La nébuleuse terroriste

**Les contrefaçons de l’Islam

*Ce que certaines personnalités appellent islam radical n’est tout simplement pas l’islam » mais « une instrumentalisation de la religion à des fins idéologiques, que leurs visées soient politiques, nationalistes ou encore économiques »

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*1.122 Marocains sont affiliés à des organisations terroristes en Irak et en Syrie, selon le ministre marocain de l’Intérieur

Plus de 1120 Marocains et environ 2.000 autres d’origine marocaine ont rejoint l’organisation terroriste de l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL), a annoncé le ministre de l’Intérieur marocain Mohammed Hassad, évoquant des menaces d’attaques terroristes contre le royaume.

« Un total de 1.122 marocains sont affiliés à des organisations terroristes en Irak et en Syrie, aux côtés d’autres ressortissants européens d’origine marocaine dont le nombre est estimé à 2.000 personnes », a révélé mardi M. Hassad devant le parlement précisant que 128 Marocains ont fait l’objet d’enquêtes dès leur retour au Maroc.

Il a ajouté que ces « combattants » marocains occupaient des postes de commandement au sein de l’EIIL tels que Emir militaire, Emir de la commission financière, Emir de la Zone Monts Turkman, Emir des frontières terrestres.

Il a affirmé que ces individus rejoignaient les rangs de l’EIIL non seulement pour combattre à ses côtés, mais également pour recevoir des entraînements en vue de mener des attaques contre le royaume.

Selon lui ces « Marocains embrigadés acceptent de commettre des attentats suicide » et que « 20 combattants ont déjà exécuté des attentats semblables ».

Il a, d’autre part, fait état « d’une coordination entre l’organisation EIIL, et d’autres organisations extrémistes actives dans la zone du Sahel et d’Afrique du Nord pour désigner les parties chargées d’exécuter le plan terroriste contre le Maroc ».

« Le plan terroriste contre le Maroc cible des intérêts et des personnalités publiques », a-t-il dit affirmant « nous disposons d’une liste des personnalités visées ».

Pour rappel, le Maroc a annoncé le 10 juillet 2014 un renforcement de mesures de sécurité contre d’éventuelles attaques terroristes en provenance d’Irak et de Syrie et la mise en place d’un plan d’alerte maximale.

« Des informations font état d’une « menace terroriste sérieuse » guettant le royaume, liée notamment au nombre croissant des Marocains appartenant aux organisations activant en Syrie et en Irak » a déclaré le ministre de la Communication, porte-parole de gouvernement, Mustapha El Khalfi à la presse.

Selon le ministre de l’Intérieur ces combattants « sont aidés en cela par l’expérience qu’ils ont accumulée en matière de fabrication d’explosifs, de techniques de combat, d’usage d’armes lourdes et par les formations qu’ils ont suivies dans plusieurs domaines militaires ».

M. Hassad a, par ailleurs, indiqué que « certains groupes terroristes projettent de développer des explosifs indétectables par les systèmes électroniques de détection ».

Le Maroc a affirmé à plusieurs reprises le démantèlement de « cellules terroristes » en 2013 et en 2014 notamment celles spécialisées dans l’embrigadement et l’envoi de volontaires marocains en Syrie et en Irak.

Le 25 juin dernier, les autorités ont affirmé avoir démantelé une nouvelle cellule terroriste composée de six individus et spécialisée dans l’embrigadement et l’envoi de volontaires marocains au combat dans les rangs des groupes terroristes en Syrie et en Irak.

Selon le ministère de l’Intérieur, ces combattants qui ont participé aux différentes opérations militaires parmi les groupes affiliés à Al Qaida « étaient déterminés à retourner au Maroc » pour « l’exécution d’agressions terroristes ».*médias-Mercredi 16 Juillet 2014

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La nébuleuse terroriste media_xll_7121576

l’Etat islamique en Irak et au Levant 

*le groupe terroriste le plus riche au monde. 

Son capital est estimé à 2,3 milliards de dollars

Tueries, massacres, exactions, enlèvements, torture: l’Etat islamique en Irak et au Levant sème la terreur dans le monde entier au travers de vidéos de décapitations d’Occidentaux postées sur le web. Son capital est estimé à 2,3 milliards de dollars, ce qui en fait le groupe terroriste le plus riche au monde. Les ressources financières de l’EI sont gigantesques, et proviennent essentiellement du pétrole, qui lui rapporterait pas moins de 3 millions de dollars (!) par jour. A côté de cela, les rançons, le trafic d’êtres humains, les braquages, la contrebande et le racket s’ajoutent à leurs activités criminelles, similaires à celles d’une organisation mafieuse.

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Les Occidentaux ont toutes les peines du monde à s’attaquer au nerf de la guerre que constituent les finances du groupe Etat islamique, riche à millions grâce aux méthodes « mafieuses » qu’il applique dans les territoires sous son contrôle en Syrie et en Irak.

Sources de financement souterraines
Au contraire d’Al-Qaïda, dont les ressources proviennent de dons, les jihadistes de l’Etat islamique contrôlent un immense territoire sur lequel ils font régner leur loi, à coups de racket, d’enlèvements et de contrebande de pétrole et, plus surprenant, d’antiquités, expliquent des analystes interrogés par l’AFP. Du coup, les sanctions occidentales n’ont pas prises sur ces sources de financement totalement souterraines, souligne Evan Jendruck, consultant chez IHS Jane’s.

A l’inverse, le régime de sanctions adopté par 160 pays a réussi à brider les flux financiers qu’Al-Qaïda faisait passer par des organisations caritatives et des banques. « Prendre des sanctions pourrait un peu limiter les transferts de fonds destinés à l’Etat islamique depuis d’autres pays que l’Irak et la Syrie, mais il est beaucoup plus difficile de faire un sort au financement qui provient de la contrebande et de ses activités criminelles », note M. Jendruck dans une interview accordée à l’AFP.

Les jihadistes de l’EI sont sans doute les extrémistes les plus fortunés au monde. Ils tirent leur argent du « racket des commerçants locaux et des ‘taxes’ qu’ils prélèvent sur les automobilistes et chauffeurs routiers qui empruntent les routes dans le territoire sous leur contrôle », rapporte un responsable du renseignement américain qui s’exprime sous le couvert de l’anonymat.

Le groupe « se finance grâce à des méthodes semblables à celles d’une organisation mafieuse », explique-t-il.

2 millions par jour grâce au pétrole
Mais sa source de revenue principale restent les onze champs pétrolifères qu’il a saisis dans l’est de la Syrie et dans le nord de l’Irak. Les jihadistes revendent le pétrole brut pour une bouchée de pain contre de l’argent liquide et les produits raffinés dans des pays voisins. Selon Louaï al-Khattib, chercheur au Brookings Doha, ils pourraient empocher jusqu’à 2 millions de dollars par jour grâce à la revente de pétrole.

Ils raffinent l’or noir dans des raffineries de fortune, puis le font passer en camion, par bateaux ou même à dos d’ânes vers la Turquie, l’Iran et la Jordanie, où il est revendu entre 25 et 60 dollars le baril, soit bien moins que les 100 dollars qui ont cours sur les marchés mondiaux, dit-il. Le groupe Etat islamique « a réussi à faire fortune sur le marché noir en développant un vaste réseau d’intermédiaires dans des pays et territoires voisins », écrivait M. Khattib récemment.

Depuis 2003, Washington a mis en place des sanctions contre plus d’une vingtaine de personnes affiliées au groupe Etat islamique ou à son prédécesseur, Al-Qaïda en Irak, et a dernièrement ajouté deux noms à sa liste, selon David Cohen, sous-secrétaire au Trésor chargé du terrorisme.

« Tout est affaire de contrôle territorial »
Les Etats-Unis entendent aussi priver les jihadistes d’accès au système financier international. Mais se pose la question du soutien des pays du Golfe à une telle initiative. Le Qatar et le Koweït en particulier ont été accusés de permettre à des fonds d’être transférés aux extrémistes, ce que les deux pays nient. Mais le financement de donateurs privés compte pour une part assez faible des revenus du groupe Etat islamique. D’où la difficulté de sanctionner tel ou tel individu pour « son soutien au terrorisme », souligne Howard Shatz, économiste au centre de recherches Rand Corporation.

Pourtant, les jihadistes ont déjà connu des périodes de vaches maigres par le passé. En 2009, après l’offensive conjointe des forces américaines et irakiennes et le soulèvement de tribus sunnites, les insurgés ont perdu une bonne part du territoire qu’ils contrôlaient, réduisant d’autant leurs sources de financement. « Au final, tout est affaire de contrôle territorial », explique Howard Shatz.*18/09/14 – 10h57  Source: AFP*Michaël Bouche 

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***Le groupe terroriste  »Etat islamique, qui a revendiqué la décapitation d’un troisième otage occidental, a bâti sa fulgurante ascension sur des méthodes brutales, loin de l’esprit de l’islam que ce groupe voudrait qu’il soit intransigeant et la fascination qu’il exerce sur les jihadistes, notamment européens et autres.***

Qu’est ce que l’Etat Islamique? Le mouvement est né en Irak en 2006 à l’initiative d’al-Qaïda. Il se présentait comme le défenseur de la minorité sunnite face aux chiites qui ont pris le pouvoir avec l’invasion conduite par les Etats-unis en 2003. Il se fait connaître par des tueries de chiites et les attentats suicides contre les forces américaines. Sa brutalité et son islam intransigeant pousseront les tribus sunnites à le chasser de leur territoire. Dès juillet 2011, soit trois mois après le début de la révolte contre Bachar al-Assad, ses membres sont appelés à combattre en Syrie contre le régime dirigé par les alaouites, un avatar du chiisme, honni par les jihadistes. En Syrie, apparaissent rapidement des dissensions entre jihadistes irakiens et syriens. Les premiers proposent la création en avril 2013 de l’Etat islamique d’Irak et du Levant mais le chef syrien refuse et maintient le Front al-Nosra qui devient la branche officielle d’al-Qaïda en Syrie. Début 2014, éclate une guerre sans merci entre d’une part le Front al-Nosra et les rebelles syriens et de l’autre l’EI. Elle fait au moins 6.000 morts. Fort de ses victoires en Irak et en Syrie, le chef de l’EI Abou Bakr al-Baghdadi proclame en juin 2014 le « califat » à cheval sur les deux pays. 

Combien a-t-il de combattants? Il n’y a pas de chiffres précis. La CIA parle d’une fourchette de 20 à 31.000 combattants dans les deux pays. Selon un autre responsable du renseignement américain, il y a 15.000 combattants étrangers en Syrie dont 2.000 Occidentaux. Certains ont rejoint l’EI mais aucune donnée précise n’est disponible. L’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) évalue à plus de 50.000 le nombre de ses combattants en Syrie, dont 20.000 non syriens, venus du Golfe, de Tchétchénie, d’Europe et même de Chine. 

En Syrie et Irak, certains sont d’ex-cadres militaires et du renseignements de l’ancien dictateur Saddam Hussein. Ils ont donc une grande connaissance de l’art de la guerre. En Irak, selon Ahmad al-Sharifi, professeur de Sciences politiques à l’université de Bagdad, l’EI compte entre 8.000 et 10.000 combattants dont 60% d’Irakiens. L’EI recrute beaucoup à travers les réseaux sociaux, mais nombreux sont les rebelles qui le rejoignent par peur ou alléchés par les salaires offerts. 

Quel territoire contrôle-t-il? L’Etat Islamique contrôle environ 25% de la Syrie (45.000 km2) et 40% de l’Irak (170.000 km2), soit au total 215.000 km, ce qui représente presque la superficie du Royaume-Uni (237.000 km2), selon Fabrice Balanche, géographe expert de la Syrie. Cependant, précise-t-il, la plupart des territoires contrôlés par l’EI, notamment en Irak, sont désertiques, ce qui réduit son emprise réelle sur le territoire. 

Le « califat » s’étend de Manbej, dans le nord de la Syrie près de la frontière turque dans la province d’Alep, en direction de l’est avec toute la province de Raqa, et une grande partie des gouvernorats de Hassaka et de Deir Ezzor, jusqu’à la localité frontalière de Boukamal. En Irak, il contrôle les régions sunnites de l’ouest et du nord avec notamment la ville de Mossoul. 

Pourquoi ce groupe attire-t-il les jihadistes étrangers? Pour l’écrivain et journaliste libanais Hazem al-Amine, les jihadistes occidentaux sont fascinés par sa démonstration de force de « type hollywoodien ». Les décapitations, les exécutions et la conquête de territoires font figure d’épopée. En outre, selon les experts, l’EI leur affirme qu’il a renoué avec l’islam du temps de Mahomet. 

Quelles sont ses sources de financement? Il y en a plusieurs selon les experts. Il y a d’abord des contributions venant de pays du Golfe. Pour Romain Caillet, expert des mouvements islamistes, l’EI s’auto-finance en grande partie, les fonds extérieurs ne représentant que 5% de ses ressources. 

L’EI pratique l’extorsion et impose des taxes aux populations locales. À quoi s’ajoutent la contrebande de pétrole et de pièces d’antiquité, les rançons pour la libération d’otages occidentaux et les réserves des banques de Mossoul, la ville dont s’est emparé l’EI au début de son offensive fulgurante lancée en juin. Selon Bashar Kiki, le chef du conseil provincial de Ninive, dont Mossoul est la capitale, les réserves en liquide des banques de la ville atteignaient avant cette offensive environ 400 millions de dollars. 
L'Etat islamique avance vers la 3e ville kurde de Syrie

Comment agit-il avec la population? L’EI combine la terreur avec la fourniture de services sociaux aux populations qui sont sous sa coupe. Pour empêcher toute velléité de soulèvement et terroriser ses adversaires, il pratique la crucifixion, la décapitation, la flagellation ou la lapidation des femmes accusées d’adultère. Pour donner encore plus de poids à ses agissements, il les diffusent sur les réseaux sociaux avec des images insoutenables. 

L’EI a-t-il un avenir? Pour Romain Caillet, le principal objectif à court et moyen terme cipal de l’EI est de consolider le califat, qu’il a doté de structures « étatiques » comme des ministères ou des tribunaux. Mais, estime Hazem al-Amine, l’Occident va le frapper durement et l’affaiblir, ce qui l’obligera à redevenir une organisation clandestine. Barack Obama à annoncé cette semaine sa détermination à « affaiblir » puis à « détruire » l’EI grâce à une large coalition comprenant dix pays arabes. Les quelque 150 frappes américaines ont déjà contraint l’EI a reculé en Irak.*14/09/14 – 12h42  Source: AFP

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*** Toute religion, y compris l’islam, est pacifique 

*Les contrefaçons de l’Islam

*Ce que certaines personnalités appellent islam radical n’est tout simplement pas l’islam » mais « une instrumentalisation de la religion à des fins idéologiques, que leurs visées soient politiques, nationalistes ou encore économiques »

**Pour Abd Allah Yahya Darolles, vice-président de l’Institut des hautes études islamiques,

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On ne compte plus aujourd’hui les “ lettres ouvertes ” ou les appels adressés par des personnalités, écrivains et journalistes, aux “ musulmans modérés ” pour qu’ils dénoncent les actions violentes commises depuis ces dernières semaines par des individus ou des mouvements se réclamant de l’islam, et prétendant agir “ au nom de Dieu ”.

Nous préférons, quant à nous, nous référer à un “ islam authentique ” plutôt qu’à un “ islam modéré ” : d’abord, parce que toute religion, y compris l’islam, est pacifique ; ensuite, parce qu’évoquer un islam modéré sous-entendrait qu’il existerait aussi un islam radical, et qu’ainsi l’islam pourrait se prêter à l’un ou l’autre choix !

« Nous avons fait de vous une communauté éloignée des extrêmes », lit-on dans le Coran, que l’on traduit aussi par « une communauté du juste milieu »« La religion authentique est toujours une voie d’équilibre, jamais un instrument de pouvoir, d’orgueil et de vanité », affirmait le président de notre Institut, Yahya Pallavicini, dans un entretien publié récemment dans Il Corriere della Sera (21 août 2014). Comme toute religion, l’islam a pour vocation première le salut, voire, pour ceux qui ont un engagement plus intérieur, à l’instar des communautés monastiques d’autres traditions religieuses, la connaissance du mystère de Dieu. C’est en cela qu’il est “ authentique ”.

Ce que les médias et certaines personnalités appellent islam radical n’est tout simplement … pas l’islam. Comme le faisait remarquer Bariza Khiari, vice-présidente du Sénat et sénatrice de Paris, lors de l’affaire Merah, « les tenants de l’islam radical nient le socle abrahamique qui lie les trois monothéismes entre eux, et présentent un visage méconnaissable de la religion musulmane. Ils sont la négation de l’islam… L’islam n’est en rupture ni avec le judaïsme, ni avec le christianisme mais se situe dans leur continuité. La vision radicale n’est qu’une dérive sectaire » (lire ici).

Bien évidemment, l’unité de l’islam n’exclut pas les différentes tendances qu’ont pu prendre les communautés musulmanes à travers le monde, ni même des divergences entre les différentes écoles. Il est donc légitime de parler, avec Edwy Plenel, de « nos compatriotes musulmans dans la diversité d’origines, la pluralité de cultures et la plasticité de croyance que ces mots recouvrent » (lire ici). Mais ces différences, dont le Prophète Muhammad lui-même disait qu’elles étaient « une miséricorde », ne sauraient en aucune manière inclure les violences terroristes.

L’islam dit radical, qui conduit à la violence, n’est qu’une instrumentalisation de la religion à des fins idéologiques, que leurs visées soient politiques, nationalistes ou encore économiques. L’islam n’est d’ailleurs pas la seule religion victime d’une telle instrumentalisation pour des fins qui lui sont étrangères.

C’est donc à l’aune des principes et des pratiques de cet islam authentique, comme à celle des autres religions tout aussi authentiques, que nous voulons ici dénoncer les prétentions de groupes faussement islamiques, mais véritablement barbares et terroristes, qui prétendent légitimer leur action au nom de l’islam.

Plusieurs points méritent d’être éclaircis, qui reviennent de façon récurrente dans ces prétentions, et qui sont fréquemment relayés par les médias : d’abord l’exclusivisme religieux, puis le rejet et la haine des autres communautés ; ensuite la confusion du spirituel et du temporel, qui conduit à une conception dévoyée du prétendu jihad et à une parodie du califat ; enfin l’appel à la conversion comme licence pour exercer une violence aveugle.

Exclusivisme et diversité religieuse

La liberté religieuse est une évidence pour l’islam. En effet, toutes les révélations, dans leur succession, émanent du même Dieu unique, les différentes religions n’étant que les communautés des disciples des différents prophètes, qu’ils soient juifs, chrétiens ou autres.

Pour les musulmans, la révélation islamique n’est pas venue abolir les précédentes révélations, ni dénier l’authenticité des messages prophétiques qui ont précédé Muhammad, notamment ceux apportés par Moïse et Jésus dont la mère, la Vierge Marie, fait l’objet d’une sourate du Coran et d’une vénération particulière en islam.

La succession des différents prophètes et l’existence des différentes communautés sont reconnues par l’islam comme expression de la volonté divine : « A chacun de vous Nous avons assigné une Loi et une Voie. Si Dieu l’avait voulu Il aurait fait de vous une seule communauté. Mais Il a voulu vous éprouver dans ce qu’Il vous a donné. Rivalisez entre vous dans les bonnes actions. Vous retournerez tous à Dieu. C’est alors qu’Il vous informera à propos de ce en quoi vous divergiez. » (Coran V : 48). Tous les croyants, de quelque forme religieuse qu’ils soient, sont appelés au salut : « Ceux qui croient : les juifs, les chrétiens et les sabéens, quiconque croit en Dieu et au Jour dernier, et fait le bien, n’éprouveront plus aucune crainte, et ils ne seront pas affligés. » (Coran II : 62)

Il n’y a donc, dans la perspective islamique, aucun exclusivisme envers les autres formes religieuses, mais l’obligation de les confirmer et de les protéger.

La protection accordée par l’islam aux autres religions

Muhammad était non seulement prophète, et donc autorité spirituelle pour les croyants le reconnaissant comme tel, et pour eux seulement, mais également détenteur du pouvoir temporel, sollicité comme “ arbitre équitable ” par les habitants de Médine appartenant à diverses communautés religieuses.

Dans la cité de Médine, il n’y avait donc nulle confusion entre la fonction prophétique et spirituelle qui concernait les musulmans, et la fonction d’arbitre équitable, reconnue dans le domaine temporel par l’ensemble des communautés qui avaient souhaité remettre cette fonction au Prophète. Chaque communauté relevait de sa propre loi, notamment les juifs et les chrétiens avec lesquels était créée une alliance, une entente, dont les termes furent précisés dans une Constitution (sahîfa). Celle-ci précisait concernant « l’alliance avec ceux dont la religion est le christianisme » que « Moi-même (Muhammad), les auxiliaires de Médine et mes fidèles, nous nous porterons à leur défense » et « Nul musulman ne doit violer cette alliance jusqu’au Jour Dernier ». Cette alliance comportait bien entendu la garantie de la liberté religieuse, et la protection des édifices religieux.

Est-il nécessaire de rappeler, à l’image de la Cité de Médine, les nombreux exemples historiques de l’entente des musulmans avec les minorités juives et chrétiennes dans le monde musulman, de l’Espagne au Maroc, du Sénégal jusqu’en Perse, où la liberté religieuse et la protection de leurs communautés étaient garanties par des souverains respectueux du message de l’islam.

A-t-on oublié l’exemple de l’Emir Abdelkader ? Lors de son séjour à Damas, il y a un siècle et demi, l’Emir était intervenu avec ses compagnons, au péril de leur vie, pour protéger les chrétiens qui y vivaient, contre les exactions de certains prétendus musulmans.

C’est en ces termes que l’Emir s’adressa aux séditieux : « Votre conduite est impie… à quel degré d’abaissement êtes-vous descendus puisque je vois des musulmans se couvrir du sang de femmes et d’enfants ! Dieu n’a-t-il pas dit « Celui qui aura tué un homme sans que celui-ci ait commis un meurtre ou des désordres dans le pays sera regardé comme le meurtrier du genre humain tout entier » ? » A la foule qui demandait que soient livrés les chrétiens, il répondit :« Les chrétiens : tant qu’un seul de ces vaillants soldats qui m’entourent sera debout, vous ne les aurez pas, car ils sont mes hôtes. Egorgeurs de femmes et d’enfants, fils du péché, essayez donc d’enlever de chez moi ces chrétiens auxquels j’ai donné asile, et je vous promets de vous faire voir un jour terrible… Et vous mes compagnons, que vos cœurs se réjouissent car, j’en prends Dieu à témoin, nous allons combattre pour une cause aussi sainte que celle pour laquelle nous combattions autre fois. »

Pendant plusieurs jours, l’Emir n’eut de cesse de mettre à l’abri, dans sa propriété, les chrétiens de la ville. L’intervention de l’Emir permit de sauver plusieurs milliers de chrétiens ainsi que les représentants diplomatiques des Etats occidentaux.

Plus près de nous, de nombreux juifs et communautés juives ont été protégés des horreurs de la seconde guerre mondiale par les autorités musulmanes, que ce soit, entre autres, le Sultan du Maroc, ou encore le Recteur et les imams de la Grande Mosquée de Paris, et ce, à l’heure où des Etats et des populations européennes étaient pris par la folie d’un exclusivisme racial.

L’ anachronisme du califat

La prétention de certains groupes au rétablissement du califat, par sa confusion du spirituel et du temporel, dénote un malentendu total sur les principes et l’histoire de la religion musulmane.

Une telle prétention, illégitime et anachronique, constitue, aux yeux de l’islam, une faute majeure, car elle traduit le refus de s’adapter à une situation temporelle voulue par Dieu. Il s’agit, en somme, d’une rébellion contre la volonté divine.

Si, du point de vue islamique, il n’y a pas de séparation totale entre le spirituel et le temporel, dans la mesure où l’unité entre ces plans différents est réalisée en chaque homme qui prie avec l’espérance du salut dans l’autre monde, tout en vivant conformément à une pratique vertueuse, dans ce monde, il y a néanmoins distinction entre les deux plans en ce qui concerne l’organisation des affaires ici-bas. De sorte que la gouvernance temporelle n’obéit pas aux mêmes règles que celles qui régissent l’autorité spirituelle.

Une tradition du Prophète Muhammad indique nettement cette distinction : « Donnez-leur (aux gouvernants) ce qui leur revient de droit et demandez à Dieu ce qui vous revient à vous-même. Dieu demandera compte à ces derniers des intérêts de leurs sujets. »

Le califat trouve son origine au moment de la succession du prophète Muhammad en tant que chef de la communauté formée par la cité de Médine.

Depuis les quatre premiers califes, désignés comme “ bien dirigés ”, qui étaient des compagnons éminents du Prophète Muhammad, en passant par les califes omeyyades et abbassides, puis ottomans, le califat a vu sa légitimité peu à peu s’affaiblir, jusqu’à son abolition officielle en 1924. Le Congrès international des savants musulmans réunis au Caire, en 1926, a confirmé que les conditions n’étaient plus remplies pour l’existence du califat. Tous les sages de l’islam s’accordent, depuis lors, pour affirmer qu’est « calife », au sens de « vicaire de Dieu sur la terre », tout croyant musulman qui accomplit sa vocation spirituelle et en témoigne dans le monde : il ne saurait s’agir d’une quelconque figure politique et encore moins d’un chef de guerre instrumentalisant la religion à des fins de pouvoir. Nous pourrions même ajouter, à la suite d’Abd al-Wahid Pallavicini, qu’« il n’y a pas actuellement d’Etats « islamiques », non seulement en raison de l’abolition du califat, mais surtout parce qu’islamique devrait signifier « soumis à la volonté de Dieu », de même que nous ne pouvons dire qu’il y ait en Europe des pays encore « chrétiens ». »

De la parodie du jihad à la véritable barbarie

Le jihad, s’il a pu revêtir une forme militaire au cours de l’histoire, est avant tout un effort intérieur, un combat spirituel que le croyant mène contre son ego. Le Prophète Muhammad aimait à dire : « le combattant dans la voie de Dieu est celui qui livre combat à son âme », et non, serait-on tenté de dire, celui qui extermine ses voisins.

Précisons également que, même dans les temps où le combat militaire était légitime, celui-ci était encadré par des règles strictes pour éviter tout abus ou injustice. Il n’y a donc pas la moindre trace d’islam dans ces exactions commises par des barbares s’en prenant à des civils, des femmes, des enfants, des prêtres, détruisant les tombeaux de prophètes – qui sont d’ailleurs aussi ceux de l’islam – les édifices religieux des autres religions, et même ceux des mystiques de l’islam. En outre, le suicide constitue dans l’islam, comme dans toute tradition religieuse, une transgression majeure, ce qui délégitime d’office les « attentats suicides » prétendument commis « au nom de Dieu ».

Les actes terroristes auxquels nous assistons n’ont rien de spirituel, et ne sont rien d’autre que« traîtrise » et « sédition », selon les propres paroles du Prophète Muhammad qui avait d’ailleurs mis en garde contre des hommes de sa propre communauté « qui œuvreront pour le mal » et « qui liront le Coran mais dont la voix restera au fond de la gorge » : « ils passeront à côté de la religion comme la flèche qui manque sa cible, sans espoir de retour. »

C’est d’ailleurs au nom de ces parodies du jihad et du califat que ces groupes prétendent imposer une conversion aux autres communautés.

Conversion ou convergence ?

L’obligation de conversion imposée aux autres communautés religieuses apparaît, du point de vue islamique, comme de toute tradition religieuse, comme une aberration qui prend sa source dans l’exclusivisme confessionnel évoqué précédemment, erreur consistant à vouloir imposer sa propre forme religieuse à l’humanité entière. Ce faisant, l’exclusivisme méconnaît le message de toute doctrine religieuse qui, à l’opposé, entend la conversion comme une occasion de changement intérieur, une metanoia, une réorientation vers Dieu seul. Cette conversion, qui touche le rapport intime entre Dieu et le croyant, ne saurait en aucun cas être imposée, a fortiori, par la violence. « Pas de contrainte en religion », dit le Coran (Coran II : 256).

Cette liberté religieuse fait appel au libre arbitre de l’homme qui peut être croyant ou non croyant ou agnostique. « Si ton Seigneur l’avait voulu, tous ceux qui sont sur la terre auraient cru. Est-ce à toi de contraindre les gens à devenir croyants ? Aucune âme ne connaîtra la foi sans que Dieu ne l’ait permis. » (Coran X : 99-100)

La volonté d’imposer sa forme religieuse à d’autres, au besoin par la violence, met assez souvent en évidence le rôle de néophytes occidentaux, qu’ils soient d’origine européenne, américaine ou arabe, qui adoptent la forme islamique, et qui se “ convertissent ” ou “ retournent ” apparemment à l’islam, sous l’influence de prédicateurs formalistes et violents, dont le Prophète lui-même disait qu’il craignait pour sa communauté ces « guides aveugles ».

Ces néophytes, bien loin de toute transformation intérieure et de toute soumission à Dieu, adoptent les revendications idéologiques de certains groupes exclusivistes, sans aucune connaissance des principes et des pratiques orthodoxes, pas plus de l’islam que des autres religions. Ils cèdent à un romantisme dévoyé, prétendant imposer un “ nouvel ordre mondial” et temporel, et surenchérissant parfois, dans la barbarie, avec ces dirigeants aveugles.

De la responsabilité partagée des musulmans, des pouvoirs publics et des médias occidentaux

Les responsabilités des musulmans sont indéniables, et la perte diffuse de leur héritage spirituel et intellectuel est certainement à l’origine de ces dégénérescences qui aboutissent aux événements tragiques que nous connaissons. C’est ainsi que l’ancien directeur de la Fondation pour les études islamiques de Casablanca notait (La Croix du 22 août 2014) que « la faillite de l’éducation dans le monde musulman est le terreau de ce prétendu Etat islamique. »

Mais les amalgames véhiculés, en Occident, par des personnalités et des médias sont tout autant responsables, en renvoyant une image inversée de l’islam à des jeunes défavorisés,« abandonnés à leurs démons », par les gouvernants, comme l’écrit Edwy Plenel.

A ce propos, il convient de rappeler avec force qu’aucun musulman authentique ne peut, contrairement à ce qui est dit de manière récurrente, être antisémite, non plus qu’antichrétien. Et il nous semble aussi qu’aucun juif authentique ne peut être islamophobe ou antichrétien, et qu’aucun chrétien authentique ne peut être islamophobe ou antisémite.

Ces amalgames viennent encore d’être mis en évidence par des chercheurs (La fin de l’Ecole, PUF, août 2014) à travers des livres pourtant préconisés officiellement par le ministère de l’éducation nationale, et dans lesquels la figure du musulman est un étranger et les mots les plus fréquemment utilisés en corrélation avec l’islam sont terrorisme, attentats, guerre, 11-Septembre, Al-Qaïda, islamisme, ou encore viol, voile, contraintes, mort, attentat. On se demande comment l’enseignement de telles références peut éduquer, selon les mots d’Edwy Plenel « une jeunesse souvent sans repères » ou encore donner des repères à une jeunesse qui ne demande qu’à s’ouvrir aux autres jeunes, musulmans « à la fois semblables et différents ».

Une anecdote pour finir. Alors que l’Institut des hautes études islamiques s’investit depuis une vingtaine d’années dans des actions de formation, de rencontres et d’échanges entre représentants des différentes traditions religieuses, des pouvoirs publics, des universitaires et des médias, ses responsables avaient partagé, avec des journalistes et de hauts représentants de l’administration française, le constat que l’Institut était peu associé aux émissions télévisées, ses interventions peu relayées dans les médias, ou encore qu’il était peu aidé par les pouvoirs publics dans la mise en œuvre d’actions de formation envers les jeunes publics. Il leur fut répondu que « l’on ne s’intéresse pas aux trains qui arrivent à l’heure » !

Pourtant, peut-être faudrait-il, au contraire, que les médias donnent la parole à ces trains qui arrivent à l’heure et qui se réfèrent à un islam authentique, même si les considérations religieuses ou spirituelles semblent rebuter nos concitoyens, qui préfèrent sans doute des débats plus « terre-à-terre ». Mais devant l’urgence de la situation, il nous paraît hautement souhaitable que les pouvoirs publics aident à la mise en œuvre de formations qui permettent le vivre-ensemble, et ouvrent à la richesse de la diversité, sans remettre en cause l’unité, l’intégrité et la laïcité de la République. Cela contribuerait certainement à endiguer les dérives que nous connaissons.

Quant aux croyants et aux responsables des différentes religions, à l’heure où tant de rencontres internationales n’aboutissent pas à la résolution des conflits, car elles se situent seulement sur un plan politico-diplomatique, il leur revient d’engager un authentique jihad intellectuel et spirituel, pour distinguer le bon grain de l’ivraie, et rejoindre cette “ Terre Sainte ” intérieure commune à tous. Cet effort, auquel sont appelés les croyants, implique non seulement la reconnaissance du Dieu unique de ces différentes religions, mais aussi une mutuelle reconnaissance de la validité immanente de ces mêmes religions, qui peut seule conduire à la Paix véritable, sens authentique du mot islam.*Pour Abd Allah Yahya Darolles, vice-président de l’Institut des hautes études islamiques*blogs.mediapart–18 SEPTEMBRE 2014

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Une réponse à “La nébuleuse terroriste”

  1. 9 08 2015
    Magasin Vincennes (11:48:28) :

    Bon article ! Une parenthèse pour vous montrer le site d’un commerce en France à Vincennes de bijoux fantaisie.

    https://bijouxtutti.wordpress.com

    Répondre

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