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Egypte: mobilisation d’une ampleur sans précédent

2022011

*Moubarak tient au pouvoir

* il ne veut pas partir…il ne veut pas écouter le peuple

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*Violents affrontements au Caire ce mercredi…Batailles de rues

**611 blessés et 1 mort

voir la vidéo: http://www.dailymotion.com/video/xguzh4_protesters-hurt-in-tahrir-square_news#from=embed&start=5

 

Des dizaines de personnes sont soignées dans la mosquée Ibad al-Rahmane, qui jouxte la place Tahrir , selon Aïcha Hussein, une infirmière. « Des gens avec des blessures multiples, toutes sortes de contusions, des fractures ». Des heurts violents ont éclaté entre des manifestants réclamant le départ d’Hosni Moubarak et des partisans du président qui sont arrivés sur la place Tahrir, épicentre du mouvement de contestation, au coeur du Caire.La situation s’est brusquement tendue mercredi au Caire, au lendemain du discours du président Moubarak annonçant qu’il resterait au pouvoir jusqu’en septembre, date de la présidentielle, après une manifestation de plus d’un million de personnes. M. Moubarak, 82 ans, au pouvoir depuis 30 ans, a annoncé qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat, mais l’opposition continue de réclamer son départ. Dans la matinée, l’armée avait appelé les manifestants à rentrer chez eux pour rétablir la sécurité. Les accès à internet avaient été en partie rétablis. L’opposition a maintenu son appel à une manifestation massive vendredi, baptisée « vendredi du départ ». (AFP-02.02.2011.) 

-« L’armée a échoué » – Amnesty International critique l’attitude des militaires égyptiens. « L’armée a échoué dans son engagement à protéger les manifestants pacifiques. Le fait qu’une telle violence puisse continuer alors qu’ils se trouvent sur place pose la question de savoir s’ils ont reçu l’ordre de ne pas intervenir ». Des policiers en civil sont entrés en force sur la place Tahrir, où campent depuis neuf jours des milliers de manifestants hostiles au régime, affirment trois mouvements de la coalition anti-Moubarak . Les heurts opposent des milliers de partisans du président Hosni Moubarak et de manifestants hostiles à son maintien au pouvoir. Les heurts, à coups de bâtons et de jets de pierres, se déroulent autour des chars de l’armée gardant les entrées de la place. Les militaires ne s’interposent pas, se contentant d’appeler au calme. 
 Des heurts entre militants pro et anti-Moubarak ont éclaté sur la place Tahrir, mercredi, au Caire. Crédit photos: AP.
*   »Moubarak est devenu fou! » – « Des pro-Moubarak et la police secrète habillée en civil ont envahi la place pour faire cesser la révolte », accuse un manifestant, Mohammed Zomorj. D’autres manifestants crient: « Moubarak est devenu fou! ». Des partisans du président Moubarak ont chargé les manifestants de la place Tahrir à dos de cheval et de chameau. Ils ont ensuite été encerclés et désarçonnés par des manifestants anti-Moubarak, battus à coups de bâtons. Un homme a été emmené alors qu’il était inconscient. De grandes taches de sang maculent le sol.  
 

  Des partisans de Moubarak chargent à dos de chameau et de cheval dans le centre du Caire mercredi. Crédits photo: AP

* Le gouvernement égyptien refuse de céder aux multiples appels de la communauté internationale à une «transition immédiate»

Des manifestants pro-Moubarak mercredi au Caire. 

« Où est l’armée égyptienne? » – Les militaires ne s’interposent pas entre les manifestants pro et anti-Moubarak, provoquant la colère. « Où est l’armée égyptienne? », crient des manifestants.Les violences se sont poursuivis place Tahrir. Les télévisions montrent des images de mêlées confuses, les militants rivaux s’affrontent à coups de poing, où échangent des jets de pierres à distance.
 
 
*Blocs de pierre – Des partisans de Moubarak jettent des blocs de pierre sur les manifestants réclamant le départ du président depuis les toits d’immeubles de la place Tahrir. On se bat depuis maintenant plus de trois heures. La nuit tombe.
 Selon un témoin, des manifestants ont reçu 100 livres égyptiennes -soit 12 euros- pour manifester en faveur de M. Moubarak. Cette information n’était pas confirmée d’autres sources. Quelque 3.000 personnes avaient commencé dans la matinée à manifester pour le raïs, chantant « Nous ne voulons pas que tu partes ».
Le régime a-t-il encouragé la violence? – Le Premier ministre britannique David Cameron évoque l’idée d’une violence orchestrée. « S’il s’avère que le régime a encouragé de quelque façon que ce soit la violence, ou l’a tolérée, ce serait complètement inacceptable », a dit M. Cameron.
En visite à Londres, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon juge « inacceptables toutes attaques contre des manifestants pacifiques ». « Ce que disent des parties étrangères sur +une période de transition commençant immédiatement+ en Egypte est refusé », a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Cela « vise à enflammer la situation intérieure en Egypte ».
 
* Journaliste molesté – Serge Dumont, qui travaille pour Le Soir, ainsi que les journaux suisse Le Temps et français la Voix du Nord a été « tabassé » lors de la manifestation pro-Moubarak par des hommes en civil, puis « emmené chez les militaires » dans une caserne et accusé d’être un « espion », a-t-il expliqué lors d’un contact téléphonique avec Le Soir. Les rédactions exigent sa libération.
 
*La Maison blanche réagit. Les Etats-Unis « déplorent et condamnent » la violence contre les « manifestants pacifiques ». La Maison Blanche se dit aussi « inquiète » des attaques contre les médias* Des gaz lacrymogènes ont été tirés mercredi contre les manifestants anti-Moubarak à la nuit tombée près de la place Tahrir.

* L’Allemagne s’interroge – Le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle demande aux forces de sécurité de « ne pas employer la force contre les manifestants ». Et il s’interroge: « Les scènes de violence dans les rues du Caire nous poussent à nous demander si la direction politique en Egypte a compris la nécessité d’une rapide restructuration démocratique ».
  * « Le peuple refuse toutes les mesures partielles proposées hier par la tête du régime (Moubarak), et n’accepte pas d’alternative au départ du régime », annonce la force d’opposition la plus influente d’Egypte dans un communiqué. M. Moubarak a annoncé rester qu’il resterait au pouvoir jusqu’à la présidentielle, en septembre, mais qu’il ne se représenterait pas.

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 Al Jazeera écrase Al Masriya

 Le match Al Masriya-Al Jazeera n’aura pas eu lieu. La télévision publique égyptienne est KO depuis le premier jour. Al Masriya refuse le combat pour se lancer dans une fuite en arrière, propre aux chaînes de télévisions des régimes autoritaires arabes. Information contre propagande.

Presque les mêmes images : des heurts entre pro et anti-Moubarak sur la place Tahrir, le lieu de rassemblement depuis une semaine des manifestants demandant le départ du président égyptien. Les assaillants sont aussi à cheval et à dos de chameaux.

L’armée reste neutre et laisse faire. La lecture des évènements est radicalement différente entre Al Masriya et Al Jazeera. La télévision d’Etat affirme que les contre-manifestants revendiquent le rétablissement de la paix et le maintien du président Moubarak au pouvoir et font savoir leurs desideratas pacifiquement.

A l’image, on distingue des hommes à chameau traversant la foule et donnant des coups de bâton. Pour la chaîne qatarie, les contre-manifestants portent un autre nom : les assaillants. Le choix des mots crée une première facture.

Guerre des images donc, mais pas seulement. Al Masriya opte pour u écran divisé en quatre. Sur trois fenêtres (Place des Ingénieurs, Corniche et Assiout), images en couleur des manifestations pro-Moubarak. La 4e fenêtre, à gauche, place Tahrir en noir et blanc, floue.

Voix off du présentateur : « S’il vous plaît, ne regardez pas les chaînes étrangères. Elles vous mentent, elles vous cachent la vérité et sont soumises à des intérêts extérieurs, contraire à ceux de l’Egypte. S’il vous plaît, regardez les chaînes égyptiennes, regardez-nous ! » Et de donner la parole à des journalistes qui réaffirment solennellement leur soutien à Hosni Moubarak.

Al Jazeera, images d’emeutes, on voit deux groupes importants se battant à coups de pierres et de bâton. On ne comprend pas ce qui se passe. Poursuite, contre poursuite. Des hommes sont à terres. Al Jazeera montre un manifestant brandissant des cartes professionnelles et un badge. Voix off du commentateur : « voilà là preuve que des policiers en civil ont participé à l’assaut. Plusieurs policiers ont été arrêtés par les manifestants et remis à l’armée, leurs cartes professionnelles ont été saisies ».

Zoom arrière, on ne distingue pas les assaillants des assiégés. « On entend des tirs d’armes à feu , que fait l’armée pour intervenir ?», s’alarme le journaliste. Zoom avant violent, des gens en train de se battre à mains nues. Le journaliste ose une métaphore sportive sur les deux groupes de manifestants. Un flash : Al Baradeï accuse Moubarak de cette violence et exige son départ. L’Union européenne demande à Moubarak de passer le pouvoir rapidement.

Retour sur Al Masriya. Des intervenants pro-Moubarak se relaient au téléphone. Mohamed Sobhi, présenté comme grand artiste, « il n’y a de tirs place Tahrir, Al Jazeera ment. Laissez Moubarak travailler, j’appelle les manifestants à raison garder ! ».

Nouveau Flash sur Al Jazeera : le gouvernement égyptien refuse, contrairement aux conseils de l’Union européenne et des Etats-Unis, d’aller à « la transition maintenant ». Un militaire sur la terrasse d’un immeuble assiste à une bataille rangée entre les manifestants. Le journaliste d’Al Jazeera continue de parler comme un commentateur sportif.

Al Masriya a perdu la guerre de l’information et entend exceller dans ce qu’elle sait faire le mieux : la propagande. Et demain, que fera l’ENTV ? (El Watan-02.02.2011.)

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*Une mobilisation d’une ampleur sans précédent

Des centaines de milliers d’Egyptiens ont envahi mardi les rues pour la plus importante mobilisation en huit jours de contestation contre le président Hosni Moubarak, qui doit prononcer « un discours important » sous peu.
A la faveur du soutien de la toute-puissante armée, qui s’est engagée à ne pas tirer sur eux, hommes, femmes, enfants et vieillards ont manifesté pour exiger le départ de M. Moubarak qui semble s’accrocher au pouvoir en proposant un dialogue et des réformes aussitôt rejetés.
Aucun incident violent n’a été enregistré lors des manifestations tenues à l’appel de l’opposition pour la « marche d’un million » au Caire et à Alexandrie contre leur président accusé de tous les maux -pauvreté, chômage, violation des libertés, corruption et verrouillage politique.
Mohamed ElBaradei, la figure la plus en vue de l’opposition, a appelé M. Moubarak à partir « au plus tard vendredi », en se prononçant pour « une sortie honorable » du président, 82 ans, de plus en plus en difficulté.
Face à l’épreuve de force persistante, les Etats-Unis sont entrés en contact avec les deux camps: un ex-diplomate américain Frank Wisner devait rencontrer au Caire de hauts dirigeants du régime, alors que l’ambassadrice des Etats-Unis Margaret Scobey s’est entretenue au téléphone avec M. ElBaradei qui a reçu en outre un appel téléphonique de l’ambassadeur britannique.
Dans le même temps, ils ont ordonné le départ du personnel non essentiel de leur ambassade, alors que le mouvement de contestation, du jamais vu depuis 1981, même s’il continue de manière pacifique, a fait depuis le 25 janvier au moins 300 morts selon un bilan non confirmé de l’ONU, et des milliers de blessés.
Dans le centre du Caire, la grande place Tahrir (place de la Libération), épicentre du mouvement, a été prise d’assaut par une marée humaine. L’atmosphère y était très festive, les manifestants, dansant et chantant en conspuant le président égyptien.
Les passants applaudissaient à la vue de deux mannequins représentant M. Moubarak pendu, avec l’étoile de David sur sa cravate et des liasses de dollars dans les poches.
« Je pense que les gouvernements, partout, doivent nous appuyer. Nous attendons qu’ils disent qu’il est parti, qu’il est dans l’avion. C’est notre rêve », dit l’une des manifestantes, Basma Mahmoud, 30 ans.
L’armée a fermé le matin les accès à la capitale et à d’autres villes, et des hélicoptères ont survolé régulièrement le centre du Caire. Le trafic ferroviaire avait été interrompu pour empêcher un déferlement sur la capitale.
A Alexandrie, deuxième ville du pays sur la Méditerranée, des centaines de milliers de personnes se sont rassemblées devant la mosquée Qaëd Ibrahim et la gare ferroviaire.
A Suez (est), 15.000 personnes ont défilé, alors qu’elles étaient 40.000 à Mansoura, 5.000 à Tanta et 10.000 à Mahalla, dans le Delta.
Quelques heures après l’entrée en vigueur du couvre-feu (13H00 GMT jusqu’à 06H00 GMT), la foule commençait à se disperser au Caire en bon ordre, sous le regard de l’armée.
De même à Alexandrie, les gens commençaient à rentrer chez eux, alors que l’insécurité règne dans le pays en raison des pillards apparus aux premiers jours de la contestation après le retrait de la police. Celle-ci, haïe par les manifestants sur lesquels elle avait tiré, est réapparue lundi.
Pour mobiliser les manifestants, les groupes issus de la société civile, soutenus par M. ElBaradei, une partie de l’opposition laïque et les Frères musulmans, force d’opposition la plus influente, ont compté sur le bouche à oreille, Internet restant bloqué et le service de messagerie mobile perturbé.
L’annonce d’un nouveau gouvernement et la proposition du vice-président Omar Souleimane d’un dialogue avec l’opposition ont été rejetées par les manifestants et l’opposition, pour qui seul le départ de M. Moubarak viderait les rues d’Egypte.
Après une semaine de protestations, les contrecoups économiques de la révolte se font sentir. Les touristes, l’une des principales sources de revenus pour l’Egypte, ont renoncé à venir, et les étrangers prennent la fuite.
Banques et Bourse restent fermées, alors le carburant manquait et les Egyptiens faisaient leurs provisions.
Après Moody’s lundi, l’agence de notation Standard and Poor’s a abaissé d’un cran la note de l’Egypte. Mais le Fonds monétaire international s’est dit prêt à aider l’Egypte. L’Unesco a lancé un appel à la sauvegarde du patrimoine de l’Egypte, réclamant des mesures pour protéger « les trésors » du pays.
Craignant pour sa part un possible futur pouvoir en Egypte hostile à son pays, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a appelé la communauté internationale à « exiger » le respect du traité de paix égypto-israélien.(AFP-01.02.2011.)

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**Une nouvelle ère pour l’Egypte

 Rassurés par les engagements de l’armée de ne pas user de la force, des centaines de milliers d’Egyptiens se sont rassemblés hier dans les rues d’Alexandrie, du Caire et de Suez, les plus importantes villes du pays, soumises à un couvre-feu, depuis le début de la révolte populaire, il y a une semaine.

Ils répondent ainsi à l’appel lancé lundi dernier par la coalition de l’opposition, qui regroupe entre autres les Frères musulmans, pour une marche devant drainer un million d’Egyptiens, et une grève générale de tous les secteurs d’activité économique. Dès le début de la journée, et en dépit de la fermeture par l’armée des principaux accès aux trois villes concernées par la marche, une marée humaine a commencé à affluer vers les centres d’Alexandrie, du Caire et de Suez, devenus depuis huit jours, les foyers de la contestation.
L’autoroute reliant Alexandrie au Caire est bloquée à un kilomètre de la capitale par un barrage de l’armée et une longue file de camions de marchandises et de voitures s’est formée sur la route après que les militaires eurent interdit le passage.

Les sorties des villes de Mansoura (delta), Suez (est) et Fayyoum (au sud du Caire) sont également fermées par l’armée, le trafic ferroviaire est suspendu depuis lundi, et la ligne de métro reliant Le Caire à Choubra el Kheïma (20 km au nord) est bloquée. De nombreux Cairotes n’ont pu rejoindre leur lieu de travail en raison de la fermeture des routes. A la place Etahrir (place de la Libération), ils sont des dizaines de milliers à s’être rassemblés en scandant «Moubarak dehors».
Des portraits du président Moubarak, avec des moustaches à la Hitler, sont accrochés aux feux rouges, alors que la foule applaudit la pendaison symbolique de deux mannequins représentant le président contesté.

Sur sa cravate est épinglée l’étoile de David et de ses poches dépassent des liasses de dollars. Les chars d’assaut militaires assurent la protection des bâtiments gouvernementaux, situés aux alentours de la place. De nombreux manifestants ont passé la nuit sur les lieux, dans une ambiance de kermesse. A leur tête, l’opposant et prix Nobel de la paix, El Baradei, qui avait été chargé la veille par la coalition de l’opposition de «négocier avec le régime de Moubarak». Il déclare à une chaîne de télévision arabe que le président Moubarak «doit quitter le pouvoir d’ici vendredi. Les Egyptiens veulent en finir aujourd’hui, sinon vendredi au plus tard. Vendredi (prochain) a été baptisé ’’jour du départ’’. Je ne pense pas qu’il veuille voir davantage d’effusion de sang».

El Baradei s’est dit favorable à «un dialogue national global», mais avec des conditions, «et en premier lieu le départ du président Moubarak» parce que «si le président Moubarak s’en va, tout ira dans la bonne voie (…) le président Moubarak n’a pas tiré la leçon et n’a pas compris le message que l’armée a pourtant bien compris en annonçant comprendre les revendications légitimes du peuple. J’espère qu’il aura compris cela et qu’il quittera le pays pour entamer une nouvelle ère et prévenir (davantage) d’effusion de sang». Dans un communiqué, un comité représentant les forces de l’opposition, dont Mohamed El Baradei, déclare qu’«il n’entamerait pas de négociations avant le départ du président Hosni Moubarak et réclame la dissolution de l’Assemblée du peuple, la formation d’un gouvernement d’union nationale de transition pour la gestion des affaires courantes chargé de préparer des élections transparentes».

Au centre d’Alexandrie, plusieurs dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées devant la mosquée Qaëd Ibrahim et la gare ferroviaire, brandissant des drapeaux égyptiens et scandant des slogans hostiles à Moubarak. Les images retransmises par les chaînes de télévision satellitaires arabes montrent des manifestants hissant un cercueil en criant «Moubarak est mort sans la Miséricorde de Dieu». +A Suez (est), plusieurs milliers de personnes se sont regroupées à la mi-journée au centre-ville, alors qu’ils sont plus de 40 000 à avoir marché à Mansoura (delta), 5000 à Tanta (delta) et 10 000 à Mahalla (delta). En fin de journée, des centaines de milliers de manifestants occupaient toujours les places des plus importantes villes du pays.

Une situation marquée par une paralysie générale des activités économiques et des pénuries de produits de large consommation. De nombreux pays envisagent d’ailleurs d’évacuer leurs ressortissants. Les Etats-Unis ont demandé au personnel non indispensable de leur ambassade de quitter le pays. Ils ont ainsi ordonné mardi au personnel non essentiel de leur ambassade au Caire de quitter le pays et commencé à évacuer dès lundi leurs ressortissants sur une base volontaire.
Le Canada lui emboîte le pas et organise des vols charter pour évacuer des centaines de Canadiens mais aussi des ressortissants d’autres pays. Il en est de même pour l’Autriche avec le rapatriement de centaines de ses ressortissants, tandis que la Belgique recommande d’éviter les voyages non essentiels vers l’Egypte. Deux avions sont dépêchés par la Turquie pour évacuer quelque 750 ressortissants se trouvant au Caire et à Alexandrie.

D’autres vols spéciaux sont programmés par l’Irak pour évacuer les ressortissants qui le désirent. Un pont aérien est mis en place depuis samedi par la Libye pour le rapatriement de ses nationaux, alors que deux avions transportant 480 Chinois bloqués en Egypte ont pu décoller à destination de la Chine. Quatre avions supplémentaires sont déjà prêts pour rapatrier près de 2000 Chinois d’Egypte. (El Watan-02.01.2011.)

***Egypte, acte II

 Les dés sont jetés. Avec la marée humaine qui a déferlé hier dans ses grandes villes,  l’Egypte bascule définitivement dans une nouvelle ère aux allures de grande révolution. Foncièrement patriotique, son armée a annoncé qu’elle se rangeait du côté du peuple. Le régime Moubarak ne comptera donc pas sur elle pour tirer sur les manifestants comme l’a fait la police. Le positionnement de l’armée est le signal le plus fort de la fin définitive de son long règne sans partage. Le changement de gouvernement qu’il a opéré ces derniers jours est vite apparu comme une tentative désespérée de sauvetage de son régime. Désormais, il ne reste plus à Hosni Moubarak qu’à suivre le chemin de Ben Ali et quémander l’asile dans un des pays du Golfe solidaires avec les dictatures.

Rejeté par l’Egypte profonde, lâché par l’armée, abandonné par les grandes puissances, il fait désormais partie du passé, un passé de honte. L’histoire retiendra que ses 30 ans de règne ont été catastrophiques pour l’Egypte, qu’il a menée d’une main de fer, baillonnant l’opposition politique, muselant les médias, restreignant drastriquement les libertés par le biais de l’état d’urgence, une loi d’exception prise au nom de la lutte contre les islamistes mais qui a fini par devenir un instrument commode pour justifier et couvrir la répression. Au plan diplomatique, Hosni Moubarak a bradé tout le potentiel de résistance légué par Nasser et par les historiques confrontations militaires entre les armées égyptienne et israélienne. En contrepartie d’une aide de quelques milliards de dollars et d’une illusion que le Caire est une capitale incontournable dans le règlement de la crise du Proche-Orient, Hosni Moubarak est devenu un sous-traitant forcené de la politique américaine dans la région.

Il a conforté toutes les positions d’Israël en lui ouvrant une importante ambassade et en l’appuyant dans son blocus meurtrier de la bande de Ghaza. Reste que si toutes les années de terreur ont bloqué l’évolution politique de l’Egypte, elles ont eu un autre effet, positif celui-là : forger la conscience politique des populations, notamment les jeunes. Du règne de Hosni Moubarak — le seul qu’ils ont connu — ils n’ont rien obtenu : ni libertés démocratiques, ni emplois, ni perspectives de promotion sociale. C’est pourquoi ils ont été aux avant-postes de la révolte d’aujourd’hui qu’ils entendent bien transformer en une révolution aussi importante que celle de 1952 qui vit la naissance de la République égyptienne. La seconde étape, après celle de la rue, sera tout aussi vitale : il s’agira de contrecarrer les tentatives de récupération politique. Les manoeuvres apparaîtront vite au grand jour une fois parti Hosni Moubarak et entamé le processus de mise en place de la transition démocratique que pourrait piloter El Baradei, homme de compromis mais pas de consensus.

La Tunisie est en train de vivre ce moment crucial. Grande nation par sa civilisation, sa population et son positionnement géopolitique, l’Egypte attire les convoitises de toutes les grandes puissances mondiales et régionales. Elles tenteront de peser sur les négociations vers le changement. Le plus grand forcing viendra des Américains, de leurs alliés européens et des monarchies du Golfe qui ne tolèreront jamais que l’Egypte en vienne à lâcher Israël ou bien connaisse un processus à l’iranienne, piloté par les Frères musulmans ou  tout simplement se transforme en une véritable démocratie. Ils n’hésiteront pas, à ce moment-là, à se dresser contre le peuple égyptien et à lui imposer un autre Hosni Moubarak. Lui confisquer carrément sa révolution. Edito d’Ali Bahmane. (El Watan-02.02.2011.)

**L’Algérie respecte les peuples tunisiens et égyptiens

 L’Algérie « respecte » les peuples et les gouvernements  qui sont l’émanation de ces peuples, a indiqué mercredi 2 février à Alger le ministre des Affaires étrangères, M. Mourad Medelci, en réaction aux évènements de Tunisie et d’Egypte.

« Notre position est fondée sur le respect des peuples, mais cela ne veut pas dire que nous ne traitons pas avec les gouvernements. Au contraire, nous devons traiter avec eux car ils sont désignés par ces peuples », a déclaré M. Medelci à la presse en réponse à une question sur la position de l’Algérie sur la situation prévalant en Tunisie et en Egypte.

« L’Algérie entretient des relations historiques avec la Tunisie et l’Egypte »,  a ajouté M. Medelci en marge de la cérémonie de clôture de la session d’automne du Conseil de la Nation.         

« L’Algérie tendra toujours sa main pour aider les peuples des ces deux  pays », a affirmé le ministre, soulignant que « ces relations demeureront fortes et puissantes ».(El Watan)

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**La jeunesse est exclue du pouvoir dans les pays arabes

La gérontocratie plutôt que la démocratie

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Les jeunes ont pour seule solution, la contestation et les révoltes pour faire valoir leurs revendications.

D’est en ouest, les pays arabes étouffent encore sous des régimes totalitaires faits de pétromonarchies rétrogrades.

En  1962, Abdelaziz Bouteflika est, à 25 ans, le plus jeune ministre du gouvernement Ben Bella et, sans doute, du monde. Une fierté pour un pays jeune qui vient d’accéder à l’indépendance en payant le prix fort. En 2011, à l’âge canonique de 73 ans, le même Bouteflika est plus que jamais au sommet du pouvoir. Même si les signes de vieillesse, de l’âge et de la maladie se lisent sur son visage comme dans un livre ouvert, cela ne l’empêche nullement d’entamer sa douzième année de règne sans partage, après avoir fait sauter le verrou constitutionnel qui limitait les mandats présidentiels à deux. Une exception ? Plutôt une règle générale dans un monde arabe gouverné d’une main de fer par de vieux croulants qui s’accrochent désespérément à leur fauteuil et à leurs privilèges.

Dirigeants arabes levez-vous ! Bouteflika, 73 ans,  dont 12 ans de règne. Kadhafi, 69 ans, dont 42 ans de règne. Hosni Moubarak, 82 ans, dont 30 ans de règne. Ali Abdellah Salah, 70 ans, dont 21 ans de règne. Bachar El Assad, 46 ans, dont (déjà) 11 ans de règne. Il a succédé à son papa, Hafez, mort en 2000 après 30 ans de règne. Zine El Abidine Ben Ali, «Zinochet» pour les intimes, 74 ans. Sa carrière de dictateur s’est brutalement arrêtée après 24 ans de règne. Il a succédé à Bourguiba qui s’est maintenu au pouvoir pendant 30 ans.N’en jetez plus, la coupe est pleine ! C’est pour cette raison que les réunions de la très insignifiante Ligue arabe ressemble à un club du troisième âge ou un salon d’une maison de retraite.

L’automne des patriarches ?

Le plus acerbe dira qu’il s’agit du rayon fossile du musée de paléontologie. A moins que la Révolution du jasmin ne bourgeonne partout dans le monde arabe, la gérontocratie a encore de beaux jours devant elle. Même l’exemple de la première puissance du monde, qui s’est offert un président de 42 ans, n’a pas fait réfléchir. Barack Obama venait pourtant de succéder à un Bill Clinton envoyé à la retraite à l’âge de 55 ans après seulement deux petits mandats. Inimaginable au pays. Au cours des dernières décennies, le souffle libérateur de la démocratie a atteint les régions les plus hermétiques au changement.
Le bloc socialiste a fondu, et l’Europe de l’Est a mué en une multitude de Républiques où démocratie et développement sont devenus des réalités tangibles. Même l’Amérique latine s’est débarrassée des encombrantes juntes militaires qui écrasaient sous leurs bottes les peuples et leurs rêves de liberté.

Partout dans le monde, y compris en Afrique, continent où la maladie du coup d’Etat fait plus de victimes que le sida et la malnutrition réunis, le principe de l’alternance au pouvoir, par la voie des urnes, a fait de nouveaux convertis. Seul l’irréductible monde arabe résiste encore et encore au changement. D’est en ouest, les pays arabes étouffent encore sous des régimes totalitaires faits de pétromonarchies rétrogrades, d’improbables dictatures où le fils hérite du père et d’autocraties bornées.

Des vieux qui gouvernent des jeunes

Portrait du dirigeant arabe : il est très vieux et immensément riche. Il a passé la moitié de sa vie à régner plutôt qu’à gouverner. C’est un spécialiste du bourrage des urnes qui concentre tous les pouvoirs entre ses mains. La télé et les journaux chantent quotidiennement sa clairvoyance, sa magnificence et sa gloire. Il est arrivé au pouvoir sur un char et il ne le quittera que les pieds devant ou chassé par son peuple. L’autre particularité de ces pays est que leur sol est gorgé de gaz et de pétrole.
Ces richesses, pourtant, ne profitent pas aux peuples mais à une caste d’intouchables où l’on retrouve la famille régnante, les apparatchiks du régime et toutes les clientèles qui ont fait leur allégeance au maître du pays. La dernière particularité de ces pays, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, et qu’ils sont dirigés par des vieux alors que leur population est composée à plus de 70% de jeunes qui ont moins de 30 ans. Il n’est donc pas étonnant que ce sont ces mêmes jeunes que l’on retrouve à la tête des révoltes et des émeutes qui embrasent actuellement le monde arabe. (El Watan-02.02.2011.)

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*Portrait de quatre présidents

-Kadhafi, l’inamovible guide

Né le 19 juin 1942, à Syrte, en Libye, Kadhafi dirige ce pays depuis 1970. Il a 27 ans, le 1er septembre 1970, quand il opère un coup d’Etat contre le roi Idris 1er. Depuis, l’excentrique colonel s’est proclamé Guide de la grande révolution de la grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste. Pour faire comme Mao Tsé-toung qui a écrit le petit Livre Rouge, Kadhafi écrit le Livre Vert dans lequel il explique son idéologie, mais il change d’orientation politique et idéologique aussi souvent qu’il change de chemise.
Son fils aîné, Seif El Islam, est son successeur aîné, tandis que le cadet, Hannibal, réussit beaucoup plus à se faire un nom dans la rubrique à scandales de la jet-set mondiale par ses nombreux écarts de conduite en Europe. Toutefois, Kadhafi est plus connu pour ses utopies et ses lubies politiques, comme le projet de création des «Etats-Unis d’Afrique» et ses tentatives d’union avec ses voisins immédiats que pour les services qu’il aurait rendu à son peuple qui étouffe sous une chape de plomb.

-Ben Ali, le despote déchu

Né le 3 septembre 1936, dans une famille modeste à Hammam Sousse. Ben Ali est d’abord patron de la Sûreté nationale au lendemain des émeutes de 1984 réprimées dans le sang. Ministre de l’Intérieur puis Premier ministre, il opère un coup d’Etat «chirurgical», une première au monde, contre le vieux dirigeant Bourguiba, 84 ans, atteint de sénilité. Pendant longtemps, Ben Ali fera illusion et la petite Tunisie des envieux, en devenant un modèle économique que l’on cite en exemple. Seulement, petit à petit, le régime de Ben Ali étouffe toutes les libertés et se débarrasse de tous  les opposants, hommes politiques, journalistes et syndicalistes. La corruption se généralise et sa deuxième épouse, Leila Trabelsi, met la Tunisie en coupe réglée amassant des fortunes indécentes au moment où le peuple lutte pour sa survie quotidienne. Le 14 janvier 2011, après 23 ans de règne et cinq mandats présidentiels, Ben Ali est chassé du pouvoir par une révolte populaire qui s’est déclenchée au lendemain de l’immolation par le feu de Mohammed El Bouazizi. Ce dernier est un universitaire au chômage qui a été poussé à ce geste d’extrême désespoir par l’aveuglement d’un pouvoir qui ne voyait plus le désespoir dans lequel il avait poussé son peuple.

-Moubarek, le dernier pharaon

Hosni Mohamed Saïd Moubarak, le raïs égyptien, est né en 1928. Vice-président de la République arabe d’Egypte entre 1975 et 1981, il attend sagement que son heure sonne. Il accède enfin au pouvoir en 1981 après l’assassinat du président Anouar Sadate par un commando islamiste, lors d’une parade militaire. Le président Moubarak est réélu en 1987, 1993, 1999 et en 2005 avec des scores qui feraient pâlir de jalousie Bouteflika lui-même. Lorsque sa santé commence à décliner, ce sont ses fils Alaâ et surtout Gamal, l’aîné de la fratrie, qui se mettent au-devant de la scène. Dès lors, la voie royale vers une succession familiale à la présidence semble toute tracée pour Moubarak junior, qui utilise le Parti démocratique national comme marchepied. Les difficultés économiques de l’Egypte et le rêve du peuple égyptien de s’émanciper d’une tutelle pesante semblent avoir sonné le glas d’une dynastie régnante qui ne tient du pharaon que son pouvoir absolu.    

-Ali AbdAllah Saleh, président sur une poudrière

Ali Abdallah Saleh est né en 1942 au Yémen. Il est désigné président de la République arabe du Yémen (Yémen du Nord), en 1978, suite à l’assassinat du président Ahmed El Ghashmi. Après la réunification des deux Yémen, il est le premier président élu avec 96% des voix. Ali Abdallah Saleh s’est distingué par la campagne militaire contre les Houthis en 2004 et qui avait fait plusieurs milliers de victimes yéménites.Après la révolution tunisienne, plusieurs milliers de manifestants sont sortis dans les rues de Sanaâ, la capitale du Yémen, pour réclamer le départ du président en poste depuis 32 ans. Après le régime de Moubarak, celui de Ali Abdallah Saleh semble l’un des plus menacés d’autant plus que les velléités d’indépendance du Sud-Yémen sont plus que jamais vivaces. (El Watan-02.02.2011.)   

 

**A quand le tour des monarchies arabes conservatrices?

Dans le tumulte des opinions arabes, aucun gouvernement occidental n’a osé poser la question de savoir pourquoi cette contagion “démocra-tique” s’arrête aux portes des monarchies. Est-ce à dire que les Arabes ne sont gouvernables que par les dynasties familiales ?

À qui le tour ? Alors que l’Égypte de Moubarak négocie un virage décisif, rares sont les prévisionnistes politiques occidentaux qui s’aventurent à critiquer les monarchies arabes. Comme si la démocratie était soluble dans un trône.
Pas un mot sur les rois du golfe persique, dont les violations des droits de l’Homme et la puissance despotique écrasent leurs sujets comme des punaises. Pas une syllabe sur “Notre Ami le Roi” d’un Maroc qui gronde. Pas un murmure sur la monarchie-cathodique du Qatar qui souffle sur la braise à travers Al Jazeera. Pour l’Occident, il semblerait que la démocratie à la carte est une politique qui doit épargner les monarchies, fidèles alliées des États-Unis.
Et pourtant, ces monarchies remplissent, au-delà du raisonnable, les critères d’une dictature théologique. Dans ces monarchies, contester ou protester équivaut à mettre en doute la sacralité des rois et des princes. L’opposition est une chimère. Les femmes n’ont pas droit de cité. Le parlement est un joujou aux mains du Palais. Quant à la presse, elle est juste bonne pour louer les œuvres caritatives des familles royales.
Mais, dans le tumulte des opinions arabes, aucun gouvernement occidental n’a osé poser la question de savoir pourquoi cette contagion “démocratique” s’arrête aux portes des monarchies. Est-ce à dire que les Arabes ne sont gouvernables que par les dynasties familiales ? On empêche le fils Moubarak de prendre le pouvoir. Ce qui est une excellente chose. Mais on reçoit les princes saoudiens à Washington ou à Paris par le seul fait qu’ils seront un jour les successeurs et les futurs interlocuteurs.
N’abordons pas le registre délicat des fortunes royales arabes qui dorment dans les banques américaines et européennes et le train de vie indécent des princes et des princesses du golfe persique ou du Maroc. L’influence de la reine du Qatar, Sheikha Mozah, ferait pâlir d’envie les coiffeuses tunisiennes et l’obsession maladive d’Al Jazeera de déloger Moubarak dissimule mal les ambitions de Doha de devenir le pivot de la politique américaine et israélienne au Moyen-Orient.
Quant à nous, il faudra certainement revoir notre copie. Une chercheuse du CNRS avait osé dire : “pour les monarchies arabes, c’est différent. Elles sont légitimes !” Alors, pourquoi s’obstiner dans le suffrage universel, la démocratie parlementaire ou le pluralisme. Faisons appel aux descendants des deys d’Alger ou, encore mieux, aux arrière-petits-fils de l’émir Abdelkader. (Liberté-02.02.2011.) 


 
**La peur en Israël ….Rien ne sera plus jamais comme avant au Moyen-Orient .

Les jeux sont faits! Rien ne sera plus jamais comme avant au Moyen-Orient et ce, quelle que soit la forme que prendront les événements. L’éditorialiste du journal israélien Maariv est de ceux qui en sont persuadés. «Le Moyen-Orient, comme la nature, a horreur du vide et ce vide va être rapidement rempli par des forces nouvelles et incontrôlables», écrit-il. Pour incontrôlables, elles le sont, en effet, ces révolutions sans leaders. D’autant plus incontrôlables que personne ne les a vues venir. «Nos experts ès Moyen-Orient étaient convaincus que tout resterait sous contrôle», ironise de son côté le chroniqueur du Haaretz, autre journal israélien. Plus accusateur, l’éditorialiste de Maariv s’étonne que «personne en Israël n’avait prédit que le régime égyptien serait à ce point fragile». La chaîne Euronews fait état de «l’inquiétude en Israël» en précisant que «confidentiellement, Netanyahu aurait appelé les chancelleries européennes et américaines à soutenir Moubarak». L’hebdo français L’Express révèle de son côté que «Netanyahu a interdit à ses ministres et conseillers de commenter (la crise en Egypte)». Assurément, son service de renseignement, le Mossad, a été pris de court. Un mythe s’écroule. En public, le Premier ministre israélien se contente de dire que «nos efforts portent sur la préservation de la stabilité de la région». Comment? C’est Shimon Peres qui a donné, lundi dernier, la réponse. «Israël a encore énormément de respect pour Moubarak. Une oligarchie religieuse fanatique n’est pas mieux que l’absence de démocratie», a-t-il avoué. Première conséquence, un dirigeant des Frères musulmans égyptiens, Mohamed Ghanem, a appelé, hier, «à stopper les fournitures de gaz et pétrole». Lourde menace quand on sait que l’Egypte assure 40% des besoins en gaz d’Israël. Perdus dans des probabilités incertaines et sérieusement inquiets, les dirigeants israéliens ne sont pas rassurés par l’ambiguïté des positions qu’expriment leurs alliés. L’Union européenne, selon le ministre des Affaires étrangères belge (pays qui assure la présidence), ne veut pas «se substituer au peuple égyptien» mais elle est «parfaitement consciente que l’Egypte est un facteur de stabilité et nous souhaitons qu’elle le reste», a-t-il déclaré. Comme ambiguïté on ne peut mieux, en effet. Du côté américain ce n’est guère mieux. Des informations en provenance de Washington indiquent que «les Etats-Unis n’utiliseront pas leur droit de veto lors du vote de la condamnation d’Israël pour les implantations (des colonies)». Ainsi donc et pour la première fois, les USA ne soutiendront pas «inconditionnellement» Israël. Une position inédite qui est à mettre sur le compte des premiers effets de la crise en Egypte. A tous ces soucis est venu s’ajouter, hier, le limogeage du gouvernement jordanien par le roi Abdallah qui a chargé un ancien général de former un nouveau cabinet. Dans ce pays aussi, les choses bougent. Pas forcément dans le sens voulu par les Israéliens. Au Liban non plus. Comment les dirigeants israéliens pourraient ne pas être inquiets isolés comme ils sont et comme ils ne l’ont jamais été? Les yeux sont braqués sur les pays arabes alors que la plus grande détresse est vécue par les Israéliens. La peur a changé de camp! (L’Expression-02.02.2011.)

** Pris de panique et d’inquiétude quant à l’effondrement du régime Moubarak,

Israël mène une campagne en faveur du raïs.

 Le soulèvement des Enfants du Nil, décidément déterminé à déloger le «Pharaon» de son palais, fait, sans doute aucun, trembler les gardiens «du temple» de l’Etat israélien. Pris de panique et d’inquiétude quant à l’effondrement du régime du Raïs, en place depuis 30 ans, les officiels israéliens s’accusent d’abord mutuellement avant de faire appel aux Etats-Unis d’Amérique et à l’Union européen leur demandant de soutenir Hosni Moubarak, en butte à une vague de contestation sans précédent contre le régime en place, depuis 1981.
Israël a, en effet, fait parvenir un message secret aux Etats-Unis et à des pays européens pour les solliciter à prêter main forte à leur «allié stratégique» garant du bon fonctionnement de la stratégie israélienne au Moyen-Orient, en général, et en Palestine en particulier. Dans leur message, les responsables israéliens soulignent: qu’«il est de l’intérêt de l’Occident et de l’ensemble du Moyen-Orient de maintenir la stabilité du régime Hosni Moubarak en Egypte», souligne, unanime la presse israélienne. En Israël, tout porte à croire qu’il n’approuvent pas la ligne adoptée par les Etats-Unis et l’Union européenne. «Les Américains et les Européens sont entraînés pas leurs opinions publiques, et ne prennent pas en compte leurs véritables intérêts. Même si on peut critiquer Moubarak, il faut donner à nos amis le sentiment qu’ils ne sont pas seuls. En Jordanie et en Arabie Saoudite, on voit la réaction de l’Occident, de quelle manière tout le monde abandonne Moubarak, et cela aura des conséquences très graves», a déclaré un haut fonctionnaire israélien, repris par la presse israélienne. Et de soutenir, dans le même contexte, que: «le régime Moubarak doit tenir, quitte à opérer un changement de personne à sa tête».
C’est dire que l’effondrement du régime Moubarak, qui fait tant peur aux Israéliens, constitue par voie de conséquence, l’entame d’une reconfiguration géostratégique au Moyen-Orient fortement redoutée par Israël. En corollaire, Israël a fait savoir qu’il «est nécessaire aux Européens et aux USA de modérer les critiques qui sont émises publiquement à l’égard du président Hosni Moubarak».
Le message secret adressé à l’UE et aux USA se veut, à cet effet, une «réplique» des officiels israéliens à leurs alliés occidentaux à la suite des communiqués publiés en fin de semaine par plusieurs pays occidentaux manifestant «un semblant de solidarité», avec le peuple égyptien, et voulant en finir avec Moubarak. En dépit du refus d’Israël de s’exprimer officiellement sur la «révolution du peuple égyptien» contre le régime, la presse hébraïque a souligné, dans son édition d’hier, que de hauts fonctionnaires israéliens ont affirmé que leur ministère des Affaires étrangères a adressé, samedi soir, des instructions à ses ambassadeurs dans une dizaine de pays – aux Etats-Unis, en Russie, en Chine, au Canada et dans plusieurs pays européens – afin que le message concernant l’importance de la stabilité en Egypte soit répercuté au plus vite. De ce fait, Israël demande à ce que la campagne contre Hosni Moubarak soit freinée. «Il faut en conséquence freiner les critiques publiques à l’encontre du président Hosni Moubarak», a souligné ce message envoyé à la fin de la semaine, selon le journal hébreu Haaretz. La radio militaire, qui a repris cette information, a estimé, de son côté, que: «cette initiative constitue une critique à l’encontre des Etats-Unis et des pays européens qui ne soutiennent plus le régime du président Moubarak».
Par ailleurs, un haut responsable israélien a exprimé, pour sa part, son inquiétude quant au risque de la chute du régime du président égyptien Hosni Moubarak, confronté à une contestation interne sans précédent.
En plus, la réaction de la chef de la diplomatie américaine Hillary Clinton interviewée, hier, par cinq médias différents, a provoqué le courroux des Israéliens. Sur CNN, elle s’est refusée, il est utile de le noter, à exprimer son soutien au président Moubarak: «Je ne veux adresser aucun message de soutien à qui que ce soit», a-t-elle déclaré. Sur CBS, elle a refusé de dire si, à son avis, le président Moubarak doit quitter ses fonctions: «Je refuse de spéculer sur qui doit partir et qui doit rester». Enfin, il est à noter que des membres de la commission parlementaire des Affaires étrangères et de la Défense débattant la situation en Egypte ont, quant à eux, accusé d’échec le chef du service du renseignement israélien, le général Aviv Kochavi, dans son analyse des événements en Egypte et de n’avoir pas pu prédire «la révolte égyptienne». (L’Expression-02.02.2011.)

 

**La presse et la classe politique en Israël accusent Barack Obama

de «tourner le dos trop vite à Hosni Moubarak».

coeur- dans international«Jimmy Carter avait laissé tomber le chah d’Iran, Obama est en train de faire pareil avec Moubarak.» Tel est le constat amer dressé, en privé, par des responsables israéliens. Officiellement rien ne filtre. Mais la déception, voire une certaine colère, est perceptible. «Comment peut-on faire confiance aux États-Unis alors qu’à la moindre épreuve ils lâchent leur allié le plus fidèle, c’est le meilleur moyen pour les Américains de perdre pied au Moyen-Orient», souligne un de ses officiels.

Un diagnostic partagé par Shaul Mofaz, le président de la commission de la défense et des affaires étrangères du Parlement. «Les Américains viennent de faire comprendre que leur soutien inconditionnel envers leurs alliés était des plus partiel», souligne Shaul Mofaz. Des médias accusent Barack Obama «d’avoir poignardé Hosni Moubarak dans le dos». Même chez une partie de la gauche le malaise est perceptible. Yossi Beilin, un ardent partisan d’un processus de paix avec les Palestiniens, estime que le président américain n’a pas eu la manière «en tournant le dos trop vite à Hosni Moubarak».

Ephraïm Halevy et Danny Yatom, deux anciens chefs du Mossad, les services de renseignements, ne sont pas tendres non plus avec le président américain. «Ce qu’a fait Barack Obama est dans la droite ligne de ce que disait l’ancien secrétaire d’État américain Henry Kissinger lorsqu’il affirmait que les tous les accords stratégiques passés par les Américains sont conditionnels, autrement dit limités dans le temps », souligne Ephraïm Halevy. Au passage il ne manque pas de s’interroger sur les raisons pour lesquels le président américain «évoque les droits de l’homme au moment où Hosni Moubarak est en difficulté alors qu’il passe sous silence ce sujet lorsqu’il s’agit de la Chine ou de la Russie».

 

Pour Danny Yatom, «l’attitude hautement problématique des Américains en Égypte doit servir d’avertissement pour les autres alliés des États-Unis, tel Israël, car une telle mésaventure peut nous arriver». «Est-ce que les États-Unis pourraient nous abandonner?», s’interroge le quotidien Yediot Aharonot. Autrement dit, l’amitié «indéfectible» des États-Unis envers Israël, sans cesse proclamée à Washington, pourrait être remise en cause au cas où les Américains considéreraient que leurs intérêts vitaux sont en jeu.(…) Le Figaro-02.02.2011.

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*Les révolutions populaires inquiètent toujours les régimes conservateurs…

Les révolutions populaires inquiètent toujours les régimes conservateurs dont l’intérêt est dans la douce continuité et qui trouvent leur compte dans l’immobilisme. Ainsi, il est troublant de voir qu’aucun pays ne se hasarde à faire même le moindre commentaire qui serait défavorable à la «rue», qu’elle soit tunisienne ou égyptienne. Quant à intervenir…La politique de l’interventionnisme serait-elle passée de mode? L’avenir nous le dira.
Il n’en a pas toujours été ainsi dans la brève histoire de l’humanité: les régimes voisins ou éloignés ont toujours entre eux des sympathies qui découlent de leurs intérêts mutuels. La Révolution française, qui supprima momentanément le pouvoir absolu provoqua l’irruption des troupes étrangères qui voulurent étouffer dans l’oeuf ce terrible danger qui risquait de contaminer l’Europe entière. La Russie, la Prusse et l’Autriche menèrent une guerre tantôt ouverte, tantôt sournoise contre cette nouvelle forme de gouvernement éclairé par de nouvelles idées, jusqu’à la Restauration: plus de vingt années de guerres sporadiques qui se terminèrent avec la défaite de celui-là même qui usurpa la révolution, Napoléon. La Commune de Paris succomba à un complot ourdi par la bourgeoisie française qui trouva vite un terrain d’entente avec l’Allemagne, son vainqueur de la veille, pour anéantir la révolution. Ce fut contre la grande Révolution d’Octobre 1917 que se liguèrent le plus de pays: pas moins de 17 nations européennes et américaines envoyèrent des «volontaires» pour appuyer les armées blanches des partisans du Tsar. La France ira même jusqu’à soutenir la Pologne dans sa guerre contre le jeune Etat soviétique. L’Allemagne nazie et l’Italie fasciste soutinrent le soulèvement du général Franco contre la jeune République espagnole. La révolution économique de Mossadegh, en Iran, fut victime de la CIA.
La révolution cubaine s’attira toutes les sympathies du monde tant qu’elle n’avait pas montré la couleur: dès les premières nationalisations entreprises par le régime castriste, les Américains multiplièrent les interventions: expédition de la baie des Cochons, sabotages, attentats et un criminel embargo économique qui dure depuis un demi-siècle: avec cela, il y a encore des gens pour soulever la question des droits de l’homme à Cuba!
Ce fut encore la CIA qui, avec l’aide de quelques multinationales et d’un général chilien au triste nom, vint à bout du régime légalement élu de Salvador Allende. Il serait téméraire de vouloir chercher la vérité dans toutes les intervenions sournoises, économiques ou militaires, menées par des pays délégués par d’autres pour mettre à mal les régimes progressistes installés par des forces populaires. Il semble qu’à présent, depuis la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide, tout soit rentré dans l’ordre et que la politique de la canonnière est remisée au grenier de l’Histoire, du moins, jusqu’à la fin de l’unilatéralisme américain. Les régimes contestés par les pays de l’Otan, c’est-à-dire ceux qui ne servent pas les intérêts impérialistes occidentaux, fléchissent le cou et, sous les pressions économiques et politiques diverses, sont obligés de mettre de l’eau dans leur vin et de composer.
De rares exceptions (Corée, Iran, Birmanie), pour de multiples raisons, refusent de se plier aux desiderata américains et européens, mais pour combien de temps encore.
Aussi, la question qui se pose actuellement, est la nature des relations des nouveaux régimes qui sortiront des révolutions populaires de Tunis et du Caire avec leurs anciens alliés: au-delà des questions économiques, quelle sera la position de ces nouveaux régimes par rapport à la question palestinienne. (L’Expression.02.02.2011.)

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*Le vent de la contestation gagne le Yémen et la Jordanie

 Après la Tunisie et l’Egypte, la contestation gagne le Yémen et la Jordanie. Pour ne pas subir le sort des dictatures de Tunis et du Caire, le président yéménite et le monarque hachémite tentent d’initier des réformes d’urgence.

Ainsi, le président yéménite, Ali Abdallah Saleh, confronté à des protestations populaires, a convoqué le Parlement et le Conseil consultatif à une réunion aujourd’hui, à la veille d’une manifestation prévue par l’opposition, selon l’AFP, citant une source officielle. Le chef de l’Etat devrait s’exprimer au cours de cette réunion extraordinaire, a-t-on précisé de même source, sans donner d’information sur la teneur de son intervention.Des milliers de Yéménites, inspirés par la Tunisie et l’Egypte, avaient manifesté jeudi dernier à Sanaâ à l’appel de l’opposition pour réclamer le   départ du président Saleh, au pouvoir depuis 32 ans.  La réunion de la Chambre des députés et du Majlis al choura (Conseil consultatif) intervient alors qu’une «journée de colère» est prévue demain, toujours à l’appel de l’opposition. Le parti au pouvoir, le Congrès populaire général (CPG), a également appelé ses partisans à des manifestations le jour même pour contrer l’opposition,   selon une source du CPG.     

Le Yémen est l’un des pays arabes les plus pauvres. Le président yéménite avait annoncé lundi dernier la création d’un fonds pour l’emploi des diplômés et l’extension de la couverture sociale à un demi-million de personnes, dans une tentative de calmer les revendications populaires. Dans le même temps, le parti au pouvoir a appelé dimanche les partis de l’opposition, réunis au sein du «Forum commun», à reprendre le dialogue au   sujet des réformes politiques, interrompu depuis la décision des autorités d’organiser des élections législatives le 27 avril sans attendre le résultat de ce dialogue. Le chef du Forum commun, Mohamed Al Moutawakel, a cependant assuré qu’il «n’y aura pas de dialogue sans l’annulation des mesures prises unilatéralement par le parti au pouvoir», dans une référence à la décision de tenir les élections et au projet d’amendements constitutionnels. Les députés doivent examiner le 1er mars une révision constitutionnelle susceptible d’ouvrir la voie à une élection à vie du président, au pouvoir depuis 1978.

Au royaume hachémite, le Front de l’action islamique (FAI), principal parti d’opposition en Jordanie, a critiqué hier le choix de Maârouf Bakhit, chargé le même jour par le roi  Abdallah II de former un nouveau gouvernement, estimant qu’il n’était «pas un réformateur» et promettant de poursuivre les manifestations. «Maârouf Bakhit a conduit les pires élections législatives en Jordanie» lors de son mandat de Premier ministre en 2007 et «il n’est pas un réformateur», a déclaré M. Zaki Bani Rsheid, membre du comité exécutif du FAI. «Il n’est pas l’homme pour diriger la période transitoire et pour sortir de la crise la Jordanie», a-t-il ajouté. «Il semble que le train des réformes n’est pas encore en marche. Nous sommes contre ce Premier ministre. Notre expérience passée n’est pas encourageante», a  déclaré à l’AFP le secrétaire général du FAI, Hamzeh Mansour.    

Les manifestations vont se poursuivre car «les raisons pour ces manifestations sont toujours valables», a-t-il ajouté. Le FAI et la confrérie des Frères musulmans devaient se réunir hier  après-midi pour évaluer les «conséquences de cette décision». Néanmoins, les islamistes ont déjà annoncé un sit-in de protestation devant les bureaux du Premier ministre vendredi prochain après la prière. Le roi a demandé au nouveau Premier ministre, qui a déjà occupé ce poste de 2005 à 2007, «de prendre des mesures rapides et claires pour des réformes politiques réelles qui   reflètent notre vision pour des réformes générales modernes soutenant notre action en faveur de la démocratie», selon le palais. (El Watan-02.02.2011.)

 

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* Sale temps pour les dictateurs

Les grandes puissances qui n’ont pas hésité depuis toujours à s’accommoder de régimes totalitaires au nom d’une certaine conception de la realpolitik fondée sur les égoïsmes nationaux ont aujourd’hui l’intime conviction que la stabilité des Etats et des peuples passe inexorablement par des pouvoirs et des institutions démocratiques. Il n’y a désormais plus, à leurs yeux, de pays plus ou moins éligibles que d’autres à la démocratie ; un discours longtemps servi par les capitales occidentales et les Etats-Unis pour ménager les pouvoirs oligarchiques locaux dans des pays où ils ont des intérêts stratégiques aux plans économique commercial, géopolitique… On se contentera d’un SMIG démocratique décliné à travers des réformes politiques qui n’ont de démocratiques que la façade.

Le régime de Ben Ali, qui vient d’être jeté à la poubelle de l’histoire par la rue tunisienne, réunissait tous ces attributs de la «démocratie spécifique» applicable à des pays comme le nôtre et à laquelle l’Occident et Washington ont donné leur pleine bénédiction. Même lorsque les atteintes aux droits de l’homme et aux libertés avaient atteint des seuils critiques qui ne pouvaient laisser sans réaction ces pays qui se présentent comme les gardiens du Temple de la démocratie, leurs positions et déclarations sont de pure circonstance et les mots utilisés pour apprécier les événements sont soigneusement pesés. On regrette, on déplore… Mais point de condamnation ferme et sans équivoque. Avec ce qui se passe en Tunisie et l’onde de choc qui se propage comme une traînée de poudre dans d’autres pays arabes qui font l’actualité internationale, à l’image de l’Egypte en pleine éruption volcanique, le ton est devenu subitement plus ferme, voire menaçant, et les pressions ont pris une résonance plus politique appelant explicitement les régimes en place à se démocratiser sous peine d’être emportés par le vent de la contestation qui souffle sur les capitales arabes.

De Paris, à Berlin en passant par Washington et Bruxelles, on ne prend plus de gants depuis la Révolution du jasmin en Tunisie pour soutenir les luttes et aspirations des peuples de la région à la liberté, à la démocratie et à une société où règnent la justice sociale et le progrès économique. Même le régime de Moubarak qui bénéficie d’une bienveillance particulière de la part des Occidentaux et des Américains pour son rôle de tête de pont dans la recherche d’une solution au conflit du Proche-Orient n’échappe plus à la loupe et à la réprobation internationale. «La stabilité d’un régime n’est pas menacée lorsqu’il garantit les droits fondamentaux des citoyens, mais quand on refuse de les accorder», a averti hier le chef de la diplomatie allemande, Guido Westerwelle, dans une déclaration sur la situation en Egypte.

Le message ne peut être plus clair et vaut pour tous les autres régimes arabes qui se consolent comme ils peuvent en affirmant à qui veut les entendre que comparaison n’est pas raison. Le nouveau positionnement des grandes puissances aux côtés des aspirations des peuples à la liberté et à la démocratie qui sont les meilleurs garants de leurs intérêts stratégiques a sans nul doute galvanisé les foules et accentué leur désir de changement. Contestés à l’intérieur et lâchés par leurs alliés à l’extérieur, les temps ne sont plus bénis pour les pouvoirs autoritaires. (El Watan-27.01.2011)

***ILS LES AVAIENT INSTRUMENTALISÉS CONTRE L’ALGÉRIE
Les artistes égyptiens lâchent Moubarak

 

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Les artistes ont lâché le président égyptien, se mettant, dès le départ, du côté du peuple en colère.

Bien que de nombreux artistes soutiennent l’action du peuple égyptien, certains connus pour leur loyauté au président Moubarak ont subitement disparu. La presse égyptienne a rapporté que Amro Diab s’est envolé avec sa famille pour l’Angleterre, alors que la chanteuse Nelly Karim et son mari ont été aperçus à l’aéroport du Caire.
En revanche, l’égérie du cinéma égyptien, Leila Alwi, s’est abstenue de parler de la révolte du peuple égyptien et de la situation politique en raison de ses liens de parenté avec le président Moubarak.
D’autres artistes égyptiens connus ont disparu du paysage médiatique depuis le début de cette révolte, c’est le cas notamment de Mohammed Mounir et Tamer Hosni ou encore de Adel Imam, resté très silencieux.
Alors que d’autres artistes très engagés dans le combat politique, ont soutenu les revendications du peuple en colère dès le premier jour de la révolte, en se joignant à la manifestation à la place devenue célèbre Atahrir. A leur tête Khalid El Sawy, qui a joué, notamment dans le feuilleton dramatique Ahl Cairo. Mais aussi Khaled Nabawi, Khaled Abou-El Naga (la seule star égyptienne présente au dernier Festival du film arabe d’Oran). Le comédien Amr Waked et Asra Yassin, le scénariste Tamer Habib, ainsi que les réalisateurs Amr Salama, Hani Salama et Khaled Youssef se sont joints à la troupe des artistes. Ce dernier connu pour ses positions antigouvernementales, et auteur notamment de Doukan Shahata et Chaos, avait prédit la fin du régime Moubarak.
Il s’est exprimé aussi sur BBC Arabic, en dénonçant le régime ainsi que le silence de certains comédiens égyptiens qu’il accuse d’être complices, du pouvoir et traîtres à la cause du peuple égyptien. Même Mona Zaki, qui faisait partie de la délégation d’artistes, qui soutenait le président Moubarak, était parmi les manifestants à la place Tahrir, le mardi.
Le réalisateur Amr Salama a déclaré à la presse qu’il ne reviendra pas sur sa décision de faire tomber le système après avoir été battu par la police, affirmant qu’il n’a fait qu’utiliser son droit constitutionnel de manifester pacifiquement.
Pour sa part, Khaled Abou El-Naga, qui a déclaré qu’il ne participe pas à ces événements comme artiste mais comme citoyen égyptien, a indiqué que ce qui est arrivé a brisé la barrière de la peur des Égyptiens. Il ajoute qu’il avait averti depuis la signature de la déclaration, «Ensemble, nous changerons» initiée par le Dr Mohamed El Baradei, du chaos qui menaçait l’Égypte en l’absence de capacité du système à contrôler la sécurité suite à l’explosion de colère de la population égyptienne. Amr Waked pour sa part, a passé la nuit à rédiger des communiqués. Son frère a été arrêté au cours de la première journée des manifestations, après être descendus ensemble dans la rue pour manifester avec un groupe d’amis. Il a passé la nuit dans la rue avec les manifestants, en disant qu’il ne voulait pas renoncer à participer au changement dans le pays. Cette position ne diffère pas de son collègue et ami Khalid Al Sawy, qui passe la journée entre Tahrir Square et ses différents bureaux. Il était incapable de parler après avoir conduit les manifestations depuis le premier jour du soulèvement, vendredi dernier.
D’autres stars connues ont préféré suivre la révolution dans leur prestigieux salon, c’est le cas de Mohamed Sobhi et Al Fakhrani, qui se sont exprimés avec tristesse et douleur sur la situation dans le pays sur Al Jazeera Moubasher.
En Europe, l’action la plus médiatisée reste celle de la star des stars égyptiennes Omar Sharif qui été interviewé sur France Inter depuis le 17e étage d’un grand hôtel du Caire, exprimant son soutien à la population égyptienne, il déclare sans langue de bois: «Je pense que Hosni Moubarak aurait dû démissionner. Cela fait trente ans qu’il est président, ça suffit!». Très au courant des enjeux politiques de son pays, Omar Sharif a par ailleurs, exprimé sa satisfaction de la nomination du vice-président Omar Souleïman, affirmant qui celui-ci a de bonnes relations avec Israël et que c’est très important.
Le «Docteur Jivago» s’interroge en revanche sur l’avenir: «Qui succèdera à Moubarak? Qui prendra sa place? Qui sera responsable du pays?» Omar Sharif, qui est né dans une famille appartenant à la minorité chrétienne d’Alexandrie et converti à l’Islam en 1955 pour pouvoir épouser l’actrice égyptienne Faten Hamama, a exprimé aussi sa crainte envers les Frères musulmans: «Je n’en veux pas. Ils étaient enfermés, ils commencent à sortir, ils sont 20% de la population, et c’est un peu inquiétant pour moi.» Le grand absent de cette mobilisation des artistes égyptiens sera sans conteste Youcef Chahine, qui a toujours exprimé son opposition envers Moubarak, et qui aurait bien conduit cette contestation populaire.(L’Expression-02.02.2011.)

**Egypte:  PATRIMOINE EN DANGER
L’Unesco réagit

Suite au soulèvement de dizaines de milliers de manifestants au Caire, l’Unesco réclame des mesures pour la sauvegarde des «trésors» de l’Egypte.

Elle n’est pas appelée «Mère de l’humanité» pour rien. La civilisation pharaonique est l’une des plus anciennes dans le monde. L’Unesco a, en effet, de quoi s’inquiéter au vu du soulèvement populaire contre le régime de Hosni Moubarak qui secoue l’Egypte ces jours-ci.
En effet, l’Unesco a lancé hier un appel à la sauvegarde du patrimoine de l’Egypte, réclamant des mesures pour protéger «les trésors» du pays, «au Caire, à Louxor et sur tous les autres sites culturels ou touristiques».
La directrice générale de l’Unesco, Irina Bokova, souligne aussi dans un communiqué: «Le patrimoine culturel égyptien, qu’il s’agisse de monuments ou d’objets, est une partie du patrimoine de l’humanité, transmise jusqu’à nous à travers les âges.» «Les 120.000 pièces du Musée égyptien du Caire sont inestimables», a-t-elle ajouté. «Je demande de façon solennelle que toutes les mesures nécessaires soient prises pour sauvegarder les trésors de l’Egypte, au Caire, à Louxor et sur tous les autres sites culturels ou historiques du pays», poursuit Irina Bokova.
Dimanche dernier, les voleurs, profitant d’une manifestation, avaient sévèrement endommagé, lors d’une tentative de vol, deux momies de l’époque pharaonique. La veille, des dizaines d’Egyptiens avaient formé une chaîne humaine pour éviter les pillages dans le Musée.
Pour la directrice générale de l’Unesco, institution onusienne basée à Paris, cette action illustre le fait que les pièces du Musée du Caire sont inestimables «pas seulement d’un point de vue scientifique ou financier, mais aussi parce qu’elles représentent l’identité culturelle du peuple égyptien».
En effet, on se souvient, lors du fâcheux incident footbalistique et social, opposant l’Algérie à l’Égypte, que beaucoup d’encre avait coulé. Une hargne destructrice qui poussa aux insultes de part et d’autre jusqu’au débordement «linguistique». Certains artistes ont trouvé là une aubaine pour dire aussi leur rage, leur colère. Une sorte de tacle pour s’attaquer au peuple égyptien par mélodie interposée. Nonobstant les centaines de chansons pro El-Khadra, des morceaux anti Egypte ont ainsi vu le jour.
Dans une chanson écrite contre les Egyptiens, Réda Sika traite les pyramides de vulgaires amas de pierres. Il s’attaquait ici à un des symboles forts de cet héritage millénaire patrimonial et par extenso, à toute une nation.
C’est sur ce socle que l’Egypte a bâti, en effet, sa réputation et son tourisme légendaire. l’Egypte compte sept sites inscrits sur la Liste du patrimoine mondial établie par l’Unesco. Ce qui n’est pas rien! (L’Expression-02.02.2011.)

 

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*La leçon tunisienne

Cette petite pierre que la «Révolution de jasmin» vient de déposer au panthéon de la démocratie est la graine qui réveillera peut-être le Maghreb, longtemps plongé dans une léthargie et un immobilisme devenus assourdissants et insupportables.

Les régimes anti-démocratiques, liberticides et obscurantistes sont les maladies de la terre, grouillant à sa surface l’espace d’un moment. Le déluge qui finit toujours par les engloutir porte un nom : illégitimité, injustice, usage du droit de la force aux place et lieu de la force du droit.Leur chute, prévisible ou pas, brutale ou pacifique, suscite l’enthousiasme et l’espoir de bâtir une société moins injuste basée sur le droit, la justice, la liberté d’expression, le libre choix de ses dirigeants périodiquement soumis à un suffrage populaire loyal et où la majorité respecte la minorité. C’est ce que doit éprouver et ressentir la majorité des citoyens tunisiens, eux qui viennent d’ouvrir la voie dans un Maghreb encore, hélas, sous le joug de régimes autoritaires usés et vieillissants, qui, à l’aube de leur déclin, caressent le rêve de transmettre le pouvoir populaire par voie héréditaire, par le sang. La brèche ouverte par la «Révolution de jasmin» (en clin d’œil à la «Révolution des œillets» au Portugal) restera comme l’événement majeur de ce début du XXIe siècle.

L’histoire de la révolte populaire de nos voisins tunisiens, qui a fini par balayer un régime policier vieux d’un quart de siècle, est à écrire. Elle est aussi à méditer. Après avoir déboulonné le régime de l’ex-général-président, le peuple tunisien et ses forces démocratiques saines semblent résolus et déterminés à jeter les bases d’un départ pour une construction démocratique dans leur pays. Au-delà des difficultés du moment liées à la complexité du processus de transformation, ils ont beaucoup d’atouts pour réussir. Quoi qu’il en soit, les héritiers de Hannibal ont franchi le Rubicon vers les souterrains de la démocratie, et rien ne sera plus comme avant en Tunisie. Dans ce qu’elle a de symbolique, la «Révolution de jasmin» est porteuse d’espérance pour l’instauration de la démocratie dans tous les pays du Maghreb. Ses répliques commencent déjà à se faire ressentir et le doute s’est installé.

Cela dit, s’il fallait donner un nom à la leçon de la «Révolution de jasmin», le mot «miracle» conviendrait parfaitement. Derrière le miracle, il y a le «moteur» de son accomplissement. D’un côté, les larmes et le sang, la haute conscience politique et la maturité de la société tunisienne et de sa classe politique et syndicale saines et démocratiques, mais également les hasards de l’histoire des peuples qui provoquent parfois des accélérations en faisant tomber les citadelles les plus inexpugnables. D’un autre côté, un régime policier ayant atteint un degré d’irrationalité tel que son existence posait problème.

Problème, d’abord, pour le peuple tunisien meurtri dans sa chair et sa dignité. Problème, ensuite, pour le régime lui-même devenu une bulle déconnectée de tous les fondamentaux d’un contrat social, sourd à toute revendication et aveugle dans ses réactions. Face à ce problème à résoudre, le peuple tunisien pacifique, laborieux, cultivé a, seul et sans appui moral ou matériel de l’extérieur, tout jeté dans la balance : son courage, sa détermination, l’engagement, la constance et la persévérance de son opposition démocratique réelle mais aussi et également l’intelligence et le ressaisissement de son armée nationale demeurée républicaine et en dehors des «affaires», pour venir à bout d’un système politique qui, en niant presque toutes les libertés individuelles et collectives, en instaurant une surveillance policière au sein-même de la vie privée et en détournant à son seul profit l’essentiel des ressources, a transformé la société tunisienne, à l’image de celle décrite par G. Orwel dans son livre,1989, et réduit le Tunisien au statut de serf taillable et corvéable à merci de l’Europe du XIIIe siècle.

Le pendule de l’Histoire a penché du côté des justes. Voilà très brièvement rappelées les principales causes et les origines premières du miracle de ce 14 janvier 2011 au pays du jasmin. Cet événement, dont la portée est considérable, n’a pas manqué de susciter de nombreuses réactions, certaines rares venant des pays dits démocratiques pour encourager et accompagner politiquement et moralement le processus en marche, d’autres plus nombreuses comprenant des pays démocratiques et des régimes autoritaires pour mettre le frein des deux côtés.

On remarquera dans ces derniers cas la mise dos à dos des opprimés et des oppresseurs sous prétexte de l’argument que la violence ne résout rien. Ce qui n’est pas totalement faux, mais aussi pas totalement vrai. La seconde catégorie de réactions (celles du frein) est un  bon indicateur de mesure de l’état du monde à l’égard des régimes contre nature, liberticides et autoritaires. Deux réactions parmi d’autres et représentatives de cet état du monde : la première vient du camp démocratique (France) la seconde du camp d’un régime anti-démocratique (Algérie). Les deux se rejoignent pour mettre le frein des deux côtés et, chose surprenante, la position du pays de 1789 est plus en pointe penchant en faveur du dictateur avant sa chute.

Au moment où la révolte tunisienne se généralisait en se durcissant, la France, pays des droits de l’Homme, n’a rien trouvé de mieux à proposer que l’envoi en Tunisie (mais également en Algérie, elle aussi en proie à des révoltes populaires) de ses forces anti-répression pour mettre fin au désordre qui menaçait le «bon modèle»  de Ben Ali (sic). Les peuples tunisien et algérien, qui ont une longue histoire commune avec la France, étaient en droit d’espérer mieux du pays de Marie Antoinette et de Robespierre. Mais, chassez le naturel il revient au galop. On se souvient qu’après le 1er Novembre 1954, les forces armées françaises débarquaient massivement au pays de Jugurtha et de l’Emir Abdelkader pour… encore rétablir l’ordre.

Décidément, Michelle Alliot-Marie, de son état ministre des Affaires étrangères de la France, ancien ministre de la Défense, après un passage au ministère de la Justice l’a très bien compris. «L’ordre c’est le désordre plus les flics», comme le chantait L. Ferré. Cette réaction d’un pays dit démocratique et de surcroît précurseur des droits de l’Homme, à l’égard d’un dictateur pris au collet par l’Histoire, amène immanquablement à s’interroger sur la nature des raisons du soutien critique des démocraties occidentales en général à l’égard des régimes autoritaires et anti-démocratiques au Maghreb et ailleurs. Les raisons invoquées pour expliquer ces mariages contre-nature sont de natures diverses et ont varié au gré des circonstances.

Un rapide résumé : la démocratie est un système politique inadapté aux pays «pauvres» du fait de certains éléments culturels générateurs d’instabilité ; la démocratie suppose une maturité dont seraient dépourvus ces peuples et leurs dirigeants ;  éviter à ces pays de tomber dans l’idéologie ennemie (communisme autrefois, l’islam radical aujourd’hui) considérés comme encore plus anti-démocratiques que… les régimes autoritaires et liberticides ; ou encore éviter au peuples opprimés  de s’engager dans des processus où la liberté n’est pas toujours au bout mais bien au contraire. Autrement dit, le soutien critique serait un mal pour un bien mais dont l’éventail des arguments est suffisamment large et diversifié pour penser que les régimes autoritaires ont encore de beaux jours devant eux sous l’œil bienveillant des pays démocratiques.

Dans cette perspective, la leçon tunisienne serait presque un geste de lèse-majesté. Ceci pour le côté cour. Côté jardin, les choses sont encore plus préoccupantes. Car, en vérité, le soutien critique est forgé dans le creuset de l’intérêt égoïste des uns (accès et contrôle aux matières premières, occupation d’espaces stratégiques pour la défense ou les approvisionnements… en contrepartie du soutien critique), désinvolture et irresponsabilité des autres (qui sacrifient les intérêts supérieurs de leur nation et de leur Etat sur l’autel du soutien critique pour se maintenir au pouvoir contre la volonté de leur peuple). Cette convergence des intérêts des uns (puissants et démocrates) et des autres (obnubilés par l’exercice du pouvoir pour le pouvoir), renvoie aux calendes grecques la question de la démocratisation des régimes autoritaires, avec comme conséquence dramatique de rendre quasiment impossible un développement économique réel dans les espaces placés sous des gouvernances autoritaires et liberticides. Car, c’est un fait établi de longue date qu’il ne peut être amorcé aucun développement économique et social réel sans un minimum de libertés et de droit.

Dans ce sens, le soutien critique prive du rêve, mais aussi du pain. Les Tunisiens l’ont bien compris. Espérons que d’autres le comprendront demain. Après la chute de l’ex-général-président, la réaction, également surprenante, du régime algérien est venue d’un quarteron de partis politiques, aux idéologies opposées et dont le poids et le destin politique se décident en dehors des urnes. S’affichant en vitrine comme les dépositaires du pouvoir populaire, mais qui  en coulisses courent derrière les «quotas» et non derrière le peuple, ils se sont affublés du titre d’«alliance présidentielle» pour donner à l’extérieur et aux Algériens l’illusion de diversité et de rassemblement du commandement d’un navire qui – tout le monde s’accorde à le dire – fuit de partout où l’encanaillement du peuple est le modèle d’éducation politique peaufiné par notre quarteron, le chacun pour soi, l’ascenseur de la réussite sociale et l’accumulation primitive au sens de Marx érigée en véritable «sport national»…

Leurs déclarations, après la langue de bois en usage, se sont vite transformées en des séances d’exorcisme pour conjurer la crainte de l’effet de contagion (comme semble le confirmer ce qui se passe en Egypte, au Yémen, en Jordanie, au Soudan…) de la «Révolution de jasmin» aux pays du Maghreb, et donc de l’Algérie. Le slogan des séances d’exorcisme : «L’Algérie n’est pas la Tunisie». Ce slogan, comme toutes les victoires à la Pyrrhus, mérite quelques explications. D’où viendrait, en effet, la  différence ? Est-ce parce qu’en Algérie le territoire géographique est plus vaste ? Est-ce parce que la quantité des ressources naturelles est plus importante ? Est-ce parce que le développement économique, malgré des ressources considérables, est totalement artificiel ? Est-ce parce que la faillite du système éducatif est définitivement consommée ? Est-ce parce que l’armée nationale serait davantage prétorienne ? La réponse dans ce cas est évidemment oui. 

L’Algérie n’est pas la Tunisie. Maintenant, s’il s’agit d’une appréciation sur l’état du monde en Algérie en termes du droit des Algériens à revendiquer la  liberté, la démocratie, d’aspiration du peuple algérien à reconquérir de façon pacifique le rétrécissement de ses libertés individuelles et collectives, du droit à un jeu politique sain et républicain, ou encore du droit des Algériens à une armée républicaine et forte, la réponse est évidemment oui. Il faut dans ce cas laisser à ses auteurs leur appréciation et l’Histoire jugera. Car, pour reprendre J. Steinbeck, qu’«importe la tenue, il n’y a que le combat qui compte». Et toutes les différences entre l’Algérie et la Tunisie n’y changeront rien. C’est aussi cela la leçon de la «Révolution de jasmin». Dans la réaction de notre quarteron, ce qui est triste et douloureux, c’est que le symbole qui a conduit le peuple algérien à sa libération d’un système dominateur et exploiteur, a joint, sans retenue et toute honte bue, sa voie à des chiens de garde qui restent dans leur rôle.

A ces derniers il faut dire : «Oui, la Tunisie en marche vers la démocratie projette l’image de notre propre avenir.» Quant au symbole de Novembre 54, avec tout le respect que l’on doit aux martyrs, mais aussi à tous ceux qui ont survécu à l’enfer de l’Algérie en lutte, il faut bien faire le constat que l’idéal de sa force de jadis a été sacrifié sur l’autel de la raison matérielle et rentière, lâchant ainsi la proie (la lumière) pour l’ombre.

En conclusion, la leçon tunisienne, magistrale dans sa forme, est dans son fond une leçon de courage et d’espoir dans la lutte toujours recommencée du bien contre le mal. Elle vient confirmer le dicton de chez nous : ma yebqua fel oued ghir ehdjarou (ne reste dans le lit du fleuve que ses pierres). La marche vers les idéaux de liberté et de justice, où le privilège n’est toléré que s’il est au service de l’amélioration du sort de tous, ne peut être arrêtée, car elle est dans le cœur des hommes, passant d’un cœur à un autre, et son étouffement passager n’est qu’illusion.

Cette petite pierre que la «Révolution de jasmin» vient de déposer au panthéon de la démocratie est la graine qui réveillera peut-être le Maghreb, longtemps plongé dans une léthargie et un immobilisme devenus assourdissants et insupportables. Une société où le rêve de liberté est brisé, la soif de justice étouffée où le respect est plus  inspiré par la crainte que par le mérite et où le privilège librement consenti est dévoyé est une société condamnée à l’instabilité, à la régression et à l’éclatement. La cohésion et la survie d’une société vaudraient-elles moins qu’une autocratie même masquée ? (El Watan-02.02.2011.)

 

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