*Islamophobie
*la droite française ouvre la boite de Pandore de la laïcité et des religions.
** stigmatiser la population musulmane résidant en France
Le débat très controversé sur la laïcité qui cible prioritairement l’Islam a été lancé hier. Au chapitre des dérapages verbaux qui ont tendance à stigmatiser l’Islam, Claude Guéant peut se targuer d’avoir fait autant sinon plus que son prédécesseur. Après avoir choqué en déclarant le 21 mars dernier que «le monde entier s’apprêtait à contempler à la télévision des massacres commis par le colonel Kadhafi, heureusement, le président (Nicolas Sarkozy, Ndlr) a pris la tête de la croisade pour mobiliser le Conseil de sécurité des Nations unies et puis la Ligue arabe et l’Union africaine».
Il récidive et fait scandale lundi. «En 1905, il y avait très peu de musulmans en France, aujourd’hui il y en a entre 5 et 10 millions…Cet accroissement du nombre de fidèles et un certain nombre de comportements posent problème. Il est clair que les prières dans les rues choquent un certain nombre de concitoyens. Et les responsables des grandes religions ont bien conscience que ce type de pratiques leur porte préjudice», a affirmé le successeur de Brice Hortefeux à la Place Beauvau, en marge d’un déplacement à Nantes (Loire-Atlantique).
«Je pense que c’est plus grave que ce qu’on a reproché à Brice Hortefeux» a estimé le président de SOS Racisme, Dominique Sopo. Le choc est retentissant! «On va voir demain (mardi, Ndlr) si les propos de Claude Guéant sont dissociables de sa fonction pour déterminer s’ils relèvent de la Cour de justice de la République (CJR) ou des juridictions classiques», a précisé l’avocat de l’association, Patrick Klugman.
La France adopte une drôle de position pour remercier les populations étrangères, en particulier musulmanes, qui ont contribué non seulement à la libérer mais aussi à participer à sa reconstruction. Elle a mobilisé sans compter dans ses colonies lors des deux grandes guerres (1914-1918, 1939-1945) pour faire face à l’envahisseur allemand.
Les musulmans posent-ils réellement problème pour la France pour mériter qu’ils fassent l’objet d’un débat en France? L’ingratitude des gouvernements successifs de la France envers eux frise le mépris. Et pourtant! Lorsqu’il s’est agi de défendre le drapeau tricolore au moment où le maréchal Pétain avait livré l’honneur de la France pieds et poings liés à l’Allemagne nazie, l’Hexagone n’a pas été très regardant sur la religion ou la couleur de la peau des jeunes algériens, marocains tunisiens ou sénégalais qui ont servi de chair à canon pour être libéré.
Près de 200.000 soldats seront mobilisés pour combattre au sein de l’armée française alors que l’économie française sera renforcée par près de 100.000 travailleurs algériens. Le bilan sera dramatique et très lourd à la fin de ce premier conflit mondial. Selon certains chiffres, quelque 40.000 combattants d’origine algérienne y ont laissé la vie alors que l’on a compté près de 100.000 blessés.
Pour faire face à sa reconstruction, la France fait appel, entre les années 1920 et 1930, à une main-d’oeuvre algérienne dont le nombre est estimé à 250.000 travailleurs. Ce mouvement des populations se poursuivra après la fin de ce que l’on a appelé la «drôle de guerre». Entre 1939-1945 des contingents de soldats marocains, tunisiens et africains ont été mobilisés à tour de bras.
Des hommes jeunes, à peine sortis de l’adolescence pour bon nombre d’entre eux, qui ont servi de chair à canon et qui ont joué un rôle de premier plan pour la libération de la France. «Il est salutaire de rappeler ces vérités historiques à l’intention de mon ami C. Guéant afin de lui éviter de trop solliciter des statistiques falsifiées sur la présence des musulmans en France dans le seul but d’instrumentaliser la peur au risque de dérapages», a indiqué Abderrahmane Dahmane, président du Conseil des démocrates musulmans de France dans un communiqué parvenu hier à L’Expression.
C’est à travers cette histoire dramatique et injuste, qui a lié l’empire colonial français aux populations de ses anciens territoires, qu’a pris forme la société française d’aujourd’hui. Métissée et colorée. Le débat sur la laïcité risque de l’amputer d’une partie d’elle-même.
«N’ajoutons pas de la confusion dans la période trouble que nous traversons. Nous militons ensemble pour une laïcité de bonne intelligence», ont écrit les responsables religieux de France. «Il nous paraît capital, pendant cette période pré-électorale, de bien garder sereinement le cap en évitant amalgames et risques de stigmatisation» ont prévenu les représentants bouddhistes, catholiques, juifs, musulmans, orthodoxes et protestants de la Crcf, la Conférence des responsables de culte en France. (L’Expression-06.04.2011.)
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*France:le débat sur la laïcité vire à la stigmatisation des musulmans
*un piège est en train de se mettre en place sur cet « enjeu de civilisation ».
Le débat sur la laïcité vire, ces dernières semaines, à la stigmatisation des musulmans. Sihem Habchi, présidente du mouvement Ni putes ni soumises (NPNS), très impliquée dans la loi anti-burqa, et Richard Malka, avocat du journal Charlie hebdo (les caricatures de Mahomet) ou de la crèche Baby Loup (et le licenciement de son employée voilée) ont le sentiment qu’un piège est en train de se mettre en place sur cet « enjeu de civilisation ».
La laïcité apparaît de plus en plus souvent parasitée par un discours polémique, confus et idéologique, entre un pouvoir politique l’instrumentalisant avec cynisme, un parti majoritaire empêtré dans son débat fiasco, une héritière de l’extrême qui tente de la privatiser au bénéfice de la haine, une gauche souvent frileuse et responsable de trop de renoncement, une suspecte union sacrée des religions qui s’invite dans le débat en prétendant la défendre et des éditorialistes qui n’en finissent pas de l’ethniciser ou de pétitionner en troublante compagnie.
La laïcité est avant tout un instrument de concorde
Il y a ceux qui pensent qu’elle les mènera au pouvoir, ceux qui espèrent qu’elle les y maintiendra, ceux pour qui l’évoquer c’est déjà « stigmatiser » et ceux pour lesquels ce n’est qu’un instrument de domination de classe.
Et puis il y a ceux, pas forcement les plus bruyants, qui pensent la laïcité comme un instrument de concorde, une garantie d’égalité et de protection des minorités, un moteur œcuménique d’intégration et d’ascension sociale. C’est aussi parce que, venus d’ailleurs, nous en avons bénéficié que nous sommes parmi ceux-là, si charnellement attachés à elle.
Mais si la laïcité est devenue une proie appétissante pour tous, c’est que les problèmes sont réels, que l’inquiétude est intense, que les menaces sont nombreuses, profondément ressenties et source de dislocation du corps social.
Refuser cette réalité reviendrait à offrir à l’extrême droite son plus beau cadeau électoral et nul doute qu’elle serait ravie de se voir accorder un fructueux monopole sur ces sujets. Danger mortel – au demeurant à l’échelle européenne – qui impose de ne pas abandonner ce débat malgré les tentatives de récupération d’une certaine droite et les accusations d’« islamophobie » d’une certaine gauche.
La laïcité n’est pas un thème qui appartient à l’extrême droite
A cet égard, il faudrait en finir avec cette folle dialectique qui transforme en allié de l’extrême toute personne évoquant les problèmes posés par la pression obscurantiste s’exerçant dans les services publiques et en particulier les hôpitaux ou les rejets de la mixité dans les écoles, les piscines et les services municipaux.
De crainte d’alimenter les peurs, faut-il également s’interdire de parler de ces établissements scolaires où les enseignements des sciences naturelles et du sport sont boycottés par des élèves refusant aussi bien le darwinisme que « l’exhibition » de leur corps ? Que faire face aux demandes de privatisation de l’offre alimentaire dans les cantines ? Faut-il enfin s’abstenir de discuter du port des signes religieux dans l’entreprise privée ?
Et puisqu’il est souvent prétexté de la Cour européenne des droits de l’homme pour nous expliquer qu’on ne peut prendre aucune mesure nouvelle dans ce domaine, rappelons au contraire que celle-ci a maintes fois jugé, en particulier concernant l’interdiction de porter le foulard islamique à l’école, « que dans une société démocratique où plusieurs religions coexistent au sein d’une même population, il peut se révéler nécessaire d’assortir cette liberté [religieuse] de limitations propres à concilier les intérêts des divers groupes et à assurer le respect des convictions de chacun » (arrêts Leyla Sahin contre la Turquie (CEDH, 10 nov. 2005) et Kervanci contre France (CEDH, 4 déc. 2008).
A l’inverse, quelle délirante radicalité laïque empêcherait de discuter du financement de la construction des mosquées et de l’instauration de carrés musulmans dans les cimetières ?
Et de même, feindre d’ignorer que l’immense majorité des musulmans – puisqu’il sont manifestement visés par ce débat – est aussi attachée à la laïcité que les autres, surexploiter ce thème à quelques semaines ou mois d’échéances électorales, noyé entre incantations sécuritaires et discours sur l’immigration, est irresponsable, parfois obscène et rend inaudible toute réflexion sérieuse sur le sujet, dévoyant un bien commun pourtant précieux.
Il faut des débats, mais élevés et encadrés
Alors « n’ayons pas peur », les débats sont légitimes et la gauche, qui a tant contribué à la loi de 1905, devrait en être le rempart sourcilleux et intangible plutôt que de chercher quel accommodement serait raisonnable ou pas.
Mais ces débats doivent nécessairement être sereins, élevés, encadrés et ne pas se transformer systématiquement en foire au dérapage, anéantissant les années d’efforts des innombrables acteurs de la laïcité qui, sur le terrain et depuis longtemps, n’ont, eux, d’autres ambitions que de défendre et de promouvoir ce principe.
Des solutions concrètes peuvent être trouvées sans que notre société se trouve déchirée. La commission Stasi l’avait démontré avec un rapport qui proposait déjà une série de mesures largement acceptée, d’une étonnante modernité et dont nous pourrions nous inspirer.
Eviter le renoncement et la récupération
Enfin et surtout, on ne rappellera jamais assez que la finalité de la laïcité ne consiste pas à empêcher des croyants de vivre leur foi mais au contraire à protéger son existence et son expression dans les limites de l’espace privé. Elle permet alors l’émergence dans le champ public de citoyen(nes) et non de « Français d’origine musulmane ».
La laïcité est un universalisme et, au-delà de la séparation du politique et du religieux, un espace d’interaction sociale entre groupes, hommes et femmes, religieux et non religieux, homos et hétéros afin de renouveler un pacte social.
La laïcité est plus que jamais un enjeu de civilisation singulièrement pour nous, comme pour les démocraties arabes en devenir et nous avons une responsabilité historique à son égard. Cette obligation de résultat, chacun de nous en est comptable en évitant les renoncements des uns et les récupérations des autres. (Rue89-09.04.2011.)
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**Manifestation de femmes interdite en France…61 interpellations à Paris
Soixante-et-une personnes ont été appréhendées samedi après avoir tenté de prendre part, à l’appel d’un collectif d’associations « islamistes », à un rassemblement à Paris contre la loi sur le voile intégral interdit la veille, a indiqué la préfecture de police. Selon une source proche du dossier, l’une d’elles est une figure des milieux islamistes radicaux britanniques, Anjem Choudary, intercepté alors qu’il comptait rejoindre Paris pour ce rassemblement organisé à la veille de l’entrée en vigueur lundi de la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public.
Femmes appréhendées pour «contrôles d’identité»
Un total de 59 personnes, dont 19 femmes voilées, qui refusaient d’obtempérer à la demande des forces de l’ordre de quitter les lieux, ont été appréhendées «pour contrôles d’identité» aux abords immédiats de la place de la Nation, a indiqué la préfecture de police. L’une d’elles était en situation irrégulière et une autre «porteuse d’une arme prohibée», a-t-on précisé.
La majorité des manifestants vus par l’AFP étaient de jeunes hommes de 20 à 30 ans, barbus et souvent vêtus à la manière tabligh. Deux autres, dont Choudary, sont des activistes musulmans venus de Belgique et de Grande-Bretagne, interceptés l’un à une frontière, l’autre au péage de Senlis (Oise). Ils devaient être renvoyés vers ces pays. Anjem Choudary, 43 ans, est l’ancien responsable d’Islam4UK, un groupe dissous en 2010 en Grande-Bretagne. C’est un proche du prêcheur Omar Bakri, interdit de séjour dans ce pays.
La préfecture de police de Paris avait interdit vendredi ce rassemblement car il était susceptible de provoquer des troubles à l’ordre public et des «affrontements violents» avec des contre-manifestants.
Dans son appel à se rassembler, le collectif autour de l’unicité Tawhid (CADUT) annonçait également la présence d’un autre activiste britannique, Abu Izzadeen, également d’Omar Bakri, condamné dans son pays ….
Selon le communiqué, les organisateurs avaient également invité Fouad Belkacem, alias «Abu Imran», de l’organisation salafiste belge Sharia4Belgium, qui avait tenté d’organiser des manifestations similaires en Belgique contre l’interdiction du voile intégral dans l’espace public.
Le CADUT regroupe quelques organisations d’activistes musulmans. Sur le site internet de la principale organisation appelant à manifester, on pouvait notamment lire vendredi: «Chers frères et soeurs musulmans, soyez braves et fermes pour défier l’interdiction du Niqab le 9 avril. L’islam est venu pour dominer le monde y compris la France.» (source:20Minutes-09.04.2011.)
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UNE LAÏCITÉ À GÉOMÉTRIE VARIABLE
Le procès récurrent de l’Islam
«La France n’est ni un peuple, ni une langue, ni un territoire, ni une religion, c’est un conglomérat de peuples qui veulent vivre ensemble. Il n’y a pas de Français de souche, il n’y a qu’une France de métissage»
Éric Besson
Le mardi 5 avril, l’UMP, le parti de la droite française ouvre la boite de Pandore de la laïcité et des religions. Les observateurs ne s’y trompent pas, c’est l’Islam, encore une fois, dont on examinera la compatibilité avec la laïcité. Après le procès de l’Islam vis-à-vis de l’identité, cette fois c’est la laïcité qui est convoquée. En son temps, De Gaulle avait tracé les limites de l’identité et de la religion de la France «Il ne faut pas se payer de mots! C’est très bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu’elle a une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une petite minorité. Sinon, la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne.» Ces mots du général de Gaulle, il y a un demi siècle, résument à eux seuls toute la problématique de la condition «d’être français» Qui est en fait Français et depuis quand? En son temps, le général de Gaulle aurait répondu: «Pour moi, l’histoire de France commence avec Clovis, choisi comme roi de France par la tribu des Francs, qui donnèrent leur nom à la France. L’élément décisif pour moi c’est que Clovis fut le premier roi à être baptisé chrétien. Mon pays est un pays chrétien.» Ces quelques phrases résument parfaitement ce que le XIXe siècle catholique n’a cessé de proclamer sur tous les tons et en toutes circonstances: la France, contrairement à ce que déclare Eric Besson, n’est pas un peuple comme les autres; le peuple élu, prédestiné des temps modernes (par opposition à l’ère biblique), le successeur insigne du peuple hébreu voire celui qui, à l’instar du peuple américain, a une «destinée manifeste» Ce destin de races supérieures théorisé par les Renan, Gobineau, et Chamberlain au XIXe siècle et qui avait fait au XXe siècle le lit du nazisme, se drape de nouveaux habits humanitaires dans ce XXIe siècle, le résultat étant le même: continuer à coloniser à distance ces races inférieures qui, de plus, sont musulmanes, en leur extorquant leur richesse pour maintenir le niveau de vie de l’homme blanc.
Quand les Sarkozy sont devenus français
Pour la droite, la chose est claire: est de souche celui qui est «blanc» et qui porte un nom, un prénom, à consonance européenne, pour ne pas dire chrétienne. Au XVIe siècle l’Europe, via le Portugal et l’Espagne, promulgue des lois de «limpieza de sangre» («purification du sang») contre ses propres populations juives et musulmanes. Avec cette histoire tragique, l’Europe -et la France par conséquent -s’est bâtie une identité amputée de ses Juifs et de ses Musulmans… Le XIXe siècle européen érige les Blancs en dieux. Quelle différence y a-t-il entre un Espagnol, au regard de l’intégration avec un Algérien? La différence est d’abord la langue et la culture françaises. En fait, il n’est pas important qu’un Hongrois connaisse le socle rocheux de la littérature et la culture françaises telles que par exemple, la «Ballade des pendus» de François Villon. Par contre, son avantage décisif est l’identité religieuse qui berce d’une façon invisible la société française. Ils sont «compatibles» avec le corps social français pétri par deux mille ans de cultures chrétiennes ils peuvent être français, Par contre, on peut être en France depuis un siècle, le nom et l’Islam sont des «marqueurs indélébiles.» (1) On se souvient que dans la tribune publiée dans le journal Le Monde, le 9 décembre 2009, le président s’adressait déjà aux Français musulmans! Le philosophe Jean Baubérot répond magistralement et avec humour au président Sarkozy sur ce que c’est qu’être français: «Tu as écrit une tribune dans Le Monde. En effet, tu t’adresses à tes «compatriotes musulmans», et c’est mon cas, moi Mouloud Baubérot, frère siamois de celui qui tient ce blog. Avant, par politesse, il faut que je me présente très brièvement. Ma famille provient de Constantine, ville française depuis 1834 et chef-lieu d’un département français depuis 1848. Nous sommes donc d’anciens Français. Et au siècle suivant, d’autres sont encore venus. Certains de l’Europe centrale, bien différente de notre civilisation méditerranéenne. Mais, comme tu l’écris très bien, nous sommes très «accueillants», nous autres. Alors, nous avons donc accueilli parmi eux, un certain Paul Sarkozy de Nagy-Bosca, qui fuyait l’avancée de l’Armée rouge en 1944. Nous sommes tellement «accueillants» que nous avons fait de son fils, ton frère siamois, immigré de la seconde génération, un Président de notre belle République. Comment être plus accueillants? Mais faudrait quand même pas tout confondre: entre lui et moi vois-tu, c’est moi qui accueille, et lui qui est accueilli. Ne l’oublie pas. (…) Quand les Sarkozy sont devenus Français, le ciel de Paris s’ornait d’une Grande Mosquée, avec un beau minaret. Je suis d’accord, moi Mouloud qui t’accueille, je dois te faire «l’offre de partager (mon) héritage, (mon) histoire (ma) civilisation), (mon) art de vivre». Tiens, je t’invite volontiers à venir manger un couscous avec moi. (…) Pour être concret, je vais te raconter l’histoire de France en la reliant à ma propre histoire d’ancien Français, du temps où toi, tu ne l’étais pas encore. Pendant la guerre 1914-1918, mon arrière-grand-père est mort au front, comme, malheureusement, beaucoup de Français, de diverses régions: Algérie, Savoie, ou Limousin,…Car nous avons été environ 100.000, oui, cent mille, musulmans à mourir au combat pour la France. Ma famille y était venue, à cette occasion, et elle y est restée. A Paris, la République laïque a eu une très bonne idée: construire une mosquée, avec un beau minaret bien sûr. Elle avait décidé, en 1905, de «garantir le libre exercice du culte». «Garantir», c’est plus que respecter. C’est prendre les dispositions nécessaires pour assurer son bon fonctionnement. Pourquoi passes-tu tant de temps, dans ton texte, à nous parler des minarets? (…) De plus, et je vais t’étonner Nicolas, les laïques, ils aimaient bien les minarets. Quand on a posé la 1ère pierre de la mosquée, le maréchal Lyautey a fait un très beau discours. Il a déclaré: «Quand s’érigera le minaret que vous allez construire, il montera vers le beau ciel de l’Ile de France qu’une prière de plus dont les tours catholiques de Notre-Dame ne seront point jalouses.»(2) Dans la même veine et à l’occasion du débat de la «compatibilité de l’Islam avec la laïcité, plus d’une année plus tard un Français musulman répond à la lettre de Jean-François Copé organisateur de ce débat un autre Français de confession juive, tout deux natifs d’Algérie. «Cher Jean-François, d’abord, je dois te confier que chez moi (en France, avant que tu demandes), ce n’est pas comme ça qu’on traite ses amis. On ne fait pas un débat pour savoir comment nos amis devraient s’habiller ou s’exprimer. On ne se mêle pas de leur vie religieuse et on ne se permet pas de dire à leur fille que sa robe est trop longue. Ce serait très déplacé, tu en conviendras. On ne se sert pas de ses amis pour gagner des élections. On ne salit pas leur dignité et on ne leur porte pas préjudice, même si ça fait monter l’audimat au radio-crochet du coin…Tu dis vouloir m’aider à combattre les préjugés à mon sujet, mais c’est toi qui les alimentes à chaque fois que tu prononces les mots «Islam», «menace» et «laïcité» dans la même phrase. (…) Je ne t’ai rien demandé et je n’ai pas besoin de ton aide. Je veux juste que tu me laisses en paix. Le jour où tu auras vraiment envie d’avoir une conversation avec moi, retrouve-moi autour d’un bon repas, sans caméras si possible, comme ça tu pourras me regarder dans les yeux te dire le fond de ma pensée.(…)» «Quand tu dis que notre foi, l’Islam, est «défigurée dans l’opinion par des comportements ultraminoritaires», ce serait bien de rappeler que cette «opinion» se construit moins à partir de la réalité que du discours politique et médiatique auquel, il me semble, tu participes un peu. Plus loin dans ta lettre, tu parles de mon grand-père mais tu confonds probablement. C’est celui de Djamel qui est mort à Verdun. Le mien a combattu à Al-Alamein en Egypte, dans une guerre qui n’était pas la sienne. Du côté de maman, ils étaient plutôt vers Alger, où ils ont pu découvrir les joies de l’électricité dans les années 50. (…) Tu voudras bien m’expliquer aussi pourquoi dès que tu parles d’Islam, tu te sens obligé d’invoquer la laïcité pour dire quelque chose de pas sympa juste après. (…)Nul besoin de faire comme tous ceux qui, pour exprimer leur rejet des formes visibles de l’Islam, se drapent sous la cape de la laïcité en espérant y trouver une respectabilité à leur racisme d’autrefois. (…) C’est bien d’avoir une opinion. C’est mieux d’avoir la vérité. Or notre vérité commune est dictée par la loi de notre pays et il se trouve justement qu’en 1905 une loi a été votée pour établir le principe de laïcité que les polémistes ressassent à tort mais surtout à travers sans vraiment l’avoir lue. Et que dit-elle cette loi? Elle dit que nous sommes libres. Libres de choisir en conscience notre religion et de la vivre comme bon nous semble, sans faire de prosélytisme et sans devoir la cacher ou la nier dans la sphère publique. Libres de s’habiller comme il nous plaît, de porter une barbe ou de se couvrir la tête si on le souhaite. Libres de prendre notre place au sein de la République comme nous l’avons fait jusqu’ici en l’enrichissant de notre travail, de nos idées et de nos espoirs. Aucune instance musulmane n’a réclamé le changement de cette loi. Aucun musulman n’a demandé un privilège dont serait exclu l’un de ses concitoyens. Nous demandons, et la majorité de nos concitoyens avec nous, le strict respect de la loi de 1905. (…) Mon cher Jean- François, à trop vouloir nous aider, tu risques de nous causer du tort en faisant croire qu’il y a une spécificité islamique qu’on aurait jusque-là ignorée. Il n’en est rien. Nous sommes des citoyens comme les autres, acteurs anonymes des changements et des sacrifices que doit concéder notre pays aujourd’hui. (…) Je termine en te disant que le respect, c’est d’accepter l’autre tel qu’il est et non tel qu’on voudrait qu’il soit, avec ses différences. Il serait bon que tu t’en souviennes désormais, avant d’invoquer une idée de fraternité que tu piétines chaque jour.»(3)
Libres de choisir en conscience notre religion
Même en Alsace, l’Islam ne jouit pas des mêmes conevenances que les autres religions. On se souvient que le débat sur l’enseignement de l’Islam dans le public, au même titre que les autres religions, divise les candidats aux régionales. Dans les trois départements le judaïsme, le catholicisme, le luthéranisme et le réformisme, cultes reconnus par le Concordat de 1802, sont organisés par le droit local. En 2003, la commission Stasi recommande dans son rapport: «En Alsace-Moselle, [d’]inclure l’Islam au titre des enseignements religieux proposés et laisser ouvert le choix de suivre ou non un enseignement religieux.» Si cette proposition n’aboutit pas, celle d’interdire les symboles religieux à l’école deviendra une loi en 2004.»(4) Michel Tubiana, ancien président de la LDH, y voit un racisme assumé. Il écrit: «De plus en plus ouvertement, le racisme envahit l’espace politique. Je ne veux pas ici évoquer le Front national mais bien une partie de la droite parlementaire et, à un moindre niveau, une partie de la gauche. (…) Qui se souvient que dès juillet 2005, dans son discours aux ambassadeurs, le même Nicolas Sarkozy opposait, fût-ce pour en prévenir la guerre, «l’islam à l’Occident»? (…) Vint ensuite le glissement inévitable des étrangers à ceux qui leurs ressemblent, entendons les demi-Français. C’est ainsi que le 8 décembre 2009 Nicolas Sarkozy, sous prétexte de tolérance, fait des musulmans français des étrangers qu’il faut «accueillir» dans leur propre pays. Assignés à résidence communautaire, ils sont toujours désignés par leur origine (immigrés de la deuxième, troisième ou, bientôt, quatrième génération) ou par leur appartenance religieuse. (…) Les musulmans français ou pas sont sommés de faire leur examen de conscience et de répondre de nos peurs collectives. (…) C’est pourtant, ce que signifie le débat engagé par l’UMP, officiellement sur la laïcité, en réalité sur la compatibilité de l’Islam et de la République, contredisant par là tous les principes de la laïcité.(…)»(5)
La chair à canon
On dit souvent que l’implantation des Musulmans en France est récente. Les Maghrébins étaient en 2007, 5 à 6 millions. Si l’immigration massive des Nord-Africains est récente, leur présence sur le territoire métropolitain est très ancienne et remonte à l’époque romaine. Au VIIe siècle, avec la conquête de la Septimanie par les musulmans, des berbères convertis à l’Islam s’installèrent également dans ce qui deviendra la France. Par la suite, des réfugiés musulmans qui fuyaient la Reconquista espagnole, et plus tard l’Inquisition, firent souche en Languedoc-Roussillon et dans le Pays basque français, ainsi que dans le Béarn. On peut distinguer plusieurs sous-groupes. Groupes ethniques en France:Encyclopédie Wikipédia
Pour la période récente (depuis un siècle et demi) les musulmans maghrébins étaient de toutes les guerres de l’Empire français. Pour le meilleur et surtout pour le pire, Algériens, Marocains, Tunisiens étaient de la chair à canon déjà pour les guerres du Levant (1856), du Mexique, de l’attaque allemande de 1871, 1914-1918, 1939-45). La récompense de la France fut justement la construction de la Mosquée de Paris. Depuis, les tirailleurs béton ont été le socle des «Trente Glorieuses» et c’est à ces «Français dans l’épreuve» que l’on préfère les «fraîchement français» sous prétexte qu’ils ont la même foi que les Gaulois de souche…On le voit, les Musulmans n’ont pas jailli du néant. Pour la période récente, les premières émigrations ont eu lieu il a plus d’un siècle, mais les descendants, même depuis la Première Guerre mondiale se verront appeler émigrés de la nième génération. Personne n’osera dire à Bernard-Levy ou encore Jean-François Copé que leurs parents étaient des émigrés d’Algérie. Il y a un vrai problème de la représentation de l’Islam. De plus, les intellectuels dits «musulmans» font preuve d’un silence assourdissant. Ils sont bien vus par les médias et les décideurs s’ils prônent un Islam mondain sans épaisseur. A l’évidence, le salut viendra de ces Français musulmans intellectuels décomplexés et qui se battent avec les armes de l’esprit dans le respect des lois de la République. Cette République qui a laïcisé les attributs de l’Eglise: Dans les 11 jours chômés dans l’année, 9 sont à caractère religieux- Si la loi de 1905 convenait à l’époque, son aggiornamento permettrait de replacer l’Islam à sa juste place, la République devenant équidistante des religions, permettra à chaque Français quelle que soit sa religion de s’épanouir à l’ombre des lois de la République donnant ainsi la mesure de son talent. Les Musulmans de France, dans leur immense majorité, veulent vivre avec dignité leur culture. Ils connaissent les fils rouges à ne pas dépasser, ils savent ou ils doivent savoir qu’ils sont dans un vieux pays de tradition chrétienne. Pourtant, leur identité religieuse n’est nullement un frein à leur patriotisme. (L’Expression-04.04.2011.)
Pr Chems Eddine CHITOUR (*) Ecole nationale polytechnique
1.Chems Eddine Chitour: Comment être Français au XXIe siècle
http://www.legrandsoir.info/Comment-etre-Francais-au-XXIe-siecle.html
2.Lettre de Mouloud Baubérot à Nicolas Sarkozy: Site Oumma.com 14 décembre 2009
3.Marwan Muhammad, ingénieur, laïcité: http://www.islamophobie.net/art_read.php?ai=575
4.E.Bonneau: Faut-il enseigner l’Islam à l’école en Alsace-Moselle? Rue89 |4/02/2010
5.Michel Tubiana: Le racisme envahit l’espace politique. Le Monde.fr 21.03.11
**Exaspérés par le débat sur la laïcité et l’islam…
des militants quittent le parti de l’ UMP
**la droite mène «une campagne islamophobe»
**sorties multiples et répétées contre les musulmans
Même pas deux mois après son arrivée place Beauvau, Claude Guéant est au centre des critiques pour ses sorties multiples et répétées contre les musulmans. La dernière en date, lundi, a accru la pression sur ses épaules. En déplacement à Nantes, il a expliqué que «l’accroissement du nombre» de musulmans en France «et un certain nombre de comportements posent problème».
Une nouvelle preuve que la droite mène «une campagne islamophobe» et «une compétition dans l’ignoble avec la droite xénophobe», a estimé Eva Joly,candidate à la primaire écologiste. «Nicolas Sarkozy semble décidé à doubler Madame Le Pen sur sa droite» en «surfant» avec «son principal porte-parole, Claude Guéant», «sur des thèmes sulfureux», a insisté l’eurodéputée dans un communiqué.
=Obsession…«A chaque fois que Claude Guéant s’exprime depuis qu’il est ministre de l’Intérieur, il y a polémique», «son obsession, c’est de parler des musulmans», a taclé François Hollande lundi soir sur le plateau du Grand Journal de Canal +.Au-delà des critiques de l’opposition, Claude Guéant, par ses déclarations, pourrait s’exposer au même sort que Brice Hortefeux: la condamnation en justice. L’association SOS Racisme a déjà annoncé qu’elle portait plainte contre le ministre de l’Intérieur. «Je pense que c’est plus grave que ce qu’on a reproché à Brice Hortefeux», a expliqué à l’AFP Dominique Sopo, le président de l’association.Pour le Parti de gauche, les propos du ministre sont également «assimilables à l’incitation d’Etat à la discrimination des citoyennes et des citoyens au motif de religion». Dans un communiqué, le parti de Jean-Luc Mélenchon ajoute que les propos «relèvent de la justice» et que ce dernier doit «être immédiatement démissionné». (20Minutes-05.03.2011.)
***Dalil Boubakeur : Les musulmans de France ne peuvent pas être accusés de « tous les péchés d’Israël »
Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, a critiqué une propension en France de rendre les Musulmans responsables des maux de la société, à la veille de chaque échéance électorale. »Les musulmans, en grande majorité, sont des citoyens qui ne veulent qu’une chose : la paix (…) On ne peut pas tout de même les accuser, comme on dit en français, de tous les péchés d’Israël « , a-t-il déclaré lors d’une émission diffusée samedi soir sur la Chaine de télévision LCI.
A la question de savoir s’il n’est pas « choqué » qu’on instrumentalise une religion pour en faire un argument politique, à la veille du débat sur la laicité mardi prochain en France, le recteur de la Grande Mosquée de Paris a répondu que « les musulmans ne peuvent pas, pour aucune raison, être les bouc-émissaires d’une période de crise ».
« Ce n’est pas les musulmans, tout de même, qui sont la cause de la crise actuelle », en France, a-t-il martelé. Pour rappel, la Grande Mosquéede Paris avait décliné le 23 mars dernier l’invitation au débat sur la laicité que compte organiser le parti présidentiel, L’UMP, le 5 avril prochain, le jugeant de nature politique et alimentant le sentiment de stigmatisation de l’Islam. En France, L’Islam est la deuxième religion avec cinq à six millions de fidèles, dont deux à trois millions de Français de souche, soit quasiment la moitié. (El Watan-03.04.2011.)
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**ISLAMOPHOBIE
Un nouveau MacCarthysme en Europe
«Qu’as-tu à regarder la paille qui est dans l’oeil de ton frère? Et la poutre qui est dans ton oeil à toi, tu ne la remarques pas! Comment peux-tu dire à ton frère: «Frère, laisse-moi ôter la paille qui est dans ton oeil», toi qui ne vois pas la poutre qui est dans ton oeil? Hypocrite, ôte d’abord la poutre de ton oeil; et alors tu verras clair pour ôter la paille qui est dans l’oeil de ton frère.» Saint MathieuUne contribution de Guillaume Weill-Raynal a attiré mon attention, il s’interrogeait sur une islamophobie qui formate inexorablement la société française au point de ne susciter aucune réaction des bien- pensants contre cette dérive dangereuse du «vivre-ensemble» pourtant consacré par la laïcité et les lois de la République. Il ne faut pas croire que cette réaction de rejet des musulmans est une singularité française, il n’en est rien, tous les pays européens, à des degrés divers, ont vu l’avènement de partis extrémistes qui font de la croisade contre les musulmans un fonds de commerce porteur. Pratiquement, les principaux pays européens de la Suisse à la Norvège, au Danemark, aux Pays-Bas connaissent cette unanimité qui rappelle à bien des égards la situation qui prévalait au milieu des années trente en Allemagne avec des «nuits de cristal» spécifiques à chaque pays qui rivalise d’imagination pour traquer le basané, l’Arabe qui a la prétention de vivre «religieux» sans naturellement porter atteinte aux lois du pays où il vit.
Ecoutons Guillaume Weill-Raynal nous parler de cette lente dérive: «C’était il y a un an. En septembre 2009, je publiais ici même une «Lettre ouverte» aux représentants du Crif et de la Licra pour m’étonner de l’absence totale de réaction de leur part face à la banalisation de la parole islamophobe sur de nombreux sites et médias de la communauté juive. Banalisation. Le mot est faible. On pouvait déjà parler, alors, de déferlement. Du «politologue» Guy Millière, tenant conférence dans une synagogue parisienne, appelant à ne pas «capituler» devant le spectre d’un «changement de population et de culture en Europe» qualifié de «guerre mondiale contre l’islamisme» au site de l’Union des patrons et professionnels juifs de France (Upjf), publiant des articles voyant dans la «doctrine islamique de l’immigration» un «cheval de Troie moderne», conçu pour accomplir un «projet insidieux vieux de mille quatre cents ans de conquête et de domination» afin de «dominer les sociétés non musulmanes et paver la voie à leur totale islamisation», les bornes de l’inacceptable me paraissaient, de longue date, avoir été largement franchies».(1)
Le prix du rire
«Je n’avais, bien entendu, reçu aucune réponse de Patrick Gaubert et Richard Prasquier, les deux destinataires de cette lettre ouverte, auxquels j’avais pourtant pris soin d’en adresser personnellement un exemplaire par courrier. Trois mois plus tard, je publiais, sur Rue 89, une nouvelle lettre ouverte, à Brice Hortefeux cette fois, lequel, invité d’honneur d’un colloque de ladite Upjf, s’y était vu décerner – défense de rire! – la «prix de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme». Une remise de prix d’autant plus saugrenue, que l’Upjf, imperturbablement, continuait alors de publier, chaque semaine, la même littérature nauséabonde. Je ne citais dans cet article que les «échantillons» les plus ahurissants, notamment un article paru le 17 décembre 2009, comparant les populations musulmanes d’Occident à une prolifération de souris, et quelques jours plus tard, un montage photo «humoristique», d’une manifestation de Martiens sur la planète Mars: «Musulmans, rentrez chez vous». J’en avais adressé, en dernière tentative, un exemplaire à Gilles Bernheim, grand rabbin de France, en lui demandant simplement de bien vouloir me faire connaître son sentiment sur cet état de fait. Deux semaines plus tard, je recevais un appel téléphonique d’un rabbin du consistoire (dont je tairai le nom, par charité), à qui le grand rabbin de France – «trop occupé», selon ses propres dires – avait confié la délicate tâche de me répondre directement. (…) «La meilleure attitude, c’est de laisser pisser, vous verrez que dans trois semaines, on n’en parlera plus…»(1)
…Le discours islamophobe s’est désormais installé dans le ronronnement d’une norme acceptable, et donc acceptée. Standardisée. Dernier épisode en date, l’interview de Bat Ye’or sur Radio J, mercredi 27 octobre. Cette écrivaine britannique d’origine égyptienne est présentée, dans les milieux néocons, comme une «spécialiste du monde arabo-musulman». Pasionaria hystérique de la dénonciation de la «dhimmitude», elle mène aussi un combat exalté contre ce qu’elle appelle la transformation de l’Europe en Eurabia.(…) Ce jour-là, l’écrivaine est donc interrogée sur son nouveau livre: L’Europe face au spectre du Califat. Un titre suffisamment explicite, lui aussi, qui devrait pouvoir dispenser d’un examen approfondi de l’ouvrage pour se faire une idée du contenu. (…) Quant au remède qui pourrait permettre d’éviter la catastrophe, les suggestions du journaliste laissent pantois: «On voit la montée d’une extrême droite nationaliste dans plusieurs pays d’Europe, y compris d’ailleurs en France. Vous pensez que c’est la bonne solution, pour résister à ce que vous appelez le palestinisme et la volonté du Califat? Je ne sais pas si c’est la bonne solution, mais certainement, si l’Europe veut survivre, il faut qu’elle se raccroche à ses valeurs qui ne sont pas celles du Califat (…) Et par conséquent, qu’elle puisse se défendre contre l’emprise des lois de la charia qui sont imposées par une immigration de plus en plus nombreuse».(1) On peut s’interroger à juste titre sur les fondements de cette islamophobie. Certains font remonter les débuts à la désintégration de l’empire soviétique à 1990, l’Islam étant devenu pour l’Occident le satan de rechange, il y eut ensuite les attentats du 11 septembre 2001, qui furent à bien des égards, du pain bénit pour les va-t-en guerre de tout poil, il y eut enfin le discours de Ratisbonne du pape qui donna d’une certaine façon, une légitimité douteuse aux islamophobes.
«Ce qui a étonné beaucoup de musulmans, écrit Jean-Marie Gaudeul, ce n’est pas le sujet principal de la conférence du pape: personne ne conteste, ni parmi les chrétiens, ni parmi les musulmans, le lien qu’il établit entre la rationalité et la foi. Leur première source d’étonnement vient du fait que pour trouver un exemple à ne pas suivre, il est allé puiser chez les musulmans, l’impression – première et superficielle, j’en conviens – qu’on en retire est que la rationalité se trouve chez les chrétiens et non dans l’Islam. A juste titre, les musulmans nous citent l’exemple des Mu’tazilites ou des Philosophes qui, tout musulmans qu’ils étaient, en venaient à dire que la vérité recherchée par les philosophes est du même ordre que la vérité prêchée par les prophètes à travers des symboles. On pense à Avicenne ou à Averroès. Notons, en passant, que beaucoup de penseurs musulmans du XXe siècle sont, en fait, des néo-mu’tazilites. Une deuxième surprise vient du fait que le pape puise ses idées dans la littérature des controverses: Manuel Paléologue (1350-1425); Ibn Hazm (994-1064), si bien que les paroles qu’il cite sont, en elles-mêmes, provocantes».(2)
D’ailleurs le pape lui-même le souligne! En citant ces textes, Benoît XVI ajoute des commentaires qui sont, à la fois, offensants et inexacts. En effet, le pape commente de son propre chef: «Assurément l’empereur savait que dans la sourate 2, 256 on peut lire: «Nulle contrainte en religion!». C’est l’une des sourates de la période initiale, disent les spécialistes, lorsque Mahomet lui-même n’avait encore aucun pouvoir et était menacé. Mais naturellement, l’empereur connaissait aussi les dispositions, développées par la suite et fixées dans le Coran, à propos de la guerre sainte.» Il s’agit là des propos du pape lui-même. L’ennui, c’est que ce verset coranique – de l’avis unanime de tous les commentateurs – tant chrétiens que musulmans – n’est pas de la période initiale, mais bien de la période médinoise quand Muhammad est en position d’autorité. Les musulmans s’indignent que cette opinion marginale soit présentée comme représentative de l’ensemble de la doctrine islamique. Bon nombre de leaders musulmans souhaitent un apaisement rapide de la crise; mais il serait dangereux de refuser de reconnaître que le texte de Benoît XVI contient des inexactitudes et qu’il donne trop d’importance à une citation d’un auteur marginal. Cet incident, cependant, a donné aux musulmans l’impression que le pape ne les aime pas et qu’il manque de cette sensibilité qui aurait pu lui faire deviner le retentissement de ses paroles dans le monde musulman».(2) «Ne touchez pas à Israël!»
Quelle est, alors, la technique des différents courants de l’extrême droite tolérés tant qu’ils cassent de l’Arabe ou du noir ou des musulmans pourvu qu’ils ne touchent pas à l’intouchable; Israël et ses défenseurs (Crif, Ufpj..)? Propager une fausse nouvelle, rameuter le ban et l’arrière-ban de tous ceux que cette croisade unit. Ainsi, Riposte Laïque, l’un des mouvements à l’initiative du fameux apéro saucisson-pinard qui écrit que la Goutte d’Or est un territoire musulman, un Kandahar parisien dirait en se moquant Rue 89 un site tolérant. Ainsi, les «enquêteurs» de Riposte Laïque, après «36 semaines» d’investigation, apportent ces effarantes conclusions:
«Pour les femmes intégristes, c’est un véritable défilé de mode, allant du hijab à la burqa, en passant par le jilbab, le tchador, le niqab, le sitar. [...] Les hommes intégristes, par contre, portent presque tous la même tenue, le kamis, une sorte de robe blanche, déclinée en deux modèles.»(3)
«Comme en Iran, comme en Somalie, comme au Soudan, une milice religieuse musulmane contrôle plusieurs rues du quartier Barbès, et une partie d’un grand boulevard parisien! Une personne digne de foi a déclaré à l’auteur avoir entendu, en passant un lundi vers midi dans la rue Myrha…l’appel du muezzin.» L’organisatrice de l’apéro saucisson a pris soin de protéger son identité. Sur sa page Facebook (supprimée), cette «Sylvie François» -un pseudo évidemment- affirme qu’elle vit à la Goutte d’Or et, dans une longue interview à Riposte Laïque, fait ce témoignage édifiant: «Cher Monsieur, trouver du pinard et du saucisson à la Goutte d’Or, depuis un certain temps, relève de l’exploit! Je ne vous parle même pas de pouvoir en consommer au troquet du coin…La déferlante musulmane dans le quartier est en train de nous imposer la prohibition islamique des produits de nos terroirs, parce qu’ils ne sont pas conformes à je ne sais quelle règle religieuse!»(3) «Rue Myrha, aux abords de la mosquée, de nombreux bars. Proposent-ils de l’alcool? Lorsqu’ils ne sont pas halal -ce qui est souvent le cas- oui. Proposent-ils du saucisson? Oui. Si Sylvie François a du mal à trouver du saucisson, une adresse à la Goutte d’Or la ravira: la charcuterie Au Cochon d’or, à l’angle de la rue des Poissonniers et de la rue Dejean. Soit à quelques minutes de la mosquée. Au restaurant Les Trois Frères, on propose rillettes, pâté et saucisson et même des côtes de porc en plat du jour. Le bar est superbement fourni. Bon, concédons à Riposte Laïque qu’il y a aussi du couscous et du thé à la menthe. En tout, il y a au moins une dizaine de bars et autres débits d’alcool et de saucisson dans le quartier (4 ou 5 rues). Si la mystérieuse Sylvie François était plus attentive à sa vie de quartier, elle saurait que des apéros de quartier (avec du pinard et du saucisson, oui!) sont parfois organisés, que les riverains picolent dehors tous les ans à l’occasion du parcours du vin blanc…L’apéro n’aura pas lieu. Sa tenue aurait été créatrice «de risques graves de troubles à l’ordre public», a jugé la préfecture de police de Paris. Nul besoin de ce type d’événement pour «rendre à ce quartier son âme populaire». Il ne l’a pas perdue.(3)
Pour rappel, l’affaire est cousue d’un drôle de fil blanc qui, pour le coup, a des allures de câble identitaire. Le 21 mai, une dénommée Sylvie François se présentant comme une habitante du XVIIIe arrondissement de Paris, ouvre sur Facebook un groupe «Apéro géant saucisson et pinard à la Goutte d’Or´´. (…) Riposte Laïque semble avoir joué un rôle dès le début de cette initiative. D’ailleurs, Maxime Lépante, un des responsables de Riposte Laïque et présenté comme «spécialiste de l’islamisation de la Goutte d’Or», répond longuement dans Minute daté du 9 juin aux questions de…Bruno Larebière, rédacteur en chef de l’hebdomadaire d’extrême droite. M.Lépante y déclare entre autres, d’une «offensive (de l’Islam) contre la France car il y a une volonté de conquérir le pays, c’est le but ultime».(4)
Parmi les défenseurs du vivre-ensemble, il nous plaît de citer aussi le sociologue Vincent Gesseir qui nous explique le vécu simple et apaisé des Français de confession musulmane loin de la diabolisation de l’Islam entretenue par les médias. Ainsi interrogé sur l’ouvrage «Nous sommes Français et Musulmans», il déclare:
«C’est le fruit d’une collaboration menée par France Keyser, Stéphanie Marteau et moi-même. Nous voulions sortir du «prêt-à-clicher islamique» Oui, tout à fait, nous voulions, à travers cet ouvrage, éviter les deux écueils classiques qui consistent à envisager les musulmans à travers le prisme sensationnaliste qu’affectionnent les médias ou au contraire à travers celui de «l’exotisme bobo». Il s’agissait pour nous de sortir de ces deux pôles qui ne reflètent en rien la réalité sociologique de cette population. La réalisation de ce livre vise avant tout à refléter la paisible sédentarisation des musulmans dans l’espace social français. Nous avons volontairement porté notre regard sur différents champs de la société pour illustrer la diversité et le caractère pluriel de la population musulmane de France. Cette approche renforce le constat de «l’extraordinaire banalité» de cette population. J’utilise volontairement cet oxymore pour illustrer le décalage entre le vécu réel des musulmans qui sont, pour l’écrasante majorité, en symbiose avec leur environnement social et des discours politico-médiatiques qui se focalisent sur l’altérité dont ils seraient les porteurs. C’est dans ce sens que nous affirmons être partis du quotidien et du banal pour atteindre l’extraordinaire» au sens étymologique du terme, c’est-à-dire que nous avons tenté de restituer un angle de vue qui sort des traitements auxquels ils sont ordinairement cantonnés».(5) Le Maccarthysme qui fut une chasse aux communistes aux Etats-Unis se mue, de nos jours, en chasse aux musulmans. Sale temps pour les musulmans qui paieront pour les extrémistes islamistes. Ces mêmes extrémistes dont le carburant est justement le sort fait aux pays musulmans que l’on veut absolument démocratiser par drones interposés. (L’Expression-08.11.2010.)1.Guillaume Weill-Raynal: Islamophobie? Site Oumma.com 4 novembre 2010
2.Jean-Marie Gaudeul: Benoît XVI et les musulmans. Site Oumma.com 19 septembre 2006
3.Zineb Dryef: Pas besoin d’apéro, à la Goutte d’Or Rue89 15/06/2010
4.http://droites-extremes.blog.lemonde.fr/2010/06/09/apero-geant-goutte-dor-les-identitaires-et-riposte-laique-font-manip-commune/
5.El Yamine Settoul: «L’extraordinaire banalité» des Français musulmans. Respect.mag.com 6 mai 2010
Pr Chems Eddine CHITOUR (*) Ecole nationale polytechnique
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I’ve said that least 1070041 times. The problem this like that is they are just too compilcated for the average bird, if you know what I mean
Nice share, thanks.
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