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Tunisie : Ben Ali chassé du pouvoir

15012011

*Il a été chassé par les tunisiens après 30 jours de manifestations

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La révolte a sonné le glas du système répressif nourri par la double logique sécuritaire et de corruption, marqué par une présidence omnipotente, un parti quasi-unique, une presse aux ordres et un degré extrême de verrouillage de l’espace public. Les Tunisiens ne veulent plus de Ben Ali, qui a quitté le pays hier.

Bien que le président Zine el Abidine Ben Ali, qui fait face à une vague de contestation sans précédent depuis son arrivée au pouvoir en Tunisie en 1987, ait annoncé dans un premier temps qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat en 2014 et dévoilé des mesures visant à désamorcer la crise, les manifestants ont réclamé hier son départ pur et simple, l’obligeant à fuir le pays et céder provisoirement le pouvoir à son Premier ministre. Les milliers de manifestants réclamaient hier le départ du président Zine El Abidine Ben Ali à Tunis et en province, ont fini par avoir gain de cause.
Confronté à une crise sans précédent, le président tunisien a quitté la Tunisie, ont indiqué deux sources proches du gouvernement, après avoir limogé le gouvernement et annoncé des élections anticipées d’ici six mois. C’est Mohammed Ghannouchi, qui doit occuper la présidence tunisienne, de façon temporaire, d’après une nouvelle annonce officielle faite à la télévision tunisienne hier soir. à Tunis, des manifestants ont défilé dans la matinée sur l’artère principale, l’avenue Bourguiba, sans être inquiétés par la police. De centaines au départ, leur nombre n’a cessé de gonfler atteignant des milliers et ils étaient toujours dans la rue à la mi-journée. “Non à Ben Ali”, “Soulèvement continu, non à Ben Ali”,  “Ben Ali dégage” ont-ils crié en entonnant l’hymne national. Des avocats en robe noire faisaient partie de la manifestation. Aucun incident n’a été signalé en dépit de l’absence du service d’ordre. Un manifestant qui a jeté une pierre sur le siège du ministère de l’Intérieur a été conspué par la foule. Des manifestations se déroulaient également dans plusieurs villes de province, selon des correspondants et syndicalistes qui n’ont pas signalé de violences.

Les concessions insuffisantes de Ben Ali
Le chef de l’État, qui intervenait pour la troisième fois à la télévision depuis le début des troubles, le 16 décembre, a notamment ordonné aux forces de sécurité de ne plus faire usage d’armes à feu contre les manifestants et annoncé une baisse du prix du sucre, du lait et du pain. Il a également promis la liberté de la presse, la fin des mesures de fermeture des sites internet. Ces annonces ont déclenché des scènes de joie dans les rues de Tunis malgré le couvre-feu et la facture de 66 morts.
Ce qui marque un recul qui ne saurait être le signe d’une volonté de reprise en main, même si le revirement de Ben Ali est également destiné à apaiser ses soutiens étrangers et à répondre aux pressions américaines. La révolte en Tunisie a dépassé le stade de simples revendications économiques. La propagation du mouvement au cœur de Tunis et aux abords mêmes du palais de Carthage, lieu de résidence du président, est significatif.
Les Tunisiens ont bravé les tirs à balles réelles de la police avec ce message : “Donnez-nous notre liberté, partez.” La protestation sociale des étudiants chômeurs est vite entrée dans une phase supérieure, avec un mouvement qui a évolué dans son recrutement sociologique, s’y sont joints les ordres professionnels avec les avocats, qui jouent un rôle énorme, les partis et mouvements d’opposition et, fait marquant, le syndicat unique, qui a toujours eu un rôle de représentation des salariés vis-à-vis du pouvoir et qui ici a joué un rôle oppositionnel. Et la Tunisie s’est ainsi retrouvée dans le mouvement à la fois populaire et des classes moyennes, celles-là pourtant érigées et cultivées par le système Ben Ali. Reste que sa légitimité a été réduite à zéro. Les observateurs voient mal comment son régime usé va pouvoir se renouveler.

Un régime dépassé
La villégiature de vacanciers occidentaux entre dans la spirale répressive : militants et défenseurs des droits de l’homme, qui dénoncent la torture et les détentions arbitraires, sont dans la ligne de mire. 1992, date de ce tournant de l’ère Ben Ali, est aussi l’année durant laquelle le second président de la Tunisie indépendante convole en secondes noces, héritant du même coup d’une famille encombrante dont WikiLeaks a fait récemment des gorges chaudes.
Deux ans plus tard, en 1994, Ben Ali est réélu avec 99,91% des suffrages et, comme son prédécesseur Bourguiba il se décrète, dans les faits, président à vie. Son mandat est indéfiniment renouvelable depuis la réforme constitutionnelle de 2002. Sur le plan économique, en revanche, à partir du milieu des années 1990, Ben Ali a joué la carte de l’ouverture.
Encouragée par l’Union européenne et le Fonds monétaire international, cette libéralisation permet d’attirer des investissements créateurs d’emploi.
Le dynamisme économique du pays fait dire à ses partenaires occidentaux que la Tunisie est le havre de stabilité par excellence dans le monde arabe. L’ex-président français Jacques Chirac a même invité les Tunisiens à se satisfaire de bien manger le pain au lieu de pérorer sur les droits de l’homme ! En effet, jamais, au cours des vingt dernières années, le taux de croissance du pays n’a été inférieur à 5%. Les services publics ont fonctionné, les rues propres, l’école de bon niveau… Ben Ali a effectivement réussi à doter la Tunisie d’une classe moyenne dans le sens plein du terme grâce, entre autres, à une politique de prêts favorisant son émergence matérielle, son confort. Mais cette politique a aussi servi de tremplin aux ambitions des proches du président qui se sont emparés de larges pans de l’économie par le jeu des privatisations, puis de l’insertion de la Tunisie dans le marché mondial. Dans ce pays où les écarts sociaux ont longtemps été assez faibles et où la corruption était marginale, cela choque.
Mais la crise mondiale a fait partir des usines vers d’autres cieux moins chers, exacerbant les problèmes sociaux que complique l’arrivée de contingents d’étudiants sur le marché du chômage. Il  n’en fallait pas plus pour que l’omniprésence de Ben Ali dans leur vie devienne insupportable aux Tunisiens. En effet, les 10 millions de Tunisiens ont vécu sous haute surveillance dans un pays quadrillé par  des milliers de cellules du Rassemblement constitutionnel démocratique (le parti du président, ex-unique), des milliers également de comités de quartier, qui sont autant d’annexes locales du ministère de l’Intérieur, et 110 000 policiers. La Tunisie a fini par ne plus compter qu’une poignée d’associations réellement indépendantes et sous pression en permanence… Le dernier discours de Ben Ali était le prélude aux changements politiques attendus par la société civile et  l’opposition! Pour que la France se départisse de sa posture de soutien ferme aux locataires du palais de Carthage, c’est que le feu était dans la maison Ben Ali. (Liberté-15.01.2011.) 

**Zine El Abidine Ben Ali  à Jeddah

Zine El Abidine Ben Ali est arrivé dans la nuit de vendredi à samedi à Jeddah en Arabie saoudite, a-t-on appris de source saoudienne.
« L’avion à bord duquel se trouve le président Ben Ali a atterri à Jeddah », a déclaré à l’AFP la source saoudienne, qui a requis l’anonymat.
Zine El Abidine Ben Ali, au pouvoir depuis 23 ans, a quitté vendredi la Tunisie après des manifestations sans précédent contre son régime qui ont été réprimées dans le sang.

*Journée historique en Tunisie:       le président Zine El Abidine Ben Ali, a fui vendredi son pays après 23 ans de règne sans partage, devenant ainsi le premier dirigeant d’un pays arabe à quitter le pouvoir sous la pression de la rue.
M. Ben Ali est en Arabie saoudite avec sa famille, a indiqué un communiqué du palais royal cité par l’agence officielle saoudienne SPA. Son arrivée à Jeddah dans la nuit de vendredi à samedi avait été annoncée peu auparavant à l’AFP par une source saoudienne.
Il avait quitté Tunis au terme d’un mois d’une contestation populaire, que les Tunisiens ont eux-mêmes appelée « Révolution du jasmin », et qui a été réprimée dans le sang au prix de plusieurs dizaines de morts.
Quasi-simultanément au départ du chef de l’Etat, le Premier ministre sortant, Mohammed Ghannouchi, avait annoncé à la télévision qu’il assurait l’intérim de la présidence jusqu’à nouvel ordre en vertu d’un décret signé par M. Ben Ali.
Sur un ton grave, il avait aussitôt lancé un appel à l’unité: « j’appelle les Tunisiens toutes sensibilités politiques et régionales confondues à faire preuve de patriotisme et d’unité ». Il s’était également engagé à respecter la Constitution.
Deux dirigeants de l’opposition – Mustapha Ben Jaafar, chef du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL, légal), et Néjib Chebbi, chef historique du Parti démocratique progressiste (PDP, légal) – ont déclaré vendredi soir à l’AFP être prêts à collaborer avec M. Ghannouchi.
« C’est le premier chef d’Etat arabe amené à fuir le pouvoir sous la pression populaire », a rappelé Zaki Laidi, directeur de recherche à l’Institut d’études politiques de Paris, sur France 24, soulignant: « c’est quand même un événement colossal dans une région du monde qui se caractérise par une longévité non démocratique des régimes ».
Selon une source proche du gouvernement français, Paris « ne souhaitait pas » la venue de M. Ben Ali, expliquant notamment cette position par le risque de mécontentement de la communauté tunisienne dans l’ex-puissance coloniale.
Paris a pris « acte de la transition constitutionnelle » en Tunisie. Le président Barack Obama a salué le « courage et la dignité » du peuple tunisien et appelé, tout comme Londres, à des élections « libres et justes » dans « un proche avenir », tandis que l’Union européenne se prononçait pour une solution démocratique « durable ».
Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon a lui aussi souhaité un « règlement démocratique » et « pacifique » de la crise.
En France, des Tunisiens ont laissé éclater une joie teintée de prudence: « Il était temps », « Enfin! », « C’est tout le système qui doit partir ».
Au Caire, des dizaines d’Egyptiens ont rejoint un groupe de Tunisiens célébrant le départ de Ben Ali, appelant l’Egypte à suivre l’exemple de la Tunisie.
A Tunis, sous couvre-feu, des tirs d’armes automatiques ont résonné en début soirée avant de cesser totalement vers 22H00 GMT. Les habitants étaient cloîtrés chez eux dans une ville quasiment déserte et silencieuse.
De nombreux habitants à Tunis et en province ont lancé des appels par le biais de la télévision demandant l’intervention urgente de l’armée pour les protéger de bandes qui pillaient vendredi soir. De nombreux témoins imputent ces violences à des miliciens du parti au pouvoir, mécontents de la fuite de M. Ben Ali.
Depuis jeudi, le président multipliait, sans succès, les annonces pour tenter de mettre un terme à un mois d’émeutes et manifestations, violemment réprimées. Les manifestants exigeaient toujours le départ immédiat de Ben Ali, ne se satisfaisant pas de ses promesses de quitter le pouvoir au terme de son mandat en 2014.
Et vendredi, les choses se sont accélérées.
Le gouvernement a décrété l’état d’urgence dans l’ensemble du pays avec un couvre-feu de 18H00 à 06H00, l’interdiction des rassemblements et l’autorisation pour l’armée et la police de tirer sur tout « suspect » refusant d’obéir aux ordres.
Un peu plus tôt, le Premier ministre, cité par l’agence officielle TAP, avait indiqué que le président avait décidé « dans le cadre de mesures (d’apaisement) annoncées jeudi, de limoger le gouvernement et d’appeler à des élections législatives anticipées dans six mois ».
Ces annonces n’ont pas altéré la détermination des manifestants.
De violents heurts ont opposé dans l’après-midi manifestants et policiers anti-émeutes lors lesquels un photographe français a été blessé à la tête par une grenade lacrymogène.
La révolte contre le pouvoir avait débuté après le suicide mi-décembre de Mohamed Bouazizi, un des nombreux diplômés chômeurs du pays, empêché d’exercer comme marchand ambulant par les forces de l’ordre. Les émeutes ont progressivement pris un tour politique, se sont étendues à tout le pays et gagné la capitale. (AFP-14.01.2011.)

**le président du Parlement assure l’intérim

 Le suspense est fini. En Tunisie, la « vacance du pouvoir » n’est plus « momentanée » comme l’a laissé entendre vendredi le Premier Ministre Mohamed Ghannouchi. Et pour cause, la Conseil constitutionnel vient d’écarter, samedi matin, définitivement Zine El Abidine Ben Ali  du pouvoir.  

C’est officiel. Le président du Parlement tunisien, Foued Mebazaa, a été proclamé samedi président par intérim par le Conseil   constitutionnel, rapporte l’agence officielle, la TAP. Le dictateur  Zine El Abidine Ben Ali est, ainsi, définitivement écarté du pouvoir en Tunisie.

Selon, l’AFP, ce retournement de situation s’est appuyé sur l’article 57 de la   Constitution et est intervenu à la demande de Mohammed Ghannouchi, Premier   ministre sortant qui avait été nommé vendredi président par intérim après la   fuite de Zine El Abidine Ben Ali.    

Ce nouveau rebondissement, samedi, s’est produit au moment où des   manifestations et des marches ont commencé dans des villes de province pour   réclamer le départ de Mohammed Ghannouchi dont la présence à la tête de l’Etat   n’aura duré que moins de 24 heures.     Ces marches se déroulaient en dépit de l’état d’urgence qui interdit tout   rassemblement sur la voie publique et donne aux forces de l’ordre la   possibilité de tirer sur ceux violant ces dispositions.

L’article 57 fixe de manière précise la transition à la tête de l’Etat. Il   prévoit des élections législatives dans un délai de 60 jours maximum alors que   l’article 56 ne prévoit pas d’élections et ne donne pas le droit au président   par intérim de briguer la présidence.

Désormais, toutes les routes vers un probable retour à la tête de l’Etat lui ont été barrées. Et au moment où le peuple tunisien réclame sa tête et des poursuites judiciaires à l’encontre de son clan qui a pillé les richesses du pays, Ben Ali se réfugie en Arabie Saoudite, dans la ville de Djeddah.

Acculé par la pression de la rue au terme d’un mois de protestation populaire et d’émeutes particulièrement violentes à travers toutes les villes du pays, le tyran tunisien, Zine El-Abidine Ben Ali, a fini par devenir, contre son gré, le premier potentat arabe chassé par son peuple. 

Et selon plusieurs sources concordantes, Ben Ali et sa famille infortunée sont en train de préparer plusieurs demandes d’asile pour les adresser à leurs anciens alliés. Et si la France a d’ores et déjà refusé de les accueillir sur son territoire, d’autres pays pourraient lui offrir le gît et le couvert. Parmi ces futures destinations, certains observateurs tunisiens laissent croire qu’Israël abritera son exil !  (El Watan-15.01.2011.)

**Des efforts pour rétablir le calme

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Les nouveaux dirigeants tunisiens, confrontés aux pillages et violences, tentaient samedi de reprendre le contrôle de la situation en Tunisie au bord du chaos après la fuite de l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali en Arabie Saoudite.
Dans Tunis et sa banlieue, où plusieurs quartiers avaient été soumis vendredi soir à la loi et la violence des pilleurs, souvent identifiés par plusieurs témoins comme étant des partisans, notamment des policiers, du régime de Ben Ali, des habitants tentaient samedi de s’organiser en comité de défense.
Le principal syndicat du pays, l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) a appelé samedi soir sur la télévision nationale à la formation de comité de vigiles « pour que les gens puissent se défendre eux-mêmes » en cas d’attaques.
Juste après l’entrée en vigueur du couvre-feu, le centre de Tunis était totalement désert, commerces et cafés étant fermés. Seule la présence de la police était visible.
Sur le front politique, le Conseil constitutionnel tunisien a proclamé samedi « la vacance définitive du pouvoir » et la nomination de Foued Mebazaa, président du Parlement, au poste de président de la République par intérim. Ce dernier a ensuite prêté serment.
Ce nouveau retournement de situation, fondé sur l’article 57 de la Constitution, est intervenu à la demande de Mohammed Ghannouchi, Premier ministre sortant, nommé vendredi président par intérim après la fuite de M. Ben Ali et qui ne sera resté que vingt-quatre heures à ce poste.
L’article 57 fixe de manière précise la transition à la tête de l’Etat. Il prévoit des élections présidentielle et législatives dans un délai de 60 jours maximum. La nomination vendredi de M. Ghannouchi en vertu de l’article 56 laissait la porte ouverte à un retour au pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali et avait été contestée aussitôt par des juristes et une partie de l’opposition.
Dans la matinée, Foued Mebazaa a affirmé que « tous les Tunisiens sans exception et sans exclusive » seraient associés au processus politique et promis de consacrer le pluralisme et la démocratie.
M. Mebazaa a également annoncé que le Premier ministre sortant Mohammed Ghannouchi était toujours chargé de former un nouveau gouvernement, ajoutant que « l’intérêt supérieur du pays nécessite un gouvernement d’union nationale » alors que des hélicoptères de l’armée survolaient la capitale. La police a bouclé le centre de la ville afin d’empêcher tout rassemblement, après des pillages.
Aussitôt, depuis Londres où il vit en exil, le chef du parti islamiste tunisien Ennhadha, Rached Ghannouchi a déclaré samedi qu’il « prépare » son retour dans son pays, et qu’il est disposé à la formation d’un gouvernement d’union nationale.
« L’intifada tunisienne a réussi à faire tomber la dictature », a-t-il déclaré à l’AFP, ajoutant qu’il y a une « une fragmentation » du système politique » et que « cela peut prendre du temps de se mettre d’accord sur une base commune, sur un projet de société commun ».
Sur le terrain, les Tunisois ont découvert dans les premières heures de la journée un spectacle de désolation: voitures volées abandonnées dans les rues, boutiques et résidences de luxe incendiées, propriétés de la famille de Ben Ali et de son épouse Leïla particulièrement ciblées, destruction de portraits de l’ex-président.
Dans le centre-est du pays, au moins, 42 prisonniers ont péri dans l’incendie d’une prison de Monastir. Selon un médecin, l’incendie s’est déclaré lorsqu’un détenu a mis le feu à un matelas lors d’une tentative d’évasion qui a tourné à la panique.
Et le réflexe de peur, hérité de 23 ans années de suppression des libertés, toujours présent paralyse encore de nombreux tunisiens pour témoigner à visage ouvert devant la presse.
Formatés par la propagande du régime, les animateurs de la télévision Tunis7, tentent de s’adapter à la nouvelle situation en multipliant les appels à la vigilance et à une réaction des habitants face aux pilleurs.
« Regroupez-vous, défendez nos demeures en attendant que l’armée arrive pour vous protéger », conseille un animateur à un téléspectateur qui raconte sa peur devant des mouvements de suspects dans son quartier de la banlieue de Tunis.
« Mais avec quoi et avec qui? », réplique cet habitant qui rappelle qu’il ne peut pas mettre le nez dehors à cause de la peur et du couvre-feu.
Après 23 ans de règne sans partage, Zine El Abdine Ben Ali, 74 ans, s’est enfui après un mois de soulèvement sans précédent contre son régime – baptisée « révolution du jasmin » – qui a embrasé le pays et fait des dizaines de victimes, tombées sous les balles des forces de l’ordre.
En France, des milliers de manifestants, dont 8.000 dans la capitale ont défilé samedi après-midi dans les grandes villes pour réclamer la démocratie après la chute de Ben Ali.
Paris a fait savoir que les proches de Ben Ali présents sur le sol français n’ont « pas vocation à rester » sur le sol français, et ils vont le quitter », a affirmé à France Info le porte-parole du gouvernement François Baroin.
Des proches de Ben Ali dont sa fille Nesrine, 24 ans, ont quitté samedi après-midi l’hôtel du parc Eurodisney (région parisienne) où ils séjournaient. Le groupe était arrivé en France dès jeudi, veille du départ de Tunisie du président de Ben Ali. (AFP-15.01.2011.)

 

 

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**Independance day.

Un vendredi de la catharsis en Tunisie. Un 14 janvier de folie, fait de bouleversements spectaculaires, d’accélérations subites et violentes de l’histoire. Après près d’un mois de révolte réprimée dans le sang, le peuple tunisien s’est affranchi d’un des régimes les plus tyranniques d’Afrique du Nord. Non sans avoir payé le prix fort. Hier, vers 18h30, c’était l’épilogue tant attendu.

Une conclusion en apothéose des luttes des Tunisiens pour leur émancipation. Après 23 ans de pouvoir absolu, le général président Ben Ali quitte sur la pointe des pieds, les fonctions usurpées de président de la République tunisienne.
En raison de l’«incapacité temporaire du président Zine El Abidine Ben Ali à assumer ses fonctions et conformément à l’article 56 de la Constitution, j’assume à partir de cet instant la charge de Président par intérim», a annoncé en début de soirée Mohammed Ghannouchi, Premier ministre sortant, à la télévision. Ghannouchi appellera aussitôt les Tunisiens, «toutes sensibilités confondues à faire preuve de patriotisme et d’unité». Dans son allocution prononcée devant le président de la Chambre des députés, Fouad Mebazaâ, et celui de la Chambre des conseillers (Sénat), Abdallah  Kallal, «le président par intérim» s’est engagé à «respecter la Constitution et à mettre en œuvre toutes les réformes sociales et politiques (…) qui ont été annoncées en collaboration avec les partis politiques et les composantes de la société civile».

Jusqu’au bout, Ben Ali s’accrochera aux rênes du pouvoir, tentera de sauver les «meubles» de son régime qu’un petit bout de bois de Sidi Bouzid, Mohamed Bouazizi, première victime de la révolte, a fini par embraser. Ben Ali limogera son gouvernement, convoquera des élections législatives anticipées et chargera Mohammed Ghannouchi de former un nouveau cabinet.
Le «Zinochet» proclamera également l’état d’urgence dans l’ensemble du pays avec un couvre-feu de 18h à 6h du matin, et a décidé d’interdire les rassemblements sur la voie publique.
La veille, jeudi, dans une allocution télévisée, la troisième depuis le début de la révolte prononcée en arabe dialectal, Ben Ali promettra des réformes profondes, à quitter le pouvoir au terme de son mandat en 2014. Il s’engagera à… «baisser les prix des matières premières», à accorder «toute liberté aux médias» et de cesser «la censure sur internet».

Décidément, pas assez pour entraver la bonne marche de l’histoire. Insuffisant pour sauver la tête de celui qui fut le maître absolu de Carthage, encore moins à refroidir le volcan tunisien. «Ben Ali dégage», «Ben Ali assassin», «Power to people», «You killed your people Ben Ali»… ont scandé hier des Tunisiens déterminés à s’émanciper d’un régime despotique et maffieux. A Tunis, mais aussi dans plusieurs autres villes du pays, Sfax, Gafsa, El Kef, Ras El Djabel… des manifestations monstres,réunissant des dizaines de milliers de Tunisiens, avaient donné vendredi le coup de grâce au régime. Ni les blindés de l’armée ni les interventions musclées et les brutalités policières n’ont eu raison de la détermination du peuple.
Un printemps tunisien, comme en rêvent depuis toujours des millions d’Algériens, sevrés eux aussi, de liberté et de démocratie. Vivement l’effet domino !
 

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Ce que prévoit la Constitution :

Y a-t-il violation de la Constitution par la désignation de Mohammed Ghannouchi président par intérim de la République tunisienne ? Invoqué pour légitimer l’accession de Ghannouchi à la présidence par intérim, l’article 56 de la Constitution stipule : en cas «d’empêchement provisoire, le président de la République peut déléguer, par décret, ses attributions au Premier ministre (…).

Au cours de l’empêchement provisoire du président de la République, le gouvernement (…) reste en place jusqu’à la fin de cet empêchement. Le président de la République informe le président de la Chambre des députés et celui de la Chambre des conseillers de la délégation provisoire de ses pouvoirs».
L’article 57 de la Constitution stipule tout autre chose : en cas de vacance pour cause de décès, de démission ou d’empêchement absolu, le
Conseil constitutionnel se réunit immédiatement et constate la vacance définitive à la majorité absolue de ses membres. Il en informe les présidents de la Chambre des conseillers et de la Chambre des députés qui est immédiatement investi des fonctions de la Présidence de l’Etat par intérim pour une période variant entre 45 jours au moins et 60 jours au plus. (…)El Watan-15.01.2011.)

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**Calme à Tunis après une nuit de destruction et de pillages

Le centre de Tunis était désert de toute présence humaine samedi en tout début de matinée, après une nuit de destruction et pillages dans plusieurs quartiers périphériques, alors que la confusion règne sur l’heure de levée du couvre-feu en raison d’informations contradictoires.
Selon l’agence officielle TAP, le couvre-feu devait être levé à 06H00 locales (05H00 GMT) mais trois quarts d’heure après personne n’osait s’aventurer dans les rues, du moins dans le centre de Tunis.
La télévision publique quant à elle a fixé la levée du couvre-feu à 07H00 locales (06H00 GMT), ce qui a semé la confusion.
Plusieurs quartiers de la proche banlieue de Tunis ont vécu une nuit d’angoisse en raison de destructions et de pillages menés par des bandes de personnes encagoulées, selon les témoignages d’habitants apeurés, qui ont été relayés par les télévisions locales durant la nuit.
Des appels ont été lancés à l’armée, qui protège dans le cadre de l’état d’urgence décrété samedi des bâtiments publics, pour qu’elle intervienne d’urgence contre ces bandes. L’armée a fait survoler la ville par des hélicoptères alors que les spéculations allaient bon train sur l’identité des responsables des violences et des pillages.
Certains habitants ont parlé de miliciens liés aux proches du président en fuite Zine El Abidine Ben Ali, d’autres ont évoqué des prisonniers de droit commun évadés de centres de détention, certains accusant des éléments de la police.
Le président par intérim Mohammed Ghannouchi a déclaré dans la nuit sur la chaîne publique Tunis7 qu’il avait pour « priorité absolue » le rétablissement de l’ordre public. Interrogé plus tard par la chaîne Al-Jazira du Qatar sur l’identité des casseurs, qui ont également sévi dans plusieurs villes de province, le président que « tout est possible » quant à l’identité des bandes. (AFP-15.01.2011.)

 

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**Le film des évènements
 

Voici le film des événements survenus vendredi en Tunisie où, à la suite d’un mois d’une crise sociale et politique sans précédent marquée par une répression sanglante, le président Ben Ali a fui le pays:
- Des milliers de manifestants se rassemblent dès le matin à Tunis et en province –Sidi Bouzid et Regueb (centre-ouest), Kairouan (centre)– aux cris de « Ben Ali dehors ».
- Le ministre tunisien des affaires étrangères Kamel Morjane estime possible la formation d’un gouvernement d’union nationale.
- Dans l’après-midi, à Tunis, les manifestants sont dispersés par la police à coups de grenades lacrymogènes. Des heurts violents opposent manifestants et policiers anti-émeutes. Un photographe français est blessé à la tête par un tir de gaz lacrymogène.
- Des blindés de l’armée se déploient devant les ministères de l’Intérieur, des Affaires étrangères et devant la Télévision et radio nationales.
- Ben Ali limoge son gouvernement dans le cadre de mesures d’apaisement annoncées la veille et appelle à des législatives anticipées dans six mois, déclare le Premier ministre Mohammed Ghannouchi, qui indique avoir été chargé de former le nouveau gouvernement.
- Des voyagistes rapatrient des milliers de touristes européens. Air France annule ses vols à destination et à partir de Tunis.
- L’état d’urgence est décrété dans tout le pays. L’armée contrôle l’aéroport de Tunis qui est fermé.
- Le chef du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT, interdit), Hamma Hammami, interpellé mercredi, est libéré.
- Les principaux partis d’opposition tunisiens, légaux comme interdits, demandent « le départ de Ben Ali et l’instauration d’un gouvernement provisoire chargé dans les six mois d’organiser des élections libres », dans une déclaration publiée à Paris.
- Le Premier ministre Mohammed Ghannouchi annonce à 17H00 GMT à la télévision qu’il assure l’intérim de la présidence en remplacement de Zine El Abidine Ben Ali, qui a quitté le pays après 23 ans de pouvoir.
Il lance un appel à l’unité des Tunisiens, toutes sensibilités confondues et assure que la Constitution sera respectée.
- Selon la Fédération internationale des ligues de droits de l’homme (FIDH), 66 personnes ont été tuées depuis le début mi-décembre des émeutes. En outre jeudi, 13 civils ont été tués à Tunis et sa banlieue et 2 autres à Kairouan, selon des témoins et des sources médicales.(AFP-14.01.2011.) 

 

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**Moncef El Marzouki : «Le pouvoir est dans la rue»

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Pour le chef de file de l’opposition démocratique tunisienne, Moncef El Marzouki, la Tunisie vit une deuxième indépendance. Le peuple a exigé le départ de Ben Ali du pouvoir et c’est fait. El Marzouki, président du Congrès pour la République (CPR) qui se trouve à Paris en ce moment, a décidé de rentrer au pays comme tous les autres opposants tunisiens pour participer à l’instauration de la démocratie en marche en Tunisie. Il réclame le jugement de Ben Ali pour des crimes contre l’humanité et appelle à la mise en place d’un gouvernement d’union nationale et la tenue des élections présidentielle et législatives libres et démocratiques.

- Ben Ali quitte le pouvoir sous la pression populaire et le Premier ministre Ghannouchi lui succède provisoirement.

Le pouvoir est dans la rue. Aucune autre personne ou groupe ne peut se proclamer président. C’est le peuple qui a déposé le dictateur Ben Ali et c’est à lui de choisir librement et démocratiquement ses dirigeants. Tous les sbires de Ben Ali doivent partir du pouvoir. 
Nous sommes en train de vivre une deuxième indépendance. Après celle contre l’occupation extérieure, le peuple se soulève contre l’occupation intérieure, car il s’agit bel et bien d’un état d’occupation où une minorité opprime le peuple depuis des années. Nous devons être à la hauteur de cette indépendance. En ce qui me concerne, je rentre au pays dans deux ou trois jours. Le peuple vient de briser l’une des dictatures les plus cruelles au monde. C’est la fin d’une longue nuit d’oppression. 
Le discours et la décision de dissoudre le gouvernement et de tenir des élections législatives anticipées sont la dernière carte du Président. On avait peur qu’il puisse berner les gens, mais rapidement on a vu comment le peuple a réinvesti la rue aujourd’hui (hier, ndlr) dans toutes les villes tunisiennes et surtout dans la capitale. C’est une réponse magnifique. Les manifestants sont clairs dans leurs revendications, ils réclament le départ de Ben Ali. Ils se sont rassemblés pacifiquement devant le siège du ministère de l’Intérieur qu’il faudrait raser d’ailleurs et ériger à la place une statue de la liberté. C’est notre bastille.
 

- L’armée semble prendre les choses en main…

Les événements se précipitent s’accélèrent. Effectivement, l’armée semble prendre le contrôle du pays. L’aéroport de Tunis est sous le contrôle de l’armée ; des membres de la famille Trabelsi y ont été arrêtés. Le camarade du Parti communiste ouvrier tunisien (PCOT), Hamma Hammami, vient d’être libéré. On se dirige inévitablement vers un coup d’Etat. J’ai demandé à l’armée d’intervenir pour déposer le dictateur. Mais je tire la sonnette d’alarme. L’armée doit jouer un rôle positif dans la transition démocratique.
 

- Certains partis de l’opposition ont pris acte des décisions du président Ben Ali annonçant l’idée d’un gouvernement d’union nationale…

Ecoutez, ce sont des partis déconsidérés, qui ont perdu tout honneur. Après tant de répression – qui a fait plus de 100 morts et des milliers de blessés – et des années de dictature cruelle, il est hors de question d’accepter de travailler avec ce monsieur. Le peuple sait que ce président est un menteur. Depuis son arrivée au pouvoir, il ne fait que mentir au peuple. La solution réside dans le départ de Ben Ali et l’instauration d’un gouvernement d’union nationale, sans Ben Ali et ses sbires.  Nous revendiquons aussi son jugement pour crimes commis contre les 30 opposants tunisiens morts sous la torture et les 100 Tunisiens assassinés durant ces événements. Jugement aussi pour le pillage de toutes les richesses du pays et l’argent volé au peuple, par lui, par sa famille et celle de sa femme.
 

- Comment voyez-vous l’évolution de la situation dans le pays ?

Le peuple vient de remporter une victoire éclatante contre l’arbitraire, qui n’a que trop duré. C’est à ce peuple de décider de la nouvelle direction à donner au pays. C’est sa victoire. Nous militons depuis des années, nous avons subi les pires atrocités d’un régime dictatorial. Nous demandons la tenue d’élections présidentielle et législatives anticipées dans les plus brefs délais. En dehors de cela, aucune autre proposition ne sera acceptée ni par le peuple ni par l’opposition. Toutes les forces politiques de l’opposition sont condamnées à agir et à être à la hauteur des sacrifices consentis par notre peuple. (El Watan-15.01.2011.)
 

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**La fin du règne des Trabelsi

Ben Ali chute et c’est toute la famille Trabelsi qui plonge. La belle-famille de celui qui n’est «momentanément» plus président de la Tunisie a d’ailleurs bien des raisons de trembler.

Si les manifestants demandaient expressément le départ de Ben Ali, ils n’ont pas manqué de conspuer le «clan de la régente de Tunis», accusé à maints égards d’être l’un des maux qui rongent le pays. L’on demande même, çà et là, la mise en place d’une commission qui devrait enquêter sur la corruption généralisée qui a gangrené la Tunisie, des «dépassements» dont les proches de Ben Ali sont fréquemment accusés. Et cette commission se doit aussi de juger les responsables de ce pillage en règle des ressources du pays. Les Trabelsi y échapperont-ils ? La question reste posée, tant le sort réservé à la puissante famille est, pour l’heure, entouré d’incertitudes.
Dans la matinée d’hier circulaient déjà des rumeurs quant à la fuite de Belhassen Trabelsi, beau-frère de Ben Ali. Il aurait tenté de fuir la Tunisie, accompagné de sa famille, pour la France. Seulement, le commandant de bord du vol de Tunisair en partance pour Lyon aurait refusé de les embarquer. Ils se seraient finalement envolés pour Dubaï, où se trouverait déjà Leïla, l’épouse de Ben Ali. «On sait seulement que deux avions Falcone blancs ont quitté l’aéroport de Tunis-Carthage en tout début d’après-midi», peut-on lire sur le monde.fr, où il est ajouté que vers «16h50, un important convoi de voitures officielles aux vitres teintées a quitté le palais de Carthage en direction de l’aéroport, sans qu’on sache qui se trouvait à son bord». Et ce, quelques minutes avant que l’armée tunisienne ne prenne le contrôle de l’aéroport et que l’espace aérien ne fut fermé.
La «quasi-maffia» répondra-t-elle de ses actes ? 
Mais certains membres du clan n’auront pas eu la même chance de quitter ce sol devenu hostile. Ainsi, les forces de l’ordre auraient procédé à l’arrestation de plusieurs membres de la famille Trabelsi. Ils auraient été appréhendés à l’aéroport de Tunis alors qu’ils tentaient, eux aussi, de fuir. L’identité ou encore le sort réservé aux personnes arrêtées n’ont cependant pas été indiqués. Ce retournement des forces de l’ordre contre la «première famille» de Tunisie datait déjà de plusieurs jours.
Les luxueuses résidences du clan, dans les quartiers huppés de Tunis, ont été mises à sac par des dizaines d’adolescents, et ce, sans que les policiers, pourtant présents, n’interviennent. Cette haine nourrie par les Tunisiens envers la famille ne date pas d’hier et est on ne peut plus justifiée.

Même les diplomates américains avaient décrit l’entourage de Ben Ali comme «une quasi-maffia». «Que ce soit du cash, des services, des terres, des propriétés ou, oui, même votre yacht, la famille du président Ben Ali a la réputation de les convoiter et d’obtenir ce qu’elle veut», est-il affirmé dans un câble de l’ambassade daté du 23 juin 2008.
Dans plusieurs autres documents diplomatiques, l’on apprend que les proches de Leïla provoquaient, de par leurs frasques et leurs passe-droits, l’ire des Tunisiens. Ces «nouveaux riches qui manquent d’éducation, de basse condition sociale, affichent ostentatoirement leur richesse» sont voués aux gémonies par les citoyens. Et ce sont ainsi plus d’une dizaine d’exemples de ces abus qui sont cités par l’ambassade américaine, impliquant Leïla, connue pour son influence et son appétit, ou encore son frère. Fraudes, corruption, détournements, vols et abus de pouvoir. Auront-ils à répondre de leurs actes ? (El Watan-15.01.2011.)

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 **Ce qui se passe actuellement en Tunisie ne peut nous laisser indifférents. Pour des raisons évidentes de géographie. D´histoire. De culture. Tunisiens et Algériens sont d’une même famille.

 Ce sont des Maghrébins. Ce qui les atteint nous atteint. Les voir plongés dans la spirale de la violence nous attriste au plus haut point pour l´avoir vécu. Plus d´une fois. Nous en connaissons la douleur, les dégâts et les lendemains incertains. L´étincelle est partie de Sidi Bouzid au centre-ouest de la Tunisie le 17 décembre dernier. L´étincelle avait pour cause le chômage. Mais, depuis le feu s´est répandu et rien ni personne n´a pu l´éteindre. Aujourd´hui, les revendications ont changé de forme. Elles sont politiques. Le président Ben Ali, très affecté par la violence qui s´est emparée des Tunisiens, a ordonné aux services de sécurité de ne plus utiliser les armes à feu. Il a promis une ouverture démocratique. Une baisse sur les produits de première nécessité. Mais surtout, le président Ben Ali a annoncé sa décision de ne pas se représenter à la présidentielle de 2014. Reste que le «profond changement» promis par le président tunisien a besoin de calme, de méthode et de temps pour se réaliser sur le terrain. Or, 24 heures après ce discours qualifié par les hommes politiques tunisiens y compris ceux de l´opposition «d´historique», des manifestations ont eu lieu à Tunis. Plus pacifiques certes, mais non moins inquiétantes. Nous n´avons pas de leçons à donner aux Tunisiens mais ils nous permettrons, comme on le fait avec des frères, de dire ce que nous en pensons. Ils nous le permettront car ils savent que nous avons une certaine expérience de la violence. Ils nous le permettront car comme on dit au Maghreb, «l´avis d´un expérimenté vaut mieux que celui du docteur». Ils nous le permettront car ils savent tout le bien que nous leur vouons. Comme ils l´ont témoigné à notre égard, hier, Président et peuple, en refusant de nous fermer leurs frontières alors que l´Algérie était sens dessus dessous. Et bien avant durant notre guerre de libération nationale. A notre tour de nous rendre utile et tenter juste de leur rappeler où a failli nous mener l´aventure. On ne peut rien construire dans le désordre. Comme l´a si bien dit Mme Bouchra Belhadji, cette militante tunisienne des droits de l´homme dans une déclaration, hier, au quotidien français Le Parisien: «Il (le président Ben Ali) nous a libérés et s´est libéré lui-même», les Tunisiens viennent de gagner une grande bataille. D´autres défis les attendent. Il ne s´agit pas pour eux de mettre leur pays à genoux. Il ne faut absolument pas oublier que leur principale richesse est le tourisme. Une manne qui ne résiste pas aux troubles. Déjà des départs en masse de touristes sont enregistrés. Il s´agit aussi pour nos frères tunisiens de prouver au monde entier qu´ils sont capables de faire une transition apaisée. Il est question de gouvernement d´union nationale. Le ministre des Affaires étrangères, Kamel Morjane, a déclaré sur la radio française Europe 1 que cela est «tout à fait faisable». Oui, tout est faisable à condition que cela se fasse dans l´ordre et la discipline. Restez ce phare de la tolérance que vous avez toujours été pour nous. Eloignez-vous de l´enfer que nous avons vécu au début des années1990. En exigeant tout et tout de suite, nous avons confondu démocratie et anarchie. Nous l´avons chèrement payé. Avons-nous seulement fini de le payer? Les mauvais génies ne manquent pas dans ces moments douloureux. Vous voulez le changement et votre président vous l´accorde. Donnez-vous le temps de bien réussir ce changement. Ne jouez pas votre destin à la roulette russe. Référez-vous à notre tragédie nationale pour vous éviter le même sort. C´est un appel du coeur de vos frères algériens!

Zouhir MEBARKI – (L’Expression.15.01.2011.)

 

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**Limogeage populaire

En Afrique, où le nombre de présidents ayant quitté leur fauteuil de leur plein gré se compte sur les doigts d’une seule main. Même ceux régnant dans des pays où les mandats présidentiels sont limités constitution-nellement trouvent souvent un moyen de prolonger leur règne.

La colère de la rue a fini par avoir raison de Zine El Abidine Ben Ali. Sa cession “provisoire” du pouvoir à son Premier ministre le laisse penser, en tout cas. C’est à un véritable limogeage populaire du président que les Tunisiens ont procédé en déposant Ben Ali. Certes, la facture est salée au vu du nombre de victimes depuis le début du mouvement contestataire, mais le résultat est là : le président a fui le pays. Après cela, il est, certes, difficile d’imaginer un retour au palais de Carthage du président Ben Ali après cette révolte populaire sans précédent, mais ce leg temporaire du fauteuil présidentiel sent la manœuvre politicienne.
Cette manière de faire n’est-elle pas une nouvelle ruse de sa part pour mieux rebondir par la suite après l’échec de nombreuses concessions et décisions contenues dans son discours de jeudi soir, qui n’ont pas eu d’effet sur la révolte populaire ? Peut-être espère-t-il opérer un come-back une fois le calme et la sérénité revenus et la révolte populaire essoufflée. Eu égard au flou qui entoure le passage du témoin au Premier ministre Ghannouchi, il n’est pas absolument certain que Ben Ali ait abdiqué définitivement devant la pression du peuple tunisien, déterminé à aller jusqu’au bout de sa protesta sociale qui n’avait pas tardé à se voir relayée par l’opposition politique. L’histoire nous a appris que les chefs d’état, qui se sont enracinés au pouvoir durant une ou plusieurs décennies, ne lâchent pas prise de gaieté de cœur.
Les exemples ne manquent pas dans le tiers-monde, plus précisément en Afrique, où le nombre de présidents ayant quitté leur fauteuil de leur plein gré se compte sur les doigts d’une seule main. Même ceux régnant dans des pays où les mandats présidentiels sont limités constitutionnellement trouvent souvent un moyen de prolonger leur règne, ne laissant à la population que la rue pour les déloger, ce qui s’accompagne forcément de dégâts humains et matériels et des séquelles. Désormais, il appartient à l’opposition tunisienne de fructifier les acquis de cette victoire de l’insurrection populaire pour démocratiser réellement ce pays, qui a été trop longtemps bâillonné et ses citoyens privés de leurs droits et de leurs libertés. (liberté-15.01.2011.) ******

 

 

 







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