Dilemme en Occident:Faut-il sauver moubarak ou son système?
8 02 2011
«Je voudrais dire au président Moubarak combien j’apprécie son expérience, sa sagesse et la vision modérée qui est la sienne. L’Egypte est, pour la France, un partenaire essentiel et le président Moubarak est, pour nous, un ami. (…) J’ai toujours pris mes responsabilités, je soutiens un gouvernement qui lutte contre le terrorisme (…)»
Nicolas Sarkozy au Caire, décembre 2007
Deux millions de personnes sur la place Tahrir: on n’avait pas vu cela depuis Nasser. Même son fils est venu encourager la protesta qui s’est déroulée sans problème majeur. L’armée ayant donné des assurances -après 300 morts- que tout irait bien. Moubarak a tout le temps été soutenu, bien avant 2001, avec le nouveau Satan de rechange. La raison? Israël avec qui elle a signé un traité de paix. Après 2001, un autre rôle a été dévolu à Moubarak: tétaniser les potentats arabes à travers sa Ligue arabe, appendice du ministère des Affaires étrangères égyptien et cela depuis 1945. Moubarak pour la politique, le roi Abdallah pour le pétrole et l’Opep. Les Arabes étaient alors considérés comme moins que rien dans l’imaginaire occidental. On dit que Moubarak représente pour l’Occident, le barrage contre l’Islam politique. «C’est moi où l’Algérie», avait l’habitude de marteler Moubarak quand on lui parlait de démocratie et de GMO.
Pour la première fois, l’Occident a peur, toute sa puissance déployée a été en quelques semaines rendue inopérante par quelques petits grains de sable insignifiants qui ont endormi la méfiance de tous les stratèges occidentaux, et Israéliens qui les ont totalement minorés comme étant, comme on les appelle en physique des perturbations, du second ordre. Il est vrai que les pays arabes avaient donné le change en s’enfonçant dans une apathie voire un coma profond.
Satan de rechange
Quels sont ces minuscules grains de sable: il y a d’abord eu des signes avant-coureurs de la misère morale des peuples du Sud et dont la partie visible de l’iceberg est constituée par ces harraga qui préfèrent mourir en mer d’un coup, que de mourir à petit feu dans des sociétés profondément inégalitaires. Les eldorados fantasmés ont barricadé leur frontière et les rares rescapés des cauchemars en mer sont repérés -délit de faciès aidant- retenus le temps qu’il faut et renvoyés dans leur pays où ils vont en prison. Après les harraga en mer, il y a les harraga au sens réel.
Depuis le commencement des manifestations, les chancelleries occidentales n’ont cessé d’interférer, surtout les Etats-Unis qui menacent et promettent et leur cauchemar est l’arrivée des Islamistes au pouvoir. La première détente a été de forcer Moubarak à prendre un vice-président, chose qu’il n’a jamais voulu faire depuis 31 ans. Le choix s’est porté sur le général Souleïman qui dirige les services de renseignement; on le dit proche de l’Occident et d’Israël mais le peuple le conteste.
Moubarak en parfait autiste, fait un discours décalé. Il annonce deux fausses nouvelles: d’abord qu’il ne se représente plus, tout le monde était convaincu qu’il préparait son fils. Ensuite, il fait comme s’il n’y avait pas eu ce million de personnes qui ne lui demande rien, sauf de partir. Même El Baradei, conforté par son titre de porte-parole de l’opposition lui demande de partir avant vendredi. Mohammed El Baradei a prévenu que, si le président «veut vraiment sauver sa peau, il ferait mieux de partir». «Quand un régime retire complètement la police des rues du Caire, quand les casseurs font partie de la police secrète pour essayer de donner l’impression que, sans Moubarak, le pays plongera dans le chaos, c’est un acte criminel. (…) S’il veut sauver sa peau, il ferait mieux de partir», a estimé l’opposant dans une interview publiée mardi dans le journal britannique The Independent.
Par ailleurs, on apprend que l’ambassade américaine a discuté avec El Baradei. Tout se passe comme si le discours de Moubarak sert à gagner du temps et joue la montre, la lassitude de la population, le temps nécessaire pour procéder à cette transition voulue et orchestrée par les Etats-Unis qui n’a, encore une fois, qu’une obsession, l’avenir d’Israël dans la région; Netanyahu l’a bien compris, il le dit urbi et orbi: quel que soit le gouvernement égyptien il faut qu’il respecte l’accord de paix avec Israël. C’est en gros, le message que les ambassadeurs israéliens sont amenés à vendre en boucle à toutes les chancelleries occidentales.
Pour Sylvia Cattori, l’exemple tunisien n’est qu’un détonateur d’une mal-vie structurelle entretenue par l’Occident qui s’entête à soutenir des tyrans pourvu qu’ils luttent contre l’Islam politique. Lorsque, le 17 décembre 2010, un jeune diplômé tunisien, Mohamed Bouazizi, en proie au désespoir, s’est immolé par le feu, qui aurait imaginé que son geste allait bouleverser le coeur de millions de gens, embraser la Tunisie, conduire un mois plus tard à la fuite de Ben Ali et à la chute de son régime, libérer des peuples entiers de leurs peurs et les conduire à la révolte? «Si cette révolution – en train de s’accomplir – a pu se déployer avec cette extraordinaire ampleur, c’est bien évidemment parce que, dans de très nombreux pays arabes, le ressentiment populaire accumulé contre des régimes tyranniques et corrompus est un baril de poudre qui n’attendait que l’étincelle pour exploser. Des millions de gens de par le monde, qui ne supportent pas l’injustice et l’ensauvagement de leurs sociétés, ont regardé avec espoir, avec inquiétude avec admiration, ces rassemblements d’Égyptiens défier, malgré la peur, la fatigue, les gaz asphyxiants, des policiers en uniformes noirs ou en civil, et réussir, en quelques jours seulement, à faire vaciller le régime trentenaire et brutal de Moubarak, le grand allié d’Israël. Il est temps que les gouvernements des grandes puissances «démocratiques» qui soutiennent ces régimes dictatoriaux rendent des comptes à leurs propres peuples. Car, sans le soutien qui leur a été fourni, au nom de la realpolitik, au nom de la lutte contre le «danger islamique», ces dictateurs n’auraient jamais pu régner durant des décennies et mater leurs peuples. (…) La propagande visant à susciter la peur en brandissant la «menace de l’intégrisme islamique» ne convainc plus. (…) Aujourd’hui, des milliers de gens de par le monde, communiquent, s’engagent de manière volontaire pour contrer la désinformation et écrire, traduire, diffuser inlassablement sur la Toile une contre-information. Et ils travaillent d’arrache-pied pour construire des réseaux de solidarité avec des peuples bâillonnés et leur dire: «Votre combat est le nôtre».(1)
«Les gens ne sont pas dupes. Ils regardent avec dégoût les propagandistes amis d’Israël, se livrer à des manipulations pour tromper l’opinion publique, crier au scandale, comme cela s’est passé en juin 2009, quand le président iranien Ahmadinedjad a été réélu pour un second mandat avec 62,6% des suffrages exprimés et que le candidat, soutenu par les États- Unis, la France, la Grande-Bretagne, a perdu. Or, ces agitateurs (comme en France, BHL et Alexandre Adler) et ces États en guerre contre le monde arabo musulman, nous ne les avons jamais vu broncher à l’annonce des scores faramineux obtenus par Hosni Moubarak lors de ses réélections successives, ni devant la scandaleuse manipulation des élections législatives égyptiennes de novembre-décembre 2010. Comme pour la Tunisie, la stratégie qui consiste à susciter la peur du «terrorisme» islamique, a rendu les dirigeants occidentaux aveugles à la souffrance et à la réelle aspiration de liberté de ces peuples. Tel-Aviv veut croire à la survie du régime Moubarak: (…) Car, comme l’avait ingénument avoué le vice-Premier ministre israélien Silvan Shalom, un Monde arabe démocratique (…) serait gouverné par une opinion publique généralement opposée à Israël(1).»
Justement, Israël semble sérieusement craindre le pire: la fuite de Moubarak. Jacques Benillouche écrit: «Si un nouveau pouvoir arrive en Egypte et revient sur la paix signée avec Israël, l’Etat hébreu se retrouvera dans la même situation que lors de la guerre des Six- Jours, en 1967, et la guerre de Kippour, en 1973. Israël ne pourra pas se contenter d’être spectateur si un nouveau gouvernement, prenant le pouvoir en Egypte, optait pour une alliance avec les pays ouvertement hostiles. La situation ressemblerait alors à celle qui prévalait à la veille de la guerre des Six-Jours. Le risque de devoir mener une guerre sur plusieurs fronts, au nord, avec le Hezbollah et au sud, avec le Hamas et l’Egypte, n’est pas stratégiquement acceptable par Israël. La restitution du Sinaï à l’Egypte n’avait été acceptée par Israël que contre la signature d’un traité de paix en 1979 qui a toujours été respecté par les deux parties, générant une situation de paix avec la plus grande puissance arabe.»(2)
«Par ailleurs, le Hezbollah et le Hamas pourraient profiter des troubles en Egypte pour agir sur le terrain. Selon les services de renseignements israéliens, le Hamas profiterait des troubles en Egypte pour augmenter le trafic d’armes à partir du Sinaï en direction de la bande de Ghaza par les tunnels de contrebande.
La chute de Moubarak pourrait revitaliser tous ceux qui veulent en découdre avec Israël. Un changement de stratégie du nouveau gouvernement serait mesuré à l’aune d’une reprise des relations diplomatiques avec l’Iran, rompues avec le Caire en 1980. Mais comme en 1967, les militaires sont favorables à une guerre préventive plutôt que d’attendre que la menace devienne trop grande, suivant en cela une opinion publique devenue majoritairement à droite. Israël, qui a accepté de temporiser dans son conflit avec l’Iran et ses ambitions nucléaires, se voit contraint de tenir compte, dans sa nouvelle stratégie, du risque à ses frontières sud. L’Histoire risque de bégayer.(2)
Nous voilà fixés. Tel-Aviv avertit qu’elle n’abondonnera pas Moubarak L’armée égyptienne joue un rôle beaucoup plus important que son homologue tunisienne, c’est la colonne vertébrale du régime à la fois en termes de protection des frontières et de l’économie, a eu un comportement énigmatique. Elle accepte la survie du régime en acceptant que deux de ses généraux deviennent vice- président et vice-Premier ministre. De l’autre côté, la déclaration a été reçue dans la liesse. Lundi soir, l’armée égyptienne a déclaré que les revendications du peuple étaient «légitimes» et s’est engagée à ne pas faire usage de la force à la veille de marches géantes prévues pour marquer une semaine de révolte sans précédent contre le président Hosni Moubarak. Pour Mireille Duteil, Washington cherche un remplaçant à Moubarak mais temporise. Les Etats-Unis veulent éviter le chaos à tout prix. Les jours du président Hosni Moubarak semblent comptés, une semaine après le début de l’insurrection populaire en Égypte. Et ce sont les États-Unis, alliés de toujours, qui lui ont peut-être donné le coup de grâce. «Les réformes annoncées ne sont pas suffisantes», a déclaré Hillary Clinton le 30 janvier, en demandant au président égyptien d’assurer la transition en bon ordre. Est-ce à dire qu’il doit céder la place pour éviter le chaos? C’est le souci majeur de Washington. Le scénario concocté à Washington semble se mettre en place. Va-t-il réussir? Omar Souleïmane va-t-il se contenter de ramener l’ordre ou sera-t-il celui qui amènera l’Égypte vers les réformes et plus de démocratie? C’est l’inconnu.»(3)
Thierry Meyssan, faisant une analyse plus profonde dit que l’ordre américain au Moyen-Orient sera perturbé. Il rejoint les autres analyses quand il dit que les sauveurs qui apparaissent sont ceux qui sont adoubés par Washington et Tel-Aviv. Ecoutons-le nous expliquer la médiatique du conditionnement des foules. Les grands médias se passionnent pour les manifestations en Egypte et prédisent l’avènement de la démocratie à l’occidentale dans tout le Proche-Orient. Thierry Meyssan s’inscrit en faux contre cette interprétation. Selon lui, des forces contradictoires sont en mouvement et leur résultante est dirigée contre l’ordre états-unien dans la région. (…) Les peuples du Proche-Orient ne veulent pas remplacer les dictatures policières ou militaires qui les écrasent par des dictatures religieuses. Les médias occidentaux se sont rués autour de Mohamed El Baradei qu’ils ont désigné comme leader de l’opposition. Cependant, objectivement, M.El Baradei c’est l’eau tiède qui a reçu le prix Nobel de la paix pour que Hans Blix ne l’ait pas.»(4)
La chute de Moubarak
«C’est surtout une personnalité sans aucun écho dans son propre pays. Il n’existe politiquement que parce que les Frères musulmans en ont fait leur porte-parole dans les médias occidentaux. Les Etats-Unis ont fabriqué des opposants plus représentatifs, comme Ayman Nour, que l’on ne tardera pas à sortir du chapeau, (…) Omar Souleïman est le principal artisan de la collaboration avec Israël, Washington et Londres vont donc le protéger comme la prunelle de leurs yeux. De plus, Souleïman peut s’appuyer sur Tsahal contre la Maison-Blanche. Il a d’ores et déjà fait venir des tireurs d’élite et du matériel israélien qui sont prêts à tuer les meneurs dans la foule. En définitive, l’Empire anglo-saxon reste arrimé aux principes qu’il a fixés en 1945: il est favorable aux démocraties qui font «le bon choix» (celui de la servilité), il est est opposé aux peuples qui font «le mauvais» (celui de l’indépendance). Par conséquent, s’ils le jugent nécessaire, Washington et Londres soutiendront sans état d’âme un bain de sang en Egypte, pourvu que le militaire qui l’emporte sur les autres s’engage à pérenniser le statu quo international.»(4)
«Quand un événement arrive par hasard, vous pouvez être sûr qu’il a été programmé pour se dérouler ainsi», disait Franklin Delano Roosevelt. Et si toutes ces perturbations, ces grains de sable étaient voulus? Pourtant, on a l’impression que les peuples arabes lèvent la tête et veulent réellement être acteurs de leurs destins. On le voit, le soldat Moubarak ne sera pas sauvé mais tout sera fait pour que ceux qui sont comme lui émergeront. Washington a toujours plusieurs fers au feu. Sauf que cette fois-ci, les grains de sable imprévisibles peuvent être déclinés indifféremment par des mots aussi simples que dignité, justice, travail, et pourquoi pas, vivre et être heureux, est-ce trop demander à ces assoiffés de pouvoir et d’argent et à leurs parrains? (L’Expression-03.02.2011.)
1.Silvia Cattori: Égypte: Un face-à-face dramatique Reseau Voltaire 31 janvier 2011
2.Jacques Benillouche: Israël: le syndrome de l’encerclement Slate.fr
3.Mireille Duteil Égypte, le scénario américain Le Point.fr 31/01/2011
4.Thierry Meyssan: L’Egypte au bord du sang Réseau Voltaire 31.01.2011.
Pr Chems Eddine CHITOUR (*) Ecole nationale polytechnique
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*ET SI L’OCCIDENT CESSAIT DE S’INGÉRER
Les peuples arabes seraient maîtres de leur destin
«(…) Peuple des beaux départs: entraîné le plus follement par le concept le plus abstrait, déployant dans la lutte un courage et une invention sans limites, et indifférent à la fin; peuple aussi instable que l’eau. Mais, précisément, comme l’eau, assuré peut-être, à la fin, de la victoire.» Lawrence d’Arabie (Les Sept piliers de la sagesse)
On a tout dit de la Révolution de Jasmin, on dit beaucoup de choses de la révolution du narguilé, qu’en est-il exactement? Voilà des peuples arabes harassés par des pouvoirs dictatoriaux soutenus à bout de bras par un Occident qui trouve des vertus à la gestion calamiteuse de ces pays pourvu que lui y trouve son compte; la doxa occidentale va jusqu’à distribuer les couleurs et les parfums des révolutions. On dit que les gouvernants arabes tremblent pour leur pouvoir. Et que l’alternance au pouvoir se fait par l’émeute ou par le darwinisme. A la décharge des Arabes, ils ont été, tout au long du XXe siècle, manipulés par les puissances de l’époque qui avaient, dans le sillage de la Première Guerre mondiale, procédé au dépeçage de l’Empire ottoman.
Il est vrai que les peuples sont imprévisibles. Lawrence d’Arabie, un fin connaisseur des Arabes et de leurs moeurs, assénait à tort des certitudes qui font que les Arabes faisaient des révolutions de cartouches mouillées, il disait à juste titre, nous le lui concédons, que c’était un Peuple avec une émotivité irrationnelle. Il écrivait: «Ce peuple à l’esprit étroitement limité, peut laisser en friche son intelligence avec une résignation dépourvue de curiosité. Son imagination est vive; elle n’est pas créatrice. La grande industrie leur est étrangère…Peuple de convulsions, de soulèvements, d’illuminations mentales: race du génie individuel. L’instinct règle leurs convictions; (…)..»
C’est peut-être la dernière phrase qui serait capable d’expliquer in fine, le résultat de ces révolutions. Ce que Lawrence d’Arabie ne dit pas est que les peuples en général et les peuples en particulier ne pourront s’émanciper que si leur révolution est endogène et n’est pas parasitée de l’extérieur par des ingérences de l’Occident comme c’est le cas pour le Monde dit arabe, tant il est vrai que les locuteurs de l’arabe ne sont pas, dans une grande mesure au sens strict, des Arabes, mais des peuples qui ont embrassé l’Islam avec leur propre spécificité.
Justement, à propos d’ingérence, le journaliste El Houssine Madjoubi fait le point de quelques ingérences qui retardent les pays arabes. «L’Europe, dit-il, France en tête, est complice des crimes des dictatures du Monde arabe. Les habitants du Monde arabe suivent avec grand intérêt et enthousiasme les événements historiques qui ont lieu en Tunisie. Cette révolution met en évidence non seulement le rôle crucial des nouvelles technologies pour mobiliser les peuples, mais aussi le rôle répugnant de l’Occident, qui apporte un soutien inconditionnel à la perpétuation de dictatures moyenâgeuses. Malgré le manque de libertés, l’injustice sociale, les niveaux insupportables de corruption et l’Etat policier, l’Occident n’a cessé de défendre ces régimes. Jusqu’à ce que Ben Ali soit renversé, l’Occident le considérait comme un «élève exemplaire». D’un côté, l’Union européenne, France en tête, fait pression sur les présidents ivoirien, soudanais et iranien, et de l’autre, elle garde un silence plus que suspect sur ce qui se passe dans le Monde arabe, et surtout au Maghreb. Si l’Occident a joué un rôle crucial dans la démocratisation des pays de l’Europe de l’Est, il fait tout le contraire avec les pays arabes. Non seulement il soutient les régimes dictatoriaux, mais il les aide à piller les richesses nationales en leur permettant d’ouvrir des comptes où ils peuvent déposer leur butin, et d’acquérir des biens immobiliers et des actions de grandes entreprises européennes Pis, l’Occident ne cesse de répéter qu’il lutte contre les mouvements islamistes et les terroristes, mais les études sociologiques montrent que le fanatisme découle directement de l’injustice sociale et de la corruption de ces régimes dictatoriaux. Malgré cela, l’Occident ferme les yeux sur cette réalité et sur ces faits et se lie avec les dictatures.(1)
Bush avait-il raison avec sa démocratie aéroportée?
Les détracteurs de l’approche «pragmatique» d’Obama écrit Howard LaFranchi dans le The Christian Science Monitor, vis-à-vis des régimes arabes, affirment que son prédécesseur avait raison de mettre la démocratie en avant, si besoin était par la force. D’autres soutiennent, au contraire, que la guerre en Irak n’a fait qu’en retarder l’avènement au Moyen-Orient. (2)
La politique étrangère des Etats-Unis, telle que la concevait le président George W. Bush, a-t-elle quelque chose à voir avec les manifestations en faveur de la démocratie qui ébranlent aujourd’hui le régime égyptien et contraignent le reste du Monde arabe à s’adapter? Face aux événements de ces dernières semaines dans le «grand Moyen-Orient», il est naturel que la politique étrangère du président Obama fasse l’objet d’une analyse attentive (…). Mais de ce fait, un bras de fer qui n’avait jamais vraiment pris fin et qui oppose partisans et adversaires de «l’agenda de la liberté» de Bush connaît un regain en Amérique même. Si certains experts voient dans les bouleversements en Egypte une justification de sa volonté de hâter la démocratisation dans la région, d’autres laissent entendre que la politique de l’ancien président a fait plus de mal que de bien aux forces favorables à la démocratie sur place. (2)
Elliott Abrams, conseiller adjoint à la Sécurité nationale durant la présidence de Bush, explique que ce dernier était fermement convaincu que les Arabes éprouvaient le même désir de «liberté» que les autres peuples et que les dictatures «ne sont jamais vraiment stables». S’exprimant dimanche, dans les colonnes du Washington Post, il cite un extrait d’un discours de Bush en 2003: «Tant qu’au Moyen-Orient, la liberté ne pourra toujours pas prospérer, la région restera synonyme de stagnation, de ressentiment et d’une violence qui ne demande qu’à s’exporter.» Il ajoute que «la révolte en Tunisie, la vague gigantesque des manifestations en Egypte et les marches plus récentes au Yémen, montrent toutes clairement que Bush avait raison – et que le rejet de cette orientation par le gouvernement Obama n’est rien moins qu’une tragédie». Shibley Telhami, spécialiste du Moyen-Orient à l’Université du Maryland, n’est pas de cet avis. Il assure que les Etats-Unis doivent à tout prix s’abstenir d’imposer un résultat dans la région – aussi démocratiques et favorables à la liberté que soient leurs propres idées. «Quand le gouvernement Bush s’est servi de la guerre en Irak comme d’un vecteur de diffusion du changement démocratique au Moyen-Orient, écrit-il, le ressentiment à l’égard des Etats-Unis, et la profonde méfiance qu’inspirent leurs intentions, ont acculé à la défensive les authentiques partisans de la démocratie dans la région.»(2)
Pourtant, on a l’impression que les peuples arabes lèvent la tête et veulent réellement être acteurs de leurs destins. On le voit, le soldat Moubarak ne sera pas sauvé mais tout sera fait pour que ceux qui sont comme lui, émergeront. Quelles que soient les visions de Bush, celle de la démocratie aéroportée ou celle d’Obama du «soft power», la chute de Moubarak est inéluctable. Dans une analyse magistrale et sans concession, Khaled Hroub énumère les conditions d’un renouveau. «L’exemple tunisien, écrit-il, montre que la stabilité et la modernité de façade ainsi que le soutien de l’Occident ne suffisent pas à sauver une dictature. La principale leçon à tirer des événements de la Tunisie est que la stabilité d’un pays ne peut être qu’apparente si elle est fondée sur le verrouillage de la vie politique et sur l’accaparement du pouvoir. Certes, à court terme, on peut promouvoir à l’intérieur et à l’extérieur l’image d’un pays stable et beaucoup de gens l’attesteront, surtout si le pays en question est l’allié des pays occidentaux. C’est à la fois trompeur et dangereux, puisque cette apparence de stabilité n’est qu’une couche de vernis au-dessus du volcan. La deuxième leçon concerne l’instrumentalisation de la modernité et de la laïcité. Elle produit des effets puissants, nourris de la crainte très répandue et amplement justifiée que la seule alternative aux régimes en place serait les islamistes.
Que doivent faire les Arabes en dépit des ingérences inébranlables?
Ainsi, le choix se réduit à des régimes laïcs corrompus et tyranniques d’un côté, et de l’autre à des mouvements fondamentalistes aux programmes obscurs, tel qu’on peut le constater en Iran, au Soudan ou à Ghaza avec le Hamas. Ainsi, beaucoup arguent qu’on peut être acculé à prendre parti pour les régimes en place. Ce point de vue n’est pas dépourvu d’une certaine pertinence et ne peut être écarté d’un revers de la main. Toutefois, l’expérience et un nombre croissant de témoignages contredisent la logique qui le sous-tend. Là encore, à long terme, la modernité et la laïcité ont tout à perdre à être représentées par des régimes corrompus. Leurs échecs et les dégâts qu’ils ont infligés à ces valeurs ont été le principal moteur de la montée des courants islamistes.» (3)
«La troisième leçon à tirer est qu’il faut réviser l’accusation accablante qui est faite à la jeunesse arabe, la décrivant comme futile – puisqu’il s’agirait de la génération Star Ac’ – et indifférente à la chose publique. En réalité, cette jeunesse arabe est consciente de ce qui se passe et elle est même prête au sacrifice suprême pour affronter la tyrannie et l’injustice. L’exemple tunisien montre également que la rue arabe n’est pas seulement investie par les jeunes militants islamistes. Il s’agit d’un mouvement global que l’on ne peut réduire à tel ou tel courant, islamiste ou laïc. Les images venant de Tunisie semblent même indiquer l’absence d’islamistes. La quatrième leçon est qu’il n’est plus possible pour aucun régime arabe de s’abriter derrière des succès économiques pour perpétuer ses méthodes répressives. Il n’est pas possible de réaliser une réforme et une ouverture économiques sans les accompagner d’une réforme et d’une ouverture politiques. Il suffit de rappeler que l’égalité des chances, la transparence et le principe de responsabilité sont au coeur de toute réussite économique. Tout cela ne peut prospérer que dans un climat de liberté politique et dans le cadre d’un Etat de droit. En l’absence d’une justice indépendante, de pluralisme politique et d’une presse libre, une économie en apparence florissante crée très vite un climat de corruption généralisée». (3)
«La cinquième leçon est qu’on ne peut assurer une stabilité durable en voulant compenser l’absence de légitimité intérieure par un appui extérieur. Il n’y a aucune alternative à une légitimité fondée sur un consensus et consolidée par des structures institutionnelles. Les deux plus proches alliés du régime tunisien, la France et les Etats-Unis, qui avaient gardé un silence honteux, ont été contraints de critiquer ouvertement l’usage disproportionné de la force. L’Histoire nous enseigne que les grandes puissances occidentales n’hésitent pas à changer, le moment venu, de cheval de bataille. (3)
Qu’en est-il de notre pays?
L’Algérie ne ressemble à aucun autre pays. Elle a payé le prix du sang de la glorieuse révolution, point d’orgue d’une colonisation abjecte d’un Occident imbu de sa certitude qu’il appartient à la race des seigneurs. Elle a payé le prix du sang avec la décennie rouge, période où l’Occident comptait les points avec le «qui tue qui». Elle en est sortie vaccinée, il n’est pas dans son intérêt de repartir à zéro elle qui a vécu dans sa chair l’ouverture démocratique. Toute la sagesse des dirigeants c’est de préparer dans le calme et la sérénité, l’alternance au pouvoir en libérant sans arrière-pensée tous les espaces démocratiques. A ce titre, ce qu’a décidé le pouvoir, va dans la bonne direction, L’ouverture du champ médiatique, notamment la télévision, est important. Il permettra enfin, en dehors des accusations classiques de connaître enfin, ce que proposent les partis politiques de l’opposition comme projet de société pour les vingt prochaines années. Et là, la démagogie ne suffit pas, outre le fait qu’elle est contre-productive, elle ne fera que reculer l’échéance d’un état des lieux sans complaisance. Cela étant dit, la société civile, les intellectuels ont aussi leur mot à dire même s’ils ne se sentent aucun atome crochu avec les partis politiques au pouvoir ou dans l’opposition. Est-ce suffisant? Assurément non! Le monde est impitoyable, l’aisance de l’Algérie actuelle ne doit pas cacher les problèmes réels auxquels doit s’atteler l’Algérie et chaque citoyen est partie prenante du destin de ce pays. Alors, le phénomène douloureux et justifié des harragas, de ces jeunes qui s’immolent, appartiendra à l’histoire. (l’Expression-05.02.2011.)
1. El-Houssine Majdoubi: L’Occident, un obstacle à la démocratisation – El País20.01.2011
2. Howard LaFranchi: Et si Bush avait eu raison? The Christian Science Monitor02.02.2011
3. Khaled Hroub: Cinq leçons pour les Arabes. Al Hayat20.01.2011
Pr Chems Eddine CHITOUR
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