Une nouvelle page dans l’histoire de la Tunisie
16012011*Le défi de la transition démocratique
* La Tunisie à la croisée des chemins
Les événements évoluent au rythme de la révolution démocratique qui a chassé Ben Ali du pouvoir. Le peuple a gagné contre celui qui dirigeait le pays d’une main de fer depuis 23 ans, ouvrant ainsi une nouvelle page dans l’histoire de la Tunisie. C’est la fin d’une longue nuit d’oppression.
Mais la rue et l’opposition ne crient pas encore victoire. Si Ben Ali est parti, il reste Fouad Mebazaa, Mohammed Ghannouchi, des symboles de l’ancien régime. Le premier est désigné président par intérim au titre de l’article 57 de la Constitution ; le second est chargé de former «un gouvernement de coalition nationale». Ainsi, la partie, pour l’opposition, ne fait que commencer tant le défi de la transition démocratique que doivent définir ensemble les personnalités les plus en vue de l’échiquier politique tunisien reste entier. De nombreux dirigeants politiques, les syndicats et les organisations de la société civile restent vigilants et maintiennent la pression. Que va-t-il se passer dans les heures à venir, alors que les éléments de la sécurité présidentielle, à l’instigation du parti de Ben Ali et de la famille Trabelsi, tentent de semer le désordre dans le pays ? L’opposition, avec ses diverses tendances, acceptera-t-elle de composer avec les caciques de l’ancien régime ? Bref, «la transition démocratique» ou plutôt le passage vers le nouveau régime risque de se faire dans la douleur.
En l’absence d’une stratégie commune, l’opposition tunisienne est face à un défi historique. Elle est sommée d’être à la hauteur de cette révolution faite par un peuple longtemps opprimé. Il faut dire que le régime de Ben Ali a créé un vide politique et a laminé tous les partis. Le Premier ministre Mohammed Ghannouchi a entamé, hier, les consultations pour former un gouvernement de coalition nationale. Il a reçu les représentants de trois formations : le Parti démocrate progressiste (PDP), Ettajdid et le Forum démocratique pour le travail et les libertés. Les partis interdits n’ont pas été invités. La secrétaire générale du PDP, Mme Maya Jribi, a exprimé sa disponibilité à prendre part au nouveau gouvernement à la condition de «décréter une amnistie générale de tous les détenus d’opinion, de libérer le champ politique et médiatique, de créer les conditions politiques saines pour la tenue d’une élection présidentielle». Pendant les événements, ce parti n’a pas exigé le départ de Ben Ali, il s’est contenté d’appeler à une dissolution du gouvernement et à la tenue d’élections législatives anticipées, alors que la rue ne jurait que par la tête du président déchu. Certains observateurs locaux reprochent au PDP «d’être moins radical dans son opposition au régime».
Cependant, la figure d’Ahmed Néjib Chabbi (67 ans), opposant historique à Habib Bourguiba, jouit d’une certaine crédibilité au sein de la classe moyenne tunisienne. En1987, Chabbi avait soutenu Ben Ali, avant de se retourner contre lui en 1991. Sa position modérée et son poids historique pourraient peser dans le rapprochement des forces politiques d’opposition. Une tâche pas si facile lorsqu’on sait que les farouches opposants au régime de Ben Ali ont placé la barre des revendications très haut. A leur tête, le chef du Congrès pour la République (CPR), Moncef El Marzouki, qui a fait corps avec la rue. Il est la figure la plus en vue en ce moment. De nombreux observateurs le présentent comme la figure politique qui pourrait diriger la nouvelle Tunisie.
Dès le départ des événements, il a appelé, de son exil forcé, «à faire partir Ben Ali du pouvoir, le juger pour crime commis contre les Tunisiens assassinés lors des événements et pour corruption», à former un gouvernement d’union nationale sans les figures du régime avant d’aller vers une élection présidentielle. El Marzouki, qui compte regagner son pays demain au plus tard, appelle la rue à maintenir la pression. Même attitude chez l’autre opposant, Hamma Hammami (59 ans), porte-parole du Parti communiste ouvrier tunisien (PCOT) interdit. Vieux routier de l’opposition, Hammami a exclu toute idée de travailler avec les hommes de Ben Ali. Son épouse et militante des droits de l’homme, Radhia Nasraoui, a indiqué qu’«il est anormal de travailler avec ceux qui ont cautionné les dérives du régime de Ben Ali».
Les organisations de la société civile – tels le Conseil national tunisien pour les libertés et le Syndicat général des travailleurs tunisiens – qui ont joué un rôle central durant les événements, eux aussi, voient mal comment se mettre autour d’une même table avec des symboles de l’ancien régime.
«Le peuple s’est soulevé pour mettre un terme définitif à la dictature et tous les gens qui la portent», a déclaré le secrétaire général de l’UGTT, Abdesalam Jerad. Dans cette équation politique à plusieurs variables, l’inconnue islamiste dans la société tunisienne est à tout le moins quasiment invisible. Et lors des derniers événements, le grand absent. Pourtant, Rachid El Ghannouchi du parti Ennahda (interdit) a annoncé depuis Londres son retour au pays.
En somme, la révolution démocratique traverse sa phase la plus critique. Aux forces démocratiques et sociales de porter le coup fatal au régime, dont la tête a été coupée par le peuple. (El Watan-16.01.2011.)
**LA TUNISIE SE DONNE UN NOUVEAU DESTIN
Les événements se sont accélérés en Tunisie au point qu’ils ont pris de court tout le monde. En moins de 24 heures, la scène politique tunisien a connu un véritable rebondissement. Le pouvoir en place a été déchu. Le président Ben Ali a quitté le pays. Mohamed Ghannouchi, Premier ministre sortant, a été nommé vendredi président par intérim. Un choix rejeté par les Tunisiens. Ces derniers ne se sont pas contentés du départ de Zine El Abidine Ben Ali. Le changement revendiqué a touché même son Premier ministre. Des manifestations et des marches avaient débuté dans des villes de province pour réclamer le départ de M.Ghannouchi. L’opposition a jugé la nomination de ce dernier président par intérim comme étant une violation de la Constitution. Car, la nomination de M.Ghannouchi, en vertu de l’article 56, laissait la porte ouverte à un retour au pouvoir de M.Ben Ali. C’est une situation contestée aussitôt par des juristes et l’opposition. Des milliers de personnes sont sorties dans les rues pour demander son remplacement par le président du Parlement, et ce, conformément à la Constitution. Une revendication validée rapidement par le Conseil constitutionnel. Celui-ci a proclamé coup sur coup «la vacance définitive du pouvoir». De ce fait, c’est Foued Mebazaa, président de la Chambre des députés, qui a été nommé président par intérim. S’appuyant sur les textes de la Loi fondamentale, dans son article 57 notamment, M.Mebazaa devrait annoncer la tenue des élections présidentielle et législatives dans un délai ne dépassant pas les 60 jours. Dans sa première intervention en tant que président de la République par intérim, Foued Mebazaa a affirmé que «tous les Tunisien, sans exception et sans exclusive seraient associés au processus politique». Il a promis de consacrer le pluralisme et la démocratie et de respecter à la lettre la Constitution. Outre la tenue des élections, les concertations se sont poursuivies dans la soirée d’hier dans l’espoir d’aboutir à un terrain d’entente en vue de la formation d’un gouvernement d’union nationale Selon les propos de M.Mebazaa, c’est le Premier ministre sortant, Mohamed Ghannouchi, qui est toujours chargé de former un nouveau gouvernement. Et d’ajouter que «l’intérêt supérieur du pays nécessite un gouvernement d’union nationale». Devant une vision politique ambiguë, les islamistes ne veulent pas laisser l’occasion leur filer entre les doigts. Les dirigeants des partis politiques islamistes se disent prêts à reprendre leur activisme en Tunisie. C’est le cas de Rached Ghannouchi. Ce chef du parti islamiste tunisien Ennahdha, a affirmé, dans une déclaration à l’AFP, qu’il «prépare» son retour dans son pays. Il ne s’agit pas d’un retour pour marquer sa présence, mais pour négocier sa part du gâteau dans la formation d’un gouvernement d’union nationale. Cette annonce intervient au lendemain de l’annonce faite par Mohamed Ghannouchi qui avait déclaré que les opposants et exilés tunisiens étaient libres de rentrer au pays. Loin du climat électoral et du milieu politique, les nouveaux dirigeants tunisiens sont appelés à rétablir l’ordre dans la maison. L’urgence est de reprendre le contrôle de la situation dans le pays. Pour la simple raison que la Tunisie se trouve à un pas du chaos. Les choses ont mal tourné. Elles ont pris une autre tournure. Selon les échos qui parviennent de Tunis, les manifestations ont provoqué dans la journée d’hier, d’énormes dégâts. La lutte sur le terrain est relancée entre les opposants et les partisans de l’ex-président Ben Ali. C’est ce qui a poussé l’armée tunisienne à recourir au contrôle aérien par hélicoptères. La police a pour mission, de surveiler la capitale dans le but d’empêcher d’autres rassemblements de manifestants et d’éviter d’autres dérives. Les manifestants, selon les agences de presse, ont pris pour cible tous les biens qui appartiennent à la famille Ben Ali. Les destructions et les pillages survenus dans la capitale tunisienne et sa banlieue ont provoqué une situation d’angoisse au sein de la population locale. Afin de rétablir le calme, la police et l’armée s’en sont pris aux personnes encagoulées qui étaient derrière cette terreur. Des militaires et des forces de sécurité ont arrêté dans la matinée des dizaines de présumés pilleurs et les ont embaqués dans des camions. Ces manifestations se sont déroulées en dépit de l’état d’urgence décrété dans des villes comme Sidi Bouzid, Kasserine, Gafsa et Regueb dans le sud et le centre ouest. A l’heure où nous mettons sous presse, les événements s’accélèrent. On ne sait pas de quoi sera fait demain…(L’Expression-16.01.2011.)
**Des élections dans un délai de 60 jours
Le Conseil constitutionnel tunisien a proclamé «la vacance définitive du pouvoir» et la nomination de Foued Mebazaa, président du Parlement, au poste de président de la République par intérim. Ce dernier a ensuite prêté serment. Ce nouveau retournement de situation, fondé sur l’article 57 de la Constitution, est intervenu à la demande de Mohammed Ghannouchi, Premier ministre sortant, nommé vendredi président par intérim après la fuite de M.Ben Ali et qui ne sera resté que vingt-quatre heures à ce poste. L’article 57 fixe de manière précise la transition à la tête de l’Etat. Il prévoit des élections présidentielle et législatives dans un délai de 60 jours au maximum.
**Qui est Foued Mebazaa?
Foued Mebazaa, président de la Chambre des députés, a grimpé une autre marche hier pour se placer sur la haute pyramide du pouvoir tunisien. Après le départ du président déchu, Zine El Abidine Ben Ali, M.Mebazaa est nommé, conformément à la constitution du pays, président par intérim de la Tunisie. Pour certains, cet homme reste inconnu. Mais il ne l’est pas pour autant. Il possède une carrière politique très riche. Foued Mebazaa est né le 15 juin 1933 à Tunis. Après avoir arraché sa licence en droit et sciences économiques à Paris, il a vite mis ses connaissances au service de son pays. Après l’indépendance de la Tunisie, il a été nommé attaché au cabinet du secrétariat d’Etat de la Santé publique et des Affaires sociales. De 1964 à 1969 il a occupé trois postes à savoir, directeur de la jeunesse et des sports, de la Sûreté nationale avant de reprendre la direction de la jeunesse et des sports. Quatre années plus tard, il entre au gouvernement, où il lui est confié le portefeuille de ministre de la Jeunesse et des Sports avant d’être muté à la tête du département de la Santé en 1978. Un an plus tard, il est nommé ministre de la Culture et de l’Information. En 1981, il est nommé ambassadeur permanent représentant de la Tunisie auprès des Nations unies à Genève. En 1986 il est désigné ambassadeur de la Tunisie au Maroc puis revient au gouvernement et s’occupe de nouveau du ministère de la Jeunesse et des Sports. Membre du comité central du Parti socialiste démocratique, il est élu en 1988 membre du comité central du RCD, parti de Ben Ali. En 2004 il est réélu au même poste. Notons qu’il a été élu six fois membre de la Chambre des députés et la première fois c’était en 1964. (L’Expression-16.01.2011.)
**Alerte maximale à la frontière algéro-tunisienne
Les agences algériennes de tourisme ont commencé à procéder, la veille du départ de Ben Ali, à l’évacuation de leurs clients des sites touristiques tunisiens, pour la plupart touchés par les émeutes, comme c’est le cas à Hammamet, Nabeul ou encore Sfax, où le flux de touristes algériens est important. “La fermeture de l’aéroport de Tunis nous a compliqué la chose, mais nous avons pris attache avec la Police des frontières qui nous rassure de la fluidité du trafic routier. Nous avons commencé à rapatrier les couples et les personnes âgées. Au départ, nous avions appréhendé la situation avec beaucoup de stress et de peur. Mais avec les mesures exceptionnelles prises des deux côtés de la frontière, nous pouvons rassurer nos clients que toutes les dispositions sont prises pour rallier l’Algérie”, indique un agent de tourisme établi dans l’Est algérien.
En effet, le départ de Ben Ali et les conséquences immédiates sur le tourisme, principal poumon de l’économie tunisienne, ont donné lieu au départ de milliers de touristes allemands, français, anglais, belges et autres algériens. Côté algérien, tous les mécanismes pour assurer la sécurité des biens et des personnes au niveau de la frontière ont été mis en place. À ce
propos, nous apprenons que la Police des frontières (PAF), au même titre que les gardes-frontières (GGF), a renforcé ses effectifs pour accueillir, mais surtout contenir le nombre élevé des personnes qui reviennent en catastrophe de Tunisie.
En plus des réservations annulées et qui se chiffrent par dizaines de milliers, les agences de tourisme craignent que la chose se corse à l’approche de la haute saison, à partir du mois de juin. “Pour le moment, on ne peut pas estimer le nombre exact de touristes qui se trouvent actuellement en Tunisie. Les derniers évènements ont créé un climat de pagaille dans les enceintes touristiques. La mort d’un jeune Algérien à Tunis a aussi créé une psychose telle que les parents de nos clients nous harcèlent au téléphone pour avoir des nouvelles de leurs proches. En qualité de voyagistes, nous avons le devoir de rapatrier immédiatement nos clients afin d’éviter des situations fâcheuses. Les gens doivent savoir que ce sont des mesures de prudence, sans plus. Mais nous avons reçu des garanties que toutes les mesures sont prises par les Tunisiens pour sécuriser les touristes
se trouvant sur leur sol. Mieux, le moral de nos clients est au beau fixe, notamment avec la qualité de leur prise en charge. Par contre, nous appelons nos clients à rester dans leurs sites touristiques respectifs où nos partenaires ont déployé tous les moyens de prise en charge”, nous dit encore ce voyagiste qui affiche sa confiance quant à la coopération entre les agences des deux pays. Il faut noter que le trafic aérien a repris du service, hier matin, après la réouverture de l’aéroport de Carthage (Tunis).
En revanche, le poste-frontière est fermé de 17h à 7h du matin à cause du couvre-feu décrété
par le gouvernement tunisien. Côté ressortissants algériens établis en Tunisie, rien n’a filtré. Et contrairement aux pays européens, le gouvernement algérien n’a, à aucun moment, appelé la communauté algérienne à quitter la Tunisie. (Liberté-16.01.2011.)
**Des dizaines de personnes se rassemblent à Alger
Une centaine de citoyens se sont rassemblés samedi à Alger sur la « Place de la Liberté de la Presse » pour soutenir le mouvement de protestation qui a fait vaciller le régime de Ben Ali en Tunisie. Journalistes, artistes, militants des organisations des Droits de l’Homme et étudiants, ces citoyens n’ont pas manqué de réclamer aussi le changement en Algérie.
« One, two, tree, viva la Tunisie », « Barakat, Barakat El-Hogra », « Libérez l’Algérie », « Urgence, abandonnez l’Etat d’Urgence », tels sont les slogans scandés samedi à partir de 13 H par une centaine de personnes qui se sont réunies au boulevard Hassiba Ben Bouali, sur « la Place de la Liberté de la Presse », pour exprimer leur ras-le-bol contre les régressions et les atteintes aux libertés publiques en Algérie.
Avec des banderoles brandies à bout de bras, des chants patriotiques entonnés en choeur et des appels à la mobilisation pour une démocratisation de la vie publique en Algérie, ces manifestants ont rapidement attiré l’attention des badauds et des policiers. Ces derniers ont pris place tout au long du boulevard Hassiba Ben Bouali pour empêcher les manifestants de marcher dans la rue.
Tout a été donc fait pour que le rassemblement reste circonscrit uniquement à « la Place de la Liberté de la Presse ». Et après quelques minutes de cris de révolte et d’appels à la mobilisation, les policiers ont arraché les banderoles qui revendiquaient une nouvelle ère en Algérie. Les manifestants tiendront, tout de même, tête aux forces de l’ordre en continuant à chanter leur soif de démocratie jusqu’à ce qu’ils décident eux-mêmes de se disperser dans le calme. (El Watan-16.01.2011.)
**LA RUE ALGÉRIENNE COMMENTE LA SITUATION
«La Tunisie se relèvera»
«Nous sommes peinés, non seulement pour nos frères tunisiens, mais également pour les familles algériennes qui y vivent.»
C’est fou ce que les troubles qui secouent depuis un mois la Tunisie suscitent comme réactions et sympathie. Partagés entre l’admiration qu’ils vouent à ce pays frère et la douleur profonde qu’ils ressentent suite à ces moments tragiques et ces victimes, les Algériens, dans leur majorité, se disent très affectés et très préoccupés par tout ce qui se passe actuellement en Tunisie. Commentant les événements, beaucoup s’étonnent de la rapidité avec laquelle le président Zine El Abidine Ben Ali a déposé sa démission.
«Je suis très peiné par les malheurs qui frappent ce pays frère. Lorsque j’ai vu les scènes de liesse populaire à la télévision tunisienne juste après le discours du président Zine El Abidine Ben Ali, j’ai poussé un ouf de soulagement», nous confie un sexagénaire rencontré dans un café.
Beaucoup, comme lui, espéraient un dénouement heureux de la crise et personne n’avait évoqué, ne serait-ce qu’un seul instant, son éventuel départ. Car en dépit de tout ce qu’on pourrait lui reprocher, le président Ben Ali a beaucoup fait pour son pays. «La Tunisie n’est pas un grand pays (en se référant à son territoire). Grâce à son tourisme et aux potentialités qu’elle recèle, elle est devenue une destination privilégiée pour les touristes, nous confie un autre, qui poursuit: «Chaque année, je me rends dans ce pays frère pour passer mes vacances en compagnie de ma femme et de mes trois enfants. Le service est impeccable et la nourriture et les chambres d’hôtel ne sont pas chères».
En effet, des centaines de milliers d’Algériens passent régulièrement leurs vacances en Tunisie en raison des facilités qui leur sont accordées et surtout des prix attractifs qui encouragent le tourisme de masse et l’aident à se développer.
«Ce qui se passe en Tunisie est une grande perte, pas seulement pour nos frères tunisiens, pour nous, aussi. Ces événements sont une perte, car beaucoup de familles algériennes sont établies dans ce pays», nous rappelle un autre citoyen qui s’est mêlé à la discussion.
Le tourisme est à ce pays, ce que le gaz et le pétrole sont à l’Algérie. Des millions de touristes du monde entier y séjournent chaque année. Beaucoup possèdent une résidence à l’instar des Européens qui s’y rendent même en hiver en raison de son climat tempéré et de ses stations balnéaires qui n’ont rien à envier à celles qui se trouvent en Espagne ou en France. Grâce au président Ben Ali, la Tunisie a connu une longue stabilité politique jusqu’à ce fatidique 17 décembre, lorsqu’un jeune diplômé, chômeur de son état, s’est donné la mort en s’immolant par le feu en signe de détresse, car il n’arrivait plus à supporter plus longtemps sa situation.
Depuis, les troubles éclatèrent dans Tunis et ne tardèrent pas à s’étendre à l’ensemble des villes du pays, le plongeant dans une crise jamais connue jusque-là. Drame imputé aux services de police, accusent certains, erreur stratégique, tenteront de justifier d’autres, il reste que ces événements regrettables qui ont endeuillé des semaines durant la Tunisie, n’ont laissé personne indifférent. (L’Expression-16.01.2011.)
*Pour suivre les derniers développements de la situation en Tunisie : des Algériens ont passé la nuit dans des cybercafés
Quel était le nombre des Algériens qui ont visité la Tunisie ? Combien de couples algériens ont passé leur lune de miel dans des complexes touristiques tunisiens ? La réponse est : des millions d’Algériens. C’est pourquoi les Algériens se sont tant intéressés aux derniers développements de la situation en Tunisie, ces derniers jours. D’ailleurs, les Algériens, de tout âge, ont poursuivi ces événements minute par minute et ils ont même soutenu le peuple tunisien et l’ont même félicité pour sa victoire remportée en précipitant le départ du président tunisien Ben Ali, au pouvoir depuis 23 ans. Echorouk est sorti dans les rues, la nuit où Ben Ali a quitté son pays. Selon notre journal, la fuite de ce dernier a été accompagnée par le retour précipité des Tunisiens dans leurs domiciles de peur des retombées pouvant survenir. D’ailleurs, tous les magasins ont baissé rideau sauf des cybercafés qui sont restés ouverts jusqu’à l’aube. Les Tunisiens se sont félicités pour leur victoire en parvenant à écarter Ben Ali de son fauteuil en se focalisant sur la guerre technologique, notamment l’Internet. Les Algériens étaient aux cotés des Tunisiens en exprimant leur joie pour cette victoire du peuple voisin et frère face au système de répression et de violation des droits fondamentaux qui a régné pendant plus de deux décennies en Tunisie. Quant à la télévision algérienne, comme d’habitude, était « out » et n’a pas collé à l’actualité en diffusant les évènements qui se sont déroulés en Tunisie, en se contentant de diffuser des séries télévisées, dans la soirée de vendredi. De ce fait, les Algériens ont vécu l’événement sur d’autres chaînes satellitaires à l’instar de Al Arabia et Al Jazzera et d’autres françaises. Les Algériens ont tous suivi l’événement du départ de Ben Ali jusqu’à des heures tardives d’un vendredi, pas comme les autres. C’est pourquoi le lendemain de cet événement, les rues et ruelles des villes et villages algériens étaient pratiquement vides. Et d’ajouter, les exemplaires du journal Echorouk ont tous été vendus, ce qui explique l’intérêt des Algériens porté à cet événement. Le sujet abordé par les Algériens ce samedi, était sur tout ce qui s’est passé en Tunisie, tout en s’inquiétant du sort de ce pays voisin dans les jours à venir. De toute l’histoire des peuples arabes, on n’a jamais enregistré une telle solidarité entre des pays arabes, comme celle des deux peuples algérien et tunisien qui remonte à plusieurs années. De plus des femmes, ont osé parler de cette coiffeuse « Mme Ben Ali » qui dirigeait cette grandiose nation qui est la Tunisie. En dépit de la diffusion du match de Championnat du monde qui a opposé notre équipe nationale algérienne de handball à l’équipe de Serbie, correspondant au déroulement des événements en Tunisie, des fans de cette discipline ont même raté ce match pour poursuivre les développements de la situation dans ce pays. Pour rappel, les poulains de Bouchkriou ont perdu ce match par un but d’écart. Soulignons enfin, que le match de préparation des deux équipes de football qui aura lieu au mois de février prochain en Tunisie, n’intéresse aucun Algérien à cause de ces événements enregistrés. Même les clubs algériens ont changé leurs destinations de stage de préparation prévues dans des complexes touristiques et sportifs tunisiens..(Echorouk-15.01.2011.)
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**Exil saoudien pour Ben Ali
Hier, l’ex-président tunisien n’était sûr que d’une chose: qu’il n’est plus président. La veille, en quittant le pays, Ben Ali était toujours officiellement en poste. Il espérait sans doute revenir au pouvoir après un retour au calme dans le pays. Mais ce n’est pas l’avis du Conseil constitutionnel qui a décrété la vacance du pouvoir. Pour le reste, c’est le flou sur l’avenir du président et de sa famille. La première question qui se pose est de savoir si l’exil saoudien est définitif ou s’il n’est que temporaire. Dans ce cas, quelle sera sa prochaine destination? Serait-ce un autre pays arabe comme le Qatar?
Hier, le président, s’est retrouvé en complet désoeuvrement après des années au pouvoir. Ben Ali est arrivé dans la nuit de vendredi à samedi à l’aéroport de la ville portuaire de Jeddah, sur la mer Rouge, en compagnie de six membres de sa famille dont son épouse Leïla. Ben Ali est père de six enfants, dont trois d’un premier mariage.
Le royaume justifie sa position. Le gouvernement a accueilli le président Zine El Abidine Ben Ali et sa famille dans le royaume en considération pour les circonstances exceptionnelles que traverse le peuple tunisien, a annoncé le cabinet royal dans un communiqué. Les autorités se sont abstenues de tout détail sur le lieu de résidence du président ou la durée de son séjour. Des témoins ont, par contre, affirmé avoir vu un convoi officiel se diriger vers le palais des hôtes du quartier cossu d’Al-Hamra, près du bord de mer. Auparavant, la France a refusé de l’accueillir. C’était une source proche du gouvernement français qui avait indiqué que Paris ne souhaitait pas la venue sur son sol du président tunisien, expliquant notamment cette position par le risque de mécontentement de la communauté tunisienne dans le pays.
Lors de son premier jour d’exil, Ben Ali n’a pas eu beaucoup de contacts avec des dirigeants d’autres pays. Le seul à avoir été appelé au téléphone est le numéro un libyen Mouammar El Gueddafi. Il paraît que des contacts ont eu lieu avec le leader libyen dans la journée d’avant-hier. L’avion du président aurait survolé le territoire libyen. L’appareil a aussi survolé vendredi soir l’espace aérien maltais en direction du nord, selon un porte-parole du gouvernement maltais.Plus tôt dans la journée, quelques sources ont avancé Montréal au Canada comme probable destination de repli pour la famille du président Zine El Abidine Ben Ali: c’est à Westmount, quartier où vit l’élite anglophone de la ville, que Sakher El Materi, homme d’affaires, et Nesrine Ben Ali ont acquis en juillet 2008, pour 2,55 millions de dollars, une villa. Nesrine est arrivée à Montréal mardi soir, en compagnie de son époux.
Un exil n’est pourtant pas suffisant pour que Ben Ali puisse savourer ses jours de retraite. Des ennuis financiers pourraient bien constituer une nouvelle embûche sur le chemin de sa retraite. La menace vient de la France. Le pays a pris les dispositions nécessaires pour que les mouvements financiers suspects concernant des avoirs tunisiens en France soient bloqués administrativement, a indiqué hier le président Nicolas Sarkozy. S’agit-il des comptes bancaires du président ou de son entourage? Le Premier ministre Ghannouchi était aussi interrogé sur le sort de la famille proche de Ben Ali soupçonnée de corruption. Il a annoncé que des mesures préventives avaient été prises à l’égard des membres de sa famille faisant allusion à des arrestations et sans donner de noms. Il a indiqué qu’une commission d’enquête devrait ensuite établir les responsabilités de chacun. Certains de ses proches ont trouvé refuge dans un hôtel à Paris et sont accompagnés de leur propre équipe de sécurité. Elles y sont depuis quelques jours avant même le départ de Tunisie de Zine El Abidine Ben Ali. Il n’est pas à écarter que ce dernier soit l’objet de plaintes dans certains pays.(L(Expression-16.01.2011.)
**Ascension et chute d’un dictateur…il fait tout pour asseoir son despotisme, ne supportant aucune opposition constituée dans son pays.
Le président Zineel-AbidineBen Ali a pris le pouvoiren 1987 en déposant Habib Bourguiba.
Issu de l’armée, le président Ben Ali a régné 23 ans …
C’est un homme de l’ombre qui surgit, le 7 novembre 1987, à la une de l’actualité internationale. Il a 51 ans, et il vient de déposer Habib Bourguiba. Autant le père fondateur de la Tunisie, indépendante depuis 1956, était affable, rieur, autant celui qui vient de le déclarer inapte à continuer de diriger le pays est réservé, austère. Pour quelques-uns de ses compatriotes, Zine el-Abidine Ben Ali vient néanmoins d’accomplir un acte de salubrité publique. Bourguiba, célébré, vénéré, adoré pour avoir conduit la Tunisie sur le chemin du progrès, n’est plus le même depuis quelques années. L’émancipation des femmes dans une société musulmane restera son «chef-d’œuvre». La laïcité, qu’il a su préserver des assauts de l’intégrisme montant alors au Maghreb, est également à mettre à son actif. Il était l’inlassable avocat d’une modernité à l’orientale. Son successeur ne donnera pas la même image.Le 7 novembre 1987, pour écarter officiellement Bourguiba, Ben Ali fait jouer l’article 57 de la Constitution. Et argue d’un rapport médical signé de plusieurs médecins qui atteste de son incapacité à présider. À la radio nationale, quand il annonce sa prise de pouvoir, le nouveau chef de l’État souligne que «l’époque que nous vivons ne peut plus souffrir ni présidence à vie ni succession automatique à la tête de l’État». L’intention était nouvelle, noble, démocratique. Rassurante même. La suite montrera qu’il y avait loin de la parole aux actes. Pendant plus de vingt-trois ans, c’est en autocrate que Ben Ali va régner sans partage sur la Tunisie. Et il envisageait même, jusqu’à jeudi soir, de se représenter à l’élection présidentielle, en 2014. Pour un sixième mandat. Ce qui aurait nécessité une réforme constitutionnelle.
Né à Hammam Sousse, sur la côte tunisienne, le 3 septembre 1936, Zine el-Abedine Ben Ali est issu d’une famille de onze enfants. Après ses études, il rejoint l’armée. Et entre au parti destourien d’Habib Bourguiba. Sésame qui lui permet de partir pour la France où il obtient un diplôme de Saint-Cyr.Son avenir s’annonce tracé. La sécurité militaire sera son affaire. Il évolue dans divers postes en province et dans des ambassades à l’étranger. En 1980, il est ambassadeur de Tunisie en Pologne, pays en pleine ébullition. Souvenir qui a dû traverser son esprit ces dernières heures. L’Union générale tunisienne du travail (UGTT), très active ces dernières semaines dans la contestation du régime de Ben Ali, bien qu’étant syndicat unique, n’est pas sans rappeler Solidarnosc, dont le rôle fut déterminant dans la chute du communisme polonais.C’est en 1985 que Ben Ali entame une carrière ministérielle, soit deux ans avant de devenir le raïs, l’homme fort de la Tunisie. Bourguiba, qui vient d’affronter des émeutes, le nomme ministre de la Sûreté générale. En mai 1987, il devient premier ministre, poste qu’il cumule avec le portefeuille de l’Intérieur.C’est donc un homme rompu aux techniques du « maintien de l’ordre » qui s’installe au palais de Carthage fin 1987. Ce savoir-faire, il le met au service de la lutte contre l’islamisme. La victoire du Front islamique du salut (FIS) aux élections algériennes de 1990 – elles seront finalement annulées – est un coup de tonnerre qui fait redouter à la communauté internationale, notamment à la France, l’ancienne puissance coloniale, la propagation du fondamentalisme à l’ensemble du Maghreb. Les fous d’Allah séviront et sévissent toujours en Algérie.
En Tunisie, leur chef s’appelle Rached Ghannouchi (sans lien de parenté avec le président par intérim depuis vendredi). Il menace, mais le pays ne sombrera jamais. Ben Ali veille, frappe, élimine. Et tout le monde lui en est reconnaissant. La grande majorité des Tunisiens, élevés aux valeurs enseignées par Bourguiba. Et les Occidentaux qui voient en lui un rempart bien utile face à l’intégrisme. C’est ainsi que Ben Ali se maintient, gagne ses «lettres de noblesse». Les critiques restent feutrées, tempérées, lointaines.Ben Ali en profite pour asseoir son despotisme, ne supportant aucune opposition constituée dans son pays. Les dissidents se réfugient à l’étranger où ils multiplient livres, articles, débats qui seront lus et entendus d’un œil vague et d’une oreille distraite. Ben Ali tient la Tunisie, et c’est comme ça. Tout le monde s’en accommode. D’autant que le pays est présenté comme un tigre de la croissance économique – la meilleure d’Afrique – et un modèle pour l’éducation des jeunes : 98 % des petits Tunisiens vont à l’école, exception remarquable sur le continent. Ingénieurs, avocats, professeurs, entrepreneurs, la Tunisie ne manque de rien. Sauf de la liberté d’expression.Et le bâillon ne fera que grandir au fur et à mesure que le clan Ben Ali s’imposera dans tous les rouages de l’État. Car le président s’est marié en secondes noces avec une femme que les Tunisiens acceptent de moins en moins au fil des années. Il épouse Leila Trabelsi en 1992. Ils ont ensemble un fils et deux filles. Avec le mari de l’aînée et Belhassen, le frère de Leila, le clan fait main basse sur le pays, dans les domaines bancaire, politique, médiatique. Les Tunisiens ne supportent pas ceux qu’ils qualifieront bientôt de mafieux. Zine el-Abedine Ben Ali n’a-t-il pas voulu le voir ? Le comprendre ? Sa chute vient pourtant de là. En grande partie. (Le Figaro)
**arrestation du chef de la sécurité de Ben Ali L’ex-chef de la sécurité du président tunisien déchu Ben Ali, le général Ali Sériati, a été arrêté dimanche 16 janvier 2011 après avoir été formellement accusé d’être le responsable des exactions de ces derniers jours contre la population.
Une source officielle non identifiée a indiqué à l’agence TAP qu’il avait été établi que cet homme-clé de l’ancien régime était derrière les milices responsables des désordres récents dans la capitale et d’autres villes du pays.
Plusieurs témoignages avaient attribué les pillages et exactions de ces derniers jours, notamment à Tunis et sa banlieue, à des membres de l’appareil sécuritaire liés à Ben Ali et cherchant à créer le chaos pour favoriser son retour.
L’ex-président, cédant à la pression de la rue, a fui vendredi en Arabie saoudite. Parallèlement, l’agence TAP a fait état en début d’après-midi d’une amélioration de la sécurité avec un allègement du couvre-feu dans l’ensemble du pays de 18H00 à 5H00 locales contre 18H00 à 06H00 auparavant.
L’état d’urgence décrété dans le pays vendredi interdit les rassemblements de plus de trois personnes. (El Watan-16.01.2011.)
**Décès du photographe français blessé vendredi à Tunis
Le photographe français de l’agence EPA Lucas Mebrouk Dolega, 32 ans, blessé vendredi à Tunis par un tir tendu de grenade lacrymogène, est décédé dimanche matin, ont annoncé à l’AFP ses proches et une source consulaire française dans la capitale tunisienne.
« Lucas est décédé ce matin », a indiqué le responsable de l’agence EPA (European Pressphoto Agency) à Paris, Horacio Villalobos. Une source consulaire française à Tunis a confirmé cette information à l’AFP.
Lucas Mebrouk Dolega avait été atteint vendredi à la tête par un tir de grenade lacrymogène au cours d’une manifestation à Tunis, « tirée à bout portant par un policier », selon un de ses confrères Julien Muguet.
Opéré à l’Institut national de neurochirurgie de Tunis, il avait été placé en coma artificiel. La compagne de M. Mebrouk Dolega avait annoncé à l’AFP son arrivée sur place dans la nuit de samedi et dimanche ainsi que celle des parents du photographe.
Le décès du photographe d’EPA est le premier rapporté parmi les médias étrangers qui couvrent la crise en Tunisie. Après un mois de manifestations réprimées dans le sang (des dizaines de morts), le président tunisien Zine El Abidine Ben Ali, au pouvoir depuis 23 ans, a fui son pays vendredi. (El Watan-16.01.2011.)
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*Les commentaires de la presse étrangère
«L’avenir dira que ce ne fut pas seulement une faute morale, mais aussi, et plus encore, une erreur politique», a résumé l’éditorialiste du quotidien Le Monde. Le pays est sous tension extrême, avec un bilan des plus macabres, après un mois de soulèvement. Pour dire toute la difficulté d’appréhender l’avenir de ce pays, le journaliste s’interroge: «Y aura-t-il un miracle tunisien?» Les grands titres de la presse française, d’hier, s’inquiètent pour l’avenir de la Tunisie après le départ de son président. Pour le quotidien L’Humanité, «l’état d’urgence n’y changera rien». Des mots et des maux.
Les événements que vit, ces jours-ci, la Tunisie resteront à jamais dans les annales de l’Histoire. Ce que Benali, au pouvoir depuis 23 ans, n’a jamais pu pressentir, a eu lieu à la surprise générale: quitter le pouvoir et de quelle façon. Le Figaro redoute une «transition politique délicate», après ce départ. Pour ce quotidien à grand tirage, «il va falloir beaucoup de sang-froid pour rétablir le calme dans les rues et ramener le débat à la sphère politique dans un pays où l’opinion a été laminée». Une chose est sûre: ce qui va se jouer dans les prochains jours à Tunis dépasse les prérogatives des décideurs de la Tunisie, qui a vu, vendredi, s’effondrer comme un château de cartes l’autocratie qu’exerçait le président Zine el Abidine Ben Ali.
L’éditorialiste du quotidien anglais The Guardian, estime que la décision prise par le désormais ex-président de la Tunisie, peut servir le pays et le Monde arabe dans sa globalité. «C’est une avance démocratique et un réveil pour une région où une tendance vers des dynasties républicaines – en Syrie, la Libye et l’Egypte – est assise à côté des monarchies héréditaires et des Emirats du Golfe et du Maroc», a écrit Ian Black.
Dans un contexte identique, le célèbre quotidien américain The New York Times, s’est illustré par cette phrase très significative: «Laissons le peuple tunisien montrer la voie pour le reste du monde arabe.» La Tunisie est sur le fil du rasoir. L’avenir proche doit apporter des solutions concrètes afin éviter d’autres dérapages. Le nouveau gouvernement tunisien, lit-on dans la version on line du journal, doit clarifier les prochaines étapes pour convaincre et apaiser la tension qui a gagné les quatre coins du pays.
En titre écrit en gras le quotidien saoudien Asharq Al Awsat,: «La Tunisie explose…et le président s’enfuit». Un «no comment». En Tunisie, nombre de quotidiens arabophones et francophones ont mis l’accent sur une maxime: «La volonté du peuple triomphe.» Le quotidien Essabah a, pour sa part, souligné que les jeunes Tunisiens ayant accepté, par le passé, de dire «Oui à Ben Ali», ont tenu un autre langage. Vendredi, par des dizaines de milliers, ils ont investi la rue. Le «Oui» d’hier, cède la place aujourd’hui, à un «Non» impératif que des milliers des ces jeunes ont scandé comme un seul homme. Le quotidien marocain, Libération, estime dans son réquisitoire que «Ben Ali a signé sa mort politique». La Tunisie est aujourd’hui à la croisée des chemins. Ben Ali est parti et les étapes restantes doivent être entamées dans la stabilité pour éviter un saut dans l’inconnu. (L’Expression-16.01.2011.)
**Quand la femme s’implique dans l’émeute
La femme tunisienne a démontré au monde entier que l’émeute et la manifestation ne sont pas l’apanage des hommes.
En Tunisie, les mouvements de protestation qui durent depuis près d’un mois déjà sont marqués par un fait: la mixité des manifestants.
Les femmes tunisiennes ont bravé le régime policier en participant aux actions menées depuis un mois et qui ont abouti à la chute de Ben Ali, de son gouvernement et de son système.
Les femmes étaient mobilisées pour contribuer au soulèvement populaire et ont pris part à toutes les actions de rue. Brandissant des banderoles, entonnant à tue-tête des slogans hostiles au pouvoir, la mobilisation de la femme tunisienne, conjuguée à la formidable mobilisation de la société toute entière, a fini par payer.
Durant toutes ces émeutes et manifestations, les femmes tunisiennes ont joué un rôle central et prépondérant.
Les images en boucle diffusées par les chaînes de télévision étrangères montrant des femmes au milieu des foules ont surpris plus d’un.
Jeunes filles pour la plupart, elles ont participé à la révolution des Jasmins.
L’implication de la femme dans les événements de Tunisie a démontré également l’avance prise par rapport aux autres pays de l’Afrique du Nord et du Monde arabe en général. Politiquement parlant, les femmes tunisiennes n’ont fait que confirmer une certitude: le degré de conscience des Tunisiens et leur capacité à dépasser le raisonnement archaïque des sociétés islamisées à outrance et qui voient en la femme une créature éternellement mineure.
D’ailleurs, plus que dans tout autre pays de la région, les Tunisiennes se considèrent comme étant des citoyennes à part entière dans le pays; l’égalité entre les hommes et les femmes étant une réalité palpable et non un slogan. Qui osera donc dire encore que la femme doit rester toujours dans son foyer quand les hommes font la guerre et l’insurrection dans les rues? Pas les Tunisiens en tout cas. A plus forte raison que les islamistes n’ont aucune influence dans ce pays qui a jusque-là, rompu avec toute idéologie extrémiste.
Le caractère mixte des mouvements de protestation dissuadera le dernier des hommes qui aura cru que la femme est pour toujours – à défaut d’être son égal – un être qui lui est inférieur. Les émeutes en Tunisie ont démontré un autre fait marquant en dehors de la destitution de Ben Ali par un mouvement populaire- qui est celui de l’accélération extraordinaire et très rapide des événements.
Sous d’autres cieux, des soulèvements populaires qui ont duré plusieurs mois n’ont abouti à aucune décision historique.
En Tunisie, un mois de protestations, qui a été jalonné par trois discours présidentiels, a abouti au limogeage de deux ministres, la dissolution du gouvernement, l’annonce d’élections législatives anticipées, l’ordre de libération de toutes les personnes arrêtées, l’ouverture du champ politique et médiatique, l’instauration de l’état d’urgence et, signe des temps, la fuite du président Ben Ali de la Tunisie, laissant vacant son poste qui sera occupé par le Premier ministre pour quelques heures avant que le Conseil constitutionnel n’intervienne pour installer le président du Parlement à la tête de l’Etat en attendant qu’une élection présidentielle soit tenue dans un délai de 60 jours.
Incroyable scénario et fulgurante précipitation des événements dans une Tunisie qui n’a pas pu supporter un président dont le mandat est renouvelé il y a à peine une année avec plus de 90% des voix exprimées. (L’Expression-16.01.2011.)
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**La révolution du jasmin
«Lorsque le peuple un jour veut la vie, Force est au destin de répondre, Aux ténèbres de se dissiper, Aux chaînes de se briser…Qui n’aime pas la montagne, Vivra éternellement au fond des vallées.»
Abou el Kassem Echebbi
Un coup de tonnerre. Le peuple tunisien s’est libéré, après cinquante-cinq ans de parti unique, de deux présidents. Il n’acceptera pas qu’on lui vole sa révolution. La promesse du président Zine El-Abidine Ben Ali de quitter le pouvoir à l’issue de son mandat en 2014, annoncée jeudi soir 13 janvier à la télévision, ne semble pas avoir calmé les esprits. Vendredi, les manifestations hostiles au pouvoir se poursuivaient dans le centre de Tunis, après près d’un mois d’émeutes dans l’ensemble du pays. «Non à Ben Ali», «Soulèvement continu, non à Ben Ali», crient les manifestants, qui n’ont pas été inquiétés par les policiers. «Le ministère de l’Intérieur est un ministère de la terreur», «Hommage au sang des martyrs» ou encore «Non aux Trabelsi (la belle-famille du président) qui ont pillé le pays», scandent également les manifestants. «Je vous ai compris», a martelé à plusieurs reprises le chef de l’Etat, âgé de 74 ans.(1)
Une rhétorique malsaine
Le problème du pouvoir d’achat a pris très vite un tour politique. Tariq Ramadan dans un billet, un mois après le début des émeutes, écrit: «La Tunisie n’est pas une démocratie: c’est une dictature qui pratique l’assassinat politique, la torture et dont le gouvernement vit de la corruption la plus répandue. Il faut soutenir la population en général et les jeunes en particulier qui descendent dans la rue et qui demandent à ce que leur liberté et leurs droits soient protégés et respectés. Il est l’heure, il est temps, de mettre un terme à cette mascarade de démocratie et de progrès soi-disant «modernistes», destinée à tromper les touristes ou les «mal-informés». Il est l’heure, il est temps, de dire au peuple qui se réveille que nous sommes de son côté, que nous ne sommes point dupes et que les Tunisiens ont raison de se révolter. Quant à tous ceux qui font silence ou qui veulent préserver leurs intérêts politiques, économiques ou touristiques… il leur restera la honte. Que ces émeutes finissent par le succès ou l’échec, il restera le principe et la cause: résister à un dictateur et dénoncer ses alliés (dictateurs, démocrates ou/et hypocrites).»(2)
Une petite remarque au remueur de foules naïves en Europe où il écume les plateaux en développant une rhétorique malsaine, lui permettant de dire le tout et son contraire. Bref, pas un mot du petit-fils de Hassan El Banna concernant le régime égyptien et l’assassinat de ses frères coptes.
Bref, et pour revenir au pouvoir tunisien pendant 23 ans 3 mois et sept jours, il faut affirmer objectivement que pendant ces 8495 jours, beaucoup de choses sont à l’actif de ce pouvoir, il est indéniable que le niveau de vie a augmenté, que la Tunisie était considérée comme un pays émergent, que la sérénité y régnait et tous les présidents français de gauche comme de droite ont loué sa gouvernance. De plus, tous les pays occidentaux qui ne veulent maintenant plus de Ben Ali -La France de Nicolas Sarkozy qui a été accueilli avec ferveur lors de son voyage en Tunisie, ne souhaite pas accueillir Ben Ali- eux qui l’ont soutenu et l’ont encouragé car c’est le dernier rempart contre l’intégrisme. De ce fait, ils ont une responsabilité dans la nécessité pour le pouvoir d’être encore plus coercitif vis-à-vis du peuple tunisien. Michèle Alliot-Marie, la ministre française des Affaires étrangères, n’est-elle pas allée jusqu’à proposer aux gouvernements algérien et tunisien «le savoir-faire français en matière de maîtrise des émeutes? Nous lisons: «Nous proposons que le savoir-faire, qui est reconnu dans le monde entier, de nos forces de sécurité permette de régler des situations sécuritaires de ce type. C’est la raison pour laquelle nous proposons aux deux pays [Algérie et Tunisie, Ndlr], dans le cadre de nos coopérations, d’agir en ce sens pour que le droit de manifester puisse se faire en même temps que l’assurance de la sécurité.»
Jacques Chirac est allé jusqu’à dire que les droits de l’homme c’était de fournir le pain, la santé et l’éducation. Il a raison en partie mais qu’en est-il des privations de liberté? de la mal-vie, du constat d’une société à deux vitesses avec des fortunes imméritées qui ont jailli du néant et surtout de la «Hogra»? Autant de malheurs qui, ajoutés les uns aux autres, font l’incendie que même les complicités occidentales par leur mutisme ne peuvent longtemps réprimer.
«Les pays européens, écrit Mohamed Belaali, la France de Sarkozy en tête, prompts d’habitude à s’immiscer dans les affaires iraniennes ou ivoiriennes par exemple, se sont, cette fois, contentés de quelques communiqués après des semaines de silence complice: «La Tunisie est confrontée à des problèmes économiques et sociaux. Seul le dialogue permettra aux Tunisiens de les surmonter», disait platement un communiqué du ministère français des Affaires étrangères. Quel contraste entre la violence de la propagande menée contre l’Iran au printemps 2009 lors de l’élection présidentielle, et la platitude des déclarations officielles à propos de la révolte du peuple tunisien? Il suffisait à l’époque de lire les titres des journaux et de regarder les images diffusées en boucle par les télévisions américaines et européennes pour se rendre compte de la haine que voue l’impérialisme à la République islamique d’Iran. La révolte du peuple tunisien, elle, ne mérite que mépris et silence. Car «la Tunisie est un pays ami, nous sommes extrêmement vigilants sur ce qui se passe là-bas et fortement préoccupés (…) En même temps, la France n’a pas à s’ingérer dans les affaires de la Tunisie», déclarait Luc Chatel sur Radio Classique et i-Télé.»(3)
Véritable bombe
«C’est que la France est l’un des premiers investisseurs étrangers en Tunisie. Elle occupe même la première place quant au nombre d’entreprises installées dans ce pays (1200 entreprises). On peut citer pêle-mêle Lacoste, Valeo, Sagem, Danone, Sanofi-Aventis, Fram, Accor, Club Med, BNP-Paribas, Société Générale, Groupe Caisse d’épargne, etc., etc. Il faut donc, vaille que vaille, sauver Ben Ali et sa dictature. Mais la bourgeoisie française craint par-dessus tout la victoire du peuple tunisien et l’installation au Maghreb d’une véritable démocratie qui donnera l’exemple à tous les peuples du monde arabe dirigé aujourd’hui par des régimes anachroniques, soutenus, financés et armés par l’impérialisme américain et son caniche européen. (…) Le soulèvement du peuple tunisien aujourd’hui, son courage et sa détermination à affronter l’un des régimes les plus répressifs, montre la voie à suivre à tous les opprimés non seulement du Maghreb mais de tout le monde arabe! Les masses populaires arabes ont trop souffert de cette complicité objective de leurs propres bourgeoisies corrompues jusqu’à la moelle épinière et de la bourgeoisie occidentale qui les maintient dans la dépendance et la misère. Le monde arabe est aujourd’hui une véritable bombe qui peut exploser à n’importe quel moment. Longtemps exploitées, marginalisées, humiliées, les masses populaires arabes relèvent lentement la tête et essayent de sortir de cette longue nuit dans laquelle elles ont été plongées.»(3)
Partout dans le monde, les peuples se libèrent des griffes des despotes qui les maintenaient en état de sujétion. Les fausses démocraties pour servir de couverture à une classe de nouveaux riches, dont le seul souci est de se construire des empires sur le dos du peuple en un temps record et sans se fatiguer, ont atteint leur fin de cycle. Dans notre pays, Octobre 88 a été, malgré la manipulation, une première remise en cause par les couches les plus défavorisées de la mainmise de cette classe sur les leviers du pouvoir et de la boulimie qui s’est emparée d’elle avec l’accession de Chadli Bendjedid à la Présidence. Le FIS, ayant réussi à capter le mécontentement populaire et à le canaliser vers des revendications politiques, devint l’ennemi principal à abattre. Aujourd’hui, la triste réalité est là devant nous: un peuple perverti et appauvri, dans un pays livré à la corruption et la gabegie; le règne du bricolage dans tous les domaines, la manipulation et le clientélisme érigés en méthode de gouvernement.
Le peuple tunisien nous donne en ce moment même la plus belle leçon de l’Histoire du Maghreb postcolonial. Ce peuple qu’ils ont si longtemps étouffé et terrorisé pendant qu’ils construisaient leur empire ne veut plus se laisser faire. La jeunesse des quartiers populaires, qui voit tous les horizons se boucher devant elle pendant que les enfants de la nomenklatura au pouvoir se préparent à prendre la relève de leurs parents à la tête des fortunes colossales que ces derniers ont bâties avec l’argent du peuple, n’accepte plus ces règles du jeu iniques où les gagnants sont toujours les mêmes. Nous devons prendre acte de ce qui se passe en Tunisie et aller vers une transition paisible qui permette à celles et à ceux qui ont à coeur cette Algérie d’exprimer pacifiquement leur volonté et de s’engager résolument dans la construction d’une nouvelle Algérie, une Algérie de justice et de liberté.
Nomenklatura
Nous n’avons rien à attendre de l’Occident qui nous manipule continuellement. Le refus opposé au président tunisien rappelle étrangement ce qui est arrivé au Shah d’Iran malade et que les Etats-Unis n’ont pas voulu accueillir. Il n’a pu trouver refuge qu’en Egypte chez un autre dictateur. La Tunisie aborde une transition politique dans des conditions très délicates. Le départ de Ben Ali satisfait la principale exigence d’un vaste mouvement de contestation dont les revendications étaient, à l’origine, avant tout de nature économique et sociale, mais qui s’est transformé en révolte politique sous le coup de la répression. La répression ne pouvait être une réponse aux revendications de la jeunesse. Une barrière psychologique a été brisée. Il va falloir beaucoup de sang-froid pour rétablir le calme dans les rues et ramener le débat à la sphère politique. Pour beaucoup de pays qui se trouvent dans une situation comparable, la transition qui s’amorce en Tunisie aura valeur de test. Les partis politiques qui, d’une façon ou d’une autre se sont accommodés du pouvoir, même les islamistes, vont tenter de récupérer cette vraie révolution qui aboutit au départ de Ben Ali. Plus rien ne sera jamais comme avant. Les Tunisiens auront eu leur épreuve du sang. Ils ne se laisseront plus manipuler. Puissent-ils profiter de leur «printemps» et contribuer à ce Maghreb qui nous tient tant à coeur. (L’Expression-16.01.2011.)
1.Des milliers de Tunisiens exigent le départ de Ben Ali. Le Monde avec Reuters 14.01.2011
2.TariqRamadan http://www.tariqramadan.com/De-la-Tunisie-de-l-Algerie-et-du.html
3.Mohamed Belaali: «Que l’étincelle tunisienne embrase tout le monde arabe!» http://www.legrandsoir.info/Que-l-etincelle-tunisienne-embrase-tout-le-monde-arabe.html
Pr Chems Eddine CHITOUR (*) Ecole nationale polytechnique
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**Des milices et des gangs armés sèment la terreur…saccages et de pillages
Les 24 heures, qui ont suivi la fuite de Ben Ali, ont été marquées par un climat d’insécurité créé par des gangs armés.
Tunis.
De l’envoyé spécial d’El Watan
Des brigades d’autodéfense sont improvisées aux accès de chaque quartier, parfois dans chaque résidence. C’est le cas dans la périphérie de la capitale, notamment à El Menzah et El Manar. Les 24 heures qui ont suivi la fuite de Zine El Abidine Ben Ali ont été marquées aussi par un climat d’insécurité créé par des gangs armés. Ces derniers, contrairement aux jeunes émeutiers qui cassaient tout sur leur passage en signe de protestation, semblent agir dans un but précis. Des citoyens rencontrés à El Manar II, munis de barre de fer, parlent de milices à la solde des barons du système Ben Ali. Ces derniers chercheraient à semer la terreur pour faire diversion ou régler des comptes, explique Nadji, un quinquagénaire rencontré hier au bas d’un immeuble. «Ce sont sûrement les hommes de Serriati (un haut responsable de la police, proche de Ben Ali, ndlr), Hamdoullah, il a été arrêté aujourd’hui.»
Ces milices s’attaquent aux biens et aux personnes. Aussi, les populations se réjouissent du déploiement de l’armée après le retrait de la police. A l’aéroport, la police des frontières a été remplacée par des agents des services aéroportuaires.
Quelques centaines de mètres plus loin, pourtant, à la place dite du Colisée Sola, l’armée a installé un point de contrôle, conformément aux dispositions du couvre-feu entré en vigueur depuis hier, probablement pour protéger entre autres une succursale de la banque UIB, filiale de la Société générale et le siège de Tunisie Télécom. «Hier, ils ont pu arrêter l’un d’eux, en possession de pistolets. Qui sont ces gens si ce n’est des agents en mission», ajoutera Nadji, sceptique et dépité par le dérapage de la situation.
Le déplacement des personnes a été réduit à néant à partir de 17h. Pas le moindre véhicule sur les routes, exception faite de quelques taxis conduits par des aventuriers. L’accès au centre-ville est interdit. Les voyageurs débarqués à l’aéroport Tunis-Carthage en fin d’après-midi ont été bloqués et obligés d’y passer la nuit.
Des chars déployés dans les carrefours et des soldats arme au poing, veillent à l’application stricte de leur mission et interpellent le moindre véhicule. Tunis, Sousse, Sfax et Hammamet vivent la même situation d’insécurité totale. Par ailleurs, cette même situation a conduit à des pénuries inédites. Dans les quelques boulangeries qui ont pu ouvrir hier, de longues files ont marqué la journée en quête de pain. Un pain rationné et limité à cinq baguettes par client. Dans plusieurs villes, c’est la distribution de lait qui a été interrompue.
Les Tunisois, rencontrés hier soir, espèrent à l’unanimité que cette situation cauchemardesque pour eux, change dans les jours qui suivent au fur et à mesure de la reprise en main des affaires du pays par les politiques chargés d’assurer la transition. (El Watan-16.01.2011.)
**l’incertitude
La capitale s’est réveillée sous tension et dans l’incertitude, après une nuit de pillages et le départ soudain en Arabie Saoudite du président sous la pression de la rue, après un mois d’émeutes.
La révolution populaire en Tunisie, qui a provoqué le départ précipité de Ben Ali, a ouvert la voie à une situation chaotique et à l’incertitude. L’abandon du pouvoir par le président tunisien, a été suivi par la montée en puissance d’une certaine violence faite de saccages et de pillages. Parallèlement au couvre-feu (de 18h00 à 06h00), la nuit de vendredi à samedi dans la banlieue de la capitale tunisienne. Tunis a connu de nombreux saccages de commerces, de voitures et de maisons, signalés un peu partout dans la proche banlieue de la capitale, à Bizerte… Hier, les Tunisiens étaient partagés entre le sentiment de satisfaction voire de fierté, et l’angoisse et la peur liées à l’incertitude quant aux développements de la situation en cours. La capitale s’est réveillée plongée dans une atmosphère de tension et d’incertitude, après une nuit de pillages et le départ soudain, en Arabie Saoudite, du président Zine El Abidine Ben Ali, sous la pression de la rue après un mois d’émeutes. Alors que les affrontements continuaient dans la matinée d’hier, le saccage de villas appartenant à la famille Trabelsi, au coeur de la riche banlieue de la Marsa, allait bon train. Ailleurs, dans le quartier huppé de Tunis, à El Menzah, de nouveaux pillages avaient lieu. L’avenue Bourguiba ressemble à un no-man’s-land. Plusieurs quartiers de la banlieue ont vécu une nuit d’angoisse en raison de destructions et de la mise à sac par des groupes de personnes encagoulées, selon les témoignages d’habitants apeurés, relayés par les télévisions locales. A la sortie nord de Tunis, l’hypermarché Géant a fait l’objet de pillage hier, après avoir été attaqué la veille, a-t-on constaté. Des dizaines de personnes sortaient du centre commercial bardées d’objets volés en l’absence des services de sécurité. Un poste proche de la Garde nationale avait été déserté. L’hypermarché avait été partiellement incendié la veille. Les pilleurs continuaient de briser hier les vitrines de magasins épargnés par les flammes. Plusieurs enseignes françaises comme Carrefour et Casino auxquelles sont associés des proches du pouvoir en Tunisie, ont été pillées ces derniers jours. Des appels ont été lancés à l’armée, qui protège dans le cadre de l’état d’urgence des bâtiments publics, l’incitant à intervenir contre ces bandes qui ont mis à sac les grands magasins de la capitale et d’autres villes de Tunisie. Les spéculations allaient bon train sur l’identité des responsables de ces pillages.
Si certains habitants parlent de miliciens liés aux proches du président en fuite, les uns ont évoqué des prisonniers de droit commun évadés de centres de détention, tandis que d’autres accusent des éléments de la police. Avant-hier, à Gammarth, banlieue résidentielle chic du nord, c’est avec rage, sans qu’intervienne le moindre policier et sous les regards souvent approbateurs d’adultes, que des centaines de jeunes ont pillé et incendié les somptueuses demeures que possède, dans ce coquet quartier, la famille Trabelsi, précise-t-on. Par ailleurs, 42 détenus ont péri dans l’incendie d’une prison de Monastir, dans le centre-est de la Tunisie, a indiqué un médecin de l’hôpital local. Il s’agit de l’incident le plus meurtrier depuis le début, il y a un mois, des émeutes qui ont conduit à la fuite de Ben Ali. Les répercussions négatives sur la situation ont fait que quelque 5000 touristes allemands devaient être rapatriés dés hier de Tunisie en raison des violences et de l’incertitude régnant actuellement dans le pays, ont indiqué des voyagistes allemands. Des militaires et des forces de sécurité ont procédé hier, à l’arrestation des dizaines de pilleurs présumés et les ont embarqués dans des camions. Des voitures volées étaient abandonnées dans les rues et des boutiques et résidences de luxe ont été incendiées, les propriétés de la famille de Ben Ali et de son épouse Leïla Trabelsi étant particulièrement ciblées. Des portraits de l’ex-président ont été brûlés et des jeunes gens commentaient dans des cafés bondés les derniers événements. (L’Expression-16.01.2011.)
**Les vivres commencent à manquer à Tunis
Des Tunisiens devant un magasin à Den Den, près de Tunis, samedi.
De nombreux citoyens ont appelé l’armée à organiser la réouverture de boulangeries et d’épiceries, les restrictions à la circulation et le pillage de nombreux dépôts ayant désorganisé les circuits de distribution des denrées de première nécessité.
Face à la tension ambiante, les Tunisiens s’organisent. Nombre d’entre eux ont formé samedi des comités de vigiles pour défendre leurs quartiers face aux pillards, après la multiplication des mises à sac et des agressions en province et dans la capitale.
Un manque de vivres a notamment commencé à se faire ressentir dans la capitale. De nombreux citoyens ont demandé à l’armée d’organiser au moins la réouverture de boulangeries et d’épiceries. «J’ai passé la journée avec une famille nombreuse et on n’a eu qu’un repas», a raconté un cadre du nord de la ville. «J’ai passé la journée à me tourner les pouces, incapable de satisfaire les demandes des clients», a renchéri Salah Ben Zekhri qui tient un petit commerce près de la banlieue de Radès, au sud de la capitale.
Des journalistes de l’AFP ont de leur côté affirmé avoir vu de longues files se former devant les rares boulangeries ouvertes dans plusieurs quartiers de la banlieue nord, tandis qu’un grand hôtel de Tunis a indiqué commencer à ressentir un manque d’approvisionnement. «La cuisine n’a pas été livrée depuis une semaine, on vit sur les réserves et on a commencé à fabriquer notre pain», a déclaré un responsable de cet établissement.
Les restrictions à la circulation et le pillage de nombreux dépôts ont désorganisé les circuits de distribution des produits de première nécessité. Si les autorités se veulent rassurantes, elles ont toutefois admis un «certain manque» de carburants dans les stations-service, et affirmé travailler pour y remédier.
Appels au secours
Quelques appels au secours ont également été relayés par les télévisions. Ils ont été lancés par des habitants de quartiers du sud de Tunis, qui réclamaient la venue de l’armée après avoir observé des mouvements suspects. «Mes fils passent la nuit sur le toit à guetter tout mouvement suspect», a rapporté un habitant de Mornag, situé à 16 km au sud de Tunis, qui comme beaucoup de Tunisiens s’est mobilisé pour se protéger.
Dans le village de Sidi Bouzid au nord de Tunis, l’armée a demandé à des jeunes vigiles de ne pas se faire trop visibles, avant finalement d’admettre leur présence dans la rue. La condition : qu’ils soient habillés de blanc afin d’être facilement identifiés. Le puissant syndicat, l’Union générale des travailleurs tunisiens (Ugtt), a de son côté invité ses structures et ses adhérents à se joindre ou à encadrer les comités de vigiles. Des structures qui se sont multipliés en province, selon différentes sources. (Le Figaro-16.01.2011.)
**L’enthousiasme se mêle à l’inquiétude en Tunisie après l’éviction de Ben Ali samedi.
Avec le risque que la révolution ne profite pas à ceux qui l’ont faite.
Des manifestants à Tunis vendredi.
La perspective d’élections législatives anticipées d’ici deux mois pose la question de la succession au pouvoir du président déchu Ben Ali, alors que l’opposition n’est pas fédérée . Avec le risque que la révolution ne profite pas à ceux qui l’ont faite.
L’enthousiasme se mêle à l’inquiétude en Tunisie après l’éviction de Ben Ali samedi. Si la révolution populaire porte en elle l’espoir d’une transition en douceur vers un régime démocratique, la fuite du président tunisien fait craindre la récupération du pouvoir par des membres de son entourage.
Car l’opposition n’est pas à ce jour fédérée. «Aucune figure ne peut aujourd’hui prétendre incarner à elle seule l’opposition, ni aucun parti d’ailleurs. Et les islamistes qui sont basés à Londres ont très peu de relais en interne, explique au Figaro.fr Karim Emile Bitar, de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). La seule solution serait que toutes les figures de l’opposition opposants extérieurs, intellectuels, syndicalistes – se rassemblent dans une sorte de coalition qui pourrait rassurer le peuple». «Si les leaders de l’opposition dite démocratique paraissent crédibles, cette opposition est faible, car le régime ne lui a jamais laissé beaucoup de place jusqu’ici» estime de son côté Vincent Geisser, chercheur au CNRS dans une interview au Figaro.
Révolution populaire, révolution de palais
Selon Karim Emile Bitar, une question essentielle se pose désormais : «cette révolution bénéficiera-t-elle à ceux qui l’ont faite ou va-t-elle être confisquée ?» Car derrière le départ précipité de Ben Ali en Arabie Saoudite, puis son éviction, il pourrait se cacher non pas une, mais deux révolutions : une révolution populaire et une révolution de palais. Autrement dit, l’armée, dont l’image n’est pas associée à la répression du régime de Ben Ali qui s’appuyait sur la police, était en désaccord avec le président sur sa manière de gérer les émeutes et aurait exigé son départ. L’armée pourrait donc jouer un rôle clé dans les jours à venir pour stabiliser la situation. «L’armée n’est pas politisée. Elle n’a pas joué le jusqu’au-boutisme en faveur de Ben Ali. On a même vu des militaires retourner leurs armes contre les policiers. L’armée a joué un rôle d’apaisement pour éviter le carnage» confirme Vincent Geisser.
Mise à l’écart
Autres acteurs qui pourraient chercher à s’approprier le pouvoir, selon des experts et des opposants : les membres de l’entourage de Ben Ali encore aux commandes. Les membres du gouvernement «sont des proches de Ben Ali, ils vont essayer de garder le pouvoir, mais ça va être difficile pour eux», estime encore Karim Emile Bitar. «Est-ce que la tête de Ben Ali et de la belle-famille suffiront ?, s’interroge de son côté Didier Le Saout, spécialiste des mouvements sociaux au Maghreb. On n’a pas encore vu de comités locaux révolutionnaires émerger. Si les manifestations retombent, cela pourrait redonner une légitimité à quelqu’un du système après une mise à l’écart des personnes les plus marquées».
Qui alors pourrait assurer la transition démocratique ? Les chercheurs considéraient le premier ministre Mohammed Ghannouchi à même de jouer ce rôle jusqu’à des élections. Mais son intérim n’a duré que 24 heures, le Conseil constitutionnel ayant proclamé le président du Parlement chef de l’Etat transitoire. (Le Figaro-15.01.2011.)
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**Après la fuite de Ben ali …L’incroyable volte-face de Paris
L’abdication du président tunisien devant la pression grandissante de la rue n’est pas surprenante en elle-même, tant la détermination des manifestants prenait davantage d’ampleur à chaque victime supplémentaire annoncée. Ce qui a surpris tout le monde, c’est l’accélération des événements et la rapidité avec laquelle Ben Ali a décidé de quitter la Tunisie, quelques heures seulement après s’être adressé à la nation et promis de réformer profondément un régime sclérosé qu’il a dirigé d’une main de fer durant vingt-trois ans. Tout au long d’un mois d’émeutes sanglantes, alors que des manifestants étaient fauchés à la fleur de l’âge par dizaines sous les balles des policiers, ce qui aura frappé les esprits, c’est la mollesse des réactions de la communauté internationale.
Exception faite, peut-être, de la pression américaine sur le palais de Carthage pour mettre fin à la tuerie et respecter davantage les droits de l’homme et les libertés, le monde est resté plutôt passif face à la tragédie. Le président américain Barack Obama a salué le “courage et la dignité” du peuple tunisien, après la fuite du président Ben Ali, et appelé le gouvernement à organiser des élections “libres et justes” dans “un proche avenir”, selon un communiqué de la Maison-Blanche. “Je condamne et déplore le recours à la violence contre des citoyens qui ont exprimé pacifiquement leur opinion en Tunisie et applaudis le courage et la dignité du peuple tunisien”, a fait savoir
M. Obama, saluant “une lutte courageuse et déterminée pour des droits universels”. “Nous nous souviendrons longtemps des images du peuple tunisien cherchant à faire entendre sa voix”, a-t-il affirmé.
Ainsi, il a fallu plus de deux semaines et plusieurs morts, pour que l’Union européenne, par la voix de sa chargée des Affaires étrangères, daigne enfin demander à Ben Ali de faire cesser la tuerie. La France, pour sa part, aura adopté une espèce de politique de l’autruche et le peu de réactions de ses officiels, arrachées sous la pression d’une opinion publique révoltée, étaient très en deçà de la fermeté qu’exigeait la gravité des évènements. La France officielle lorgnait davantage du côté du palais de Carthage que de celui de la rue, chaque jour davantage colorée de rouge. En un mot comme en dix, la solidarité de la France officielle, lorsqu’elle s’est exprimée, est allée non pas aux Tunisiens, qui bravaient la mort pour leur liberté et leur dignité, mais vers ceux-là mêmes qui les leur ont confisquées depuis plus de deux décennies. En la matière, la très officielle proposition de la ministre française des Affaires étrangères faite aux autorités tunisiennes et algériennes pour les faire bénéficier de la technicité de l’appareil répressif tricolore est digne d’être répertoriée parmi les grands chefs-d’œuvre de “l’anti-diplomatie” mondiale. Mais il faut dire que de l’autre côté de la Méditerranée, Ben Ali était perçu comme un allié utile, voire un ami. Tous les politiques français, exception faite de personnalités de l’opposition de gauche, qui se sont succédé sur les plateaux de télévision ont mis en avant les qualités et l’utilité indiscutables du président Ben Ali.
Resté étrangement silencieux durant près d’un mois qu’ont duré les émeutes tunisiennes et la répression sanglante du pouvoir, laissant le soin à ses “collaborateurs” de verser des larmes de crocodile, tout en défendant l’ami Ben Ali via des formules maladroites et gênées, le président Sarkozy est sorti de sa réserve sitôt la nouvelle de la fuite du maître de Carthage connue. L’ami déchu sentait soudain le souffre et il n’était pas souhaitable que Ben Ali mette les pieds sur le territoire français ! Quelle volte-face en vérité ! Mais, au-delà de l’attitude honteuse de la France, les événements de Tunisie interrogent les consciences sur l’attitude plus générale de ce qu’il est convenu d’appeler la communauté internationale.
(Liberté-16.01.2011.)
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Les régimes arabes craignent un effet dominos .
La Jordanie et la Libye ont anticipé les émeutes de la vie chère en procédant aussi à la baisse des prix des produits alimentaires de première nécessité. Les régimes arabes ont en partage tous les facteurs qui ont conduit in fine à l’expulsion de Ben Ali.
Un président chassé par sa rue ! Une première dans les annales de l’histoire politique du monde arabe pourtant largement ponctuée de coups d’État, de transmissions au sommet des pouvoirs, d’instaurations de régimes dynastiques et de répressions violentes.
Les émeutes en Tunisie ont été suivies avec inquiétude dans le monde arabe où des situations plus ou moins identiques pourraient advenir. Les mêmes causes produisent les mêmes effets dans d’autres pays aussi vulnérables à la contestation. Et il n’y a pas un seul pays arabe qui, aujourd’hui, peut se targuer d’être un havre de paix, encore moins un îlot de sécurité. L’Algérie vient de connaître des troubles imputés à l’huile et au sucre !
La Jordanie et la Libye ont anticipé les émeutes de la vie chère en procédant aussi à la baisse des prix des produits alimentaires de première nécessité. Les régimes arabes ont en partage tous les facteurs qui ont conduit in fine à l’expulsion de Ben Ali. L’image du président tunisien fuyant précipitamment le palais de Carthage pour voler au-dessus de la Méditerranée plus de six heures avant d’obtenir l’asile en Arabie Saoudite est certainement dans leurs esprits.
Même la France qui l’a protégé durant les émeutes, après avoir fermement couvé sa dictature, ne s’est pas sentie redevable de quoi que ce soit, dès lors qu’il n’était plus assis sur le fauteuil présidentiel. Une leçon à méditer par tous les pairs de Ben Ali qui estiment tirer des forces d’appuis étrangers. Et l’histoire est pleine de ces dirigeants abandonnés à leur sort comme l’ont été le shah d’Iran et le dictateur des Philippines, pour ne citer que des pièces maîtresses de stratégies américaines. Et cette autre image plus frappante : des membres et clients de la nomenklatura, abandonnant des biens mal acquis pour essayer de joindre par mer, des cieux plus cléments, aéroports et frontières terrestres leur étant fermés. Il est vrai cependant que la situation en Tunisie est assez différente de ce qui prévaut sur la scène arabe. C’est toute la Tunisie qui est descendue pour dire non à Ben Ali. Refusant toutes les concessions de celui-ci, les Tunisiens sont restés fermes dans leur revendication de voir s’instaurer chez eux la démocratie, l’universelle et non plus celle spécifique, inventée par les autocrates et dictateurs arabes : les droits de l’homme, le pain dans la dignité, c’est-à-dire une bonne gouvernance transparente et révocable par des élections libres et une presse libre. Le sempiternel paradigme sécuritaire a volé en éclats, démontrant, s’il en est besoin, que l’histoire de rempart au terrorisme est derrière le pays. Le plus, qui a caractérisé les émeutes tunisiennes, est que dans ce pays, paradoxalement, Ben Ali aura réussi le pari de forger une véritable classe moyenne, bien éduquée, entrepreneuriale et au sens aigu du service public. Dans les pays pétroliers, les “bagarras” ont pris la place des classes moyennes en gestation pour miner des apparatchiks dans l’accumulation par la rapine. C’est ce qu’a fait la belle-famille de Ben Ali dont les biens ont été particulièrement ciblés par les pilleurs à propos desquels on ne finit pas de s’interroger chez les manifestants tunisiens. Reste que les évènements de Tunis ont montré en tout cas que des révolutions de velours peuvent se faire dans un pays arabe. Pour la première fois, des gens se sont levés pour dire ça suffit et cela a été une réussite. Quel que soit le montage du nouvel attelage, le nouveau pouvoir qui apparaîtra devra composer avec la rue.Tout a été verrouillé sous Ben Ali, tout est donc à revoir. Il lui sera difficile de ne pas tenir compte de ce miracle tunisien dans un monde arabe tétanisé par ses dirigeants : les Tunisiens ont montré qu’ils ne sont plus un peuple qui sombre dans l’obéissance, ils ont désobéi même en payant le prix fort. Ce réveil doit être la hantise chez de nombreux régimes arabes. L’effet de dominos de la révolution tunisienne n’est pas du tout une vue de l’esprit. (Liberté-16.01.2011.)
**Il n’y a rien de mieux que l’alternance…
L’orage qui a éclaté sur la région a posé les problèmes fondamentaux qui affectent toutes les sociétés modernes situées au sud de la Méditerranée ou du mur de la honte dressé par les spécialistes de la démocratie entre les USA et le Méxique: la priorité du pain et de la démocratie.
Les classiques soutiennent qu’il suffit de donner du pain aux peuples d’ilotes pour assurer la paix sociale: panem et circenses! disaient-ils pour illustrer la stratégie politique des autocrates romains. Il serait bon de rappeler aux tenants du libéralisme que la théorie de la lutte des classes, avant qu’elle ne soit pervertie par des mafias locales, n’est qu’une lente montée vers un ordre démocratique, avec des reculs et des avancées. La suppression de l’ordre esclavagiste, la marginalisation du féodalisme aux pays du tiers-monde ont assuré l’installation de la bourgeoisie pour une durée indéterminée, mais limitée comme tous les systèmes politiques imaginés par les hommes pour organiser des sociétés cohérentes et viables.
Il serait vain de chercher à disserter sur un sujet aussi vaste que le sens et la nature de la démocratie présentée par tous les régimes développés comme le meilleur système de gestion des peuples: de la démocratie grecque qui maintient une classe dans la servitude, de la démocratie américaine qui instaure la dictature du dollar et du profit qui a maintenu la race noire en esclavage pendant des siècles avant de l’approcher à la marge des libertés durant le siècle dernier. La démocratie suisse aurait été la plus séduisante si elle n’avait pas ouvert la porte à la xénophobie. Seule la démocratie suédoise semble, loin des zones de conflit et des dérèglements climatiques, à l’abri des critiques. Sans chercher à explorer les diverses voies et recettes qui mènent à la démocratie salvatrice, il est bon d’en présenter son meilleur côté, celui qui lui donne avantage sur tous les systèmes proposés aux hommes de bonne volonté: l’alternance.
Il n’y a rien de mieux que l’alternance, quand le mandat de l’élu est limité dans le temps et dans l’espace: dans le temps par des textes restrictifs et dans l’espace par une rigoureuse séparation des pouvoirs ainsi qu’elle a été définie par les philosophes du siècle des Lumières. La tendance qu’ont certains hommes politiques à vouloir s’octroyer des mandats ad vitam aeternam se répand dans les pays à constitution à géométrie variable engen-dre non seulement des maux qui sclérosent la société mais aussi amène vite une certaine lassitude chez ceux qui sont frustrés. Même le général de Gaulle n’a pas échappé à ce travers: Michel Delpech l’a utilisé dans sa célèbre chanson qui comporte ce leitmotiv lancinant: «Et toujours, le même président…»
L’alternance au pouvoir, c’est-à-dire la succession des partis et des systèmes de gestion, a deux vertus: elle permet au successeur de corriger les erreurs du précédent, mais surtout, elle donne au peuple une nouvelle raison en des jours meilleurs. (L’Expression-16.01.2011.)
*La Tunisie, un avertissement pour d’autres pays arabes
Des Egyptiens manifestent devant l’ambassade de Tunis au Caire, brandissant des pancartes où l’on peut lire : «Révolution en Tunisie, demain en Egypte».
Certains spécialistes estiment que la «Révolution du jasmin» pourrait créer un effet d’entraînement dans les régimes autoritaires de la région. Mais des disparités locales demeurent.
Faut-il y voir un signe ? Les journaux du monde arabophone étaient nombreux, ce samedi, à saluer le départ du président tunisien Ben Ali sous la pression de la rue. «La révolte populaire des Tunisiens est à présent le nouveau phare du monde arabe», estimait le quotidien algérien El-Watan, tandis que le libanais An-Nahar prévoyait des répercussions « dans plus d’un pays de la région». Vendredi soir, des dizaines d’Egyptiens se sont joints au Caire à un groupe de Tunisiens pour célébrer le départ de Ben Ali, scandant «Ecoutez les Tunisiens, c’est votre tour les Egyptiens !»
Samedi, hormis quelques pays comme l’Egypte ou le Qatar, la plupart des gouvernements arabes restaient prudents ou silencieux samedi après la chute du président tunisien.
De l’avis de plusieurs spécialistes, le modèle tunisien pourrait inspirer les populations voisines sous le coup de régimes autoritaires, d’autant qu’elles souffrent souvent de problèmes semblables à ceux qui ont poussé les Tunisiens à se soulever. En Algérie, voisine de la Tunisie, des émeutes meurtrières ont aussi eu lieu en janvier sur fond de hausse des prix de produits alimentaires de base. En Jordanie, des milliers de personnes ont manifesté vendredi dans plusieurs villes pour protester contre le chômage et l’inflation, mais aussi réclamer la chute du gouvernement.
«Les ingrédients que l’on trouve en Tunisie sont aussi présents ailleurs», du Maroc à l’Algérie, de l’Egypte à la Jordanie, qu’il s’agisse du chômage, de la répression policière ou des entraves à la démocratie», analyse Amr Hamzawi, du centre pour le Proche-Orient de la fondation américaine Carnegie. Selon lui, l’exemple tunisien a en outre l’intérêt de montrer que le changement peut venir des sociétés arabes elles-mêmes. «Il n’y a pas eu besoin d’une invasion comme en Irak. C’est une énorme leçon pour les régimes autocratiques», souligne-t-il.
Des situations locales très différentes
Mark Lynch, professeur de science politique et directeur de l’Institut d’études du Moyen-Orient à l’Université américaine George Washington, nuance toutefois les probabilités de voir ce soulèvement faire tâche d’huile. «On ne peut pas dire avec autant de certitude si ces émeutes vont réellement se propager, car les régimes en état d’alerte ne seront pas pris par surprise», estime-t-il dans une tribune publiée sur Slate.
En outre, note-t-il, «les manifestants manquent toujours d’une direction ou d’une autorité politiques claires» et « peu de partis politiques semblent jouer un quelconque rôle significatif, même du côté des islamistes». «Si (les manifestations) continuent à grossir face à la répression du régime, sans leadership précis, quel genre de changement peuvent-elles produire ?».
«Le message tunisien est très fort, estime pour sa part Amr al-Chobaki, de l’institut Al-Ahram du Caire. Mais savoir si ce qui s’y est passé peut se reproduire ailleurs, en Algérie ou en Egypte par exemple, reste difficile». La capacité d’adaptation des régimes autoritaires arabes pour survivre aux épreuves ne doit pas non plus être sous-estimée, souligne-t-il. En outre, les situations locales présentent des différences. La Tunisie est un pays où le régime ne laissait «aucune marge à la société civile ou à l’opposition», alors qu’en Egypte le système sait ménager de petites soupapes «qui permettent aux gens de se défouler» et de «retarder une explosion sociale».
En attendant, une nouvelle blague circule au Caire, donnant une idée de l’esprit de la «rue arabe»: «L’avion de Ben Ali est arrivé à Charm el-Cheikh (résidence du président égyptien Hosni Moubarak sur la mer Rouge), pas pour y rester, mais pour embarquer plus de passagers !».(Le Figaro-15.01.2011.)
**des inquiètudes montent dans certaines capitales
L’inquiétude perçait dimanche au Moyen-Orient après la chute du président tunisien Zine El Abidine Ben Ali sous la pression de la rue, les gouvernements redoutant le chaos dans le pays et l’opposition appelant à s’inspirer de ce soulèvement populaire.
« Nous sommes inquiets de la situation en Tunisie », a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères iranien, Ramin Mehmanparast. « Nous espérons que les demandes de la nation musulmane tunisienne seront satisfaites grâce à des moyens pacifiques et non-violents », a-t-il ajouté.
A Abou Dhabi, le gouvernement des Emirats arabes unis a exhorté les Tunisiens à faire preuve de « cohésion, à préserver (leur) unité et à éviter tout ce qui pouvait nuire à la sécurité et à la stabilité » de leur pays.
L’Organisation de la conférence islamique (OCI) a fait part de sa solidarité et exhorté la Tunisie à « préserver la sécurité et la stabilité ». Et le gouvernement koweïtien a appelé à « un consensus national afin de faire prévaloir les intérêts nationaux et éviter le chaos ».
Pour Israël, ce chaos en Tunisie profiterait aux islamistes. « Il y a aujourd’hui une grande crainte que les mouvements islamistes, qui jusqu’à maintenant étaient hors-la-loi, ne reviennent » en force, a déclaré le ministre israélien du Développement régional, Sylvan Shalom.
« La région où nous vivons est instable », a insisté le Premier ministre Benjamin Netanyahu, alors que de nombreuses populations arabes sont confrontées, comme les Tunisiens, à des difficultés économiques et à un régime autoritaire.
Mais les oppositions à ces régimes ont appelé de leurs voeux une éventuelle contagion.
En Jordanie, le Front de l’Action Islamique (FAI) a appelé « tous les régimes arabes à réexaminer leurs politiques ».
« La tyrannie est le principal problème du monde arabe », a insisté le FAI, qui organisait avec les Frères musulmans, les syndicats et des partis de gauche un sit-in devant le Parlement dimanche après-midi pour « dénoncer la politique économique du gouvernement ».
Des députés de l’opposition koweïtienne ont salué « le courage du peuple tunisien » et prévenu que de nombreux régimes étaient menacés. « Tous les régimes qui oppriment leurs peuple et luttent contre l’identité arabo-islamique connaîtront le même sort », a déclaré le député islamiste Walid al-Tabtabaï.
« C’est une leçon pour tous les peuples de la région », a estimé le député Ahmad al-Saadoun, un vétéran de la vie parlementaire.
A Khartoum, Moubarak al-Fadil, l’un des ténors de l’opposition soudanaise, a estimé que le pays était « prêt pour un soulèvement populaire ».
Un groupe d’ONG arabes, « Forum de la Société Civile du Golfe », a par ailleurs appelé l’Arabie saoudite à ne pas laisser le président déchu, réfugié à Jeddah, s’installer sur « une terre du Golfe ».
Au Yémen, un millier d’étudiants ont manifesté à Sanaa, appelant les peuples arabes à se soulever contre leurs dirigeants et scandant: « Tunis de la liberté, Sanaa te salue mille fois ».
Pour la Syrie et l’Iran, les déboires de M. Ben Ali sonnaient cependant aussi comme un avertissement contre l’Occident.
« C’est une leçon qu’aucun régime arabe ne devrait ignorer, en particulier ceux qui mènent la même politique que celle de la Tunisie et qui comptent sur +les amis+ pour les protéger », écrivait le quotidien syrien al-Watan, proche du pouvoir.
Le président du Parlement iranien, Ali Larijani, a ironisé sur les déclarations occidentales de solidarité: « Les pays qui étaient la principale raison de la tyrannie et de la pression sur les Tunisiens se montrent maintenant compatissants. Beaucoup de pays devraient maintenant retenir la leçon que les super-puissances ne les soutiendront pas en cas de difficultés ».(AFP-16.01.2011.)
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*L’homme d’affaires Imed Trabelsi est décédé à la suite de graves blessures à l’hôpital militaire de Tunis.
L’information a été révélée par Myriam Kada en direct sur Nessma TV en citant une source au sein de l’hôpital. Pour rappel, Imed Trabelsi est beau-frère de l’ancien président Ben Ali et jeune frère de l’ex première dame de la Tunisie, Leila Ben Ali, née Trabelsi. il est maire de la Goulette. Il a défrayé la chronique dans l’affaire du vol du yacht à un homme d’affaires français. En dépit de cette affaire, il a réussi à s’associer avec Bricorama de qui il détient la licence exclusive en Tunisie. (Echorouk)
**les familles Trabelsi et Ben Ali impliquées dans des affaires de corruption
Plusieurs journaux ont publié en décembre des télégrammes piratés par WikiLeaks dans lesquels l’ambassadeur américain en Tunisie évoquait des affaires frauduleuses, notamment immobilières impliquant l’entourage direct, la famille du président Ben Ali.
Ce câble de l’ambassade US à Tunis, rédigé le 23 juin 2008, et dans lequel les diplomates américains décrivent le système de prédation mis en place en Tunisie par la famille régnante, les Ben Ali et les Trabelsi, est d’une brulante actualité. Les manifestations qui secouent ces derniers jours certaines régions de la Tunisie trouvent leurs origines dans le mécontentement social, le chômage et le mal de vivre mais également dans le système de corruption qui prévaut dans ce pays à tous les échelons. Le câble révélé par WikiLeaks rapporte que les deux familles qui règnent en Tunisie, depuis l’arrivée au pouvoir du président Ben Ali, en novembre 1987, se sont accaparés les richesses du pays. Elles règnent non seulement sur le pouvoir politique, mais elles détiennent presque tous les leviers dans le secteur économique. Les familles Ben Ali et Trabelsi agissent en toute impunité, vivent au dessus de la loi, s’octroient des privilèges y compris en recourant à force et à l’intimidation. Tandis que les membres de la famille s’enrichissent et prospèrent, une grande majorité de Tunisiens se sentent exclus de ces richesses. « Le gouvernement a fondé sa légitimité sur sa capacité à assurer la croissance économique, mais un nombre croissant de Tunisiens croit que ceux qui se trouvent au sommet conservant les avantages pour eux-mêmes », note le télégramme de l’ambassade américaine en Tunisie. La grande famille du Président Ben Ali est souvent citée comme le lien avec la corruption en Tunisie. L’épouse de Ben Ali Leïla Ben Ali et sa famille élargie – les Trabelsi – provoquent la plus grande colère des Tunisiens. En plus des nombreuses allégations de corruption, les Trabelsi sont souvent critiqués pour leur manque d’éducation, le niveau de leur statut social et leur train de vie ostentatoire. Le président n’est souvent pas contesté, et de nombreux Tunisiens estiment qu’il est utilisé par le clan Trabelsi et n’est pas au courant de leurs magouilles. Le clan de Ben Ali, sa famille, ses enfants et beaux-parents issus de son premier mariage sont également impliqués dans un certain nombre d’histoires..
**Un pilote tunisien a refusé, hier, en début d’après-midi, de transporter des membres de la famille Trabelsi, la belle- famille de Ben Ali, qui voulaient fuir vers Lyon en France.
Le pilote, qui est intervenu en direct sur la chaîne de télévision Nessma en soirée, a expliqué avoir agi selon ce que lui «dictait sa conscience et son devoir en tant que Tunisien». Il a précisé n’avoir pas été le seul à prendre la décision, tous les membres de l’équipage ayant été du même avis. Les membres de la famille Trabelsi en question ont été arrêtés peu après. Les manifestants tunisiens demandent qu’ils soient traduits en justice. Maintenant que la chape de plomb qui imposait la loi du silence aux Tunisiens, est fissurée, on apprend que le véritable pouvoir dans ce pays voisin était en réalité aux mains de ce puissant clan que constituait la famille de Leïla Ben Ali, épouse de l’ex-président. Ce clan «mafieux», selon les Tunisiens, avait le monopole du monde des affaires auquel n’accédaient que ceux qui avaient ses faveurs et surtout qui lui «versaient de grosses commissions» ou carrément les prenaient pour associés. A rappeler que selon les révélations du WikiLeaks, le régime tunisien était présenté comme «sclérosé et mafieux». Rappelant par ailleurs, que tous les aéroports tunisiens ont repris le trafic aérien, a annoncé, ce samedi, l’Office de l’aviation civile dans un communiqué, au lendemain de l’annonce de la fermeture de l’espace aérien. «L’espace aérien tunisien ainsi que les aéroports nationaux sont ouverts à la circulation aérienne», a indiqué cet organisme dans un communiqué publié par l’agence officielle TAP. L’office a cependant appelé les voyageurs à se renseigner auprès des compagnies aériennes pour éviter tout encombrement qui serait lié à l’annulation ou le retard des vols. La fermeture de l’espace aérien avait été annoncée, hier, par une source aéroportuaire au moment où l’ancien président Zine El-Abidine Ben Ali s’apprêtait à fuir le pays..(Echorouk)
**Familles des harraga algériens détenus en Tunisie :
« le dictateur est tombé, libérez nos enfants qui croupissent dans les prisons tunisiennes »
Le représentant des familles des harraga algériens disparus en Tunisie, Kamel Belabed, n’a pas caché ses craintes et son inquiétude au sujet de ces Algériens qui pourraient être parmi les victimes de l’incendie qui s’est déclaré, samedi, dans la prison de Monastir, ou parmi les victimes de la prison de Mahdia.
Ces deux villes (Monastir et Mahdia) se trouvent sur la côte tunisienne. Ainsi les familles des harraga algériens disparus en Tunisie se disent très inquiets. En effet, elles craignent que leurs enfants soient incarcérés au niveau de la prison de Monastir qui a été incendiée ou celle de Mahdia de laquelle des centaines de détenus se sont enfuis. Pour rappel, plusieurs Algériens interceptés en mer ont été dirigés vers ces deux lieux de détention. Rappelant, dans ce contexte, que 42 personnes ont trouvé la mort lors d’un incendie qui s’est déclaré dans la prison de Monastir, alors que des dizaines d’autres ont pu s’évader. Par ailleurs, plusieurs détenus ont péri dans la prison de Mahdia lors d’une mutinerie meurtrière. Le représentant des familles des harraga disparus s’est rendu hier en compagnie de plusieurs familles des immigrants clandestins au consulat de Tunisie à Annaba pour réitérer les revendications des familles algériennes, à savoir la libération des harraga algériens détenus par le système dictatorial de l’ex-président tunisien Zine El Abidine Ben Ali. Vu la détérioration des conditions sécuritaires en Tunisie, les services de sécurité ont empêché les familles des harraga de s’approcher du consulat de Tunisie à Annaba. Dans un appel téléphonique au journal Echorouk, Kamel Belabed a déclaré : « Moi et l’ensemble des familles des disparus en pleine mer entre 2007 et 2008, nous savons que nous enfants sont incarcérés dans des prisons secrètes et d’autres illégales lorsque le dictateur Ben Ali était au pouvoir. « Ce dernier n’a montré aucune pitié pour son propre peuple, alors comment voulez-vous qu’il ait pitié de nos enfants ! », s’est-il interrogé. « Mais nous voulons faire entendre notre cri au peuple tunisien frère et ceux qui prendront la place de Ben Ali à travers le journal Echorouk. Nous voulons que nos enfants rentrent chez eux », a-t-il ajouté. Dans ce contexte, il a indiqué que pas moins de 350 harraga algériens âgés entre 19 et 42 ans ont été rejetés par les vagues sur les côtes tunisiennes et étaient ainsi tombés entre les mains des policiers tunisiens qui les ont jetés en prison entre le mois de mars 2007 et le mois d’octobre 2008. Kamel Belabed a affirmé que les harraga algériens ont été emprisonnés sans même être jugés. Ils ont été arrêtés sur les plages de Bizerte, Monastir et Mahdia en tentant de joindre la Sardaigne. « Nous avons tenté de faire libérer nos enfants lors du règne du dictateur Ben Ali, mais notre cri n’a pas abouti, on nous a même empêché d’entrer sur le sol tunisien », a-t-il expliqué. « Aujourd’hui nous faisons confiance au nouveau pouvoir en Tunisie. Nous souhaitons que la nouvelle présidence libère nos enfants qui croupissent dans les prisons tunisiennes. Nous avons tant souffert et tant pleuré, nous voulons revoir nos chers enfants », a-t-il conclu..(Echorouk-
**plus de 57 prisonniers décédés dans un incendie
La Tunisie ne décolère pas. La révolte gagne les prisons. Au moins 57 détenus ont péri hier, dans l’incendie d’une prison de Monastir, dans le centre-est de la Tunisie. «Trente et un corps ont été transportés à la morgue et onze ont suivi», a déclaré le Dr Ali Chatli, chef du service de médecine légale à l’hôpital Fatouma-Bourguiba de Monastir (160 km au sud de Tunis).
C’est l’incident le plus meurtrier depuis le début des émeutes qui ont conduit à la fuite, vendredi, de l’ancien chef de l’Etat Zine El Abidine Ben Ali. Ce bilan est appelé à s’alourdir vu l’intensité de l’incendie. Ce médecin témoigne que le sinistre s’est déclaré lorsqu’un détenu a mis le feu à un matelas dans un dortoir hébergeant près de 90 détenus lors d’une tentative d’évasion qui a tourné à la panique en raison de coups de feu tirés près de la prison. Il a précisé que toutes les victimes du premier groupe ont été identifiées et ont été transportées à l’hôpital avant l’aube, et que les 11 autres venaient d’arriver. «Les corps sont arrivés carbonisés mais on a pu les identifier», a-t-il précisé en soulignant que les victimes sont mortes de suffocation et de brûlures graves. Plusieurs blessés ont été également signalés au niveau de la même région.
Au moins une vingtaine de femmes ont été blessées par des éléments incontrôlés habillés en policiers, qui se sont emparés d’armes dans la ville voisine de Msaken avant de répandre la rumeur sur une fausse libération de prisonniers.
Des familles de détenus se sont rendues, selon des témoins, à la prison et c’est alors qu’elles ont essuyé des tirs ayant provoqué la panique et la confusion. Les blessés ont été transportés à l’hôpital Sahloul de Sousse. A Mahdia, plus au sud, une attaque de la prison a fait trois blessés, selon le directeur de l’hôpital de la ville, Radhouane Harbi, qui a évoqué la possibilité de morts à l’intérieur du centre de détention.
A l’ouest de Tunis, des tentatives d’attaque ont été signalées par des témoins contre la prison de Mornaguia, et le plus grand centre pénitentiaire du pays, celui de Fejja.
Des hélicoptères de l’armée survolaient ces deux localités en mettant la population en garde contre le risque de «balles perdues» des assaillants.
A Kasserine, dans le centre-ouest, un syndicaliste, Sadok Mahmoudi, a signalé une tentative d’attaque contre la prison de la ville évoquant toutefois, la possibilité d’une implication d’habitants cherchant à libérer des proches.
Il faut reconnaître que la colère de la rue gagne toutes les institutions. Depuis son éclatement il y a un mois, le mouvement ne cesse d’élargir ses rangs. Des avocats, des travailleurs et différents représentants de la société civile y ont adhéré pour exprimer leur ras-le-bol de 23 ans de règne de l’ex-président Ben Ali. (L’Expression-16.01.2011.)
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**Des hommes influents révèlent des vérités exclusives à Echorouk :
l’armée tunisienne aurait garanti à Ben Ali qu’il ne ferait pas l’objet de poursuites judiciaires
Des sources bien informées ont révélé à Echorouk, à partir de Paris, que le président tunisien déchu, Zine El Abidine Ben Ali, aurait contacté le vendredi matin dernier, par téléphone le président français, Nicolas Sarkozy. Les mêmes sources ont indiqué que Sarkozy hésitait, au début, de lui parler, mais le président tunisien ne voulait pas lâcher prise, et a passé plus d’une heure à attendre au téléphone.
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*A l’aéroport de Tunis, les langues se délient
Après 23 ans de censure et d’absence totale de liberté d’expression, les Tunisiens osent enfin parler…
Comme chaque soir depuis l’instauration du couvre-feu en Tunisie, les passagers des avions arrivés après 18h doivent passer la nuit à l’aéroport.
Dans le hall de celui de Tunis, quelques-uns ronflent bruyamment à même le sol, mais la plupart s’amassent en petits groupes. Des groupes de parole: «Les gens ont besoin de parler», analyse Naziha, la quarantaine dynamique, qui a sauté dans le premier avion après avoir vu que les aéroports tunisiens avaient rouvert.
Inquiétude
La franco-tunisienne explique qu’elle avait peur pour ses proches, et a appris à ne pas se fier aux nouvelles qu’ils lui donnent par téléphone. «Ils disent “tout va bien, ne t’inquiète pas, mais surtout ne viens pas!“»
C’est la même inquiétude qui a amené Anis, 32 ans, Tunisien qui vit à Niort, à rentrer à Tunis: «J’ai vu les vidéos sur Facebook, ça se passait aussi dans mon quartier. J’étais inquiet pour ma famille. J’ai donc pris mon billet ce matin (samedi) à 11h.» Il admet aussi qu’il voulait «être ici, parler ici, participer quoi!»
Discussions
Et il semble qu’il ne soit pas le seul à vouloir parler. Partout dans le hall de l’aéroport, les gens discutent, des événements dans le pays, de l’avenir politique, très incertain, et se racontent les dernières rumeurs: «L’extrémiste et opposant en exil Ghannouchi pourrait arriver dimanche à Tunis.»
Surtout, ils dévoilent enfin toutes les anecdotes sur les familles Ben Ali et Trabelsi qu’ils ont gardées pour eux ces vingt-trois dernières années, de peur d’être écoutés et dénoncés. Naziha raconte ainsi qu’elle allait à l’école avec l’une des filles aînées de Ben Ali qui traitait son chauffeur de «chien savant» parce qu’il l’attendait en lisant le journal, ou encore que Leïla Ben Ali tenait, alors qu’elle n’était qu’une Trabelsi, un salon de coiffure où les jeunes filles se retrouvaient pour fumer.
«La fin de l’autocensure»
«C’est la fin de l’autocensure que Ben Ali avait mise en nous», selon Anis. Il en veut pour preuve le fait que c’est seulement depuis avant-hier que ses «friends» Facebook osent commenter ses statuts et photos critiquant le gouvernement de Ben Ali.
«C’est fou, il y en a qui publient des vidéos qui datent de deux ou trois ans!», indique-t-il. D’ailleurs, s’il n’y avait pas eu les événements de vendredi, il affirme qu’il n’aurait jamais osé revenir en Tunisie, «après tout ce qu[’il] a publié sur Facebook». Une vraie revanche. (20Minutes-16.01.2011.)
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**l’homme fort de la Tunisie est… général
… il a eu le courage de s’opposer à Ben Ali, quand le dictateur tunisien a appelé la grande muette à la rescousse pour mater l’insurrection populaire dans les villes de Kasserine, Thala et Sidi Bouzid. c’est le généal Rachid Ammar, le chef d’état-major de l’armée de terre.
Sur le papier, Fouad Mebazaa est officiellement président par intérim. Mais l’ancien président de la Chambre des députés, 78 ans, est un homme à la santé chancelante, qui n’a ni autorité, ni envergure, ni ambition. Il ne voulait pas du pouvoir et n’a pas été préparé à l’exercer.
Le vrai homme fort n’est donc ni le Président, ni le chef du gouvernement, Mohamed Ghannouchi, un technocrate spécialiste des questions économiques et financières, mais Rachid Ammar, le chef d’état-major de l’armée de terre.
Limogé par Ben Ali pour avoir refusé de tirer sur le peuple
Agé de 63 ou 64 ans, ce Sahélien natif de Sayada, une petite bourgade du littoral, était totalement inconnu du grand public il y a encore quelques semaines. Mais il a eu le courage de s’opposer à Ben Ali, quand le dictateur tunisien a appelé la grande muette à la rescousse pour mater l’insurrection populaire dans les villes de Kasserine, Thala et Sidi Bouzid.
« D’accord pour déployer les soldats, afin de calmer la situation, mais l’armée ne tire pas sur le peuple », a-t-il fait savoir. Limogé séance tenante par Ben Ali et assigné à résidence, il a été rétabli dans ses fonctions par Mohamed Ghannouchi le 14 janvier, lors du dénouement de la crise.
La retenue de l’armée a évité un effroyable carnage. Fidèle à une tradition de non-ingérence dans les affaires politiques héritée de la présidence Bourguiba, elle a
tenu à ne pas apparaître sur le devant de la scène. Mais c’est bien elle qui a rendu possible le départ de Ben Ali.
« Elle a joué un rôle déterminant et s’est clairement placée du côté de la transition », commente Néjib Chebbi, fondateur du Parti démocratique progressiste, un des principaux chefs de file de l’opposition, qui est pressenti pour participer au gouvernement d’union nationale.
Ben Ali a marginalisé l’armée au profit d’une police pléthorique
Fondée en 1957, l’armée tunisienne, qui n’aurait donc pas tiré un seul coup de feu contre les manifestants, a été délibérément marginalisée par le président Ben Ali au profit de l’autre composante de l’appareil sécuritaire, la police, dont les effectifs (120 000 hommes) ont quadruplé au cours des vingt dernières années.
Avec seulement 35 000 hommes – dont 27 000 pour l’armée de terre – l’armée tunisienne est sous-dimensionnée et sous-équipée. Elle ne possède que douze hélicoptères. Quatre sont affectés à la surveillance du couvre-feu dans la capitale, et tournoient toutes les nuits au-dessus de Tunis et sa banlieue, pour sécuriser l’agglomération et prévenir les exactions des miliciens inféodés à l’ancien régime.
Zine el-Abidine Ben Ali, qui était lui-même militaire, se méfiait de ses frères d’armes. En avril 2002, un mystérieux accident d’hélicoptère avait décapité l’état-major des forces terrestres au grand complet. Et tué les treize plus hauts gradés, dont le chef d’état-major, le général de brigade Abdelaziz Rachid Skik, personnalité très respectée de la troupe.(Rus89-16.01.2011.)
Photo : des soldats tunisiens tentent de calmer les manifestants aux prises avec la police, le 14 janvier à Tunis
**L’armée n’a pas voulu d’un nouveau bain de sang
* l’armée, acteur clé du changement en cours
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Une patrouille de véhicules militaires, hier, dans une rue de Tunis.
Les militaires tunisiens, qui ne se sont pas mêlés aux basses besognes du régime, ont joué un rôle déterminant dans la transition
L’armée tunisienne a tenu à apparaître comme l’ultime rempart face à la violence, qui ensanglante la Tunisie depuis un mois. «Elle n’a pas voulu d’un bain de sang», commente le chercheur Vincent Geisser. Depuis le début des émeutes, les militaires avaient pris soin de ne pas trop se mêler à la répression des manifestants. Dans certaines villes, des chars s’étaient même opposés aux policiers, qui entendaient mater dans le sang la révolte.
Vendredi soir, l’état-major de l’armée n’est pas apparu aux côtés du premier ministre, Mohammed Ghannouchi, Mais nul doute qu’en coulisses, ce sont les militaires tunisiens, qui ont joué un rôle déterminant dans cette transition. L’armée a non seulement réussi à pousser Ben Ali vers la sortie. Elle aurait également neutralisé les membres de l’appareil sécuritaire, qui pouvaient être tentés par un durcissement face à la rue.
Historiquement, l’armée tunisienne s’est toujours tenue à l’écart des affaires. «Les généraux ne détiennent pas des entreprises, ils ne sont pas mêlés à l’affairisme contrairement à certains responsables du ministère de l’Intérieur», ajoute Vincent Geisser. Elle compte 35 000 hommes, dont 27 000 dans l’armée de terre.
Au pire, l’armée pouvait servir Ben Ali pour le maintien de l’ordre, mais elle n’a pas voulu. Elle pouvait également faire une sorte de «révolution des œillets», en remettant le pouvoir le plus vite possible aux civils. Les militaires n’ont pas eu besoin de recourir à un coup d’État. Finalement, l’armée a convaincu le président et son entourage honni par une large partie du peuple tunisien de quitter la scène, avant qu’il ne soit trop tard.
Même l’opposition tunisienne ne critique guère «la grande muette», moins mêlée aux basses besognes du régime que les sbires du ministère de l’Intérieur ou des services de renseignements, qui contrôlaient les faits et gestes de tout opposant potentiel. Contrairement à l’Algérie, l’armée tunisienne n’est pas politisée. Elle est restée loyale à l’ex-président Ben Ali, jusqu’au moment où la situation lui a échappé. Sa ligne rouge était d’éviter un carnage, car hier encore, des tirs ont visé des manifestants. C’était un désaveu clair du président Ben Ali, qui avait appelé la veille à l’arrêt des tirs contre les protestataires. Dans ces conditions, la hiérarchie militaire a dû considérer que les engagements de l’ex-numéro un du pays n’avaient pas été tenus. Elle devait passer à l’action.
À court terme, il faudra voir quelle sera sa capacité à maîtriser les débordements des ultras de l’appareil sécuritaire. Car il n’est pas dit que les manifestations s’arrêtent, même si la rue a arraché le départ du président Ben Ali. Dans l’immédiat, l’armée devrait se déployer autour des bâtiments publics, afin de rassurer la population et éviter tout débordement. (Le Figaro-14.01.2011.)
Catégories : actualité, société
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