille Trabelsi sont dénoncés. L’Armée viendra les «récupérer»…alors qu’ils patientaient dans la salle VIP de l’aéroport. Ils sont aussitôt placés en «sécurité» par les militaires. Le sort de la famille «régnante» vient d’être scellé en Tunisie.

De surprises an surprises…

A bord du Boeing 727, l’atmosphère est pesante. Debout derrière le commandant de bord, dans le cockpit, le président pas encore déchu se tient debout, stressé, les traits tirés…une arme dissimulée dans la poche intérieure de sa veste, prêt à dégainer. Toujours aux aguets, il ne s’installera jamais confortablement. Ben Ali décolle de l’aéroport militaire de l’Aouina. Après une brève hésitation, il choisit de se diriger vers la France. Beaucoup de ses proches, dont sa fille Nesrine s’y étaient déjà réfugiés depuis quelques jours. Mais surprise…Alors qu’il survole l’espace aérien français, l’Elysée l’informe soudainement qu’il n’est pas le bienvenu. Visiblement étonné et quelque peu contrarié par la volte-face française, il se dirige alors vers les pays du Golfe. L’Arabie Saoudite l’invite aussitôt. Peu de temps après le demi-tour forcé, un problème sérieux contraint l’avion à faire une escale technique. Branle-bas de combat à Cagliari (Sardaigne). Les autorités italiennes, organisent à la dernière minute un dispositif de sécurité. Elles  souhaitent son départ au plus vite. Il est indésirable. Ben Ali a plus que jamais les nerfs à vif. Il ne retrouvera son calme…que lors de son arrivée à Jeddah. Reçu en sa qualité de chef d’Etat, il est même accueilli avec les honneurs et séjourne dans le palais du roi Fahd. Il demande alors à l’équipage de se reposer… «Il les rappelera ultérieurement». Mais l’équipage insiste. Il doit rester dans l’appareil afin de s’occuper de quelques détails techniques. En réalité, l’ordre leur a été donné de revenir immédiatement en Tunisie…après avoir acheminé le président. Ben Ali apprend par la suite qu’il a été légalement destitué. Au téléphone, le Premier ministre tunisien lui signifie que le peuple ne veut définitivement plus de lui.

La dernière énigme…

Demeure une question …Au moment où l’Armée a mis le Général Ben Ali dans l’avion, savait-elle pertinemment qu’il ne reviendrait plus sur le territoire tunisien?  Est-ce réellement la sécurité nationale qui a dicté ce choix ? Selon d’autres sources concordantes, l’intervention du Général Rachid Ammar aurait été dictée pour une raison. Il aurait eu rumeur d’un complot fomenté par Leila Ben Ali et le Général Sériati. Un coup d’Etat «médical»-du déjà-vu pour les Tunisiens- dans lequel Leila constaterait l’incapacité de son mari afin de prendre le pouvoir. C’est même pour cette raison qu’elle serait revenue à la hâte à Tunis de ses vacances à Dubaï. Preuve en est…Le scénario du complot Sériati-Trabelsi n’épargnait aucun détail. Les deux-cents fidèles de la garde présidentielle de Ben Ali auraient été envoyés à la frontière algérienne, où ils seraient tombés dans une embuscade.  Attaqués et tués sur place, leur mort aurait alors été attribuée à des milices. (Réalités de Tunisie-04.02.2011.)

***Ben Ali : récit d’une fin de règne pathétique

 

«Toute ma vie il aura fallu que je supporte tes conneries !», aurait lancé Leïla Trabelsi à son mari le 14 janvier, au moment de monter dans l'avion pour l'exil.
«Toute ma vie il aura fallu que je supporte tes conneries !», aurait lancé Leïla Trabelsi à son mari le 14 janvier 2011, au moment de monter dans l’avion pour l’exil.

À partir de témoignages, le Nouvel Observateur a reconstitué les dernières heures du dictateur déchu sur le sol tunisien. Scènes surréalistes d’un ancien puissant bousculé par sa femme haineuse et poussé à l’exil par les subterfuges de son entourage.

coeur-«Monte imbécile, toute ma vie il aura fallu que je supporte tes conneries !» Propos tirés d’une vulgaire scène de ménage au sein d’un vieux couple qui se déchire. Sauf que l’auteur de ces propos n’est autre que Leïla Trabelsi, et le vieux couple celui des Ben Ali, qui a présidé aux destinées de la Tunisie pendant plus de vingt ans. On savait que leur départ du pays, le 14 janvier en pleine révolte populaire, avait été précipité et peu glorieux. Les détails qu’en révèle cette semaine le Nouvel Observateur en brossent un tableau pitoyable et grotesque.

Un vieil homme hagard, gémissant, supplie sur le tarmac de l’aéroport de Tunis : «Laissez-moi, je ne veux pas y aller, je veux mourir ici dans mon pays». C’est Zine el-Abidine Ben Ali, le raïs déchu après avoir régné d’une main de fer sur la Tunisie pendant 23 ans. Ce vendredi 14 janvier, le roi est nu, il a perdu son royaume et c’est poussé par son chef de la police politique, le terrible Ali Seriati, qu’il monte dans un avion pour l’exil. «Bordel de Dieu, tu vas monter !», lui lance en le bousculant son compagnon de trente ans. Leïla Trablesi, qui ne pardonne pas à son mari d’avoir perdu un pays à la tête duquel elle se voyait lui succéder, ne retient plus le mépris qu’il lui inspire. Sur la passerelle menant à l’avion, la fille du couple Ben Ali, Halima, parachève le pathétique tableau d’un «Lâchez mon père, sinon je descend tous vous tuer».

 

Ces détails d’une fin de règne, la journaliste du Nouvel Observateur les tient en partie d’un officier de l’armée convoqué pour escorter le président jusqu’à son avion. L’homme, écrit la journaliste, «a les larmes aux yeux quand il se rappelle ce moment d’histoire (…) Comme s’il était plus difficile d’accepter d’avoir vécu pendant toutes ces années sous le joug d’un lâche».

Comme les premiers témoignages l’avaient déjà révélé, le tyran ne voulait pas quitter son pays. Il ne l’a fait qu’à la faveur d’un subterfuge inventé par son entourage, lui promettant un retour triomphal, en sauveur, dans un pays à feu et à sang. Dans l’avion qui l’emporte vers une destination inconnue, le vieux tyran ne cesse, selon le témoignage du pilote, de se rendre dans le cockpit pour inlassablement répéter la même question : «Mon fils, n’est-ce pas que tu vas me ramener en Tunisie après ?». «Bien sûr», ment le commandant de bord. La suite de l’histoire, on la connaît, c’est un vagabondage aérien d’«Oscar Oscar», le nom donné à l’avion présidentiel. Annoncé pour Malte puis pour la France, il sera finalement dirigé vers Djedda, en Arabie saoudite, où Ben Ali s’est réfugié.

Quant à Leïla, conclut l’hebdomadaire, le rêve de l’ancienne «régente de Carthage» «est devenu un cauchemar qui a pris le visage d’un vieux despote aux cheveux teints, au visage botoxé, celui-là même qu’elle voulait évincer et dont il lui faut désormais, à jamais, partager l’exil». (Le Figaro-10.02.2011.)

 

 

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*Rached Ghannouchi, le chef du mouvement tunisien Ennahda, de retour en Tunisie

 

Rached Ghannouchi, le chef du mouvement islamiste tunisien Ennahda (au centre), salue la foule venu l'accueillir dimanche à l'aéroport de Tunis-Carthage.
Rached Ghannouchi, le chef du mouvement islamiste tunisien Ennahda (au centre), salue la foule venu l’accueillir dimanche à l’aéroport de Tunis-Carthage. 

REPORTAGE - Le reporter du Figaro accompagnait Rached Ghannouchi, le leader d’Ennahda, qui rentrait d’un exil de vingt-trois ans à Londres. 

coeur- Envoyé spécial À Londres et Tunis

Rached Ghannouchi rentre chez lui, après vingt-trois ans d’exil. Dans le Boeing de British Airways, le leader islamiste à la barbe blanche, âgé de 70 ans, dit adieu à la Grande-Bretagne, où il avait obtenu l’asile politique. Le fondateur du parti Ennahda («la renaissance»), interdit par Ben Ali, contemple son passeport vert tout neuf, obtenu en quelques minutes à l’ambassade tunisienne de Londres. «On m’a même offert le café. C’était intéressant de découvrir l’intérieur d’un bâtiment devant lequel j’ai manifesté pendant tant d’années…» Une pointe d’humour britannique prononcée en arabe et traduite par Soumeya, l’une de ses filles, docteur en philosophie coiffée du hidjab, le voile islamiste. «Oui, continue Ghannouchi, j’ai été surpris par l’ampleur et la rapidité du changement.» Mais pas par le changement lui-même, qu’il avait « prévu ».

La fête dans l’avion 

Sa femme, trois de ses quatre filles et ses deux fils l’accompagnent, ainsi que deux douzaines de militants, hommes portant la barbe courte et femmes en hidjab. L’ambiance hésite entre la fête et le recueillement. On s’embrasse, on sort de leur enveloppe les drapeaux tunisiens commandés sur Internet.

Tous sont membres d’Ennahda. La plupart viennent pour toucher le sol de la patrie et embrasser leur famille. Ils comptent revenir en Grande-Bretagne, comme Mansour, chauffeur de taxi. «Mes enfants vont à l’université anglaise. Je dois rester avec eux jusqu’à ce qu’ils aient terminé leurs études.»

Rached Ghannouchi, pour sa part, a bien l’intention de s’installer. Les jeunes révoltés tunisiens attendent-ils le retour de cet exilé au long cours ? Quelle place occupera le parti islamiste dans des élections ouvertes ? Rached Gannouchi se dit prêt à affronter une situation inédite. «Les dirigeants d’Ennhada en Tunisie, sortis de la clandestinité, ont préparé le dossier de demande d’enregistrement de notre parti ; il sera soumis aux autorités lundi ou mardi.»

Ghannouchi a cependant déjà exclu de se présenter lui-même à la présidentielle, et il ne prévoit pas la candidature d’un autre membre d’Ennahda. «Nous soutiendrons celui qui nous paraîtra le mieux à même de diriger la Tunisie dans ce moment exceptionnel de son histoire.» Le mouvement présentera «peut-être » des candidats aux prochaines législatives, ajoute-t-il. Ennahda, un parti «normal» ? Rached Ghannouchi a jadis exprimé son intérêt pour les régimes du Soudan ou de l’Iran, tout en les qualifiant d’«expériences» et non de modèles. Est-il prêt à intégrer dans son propre pays un éventuel système politique démocratique ? «Nous allons former un parti politique comme tous les autres», assure le vieux dirigeant, qui se réfère aujourd’hui à la formation islamiste élue en Turquie, l’AKP. «C’est d’eux que nous nous sentons le plus proche intellectuellement.» Les destins de la Tunisie et de la Turquie sont similaires, explique-t-il. «Ces deux pays ont été soumis à une laïcité imposée, une laïcité qui n’était pas neutre, mais qui cherchait à exclure une partie de la population. Les mouvements nés en Tunisie et en Turquie dans les années 1980 ont cherché à réconcilier l’islam et la modernité.»

Hommes barbus et femmes voilées 

Chez les islamistes arabes, cependant, un élément identitaire, l’arabité, vient se mêler aux constructions idéologiques et inquiète les démocrates laïques. Comment trouver l’équilibre entre arabité, islam et démocratie ? «Nous ne faisons pas de l’arabité un dogme ni une idéologie. C’est simplement une composante de l’identité tunisienne. Nous nous sommes par ailleurs engagés publiquement en faveur de la liberté, de la démocratie et de l’égalité de tous, y compris l’égalité entre hommes et femmes.»

L’avion touche le sol. À peine débarqué, Rached Ghannouchi embrasse le tarmac. Dès sa sortie de la zone internationale, il lance un vibrant «Allaho Akbar» (Dieu est le plus grand) répété en boucle par les quelques milliers de personnes qui l’attendent, hommes barbus et femmes voilées. Un homme pleure. Kamel Benromdhan, ingénieur membre d’Ennahda, a passé douze ans en prison. «Les islamistes sont une des composantes de la société tunisienne. Nous ne voulons pas imposer la charia, nous voulons seulement que notre identité islamique soit respectée.» Après le départ de Ghannouchi, des débats s’improvisent entre ses opposants, qui craignent de se voir imposer la charia, et ses partisans qui cherchent à les convaincre que le dirigeant est en faveur de la pluralité politique. (Le Figaro_30.01.2011.)

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*Épais brouillard sur l’après-Ben ali

Où va la Tunisie ?

La Tunisie s’est débarrassée d’un dictateur, mais pas encore de la dictature. Le vent de liberté qui souffle sur le pays ne semble pas donner des ailes aux politiciens les plus avertis. Ils savent que la rue peut défaire des rois, mais elle ne peut pas en créer. Les Tunisiens ont gagné la bataille de la destitution du dictateur, il leur reste à gagner la guerre contre la dictature.

La rue continue à servir de défouloir, de soupape de sécurité pour un pouvoir provisoire qui ne sait toujours pas dans quelle direction aller. Les scénarios de l’après-Ben ali sont tous flous et la crainte de voir une dictature maquillée s’installer en Tunisie n’est pas exagérée, tellement les choix qui s’offrent présentement aux Tunisiens restent tributaires d’un passé pesant.
Il y a d’abord l’homme fort de la Révolution du Jasmin, le héros du peuple, le général Rachid Ammar. Cet officier formé par les Américains était à la tête de l’armée de terre, tout comme Zine El Abidine Ben Ali. Ce dernier avait tout fait pour affaiblir l’armée au profit de la police. L’armée tunisienne ayant été formée par les Américains, le général Ammar a toujours entretenu de bonnes relations avec Washington. Selon des sources proches du dossier, il aurait été en connexion directe avec les autorités américaines pour tenter de convaincre Ben Ali de quitter le pouvoir.
L’armée tunisienne a hérité de la présidence Bourguiba une forte tradition de non-ingérence dans les affaires politiques. Elle a ensuite été marginalisée par Ben Ali, pourtant lui-même militaire, au profit de la police dont les effectifs, environ 150 000 hommes, ont été multipliés par quatre depuis son arrivée au pouvoir fin 1987. Face aux hommes du ministère de l’Intérieur, qui ont exécuté les basses besognes du régime depuis le début de la crise, l’armée compte 35 000 soldats, dont 27 000 pour l’armée de terre.
Le général Ammar est rétabli dans ses fonctions dès le lendemain du départ du président Ben Ali du territoire tunisien. Mais Rachid Ammar traîne un sacré défaut : ce n’est pas un politique et il est un piètre tribun.
Du coup, les regards se tournent vers son ami, l’autre officier formé par les Américains, Kamal Mordjane, qui occupait le poste de chef de la diplomatie et qui a démissionné, juste avant le remaniement du gouvernement de transition. Se met-il en réserve pour les échéances futures ? Possible. Mais il faudrait qu’il fasse un grand effort pour faire oublier à la rue tunisienne qu’il faisait partie du régime de Ben Ali. Difficile équation.
Même si tout plaide pour un scénario à la turque en Tunisie, les contours du nouveau pouvoir restent difficiles à cerner. L’actuel président par intérim Fouad Mebazaâ, ancien président de la Chambre des députés, 78 ans, est un homme à la santé chancelante, qui n’a ni autorité ni envergure ou ambition. Les Tunisiens ironisent sur son effacement, en lançant un avis de recherche le concernant. C’est que le nouveau président par intérim n’a fait aucune déclaration depuis son installation et tout indique que c’est Mohamed El Ghannouchi, le Premier ministre, qui est le véritable président de la transition. Même s’il a résisté à la pression de la rue qui réclame sa démission, El Ghannouchi a fait une concession de taille : il abandonnera la politique une fois la transition arrivée à son terme.
Qui, alors, prendra les rênes de la Tunisie ? Ahmed El Mestiri, ancien ministre de la Défense, plébiscité par une bonne partie des Tunisiens, décline l’offre. Après avoir observé un silence de vingt ans, l’homme se livre à la presse après avoir été interdit de parole. Il suggère que le gouvernement de transition “se contente de gérer les affaires courantes et propose la création d’une commission d’encadrement de la Révolution qui serait en charge de préparer l’assise juridique et politique pour les élections présidentielles et législatives qui devraient avoir lieu dans les six mois. Mon souci est de protéger la Révolution, ses objectifs et ses revendications. Je ne le répéterai jamais assez : je n’ai aucune ambition politique, ni maintenant ni dans l’avenir. L’essentiel est que cette commission parvienne rapidement à réaliser la rupture effective avec l’ancien régime, avec ce qu’il compte comme hommes, comme lois, comme organisations et institutions élues, notamment le Parlement (…) Je crains une grosse déception. Les restes de l’ancien régime guettent la moindre occasion pour s’attaquer à la Révolution. Ces derniers sont comme des mines enfouies sous terre, prêtes à exploser à tout moment”.
Pour l’instant, les seuls à avoir clairement affiché leurs intentions sont Moncef Marzouki, l’exilé de Paris (depuis 23 ans). Ce dernier, rentré la semaine dernière en Tunisie, a failli être lynché par la foule place de La Casbah, lui, qui avait annoncé sa candidature depuis un plateau télé parisien. Il y a aussi le journaliste Toufik Ben Brik, qui   annonce, depuis Paris, qu’il se porte candidat à la présidentielle. Mais personne, en Tunisie, ne les prend au sérieux.
En tout état de cause, la donne islamiste semble être incontournable en Tunisie. La récupération de la Révolution du Jasmin est bien entamée, surtout avec le retour triomphal de Rached Ghennouchi. Même si ce dernier affirme qu’il ne brigue pas la présidence de la Tunisie, son mouvement compte peser dans le futur Parlement et le futur gouvernement.
En face, c’est le désert, ou presque. Les partis laïcs, notamment de gauche, ont du mal à avoir une assise populaire, surtout ceux qui étaient interdits durant les deux décennies de règne de Ben Ali. L’opposition officielle, elle, ne jouit d’aucune crédibilité, sachant qu’elle servait de façade au régime déchu.
Il reste les organisations de la société civile qui ont accompagné la révolution. Il y a la puissante Centrale syndicale (UGTT).  Abdesselam Djerad, le secrétaire général de l’UGTT,  martèle que son organisation continuera à protéger la Révolution et plaide pour la création d’une commission de protection de la Révolution. Mais plusieurs membres du comité directeur de l’UGTT ont voté contre la composition du gouvernement de transition et persistent à revendiquer le départ de tous les membres de l’ancien système. Les opposants à Djerad lui rappellent qu’il a été le soutien indéfectible du régime déchu.
Il y a la corporation des avocats, qui s’est impliquée de façon très active dans la révolte et se fondait au milieu des foules pour les sensibiliser et prendre en charge leurs doléances. Les avocats ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin et mettent en place une commission pour prendre en charge toutes les victimes de l’ère Ben Ali. Un chantier à hauts risques, sachant que les restes de l’ancien régime font preuve d’une capacité de résistance inouïe. Il suffit de voir le climat de tension persistant en Tunisie, les multiples tentatives de semer des fauteurs de troubles au sein des manifestants et les folles rumeurs savamment orchestrées pour s’en rendre compte.
Le RCD de Ben Ali n’est pas encore dissous et ceux qui en ont profité n’ont pas l’intention de tout abandonner. La polémique au sujet de l’évacuation de la place de La Casbah est, à elle seule, significative des coups bas que les uns et les autres sont en train de se donner. Le ministère de l’Intérieur, dans un communiqué diffusé ce samedi nie avoir ordonné l’évacuation de cette place. Il parle de provocations de la part des manifestants.
La question du rôle de la police, bras armé de Ben Ali, reste entièrement posée. On soupçonne cette dernière d’avoir introduit des casseurs parmi les manifestants en vue de provoquer des heurts. Ceux qu’on appelle ici “bobs” sont accusés d’avoir tué, volé et réprimé avec férocité les manifestants. Ils sont soupçonnés de vouloir maintenir un climat de terreur et d’anarchie en Tunisie.
Les “bobs” continuent d’agir avec les anciens réflexes. Plusieurs journalistes ont été malmenés pendant les manifestations. Samedi soir, le cameraman de Russia Today a été passé à tabac par des “bobs” en civil, sous le regard amusé des forces anti-émeutes, avenue Habib-Bourguiba. Ces derniers, en pleines émeutes, ne se gênent pas de rançonner les jeunes revendeurs de cigarettes à la sauvette, au vu et au su de tout le monde. Ben Ali est parti, le “Ben Alisme” résiste encore.
La désignation des nouveaux membres du gouvernement de transition n’a pas levé toutes les craintes. Même si le nouveau ministre de l’Intérieur, Farhat Radjehi, ancien juge, démis à deux reprises de son poste à cause de ses positions courageuses, est très apprécié par ses collègues magistrats, la rue continue à scander tous les jours : “Le ministère de l’Intérieur est un ministère terroriste.”
Des interrogations continuent à entourer la désignation du nouveau ministre de la Défense, Redha Grira, un ancien du RCD. Ce dernier, médecin de formation, avait occupé des postes ministériels sous Ben Ali, notamment la Recherche scientifique. Sa désignation conforte la thèse selon laquelle le général Amar serait le véritable patron de l’armée. (Liberté-01.02.2011.)

 

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*Le nouveau gouvernement de transition apaise les Tunisiens 

 

Une partie des ministres du gouvernement, jeudi, à Tunis. De gauche à droite : Mohammed Naceur (Affaires sociales), Ahmed Ounaïs (Affaires étrangères), Mohammed Ghannouchi (premier ministre), Mokhtar Jallali (Agriculture), Farhat Rajhi (Intérieur). Crédits photo: FETHI BELAID/AFP
Une partie des ministres du gouvernement, jeudi, à Tunis. De gauche à droite : Mohammed Naceur (Affaires sociales), Ahmed Ounaïs (Affaires étrangères), Mohammed Ghannouchi (premier ministre), Mokhtar Jallali (Agriculture), Farhat Rajhi (Intérieur). 

Quelques irréductibles déplorent le maintien du premier ministre, mais la majorité estime avoir gagné. 

coeur- Perché sur les marches du ministère de l’Éducation nationale, dans le quartier de Bab Bnet, un étudiant en blouson de cuir harangue les passants. «Unité! Unité! Nous devons continuer à résister!», hurle-t-il, en colère contre le remaniement ministériel annoncé tardivement dans la soirée de jeudi. Les curieux s’arrêtent, tendent l’oreille. En quelques minutes, une petite centaine de personnes s’agglutine autour de lui.

Devant la porte d’entrée, quatre soldats en uniforme montent la garde. Mais l’ébauche de manifestation se transforme vite en un débat public sur la composition de ce nouveau gouvernement, allégé de cinq des sept caciques de l’ancien régime. «Il a raison, tous les hommes du RCD (l’ex-parti du pouvoir, NDLR) sans exception, auraient dû sauter», lance un passant. «Ghannouchi est un vendu! Pourquoi l’a-t-on gardé?», s’insurge un autre, en faisant référence au premier ministre tunisien, finalement maintenu au poste qu’il occupa pendant onze ans sous Ben Ali. Leurs propos font écho aux plus téméraires des protestataires, majoritairement évacués vendredi après-midi par des unités antiémeute après s’être obstinés à maintenir leur campement en plein cœur de la casbah. En fin de journée, de violents accrochages ont également opposé, en centre-ville, des centaines de manifestants à la police, qui a fait usage de gaz lacrymogène pour les disperser.

Pourtant, les Tunisiens semblent, dans leur majorité, résignés à accepter la nouvelle formule. «Ce gouvernement n’est pas parfait. Mais Ghannouchi a le mérite de connaître ses dossiers. C’est un haut fonctionnaire, réputé pour son intégrité. On a besoin de ces gens-là pour nous aider à passer d’une dictature à une démocratie», concède une femme en tailleur, en rejoignant l’attroupement qui s’est formé devant le ministère de l’Éducation. Avant d’aller travailler, elle a acheté La Presse, l’ancien porte-voix du régime de Ben Ali désormais libéré de ses carcans. «Un gouvernement provisoire pour réaliser la transition démocratique», titre en une le quotidien tunisien.

Classeurs sous l’épaule, Amina Arfewi, une étudiante, opine de la tête. «Hier, j’ai enfin repris les cours à la fac. Dans certaines universités, les examens vont bientôt reprendre. C’est bon signe! Ne gâchons pas notre révolution en chipotant sur des postes ministériels», dit-elle. Pour cette jeune femme de 21 ans, comme pour beaucoup d’autres Tunisiens de la nouvelle génération, les 12 nouveaux ministres qui viennent d’être choisis sont d’illustres inconnus. «J’ai seulement entendu dire que le nouveau ministre des Affaires étrangères a 75 ans», dit-elle. Mais qu’importe. «Ce qui compte, c’est qu’ils mènent à bien la préparation de nos premières élections libres et démocratiques, prévues pour dans six mois. C’est la première fois que je vais voter! C’est un signe positif!», jubile-t-elle.

Couvre-feu allégé

Annoncée jeudi soir, à l’issue d’un vif bras de fer entre le pouvoir intérimaire et la rue, la nouvelle équipe gouvernementale dispose également de l’approbation de l’UGTT. Seul le soutien de ce syndicat, le plus influent du pays, qui a largement encadré la contestation ces derniers jours, pouvait garantir un retour au calme, même si certains manifestants se disent «trahis» et prêts à poursuivre le mouvement. Selon le patron de l’UGTT, Abdessalam Jrad, le premier ministre aurait accepté le principe d’une rencontre avec une délégation de protestataires pour discuter de leurs demandes. «On a gagné!», chantonne Imen, une femme chauffeur de taxi, en nous offrant une tournée d’el-Tadhamon (Solidarité), une cité populaire de Tunis. «Vous voyez, les gens font leurs courses, les enfants jouent au ballon. Et moi, je peux retravailler sans crainte», dit-elle, les cheveux recouverts d’un bonnet de laine. La sécurité, c’est la principale préoccupation de cette femme divorcée, mère d’une fille de 10 ans. «Vous savez, mon taxi, c’est mon gagne-pain. Pourvu que les manifestations ne reprennent pas, sinon je serai obligée d’arrêter de conduire», poursuit-elle.

Au Café Spontino, repaire de la jeunesse branchée dans le quartier résidentiel de Manar, fumeurs de chichas et amoureux du vendredi après-midi ont, eux aussi, retrouvé leurs habitudes. Au grand soulagement des serveurs. «Le couvre-feu a été allégé jusqu’à minuit. L’activité redémarre peu à peu. Et c’est tant mieux, car on risquait de se retrouver au chômage», souffle l’un d’entre eux. Entre deux commandes, il a les yeux rivés sur un des trois écrans télévisés de la salle principale.

Branché sur al-Jezira, le téléviseur passe en boucle les scènes de révolte égyptienne. «Vous avez vu, les Égyptiens se sont inspirés de notre révolution!», dit-il fièrement. Avant d’ajouter: «Dites-leur, dans vos journaux, qu’on a réussi notre pari démocratique. Regardez autour de vous: la vie reprend. Ça les aidera à tenir le coup!»  (Le Figaro-28.02.2011.)

 

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** À Sidi-Bouzid, avec la famille Bouazizi

Le 17 décembre, à  Sidi-Bouzid, une ville pauvre et oubliée du centre de la Tunisie, un marchand de fruits et légumes de 26 ans, Mohammed Bouazizi qui vient de se faire saisir la marchandise qu’il vendait illégalement, s’immole par le feu, devant le siège du gouvernement régional. Un geste de désespoir qui enflamme la Tunisie et entraîne la chute du régime Ben Ali. Histoire d’un anonyme devenu une icône, qui incarne aujourd’hui la liberté et la dignité de tout un peuple.

Sidi-Bouzid, une ville perdue du centre de la Tunisie, oubliée du pouvoir, méprisée des puissants… Oubliée jusqu’à ce vendredi 17 décembre 2010.
Un jour de prière, où à deux pas de la mosquée, devant le siège du gouvernorat de la municipalité, un jeune homme, ivre de désespoir, s’immole par le feu.
Mohammed Bouazizi n’est pourtant pas un révolutionnaire. Il n’est affilié à aucun parti. Il ne fait pas de politique. Aux dires de ses sœurs, de ses cousins, de ses voisins, c’est un jeune homme tranquille, sans histoire, dont l’obsession première est de faire vivre ses six frères et sœurs, sa mère Manoubia et son beau-père Omar, chômeur, comme près de 30% des 40 000 habitants de la commune.
Pour entretenir le foyer, deux adultes et six enfants (Salem, le fils aîné, 30 ans, marié a quitté la maison), Mohammed vend illégalement des fruits et des légumes à la sauvette, dans une charrette qu’il a transformée en étal. Or, ce 17 décembre 2010, la police locale lui saisit sa marchandise. En dix minutes, le garçon perd son gagne-pain. Une véritable catastrophe pour lui. Pour récupérer sa marchandise, Mohammed se rend au poste de police, s’explique, tente de convaincre les fonctionnaires. Peine perdue. Non seulement l’autorité ne l’écoute pas, mais on rit de lui, on l’insulte. Pire, les sbires du pouvoir le frappent. Une femme finit par le gifler. C’en est trop. Humilié, Mohammed court acheter un produit inflammable, revient devant le siège du gouverneur, et fou de honte, s’immole par le feu. Emmené d’urgence à l’hôpital, il meurt le 4 janvier 2011.
Tout aurait pu tomber dans l’oubli. Tant de crimes du régime sanguinaire de Ben Ali, au pouvoir depuis 1987, sont restés impunis en Tunisie. Mais cette fois, les Bouzidiens réagissent. Le lendemain et les jours suivants, ils manifestent ouvertement. La police réprime. Mais la révolte tient et gagne les villes voisines. D’autres jeunes tombent. Six morts à Regueb, plus d’une vingtaine à Kesserine. Parties du centre du pays, les émeutes se propagent à tout le pays. “Et dire que tout a commencé chez nous”, soupire avec fierté Henni Assouna, un garagiste de 46 ans, qui n’en revient toujours pas. “Ben Ali nous détestait. Même dans les bulletins de météo de la télévision, Sidi-Bouzid n’était jamais citée. Quelle revanche ! Depuis quelques semaines, on parle de nous, non seulement à Tunis et dans les grandes villes du pays, mais dans le monde entier.” Henni Assouna pianote sur le clavier de son portable, clique sur la date du 17 décembre 2010 et raconte : “Dès les premières manifestations devant la wilaya, j’ai pris des photos avec mon téléphone, en faisant semblant d’appeler ma femme. J’étais terrorisé, car si la police avait découvert ce que je faisais, j’allais directement en prison.” Miracle des nouvelles technologies au service de la démocratie.
En rentrant chez lui, le garagiste envoie ses clichés sur d’autres sites. L’information fait tache d’huile. Ce jour-là, l’avocat bouzidien, Salhi Dhaer prend lui aussi des photos qu’il expédie aussitôt aux agences de presse étrangères et aux grandes chaînes de télévision : France 24, Euronews et Al-Jazeera. “Mon bureau est situé en face du lieu où Mohammed Bouazizi s’est immolé, raconte le juriste. Quand j’ai entendu les cris de la foule, je suis descendu. J’ai vu le garçon recroquevillé sur lui-même, la peau toute noire. Son sacrifice a été le détonateur. Sans lui, rien n’aurait été possible. Il a libéré notre parole.” Le 4 janvier, Mohammed Bouazizi décède au centre de traumatologie de Ben Arous,
près de Tunis, où il a été admis. Sa mort décuple la colère des Tunisiens et embrase la Tunisie tout entière. Le vendredi 14 janvier, sous la pression populaire Ben Ali doit démissionner et se réfugier en Arabie Saoudite avec son épouse Leïla. C’est la fin de 23 ans de dictature.
Ce samedi 22 janvier, devant le portail de la maison, plus d’un mois après le drame, Samia Bouazizi, la demi-sœur du martyr, hijab noir sur la tête confie : “Mohammed était le seul qui travaillait dans la famille. Avec les 10 dinars qu’il gagnait par jour (5 euros), il nous faisait tous vivre. Nous sommes cinq enfants. Ziad mon petit frère a 8 ans. Ma sœur aînée Leïla, 24 ans, a beau être diplômée en informatique, elle n’a pas trouvé d’employeur. Mohammed a dû arrêter le lycée avant de passer le bac, pour nous aider financièrement. Je vais devoir moi aussi stopper mes études pour subvenir aux besoins des miens.”
À 10 ans déjà, tout en allant à l’école, Mohammed multipliait les petits boulots pour soutenir sa mère. Veuve, dès 1987, de Taïeb, son premier mari, un maçon qui travaillait en Libye, Manoubia se repose sur son fils. Plus d’un an après le décès du père de Mohammed, elle épouse en seconde noce, son beau-frère Amar, l’oncle de Mohammed. Cinq enfant naissent de cette union. Trois filles, Leïla, Samia et Basma (24 ans, 19 ans et 16 ans) et deux garçons Karim, 14 ans et Ziad, 8 ans.
“Personne n’aurait pu s’imaginer que Mohammed, discret et invisible, allait devenir ce héros qui ferait chuter 23 ans de dictature, et enflammerait les pays voisins”, s’étonne Asma, 25 ans, une voisine de la famille… De son côté, Manoubia, la mère assure que son fils ne lui a jamais causé le moindre ennui. “Gamin, il adorait le football. Mais je lui interdisais d’y jouer, car je craignais qu’il oublie, néglige l’école. Ce furent nos uniques disputes”. Mohammed aimait l’école et son regret était de l’avoir quittée prématurément par nécessité. Ziad, le petit dernier, qui adorait son grand frère, raconte que ce dernier surveillait très sérieusement sa scolarité. “Si je travaille, c’est pour que tu puisses étudier”, me répétait-il tout le temps.
Depuis la mort de Mohammed et la chute de Ben Ali, la petite maison des Bouazizi, située à 10 minutes du centre-ville, dans une rue poussiéreuse en terre battue, ne désemplit pas. Un continuel va-et-vient. Outre la presse internationale qui défile dans le petit trois pièces, meublé sommairement, des voisins, des sympathisants, des inconnus viennent rendre hommage à la maman. Un passage ininterrompu de visiteurs qui attendent leur tour dans la cour, encombrée d’objets divers et de linge qui sèche sur une corde de chanvre.
Cet après-midi, Zahra Jilali, une femme d’affaires, établie aux Émirats arabes unis, originaire de Sidi-Bouzid, remet discrètement à la maman, une somme d’argent, en s’éclipsant aussitôt, sans un mot. Lui succèdent aussitôt, les responsables du Comité de résistance populaire qui se sont constitués au début du mois de janvier. Filel Yahyaoui, son fondateur, en définit les grandes lignes. “Le martyr de Mohammed ne doit pas rester sans lendemain. Nous entretenons son souvenir pour transformer notre région. Notre objectif est de mobiliser les dirigeants de demain sur l’avenir de cette partie oubliée de la Tunisie. Ici, les paysans doivent faire des kilomètres pour trouver un puits où faire boire leurs bêtes. Il faut que ça change. La mort de Mohammed nous aidera à développer notre région”. Le comité met sur pied un grand concert. La recette reviendra entièrement à la famille. De passage dans la maison, devenue un haut lieu de pèlerinage, Hakim Boukari, enseignant au collège de la ville, voit en Bouazizi l’équivalent “d’un Ghandi tunisien”.
En milieu d’après-midi, Rachida Nasri et sa fille Rahma, 21 ans, qui ont effectué en bus les 180 km qui sépare Kef, leur ville de Sidi-Bouzid, viennent implorer la maman du martyr pour qu’elle fasse libérer Walid, le fils aîné, emprisonné depuis un an par la police. Plus tard, c’est une société informatique qui installe gratuitement un réseau Internet. Aussitôt Leïla, Samia et Basma se connectent sur les nombreux sites qui parlent de leur frère. Le téléphone retentit : un riche émirati de Dubaï propose 20 000 dollars pour racheter la charrette, où Mohammed vendait ses fruits. La famille refuse.
À Sidi-Bouzid, c’est l’ébullition. Sur la place principale, un portrait géant du jeune martyr orne la façade de la poste. Jour et nuit, sans se soucier du couvre-feu qui tombe à 20 heures, hommes et femmes de la ville se relaient devant une tente de toile où le Comité de résistance populaire tient sa permanence. La place du 7-Novembre-1987 (date de prise du pouvoir par Ben Ali) a été rebaptisée place Bouazizi. Sur la table, Ryad Laïfi, un calligraphe local, dessine à la demande sur des bouts de carton blanc des slogans à la gloire de la Révolution et de son héros. Le centre-ville s’est transformé en une immense tribune politique. Les habitants se lâchent, s’expriment, échangent. “Bouazizi nous a redonné la parole”, affirme Dali Mohamed Chafaï, un chauffeur qui se loue à la journée, pour gagner sa vie. “Personne ne pourra plus nous arrêter”, ajoute le journalier.
Chaque jour à 18 heures, Mourad un fonctionnaire retraité, s’éclipse pour prendre le chemin du cimetière où est enterré Momammed. Mourad a besoin de se recueillir dans ce champ de tombes à l’identique, ouvert à tous vents, qui s’étend entre l’école primaire de Sidi-Salah et la localité de Sidi-Bannour, le village natal de la famille Bouazizi, à 16 km de Sidi-Bouzid. La pierre où repose le jeune sacrifié est recouverte du drapeau tunisien.
Dans les deux petites cavités, creusées sur le monument funéraire, Mourad verse
de l’eau. “Une coutume locale afin que les
oiseaux porteurs de paix, viennent s’abreuver”, explique l’homme, ému. “Certes en mourant, Mohammed a redonné vie et espoir à toute cette région méprisée, mais le danger serait de régionaliser sa mort. Son histoire dépasse aujourd’hui Sidi-Bouzid. Elle appartient à la Tunisie entière mais également à tous les peuples arabes, avides de justice et de dignité”. (Liberté-30.01.2011.)

 

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*la révolution se poursuit

En ce jeudi 27 janvier 2011, c’est toujours l’incertitude à Tunis. Des milliers de personnes bloquent le siège du Premier ministère dans la Casbah de Tunis et le mouvement se poursuit à travers plusieurs villes et secteurs d’activité.

A Sidi Bouzid, berceau de la révolution,  des milliers de manifestants défilent dans la rue pour exiger la démission du gouvernement de transition. Le puissant syndicat tunisien (UGTT) refuse de reconnaître ce gouvernement. Pas question, disent-ils, d’avoir fait tout cela pour que les ministères les plus importants soient aux mains des anciens de Ben Ali. Profitant de la liberté médiatique, les chaînes de télévision ouvrent leurs antennes aux citoyens. De nombreux Tunisiens n’hésitent pas à citer nommément, en direct, et quelquefois en leur présence, les responsables de leurs malheurs encore aux affaires.

C’est ainsi qu’un magistrat qui participait à un débat en direct a été obligé de quitter le plateau suite aux incessants appels des citoyens puis des avocats l’accusant d’avoir fait jeter en prison, à tort, des militants. Dans les entreprises publiques, ce sont les salariés eux-mêmes qui chassent les dirigeants ostensiblement impliqués dans le système Ben Ali. Cela a été le cas pour le PDG de la compagnie d’assurances et de réassurances et le PDG de Télécom Tunisie, entre autres. Quatre des juges les plus craints de l’ère Ben Ali ont été empêchés d’accéder à leurs bureaux par le personnel et chassés à coups de gros livres de procédures sur la tête.

Les traces de Ben Ali

Les hommes qui ont servi Ben Ali sont toujours en poste dans les institutions, les administrations, les entreprises publiques, dans les médias et surtout dans l’appareil sécuritaire. Même s’ils ont retourné «la veste» subitement pour se transformer en «plus démocrates que les démocrates», pour de nombreux opposants, «ils constituent une menace de confiscation de la révolution». «Ils font les amnésiques, ils font semblant d’oublier qu’ils ont participé au système de Ben Ali, mais le peuple, lui, n’est pas amnésique», indique Sihem Bensedrine, porte-parole du Conseil national des libertés en Tunisie (CNLT). Derrière les beaux discours des ex-compagnons de Ben Ali, convertis, subitement, aux valeurs démocratiques, les vieux réflexes réapparaissent déjà, alors que la contestation se poursuit. En effet, la police politique continue d’agir, discrètement, mais elle agit.  «Nous avons fait tomber Ben Ali mais nous n’avons pas encore fait tomber son système», poursuit-elle avec inquiétude. Les écoutes téléphoniques de certains opposants ont vite repris, les surveillances, certes beaucoup moins visibles, ont également repris, après quelques jours de répit. Le quotidien la Presse a dénoncé, dans son édition du samedi 22 janvier, un filtrage d’Internet, notamment de facebook. Un jeune artiste, qui a créé sur le réseau social un compte «Tunisie, la Suisse arabe», a été enlevé en pleine rue par la police politique qui l’a interrogé et brutalisé pendant de longues heures.

Contre la menace de chaos

En parallèle, de nombreuses personnalités de l’opposition ainsi que des partis politiques, reconnus ou non, approuvent  la démarche de l’UGTT et refusent les menaces de chaos des défenseurs du gouvernement de transition. L’ancien ministre de la Justice du président Bourguiba, Ahmed Mestiri, personnalité crédible et respectée, a lancé une initiative qui trouve un écho favorable. Il s’agit de la mise en place d’un conseil de la révolution, regroupant l’ensemble des acteurs de la société civile aux côtés des partis politiques de l’opposition, qui désignerait un gouvernement provisoire et légiférerait pendant cette période. Le problème se situe à ce niveau. L’Exécutif actuel, encore dominé par des personnes de l’ancien système, accepte les prérogatives de surveillance à ce «conseil en formation», mais ne veut pas lui reconnaître de pouvoir législatif. Le Conseil de l’ordre qui regroupe les avocats, qui ont joué un rôle très important dans la révolution, s’est joint à cette initiative. Il estime, dans une proposition au Premier ministre, qu’elle peut être tout à fait légale.

Le président par intérim, Lambazaa,  peut, selon les avocats, créer, par décret,  cette institution de préservation de la révolution, ce qui évitera un vide institutionnel. «Cette option, qu’elle soit constitutionnelle ou extra- constitutionnelle, est légitime», estime Naziha Rijabi, plus connue sous le nom «d’Oum Ziad», farouche opposante, «c’est une révolution, et par définition, on n’est pas obligé de respecter une Constitution élaborée par l’ancien régime». Pour Sihem Bensedrine, «il appartient à la société d’inventer, maintenant, ses propres institutions pour gérer la période de transition et d’aller vers des élections démocratiques». Dans tous les cas, la Révolution du jasmin ne fait que commencer. Les Tunisiens, société et élites, ont fait preuve, jusqu’à présent, d’un très haut sens des responsabilités et d’une conscience politique admirable. Ils n’ont pas du tout l’intention de se laisser «voler» leur révolution.
- Tunis. Yahia Bounouar : Correspondance particulière d’El Watan-28.01.2011.)

 

 

 

*********************

**démission du chef de la diplomatie, M. Kamel Morjane

Le chef de la diplomatie tunisienne, Kamel Morjane, a annoncé sa démission jeudi du gouvernement de transition, quelques heures avant un remaniement attendu de l’équipe contestée par la rue pour la présence de nombreux ministres du président déchu Ben Ali.
En revanche, le Premier ministre du gouvernement de transition, Mohammed Ghannouchi, dernier chef du gouvernement du président déchu Ben Ali, a été reconduit jeudi à la tête du gouvernement dont il a annoncé la nouvelle composition à la télévison nationale.
Par ailleurs, le chef du parti islamiste tunisien Ennahda, Rached Ghannouchi, en exil à Londres, prévoit de rentrer dimanche plus de 20 ans après avoir quitté la Tunisie, selon le porte-parole d’Ennahda à Paris.
« Il ne rentre pas en triomphant, en revendiquant une quelconque place au gouvernement, mais comme simple citoyen », a déclaré à l’AFP Houcine Jaziri, représentant en France du parti interdit sous l’ancien régime.
Des milliers de Tunisiens ont de nouveau manifesté jeudi pour exiger le départ des ministres qui avaient servi le président Zine El Abidine Ben Ali, comme M. Morjane, à l’appel de la puissante centrale syndicale UGGT.
L’Union générale des travailleurs tunisiens a annoncé sa décision de ne pas participer au prochain gouvernement mais a accepté M. Mohamed Ghannouchi en reste le chef bien qu’il ait été le dernier Premier ministre en date de Ben Ali.
« Non au vol de la révolution! » ont scandé des manifestants qui ont défilé dans les rues de cette localité où l’immolation par le feu d’un jeune homme à la mi-décembre a marqué le début des émeutes qui ont balayé le régime.
La manifestation s’est déroulée sans incident sous le contrôle d’unités de l’armée déployées à la place de la police, auteur de la répression sanglante qui a précédé la fuite le 14 janvier du dictateur et de sa femme.
A Tunis, des milliers de manifestants ont poursuivi le siège des bureaux du Premier ministre de transition sur l’esplanade de la Kasbah. L’armée a fait barrage à une manifestation de professeurs et d’élève du secondaire en grève qui tentaient de les rejoindre, a constaté l’AFP.
M. Ghannouchi, trés contesté pour avoir été le dernier chef de gouvernement de Ben Ali, mettait jeudi la dernière main à la refonte de son équipe de transition annoncée le 17 janvier et forte à l’origine de 24 ministres. Quatre avaient immédiatement démissionné, pour protester contre la mainmise sur les postes-clefs de figures de l’ancien régime.
L’UGTT, qui a joué un rôle fondamental dans l’encadrement de la révolte populaire, s’est réunie jeudi et a pesé de tout son poids pour obtenir le départ de l’exécutif des sept ministres ayant servi le régime corrompu et autoritaire de l’ancien chef de l’Etat.
Selon une source proche des négociations, le Premier ministre serait prêt à sacrifier trois ministres hérités du régime Ben Ali : ceux de la Défense, de l’Intérieur et des Affaires étrangères. Pour ce dernier poste Kamel Morjane a lui même annoncé son départ.
A Sidi Bouzid, où l’UGTT a appelé à une grève générale, des milliers de manifestants ont lancé : « Dégagez les pourris! ».
Le cortège a marqué une autre pause face au Gouvernorat (préfecture), où Mohamed Bouzazizi, un jeune marchand de fruits, s’était immolé par le feu le 17 décembre. Des manifestants ont déployé une photo géante de leur « martyr » sur le toit du bâtiment officiel, tandis que d’autres criaient: «  »Allah Akbar!, (Dieu est grand), nous resterons fidèle au sang des martyrs ».
En Egypte, des manifestations sans précédent depuis 30 ans, inspirées du modèle tunisien, se poursuivent pour exiger le départ du président Hosni Moubarack alors l’opposant Mohamed ElBaradei est rentré au pays pour participer à la contestation.
Au Yémen, des milliers de personnes ont manifesté jeudi à Sanaa à l’appel de l’opposition pour réclamant le départ du président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 32 ans. (AFP-26.01.2011.) ***

 

 

 

25 réponses à “Tunisie, après l’euphorie révolutionnaire”

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