Calme précaire à Alger après une troisième nuit d’émeutes
8012011*un décor de guerre dans plusieurs quartiers de la capitale.
* l’ampleur de ces émeutes a dépassé toutes les limites de l’imagination
Après trois nuits d’émeutes qui ont embrasé plusieurs quartiers d’Alger, les Algérois se réveillent ce matin en état de choc. Les dégâts occasionnés par les affrontements entre forces de l’ordre et jeunes en furie ont planté un décor de guerre dans plusieurs quartiers de la capitale. Des magasins dévalisés, des banques attaquées, des usines saccagées, des biens publics ravagés, l’ampleur de ces émeutes a dépassé toutes les limites de l’imagination.Et pour la troisième nuit consécutive, Alger et sa banlieue a vécu une nuit de terreur. Vendredi soir, le feu de la révolte a encore une fois enflammé les quartiers populaires de la capitale à l’image de Bordj El Kiffan, Bordj El-Bahri, El Hamiz, Belouizdad et d’autres agglomérations où les pneus brûlés et les barricades dressées sur les routes ont semé la panique au sein de toutes les familles.Et au moment où les violences ont commencé à faiblir au niveau de Bab El-Oued, c’est toute la banlieue ouest de la capitale qui s’est enflammée. En effet, vendredi soir, les affrontements entre les forces anti-émeutes et les émeutiers dont duré jusqu’à 22 h à Bordj El-Kiffan, Bordj El-Bahri et El-Hamiz.A Baraki et Bachdjerrah, des accrochages ont été également signalés dans plusieurs quartiers. Il faut dire que dans ses deux communes, un véritable climat de guerre est en train d’étouffer la population. Jeudi soir, une usine du fabricant «Continental» située à Baraki a été attaquée et cambriolée par des centaines des jeunes révoltés qui ont mobilisé carrément des véhicules pour emporter avec eux tout le matériel électroménager assemblé dans cette usine.Les forces de l’ordre ont éprouvé toute la peine du monde à protéger cette usine qui a subi des dizaines d’attaques durant toute la nuit et la journée du jeudi. Par ailleurs, pas moins de 150 jeunes émeutiers ont été arrêtés à Baraki, confient des sources sécuritaires.Des sources locales nous ont même signalées qu’une l’unité de transformation de l’AGENOR à Baraki a subi elle aussi de nombreux assauts. Le même sort aurait été réservé aussi à une annexe de la banque BEA.Si toutes ces informations doivent être prises au conditionnel en attendant qu’elles soient confirmées, il n’en demeure pas moins que la population de Baraki, El Harrach, Bachdjerrah et Bourouba, a constaté à son détriment de nombreux dérapages dans les protestations populaires. L’éclairage public a été entièrement détruit et des lotissements entiers vivent au rythme des coupures de l’électricité occasionnés part des acte de sabotage perpétrés par des émeutiers sur des installations de la Sonelgaz.Alger est loin d’être la seule touchée par ces énièmes protestations populaires et leur lot de dérapages. Vendredi soir, des groupes de jeunes ont affronté avec des pierres et des bouteilles en verre des policiers déployés en masse et lourdement armés dans plusieurs villes du pays.A Annaba, les incidents qui ont commencé vendredi vers 15H00 (14H00 GMT) quand des centaines de jeunes se sont mis à lancer une pluie de pierres contre des policiers déployés depuis la veille, notamment autour des bureaux de la wilaya, ont perduré jusqu’au bout de la nuit.Le même constat amer a été établi pour d’autres grandes villes à l’image de Constantine, Oran, Tebéssa, Blida et Chlef. Si pour l’heure aucun bilan n’a été encore établi concernant les dégâts et les pertes, humaines et matérielles, à déplorer, ces émeutes auront d’ores et déjà réussi à dénuder les incuries du gouvernement qui se retrouve aujourd’hui acculé à trouver une solution immédiate à la crise au cours du conseil de ministre qui se tiendra dans les heures à venir.Et il n’y a pas que les Algériens qui attendent un véritable sursaut d’honneur de la part de leurs autorités car même la communauté internationale accentue ses moyens de pression sur les élites au pouvoir à Alger.Preuve en est, pas plus tard que vendredi, le porte-parole du département d’Etat américain, Philip Crowley, a confié que Washington «surveille de près la situation en Algérie» et fait ouvertement remarquer que le gouvernement Algérien n’a pas su comment «bien gérer cette crise»…. (El Watan-08.01.2011.)
*********************** **briser le cercle infernal inflation-émeutes Par Mourad Benachenhou .
*Jusqu’à quel point, peut-on jouer la politique de l’autruche quand l’interpellation est si massive et si étendue territorialement ?
*Face aux manifestations spontanées qui viennent rappeler aux autorités publiques, qu’elles ne gouvernent pas pour gouverner, mais pour organiser et gérer les affaires de la communauté nationale, en prenant en compte des intérêts des plus démunis aux plus opulents parmi les citoyens, la réaction officielle normale, que cause la peur des débordements massifs, aussi bien que l’amour-propre blessé des dirigeants, -prompts à accuser leurs «administrés» d’ingratitude,- est de montrer sa force et de lancer la locomotive de la répression aveugle et générale. Il est évident que la passivité habituelle, manifestée au plus haut niveau de l’Etat, dans les crises de ce type, n’est pas de mise, même si elle n’est pas complètement à écarter, au cas où les analyses faites à ce niveau, décident de la considérer comme une manifestation collective de mauvaise humeur, sans racines profondes, sans causes objectives, sans effets profonds sur l’équilibre des pouvoirs actuels, et sans lendemain ! Jusqu’à quel point, cependant, peut-on jouer la politique de l’autruche quand l’interpellation est si massive et si étendue territorialement ? L’inflation : le plus fiable des indicateurs d’une mauvaise politique économique Le problème est que les actions de masse provoquées par les conséquences négatives de politiques économiques mal ou insuffisamment réfléchies, ne cessent qu’avec la disparition de leurs causes. Ces politiques économiques, qui ont provoqué le chaos actuel, ont été conçues en cercle fermé et évaluées par ceux-là mêmes qui les ont établies et mises en oeuvre.La manifestation la plus patente d’une mauvaise politique économique, qui ressortait exclusivement du pouvoir des autorités publiques, est la hausse générale, irréversible et irrésistible, des prix, ou inflation, elle-même causée par la perte de valeur de la monnaie nationale, du fait de la complaisance monétaire de ces autorités, qui mettent, par un canal ou un autre, sur le marché plus de moyens monétaires que l’économie peut absorber. Cette politique de facilité monétaire conduit à une hausse générale des prix de tous les biens et services mis sur le national, des fruits et légumes, en passant par les produits industriels, et en finissant avec les terrains et les immeubles d’habitation. Pour ce dernier cas, donnant, une «bulle» que les pays les plus avancés peuvent «nous envier,» car, chez eux et le pire, les prix de l’immobilier et du foncier ont été multipliés par 2 en dix ans alors qu’ils l’ont été, par 6, pour la même période, en Algérie. Pourtant, les statistiques indiquent que le revenu par habitant a doublé chez nous, pendant la même période, et représente seulement le quart du revenu moyen par habitant de ces pays. A noter que le SMIG algérien représente au minimum le dixième, et au maximum, le vingtième du SMIG dans ces pays.Ne pas confondre hausses de prix conjoncturelles et inflation généraliséeL’inflation généralisée n’est pas à confondre avec les hausses soudaines des prix de certaines denrées, hausses conjoncturelles liées à des causes naturelles, comme le mauvais temps qui détruit une récolte de café ou réduit la production de sucre. L’inflation, quant à elle, est une hausse générale de prix, qui ressortait d’éléments clefs de la politique économique conçue et mise en œuvre par les autorités publiques. La distinction entre hausses des prix conjoncturelles et inflation généralisée doit être bien comprise, car les politiques de lutte contre l’un et l’autre de ces phénomènes, sont totalement différentes. Dans le premier cas, qui touche des produits facilement isolables dans le marché, produits obéissant à des règles de production, de fixation des prix et de distribution relativement aisées à saisir et connues des opérateurs qui y sont spécialisés, une politique de soutien financée par le budget public peut isoler la partie la plus fragile économiquement de la population de ces hausses, dont les effets sont limités très souvent dans le temps. Dans le second cas, tenter de régler le problème comme s’il s’agissait de répondre à une situation de hausse conjoncturelle, ne touchant qu’une partie marginale de la population, peut constituer la pire des ripostes de la part des autorités publiques. Toute tentative de résorber les hausses de certains produits de base en augmentant les subventions de soutien y afférant, attise l’inflation généralisée, plus qu’elle ne la réduit. La poussée inflationniste étant encore présente, toute tentative de la résorber par des actions ponctuelles, élargit la marge d’augmentation possible des produits dont les prix sont libres, et ce, dans tous les cas de figure, y compris celui où les autorités publiques prennent en charge la distribution de ces produits subventionnés aux consommateurs finaux. Il est important d’insister sur la distinction à faire entre l’une et l’autre des situations. On peut, évidemment, et pour des motivations politiques, qui ne touchent pas au fond du problème de l’inflation, ressortir à des mesures d’allégement ponctuel des dépenses des ménages les plus démunis. Il n’en restera pas moins que des produits tout aussi essentiels, aux yeux de ces consommateurs, verront leurs prix continuer à augmenter, à un rythme plus accéléré que par le passé, car le surplus de pouvoir d’achat libéré grâce aux subventions des produits classés comme essentiels, ira se placer sur les produits considérés officiellement comme secondaires.Donc, bien faire la distinction entre hausse de prix touchant des biens spécifiques, d’un côté, et inflation généralisée», ne ressortait pas d’un simple exercice académique.Ne pas se tromper de diagnostic
Il s’agit de ne pas se tromper de diagnostic ; on ne peut traiter une maladie qui touche un nombre réduit de personnes, ayant des caractéristiques de condition de vie ou génétiques les rendant propices à cette maladie, de la même façon qu’une épidémie.
Pour continuer la comparaison, une hausse concernant certains produits déterminés est une maladie individuelle qui doit être traitée suivant ses spécificités; mais l’inflation ressortait du type de mesures générales que l’on applique en cas d’épidémie. D’un côté, la maladie est traitée au cas par cas; de l’autre, tout un arsenal de mesures collectives sont prises pour juguler le mal généralisé à toute la population.
Le problème qui se pose est que l’émeute de caractère social représente le point de rupture de la résilience collective, face à une détérioration des conditions de vie, causées par l’augmentation générale des prix. L’évolution de la réaction collective à cette épidémie que l’on appelle inflation est extrêmement lente et en général imperceptible aux yeux des autorités publiques. Mais, ce n’est pas parce qu’un mal évolue lentement qu’on doit en ignorer les symptômes.
Des symptômes présents depuis longtemps
Or, les symptômes de l’inflation galopante étaient présents dans l’économie algérienne depuis une longue période. La question qui se pose est de savoir pourquoi les autorités publiques ont décidé de les ignorer jusqu’à ce que le point de rupture où les peines causées par le mal, sont devenues insupportables à une bonne partie de la population. Ce point est atteint lorsque la population sort dans les rues de manière spontanée, désordonnée et parfois, violente !
Le consommateur n’arrive plus à subsister à ses besoins avec le revenu plus ou moins fixe qu’il reçoit face à un accroissement des dépenses qu’il doit consentir pour survivre et faire survivre les siens.
Le point de rupture est atteint !
Entre le moment où les réactions individuelles à l’inflation se coalescent en réactions collectives, et l’apparition des premiers signes de ce phénomène, il peut se passer une période relativement longue. On peut dire que la poussée inflationniste date de 2001, et que la population, à quelques actions sectorielles de revendications organisées près, a fait preuve d’une grande patience. Mais, avec l’accumulation des problèmes sociaux et des dérives morales que cause ce phénomène, la phase de rupture est arrivée. Les gens ne peuvent plus supporter ce rythme infernal de descente aux enfers de la marginalisation sociale. Les effets négatifs de l’inflation sont devenus insupportables, et ne sont plus acceptés ou acceptables, quelles que soient les mesures de répression prises ou envisagées par les autorités publiques. La cause « déclenchante » immédiate de ces réactions collectives, quelle qu’elle soit, n’a pas d’importance, dans la mesure où le mal faisait peu à peu son chemin dans la société algérienne et dans les esprits et les corps des gens, jusqu’au moment où la seule solution envisageable pour eux était de sortir dans la rue pour manifester leur ras-le-bol. Se lancer, et surtout au niveau décisionnel, dans une analyse mettant en relief une cause conjoncturelle relève de « l’anecdotisme ,» transformé en analyse politico-économique, ce qui risque de mener à de fausses conclusions, quant au remède à donner et au chemin à suivre pour sortir le pays de cette tourmente.
La répression comme seule riposte : une erreur périlleuse !
Là aussi, ces autorités doivent éviter l’erreur politique grave de considérer cette éruption de violence spontanée comme une manifestation de colère populaire qui peut se prêter au traitement donné habituellement à ce genre d’action collective désordonnée : le matraquage des manifestants, quel que soit leur âge, l’arrestation d’une petite minorité et le jugement en référé de cette minorité, qui est mise pour un temps plus ou moins long, hors de la société.
Il y a, certainement, parmi les autorités publiques, certains qui voudraient mettre un terme rapide à ces mouvements de foule en engageant des actions de violence extrême contre les participants.
Mais seule peut avoir un effet positif sur la suite des événements, une solution de fond pour mettre un terme à une situation d’inflation structurelle qui dévoile les impérities d’une politique économique, visant à consolider les soutiens extérieurs internationaux, en jouant à la fois de la mondialisation et des intérêts économiques de certaines grandes puissances d’un côté et de l’autre, à prendre en charge les ambitions historiques d’un personnage au sommet de la hiérarchie politique : démarche qui a fait, peu cas des intérêts économiques et sociaux de la population en général, à quelques exceptions près. Ce jugement peut apparaître comme sévère.
Un jugement sévère conforté par la réalité économique et sociale actuelle
Mais comment peut-on juger une politique économique d’ouverture internationale, tous azimuts, qui a rendu le pays encore plus dépendant de l’extérieur, a contribué à la liquidation quasi-totale du peu d’industries de transformations que le pays avait créées, a accentué, à un degré que n’envieraient pas les pays les plus réactionnaires, les disparités sociales, permettant à une personne de se faire prêter l’équivalent de 10% de la production nationale d’une année, alors que d’autres sont payés, au vu et au su des autorités publiques, au tiers du SMIG officiel, a livré pieds et points liés, l’économie aux spéculateurs de tous bords, et a fait de la corruption un mode de vie ?
Comment peut-on qualifier une politique économique qui a inscrit dans la réalité quotidienne de tout un chacun une inflation galopante, et dont les responsables directs refusent de reconnaître qu’ils ne peuvent en faire porter le blâme que sur eux-mêmes ?
Le problème qui se pose est de briser les tendances inflationnistes ancrées dans la politique économique, budgétaire et monétaire des autorités publiques, en fait pour les autorités publiques de changer de philosophie de gestion des affaires de la collectivité et donc, d’objectifs économiques et sociaux implicites ou déclarés.
En conclusion :
1) Le problème structurel de la situation d’hyperinflation que connaît le pays, et que ne peuvent plus cacher les statistiques officielles d’indices des prix, qui sont loin de refléter la réalité des prix telle qu’elle est vécue quotidiennement par le consommateur algérien, ne répondra pas au traitement habituel donné aux émeutes, traitement qui ressortait exclusivement des actions en chaîne et en boucle des institutions de répression classiques : police, gendarmerie, procureur de la République, juge d’instruction, tribunal et enfin prison;
2) Tenter de transformer ce problème de politique économique, en le traitant en simple cas généralisé de maintien de l’ordre, risque d’ouvrir la voie à de graves dérives politiques, à des dérapages périlleux qui ramèneraient le pays à revivre les pages sombres et ensanglantées d’un passé récent.
3) La matraque casse les bras, mais n’aide pas à écraser les prix, ou à réprimer les tendances inflationnistes déchaînées par une addition de mauvaises orientations économiques et sociales;
4) De plus, elle risque de ne pas briser les volontés de ceux qui sont sortis dans les rues pour simplement rappeler que ces politiques économiques, tournant autour d’objectifs diplomatiques et d’ambitions politiques personnelles, doivent enfin, céder la place à une véritable politique de développement national, au profit de tous les citoyens. Par Mourad Benachenhou . (Le Quotidien d’Oran-08.01.2011.)
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**Oran : des policiers blessés et des arrestations
La crainte de voir de nouveaux incidents éclater à Oran dans le sillage des évènements enregistrés mercredi, notamment à Bastié, Victor Hugo et El Hamri, puis jeudi à Sidi El Bachir, Chteïbo et El Kerma, a alimenté l’essentiel des discussions des Oranais hier, vendredi.
Une crainte accentuée par des rumeurs ayant circulé tout au long de la semaine annonçant des manifestations importantes après la prière du vendredi. Une appréhension finalement confirmée par des échauffourées enregistrées dès 15h dans différents quartiers de la ville, notamment au centre-ville, Gambetta, Zraâ, Petit Lac et El Hamri. Au niveau de ce quartier, là justement où les premiers évènements ont été enregistrés mercredi, policiers antiémeute et jeunes manifestants se sont livrés à une véritable bataille des rues, avec des jets de pierres d’un côté et tir de bombes lacrymogènes de l’autre. On a pu noter que le nombre de policiers engagés au niveau des incidents d’El Hamri, ne dépassait guère la vingtaine, alors que les émeutiers se comptaient par dizaines. Un sous nombre qui a considérablement gêné les policiers pour maîtriser rapidement la situation. Il faut dire que le déclenchement quasi simultanés de ces incidents dans au moins cinq ou six sites différents et tous distants les uns des autres, a contraint les forces de l’ordre à utiliser leur moyens et leurs effectifs d’une manière intelligente. En outre, le conseil de sécurité de wilaya s’est réuni jeudi. Il a décidé, entre autres, la réquisition des cadres de l’administration publique et des entreprises publiques. D’autre part, nous apprenons d’une source sûre que la wilaya d’Oran a réclamé des renforts des autres wilayas limitrophes. Une unité de 150 éléments a été dépêchée de Mostaganem pour prêter main forte à leurs collègues d’Oran.
D’ailleurs, les Oranais ont relevé une présence plus visible de la police notamment dans les quartiers réputés «chauds». Des fourgons ont pris place sur certains carrefours. Les voitures de police sillonnent pratiquement tous les quartiers même ceux où elles ne se sont jamais aventurées. Dans la soirée de jeudi, des éléments des brigades antiémeute se sont accrochés avec des jeunes émeutiers du quartier de Petit Lac jusqu’à une heure tardive. Ces éléments ont empêché les émeutiers de parvenir au siège de la mairie et au siège de la CNEP, institutions charriant des symboles aux yeux des émeutiers. Mais à ce niveau, relevons que le quartier a vécu des scènes devenues récurrentes : après des échanges de jets de pierres et de bombes lacrymogènes, les «belligérants» observent des moments de trêve où les familles fournissent aux éléments des forces de l’ordre café et gâteaux. Du côté du quartier de Ras El Aïn, des jeunes ont brûlé des pneus et ont arraché des poteaux électriques. Hier, dans la matinée, des agents de la mairie se sont déplacés sur les lieux pour effacer les traces des manifestations.
Dès 14h30, un attroupement s’est formé tout au long de la rue Larbi Ben M’hidi. Devant la présence massive des forces de l’ordre, en tenue et en civil, des jeunes émeutiers ont préféré se rabattre sur Cavaignac. Les escarmouches entre émeutiers et éléments antiémeute n’ont pas duré trop longtemps tant que les éléments des forces de l’ordre sont restés sur leur position en plein milieu de la rue.
Mais vers 15h30mn, les forces de l’ordre ont décidé d’investir le quartier Cavaignac pour disperser les foules qui ont commencé à se masser en grand nombre. Attitude assimilée à de la provocation par les jeunes qui ne se sont pas empêchés de les accueillir par différents projectiles, profitant de l’écheveau des venelles pour échapper aux éléments des forces de l’ordre. Ce qui laisse supposer que la soirée sera chaude dans cette partie de la ville. Bilan, plus de vingt policiers blessés et plusieurs arrestations parmi les émeutiers.
La veille, jeudi, c’était au tour des zones dites périphériques de la ville de connaître à leur tour des scènes de violence, notamment à Sidi El Bachir et El Kerma où des dizaines de jeunes ont bloqué les routes à la circulation en utilisant des pneus brûlés et autres blocs de pierres. Plusieurs véhicules de passage par ces zones ont été pris à parti par les émeutiers qui n’ont pas hésité à leur lancer des pierres. A Haï Nedjma (Chteïbo), dans la zone des show-rooms, un concessionnaire automobile, Toyota en l’occurrence, a été également attaqué par des dizaines de jeunes à coup de pierres. L’incident s’est produit aux environs de 15 h, jeudi, en dépit de la présence d’une quinzaine d’agents de sécurité qui n’ont rien pu faire devant des émeutiers en furie dont l’objectif était de détruire les façades en verre du show-room. La proximité du concessionnaire en question de la cité Amel à Chteïbo, un groupement à forte concentration démographique, l’a rendu vulnérable à ce type d’attaque, et les incidents enregistrés ce jeudi aurait pu être beaucoup graves si ce n’était l’intervention rapide des éléments de la gendarmerie nationale qui ont très vite bouclé la zone et rétablit la sécurité. Difficile de savoir l’ampleur des dégâts matériels enregistrés. Ceci dit, le concessionnaire automobile a décidé hier de doubler le nombre de ses effectifs chargés de la sécurité. Une démarche entreprise par l’ensemble des concessionnaires situés au niveau de cette zone.
A noter que 22 policiers ont été blessés durant les journées de mercredi et jeudi à Oran, selon des sources hospitalières.
Sur un autre plan et mis à part quelques autorails desservant certaines villes de la région ouest du pays, les trains de grandes lignes en partance pour Alger ont été cloués à la gare d’Oran depuis jeudi après-midi. Ce jour là, d’autres départs vers la capitale ont eu lieu normalement avant que celui de 15h, le rapide, ne soit annulé après que les responsables de la SNTF aient été informés des émeutes qui se déroulaient à Chlef. Pour ce départ et dont l’annulation a été décidée alors que les passagers étaient à bord du train, les voyageurs ont dû attendre près d’une heure avant qu’ils ne soient informés. Hier vendredi, tous les départs ont été annulés et les dizaines de voyageurs qui se sont présentés à la gare ont été complètement désorientés en raison de l’absence flagrante d’interlocuteurs. Ceux qui devaient voyager par nécessité et ayant les moyens financiers se sont rabattus sur le transport aérien.
A Tiaret, vers 17 heures, les émeutes ont gagné la ville de Tiaret. Ainsi, le nouveau lycée Belhouari Mohamed, sis près de l’université, a été saccagé et pillé. Près de la maison d’arrêt, des pneus ont été brulés et la route a été coupée à la circulation, ainsi qu’au niveau du musée du Moudjahid. Quelques heurts ont également eu lieu au niveau de la cité Boulani. On dénombre, en outre, une quinzaine d’arrestations parmi les émeutiers.
Jeudi, un vent de panique souffla sur tout Tiaret au point que la ville se vida de ses habitants en deux temps, trois mouvements. En effet, la «mèche» a été «allumée» lorsque les transports publics ont cessé soudainement de desservir plusieurs quartiers populaires de la ville. La fermeture du siège de Djezzy à Tiaret, lequel sans «crier gare» a prié tout le monde à quitter «sans délai» ses locaux avant de baisser les rideaux vers quatorze heures trente a ouvert la voie «autoroutière» à toutes sortes de folles rumeurs. Mais comme la rumeur se propage à la vitesse de la lumière dans une ville comme Tiaret où comme on dit ici «l’odeur d’un brin de b’khour se répand à toute la ville en quelques minutes seulement», les téléphones portables se sont mêlés eux aussi de la partie puisque aucun message texto (SMS) ne voulait plus passer, même si les communications téléphoniques passaient normalement. Vérification faite par nos propres soins en envoyant un sms, l’on reçoit en réponse sur notre téléphone portable la mention «imparable»: «veuillez vérifier les services de votre opérateur»! Jusqu’à vingt et une heure jeudi soir, aucun sms de n’importe quel opérateur de téléphonie mobile ne voulait effectivement plus passer, amplifiant démesurément la rumeur sur l’imminence d’émeutes imaginaires» aux quatre coins de la ville. A Oran le « black-out sur les sms, ainsi que les mms a duré de 14 heures, jeudi, 2 heures du matin, vendredi.
A Chettia, dans la wilaya de Chlef, jeudi aux environs de 11 heures, des jeunes de la commune de Chettia, avoisinante du chef-lieu de wilaya ont brûlé des pneus et bloqué la route à l’aide des pierres et troncs d’arbres. Des heurts se sont produits entre les manifestants et les services de sécurité sans faire de blessés signale-t-on. (Quotidien d’Oran-08.01.2011.)
**Des troubles et des raisons
Les analystes étrangers sont dans le cirage. La simultanéité des manifestations de jeunes en Tunisie et dans notre pays met à mal leur «expertise». A trop vouloir lier les deux événements dans un «mal» maghrébin alors que les données économiques et financières des pays en question sont loin d’être identiques, ils se retrouvent à jaspiner (parler pour ne rien dire) pour reprendre le mot de Roland Dumas de retour de Côte d’Ivoire. Laissons-les dans leurs pitoyables prestations médiatiques et intéressons-nous à l’élément déclencheur de ces troubles en Algérie. Tout le monde s’accorde à dire que c’est l’augmentation des prix de l’huile et du sucre qui a mis le feu aux poudres. Deux produits de base parmi d’autres. Des produits essentiels – on dit aussi de large consommation – dont ceux qui en ont la charge porteront la responsabilité de ne pas avoir su les différencier des autres produits. Il est pourtant clair que la production de sucre ne peut pas et ne doit pas avoir la même codification que la production de fraises. Les produits alimentaires de base doivent être considérés comme produits très sensibles. Ils doivent être portés sur une liste distincte et traités avec l’attention et la prudence de l’artificier. Que notre ministre du Commerce ait annoncé, jeudi dernier, une série de mesures les concernant et un retour aux anciens prix, dès le début de cette semaine, c’est bien mais pas suffisant. C’est bien parce qu’il faut bien appliquer des «secours d’urgence» mais c’est tout de même grave d’attendre l’explosion pour «identifier les causes». Et dans le fond, que comptons-nous faire? Prenons le cas du sucre puisqu’il en est question. Pourquoi le gouvernement n’a pas eu la même démarche pour ce produit comme il l’a eue par exemple pour le lait? Pourquoi fait-il des efforts méritoires pour favoriser la production de lait cru pour freiner l’importation de la poudre avec tous les aléas de la fluctuation des prix et même de la disponibilité sur le marché international, alors qu’il semble se complaire pour le sucre dans sa seule importation? Car qu’on ne s’y trompe pas, nous ne produisons pas un gramme de sucre. Nous ne faisons que le transformer. Si avant, nous importions du sucre blanc aujourd’hui il est roux. Si l’industrie mise en place pour cette transformation crée des emplois, elle n’est cependant pas la solution du développement durable. Tant qu’elle reste dépendante de l’importation de cette matière première qu’est le sucre roux, le problème demeure. Pourquoi la culture de la betterave a-t-elle été brutalement et inex-pli-ca-ble-ment interrompue en 1984? Pourquoi ne pas reprendre cette culture à l’échelle de nos besoins et nous mettre, une bonne fois pour toutes, à l’abri des caprices de la spéculation internationale? On le fait pour les céréales, pour le lait, pour la pomme de terre, pourquoi pas pour la betterave? Des informations font état d’une réflexion conjointe commerce-agriculture pour la réhabilitation de cette culture. Une réflexion qui dure depuis une année. N’est-ce pas un peu long pour une culture qui a déjà existé à Sidi Bel Abbès, à Guelma, à Annaba, à Mascara, Aïn Témouchent, etc.? En attendant, nos importations en sucre (roux) voguent vers le milliard de dollars par an. Tout en claironnant aller vers l’excédent et l’exportation. C’est un type de non-sens qui met à plat toutes les solutions de replâtrage qu’on entend. Ceci dit et au-delà de l’indispensable traitement spécifique des produits alimentaires de base, les manifestations que vient de connaître le pays n’ont pas pour seule cause la hausse des prix à la consommation. Quand les analystes, les experts et autres «spécialistes» occidentaux du Maghreb auront trouvé, ils nous le diront peut-être! Zouhir MEBARKI …(L’Expression-08.01.2011.)
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*AUGMENTATION DES PRIX DU SUCRE ET DE L’HUILE
LE Parti des Travailleurs accuse: «Le patron de Cevital jette de l’huile sur le feu»
Dans un communiqué transmis hier à la rédaction de l’Expression, le Parti des travailleurs a promptement réagi aux émeutes qui ont marqué les différentes parties du pays. «Le secrétariat du bureau politique s’est réuni, jeudi, pour débattre de la propagation des émeutes des jeunes en colère à la suite de la flambée provocatrice des prix qui a touché, notamment le sucre et l’huile et les produits de base», a indiqué le communiqué. Dans ce document, le Parti des travailleurs est «scandalisé par les propos du patron de Cevital, le détenteur du quasi-monopole sur le sucre et les corps gras, qui jette de l’huile sur le feu en annonçant d’autres augmentations, en attendant les décisions du Conseil du gouvernement». Le même document a dénoncé vigoureusement la spéculation criminelle sur les prix, «une véritable provocation politique et sociale, et s’interroge sur ces desseins politiques».
Le Parti des travailleurs s’est ensuite adressé au gouvernement pour qu’il «prenne les mesures urgentes appropriées, à même de désamorcer la situation», suggère fortement le communiqué. Pour le PT, parce que la preuve est établie que «cette situation dangereuse et par-delà la spéculation sur le marché mondial, est le produit direct de la fermeture des EPE du secteur de l’agroalimentaire dans le cadre du PAS (Plan d’ajustement structurel) et du programme de privatisation, et du désengagement de l’Etat du commerce intérieur et extérieur». Les solutions à même de stopper la spéculation résideraient, selon le communiqué, en quatre points. Le premier concerne, dans l’immédiat, le plafonnement des prix des produits concernés, à savoir l’huile et le sucre. Le second point, consisterait en la restauration même, de façon provisoire, du monopole de l’Etat sur le commerce externe et interne pour que le contrôle des prix soit effectif… Troisième, la réouverture des grandes surfaces publiques réservées aux produits subventionnés par l’Etat et à la production nationale. Le dernier point prône la réouverture des EPE de l’agroalimentaire.
«Ce sont là des mesures réalistes et réalisables qui traitent les problèmes à la racine, tout en renforçant les correctifs introduits dans l’orientation économique», a déduit le PT dans son communiqué. «Ces mesures sont, en outre, bénéfiques pour la création d’emplois et pour la protection de la production nationale», a-t-il poursuivi. (L’Expression-08.01.2011.)
* «Al-Jazeera» accusée de manipulation…
des images faites d’un montage montrant des scènes qui datent de très longtermps
Le syndicat de la Société nationale des véhicules industriels (SNVI) a dénoncé vendredi «avec force» la manipulation d’images par la chaîne qatarie «Al-Jazeera», présentant des vidéos d’un ancien mouvement pacifique des travailleurs de l’entreprise comme se rapportant aux protestations enregistrées dans certaines villes du pays. Le syndicat de la SNVI «s’étonne de voir que ces images sont le fait d’un montage et d’une manipulation, montrant des vidéos et des images d’un mouvement pacifique des travailleurs de l’entreprise qui date depuis longtemps et dont les revendications étaient d’ordre socioprofessionnel», a souligné le syndicat.
Il a, dans ce contexte, dénoncé «avec force» la manipulation d’images par la chaîne, «dont les visées inavouées sont contraires à l’éthique journalistique». Les vidéos et images en question, diffusées lors d’un entretien avec un analyste algérien sur les actes de protestation que connaît l’Algérie, montraient, en arrière-plan, des scènes d’un mouvement de protestation pacifique des travailleurs de la SNVI et même des images de maisons effondrées suite au séisme qui a frappé le centre du pays (Q.d’O.-08.01.2011.)
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Le PT et le FOREM dénoncent la spéculation et la manipulation
Les réactions des partis politiques et des associations n’ont pas tardé à se faire entendre, suite aux émeutes qui ont éclaté ces derniers jours à travers tout le pays. C’est le cas du parti des travailleurs (PT) et de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (FOREM) qui dénoncent la spéculation des prix et les tentatives de récupération des problèmes des jeunes.
Dans son communiqué rendu public, le parti des travailleurs (PT) appelle le gouvernement à prendre «des mesures urgentes appropriées, à même de désamorcer la situation». Comme solution à la spéculation, le bureau politique du parti, réuni ce jeudi à Alger, propose, «dans l’immédiat, le plafonnement des prix des produits concernés à savoir, l’huile et le sucre, la restauration même de façon provisoire du monopole de l’Etat sur le commerce externe et interne pour que le contrôle des prix soit effectif».
Le PT propose également «la réouverture des grandes surfaces publiques réservées aux produits subventionnés par l’Etat et à la production nationale et la réouverture des EPE de l’agroalimentaire fermées». «Ce sont là des mesures réalistes et réalisables», estime le PT et qu’il considère «bénéfique pour la création d’emplois et pour la protection de la production nationale». Il s’agit, souligne le parti de Louisa Hanoune dans son communiqué, «de barrer la route devant les serviteurs zélés des multinationales qui déversent leurs produits dans notre pays à la faveur de l’Accord d’association avec l’UE et des concessions consenties à l’OMS, et dont les intérêts sont contrariés par les lois de finances 2009 et 2010». Devant cette situation qu’il qualifie de grave, le secrétariat du bureau politique du parti, en session ouverte, a décidé de reporter le meeting que devait organiser le PT et l’UGTA à Alger à l’occasion du vingtième anniversaire de la Fondation de l’entente internationale des travailleurs et des peuples. Le bureau politique compte se réunir, aujourd’hui, en session extraordinaire au siège national du parti.
Quant au FOREM, il appelle au dialogue pour régler les problèmes. La fondation appelle également les pouvoirs publics «à une plus grande ouverture vers les associations qui peuvent jouer un rôle de médiation sociale avec les différentes composante de la société». Cette association estime dans un communiqué rendu public que «les augmentations des prix des matières de première nécessité ne sont que la goutte qui a fait déborder le vase. Le ras-le-bol manifesté par la seconde génération des évènements d’octobre 88 traduit un profond malaise, celui d’être ignorée, marginalisée et non écoutée». Pour la Forem, «il y a un réel problème de gouvernance en Algérie dont l’élément de base est l’absence de communication». Elle dénonce de ce fait avec rigueur «les tentatives de récupération des problèmes de notre jeunesse par d’autres forces extérieures au pays qui appellent à ne pas s’y rendre faisant ainsi une surenchère politicienne et une façon de s’ingérer dans nos problèmes». (Quotidien d’Oran-08.01.2011.)
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L’inflation un danger sans fin
L’inflation signifie un gonflement à tort ou à raison. Tout comme une inflation de notes quand l’enseignant s’amuse à distribuer gratuitement des notes à ses étudiants. Pour les initiés, l’inflation peut être définie comme étant une augmentation des salaires accompagnée d’une autre augmentation des prix. Cette définition qui reflète purement la pensée Keynésienne puisque les monétaristes parlent d’autres choses. Pour ces derniers, l’inflation est due tout simplement à une déconnexion entre l’économie réelle et l’économie monétaire; si la masse monétaire augmente plus qu’il en faut, pour des raisons telles que le recours à la planche à billets, ceci provoquerait éventuellement une augmentation des prix dont le consommateur final en subira les conséquences qui sont souvent fâcheuses puisque l’indice des prix à la consommation va envoyer des signaux d’alerte ; les prix tels que ceux des produits alimentaires augmentent et par conséquent, le pouvoir d’achat baisse. Voilà pour la définition de l’inflation.
Pour les non-initiés, il suffit juste d’être un observateur ardent pour comprendre l’effet de l’inflation sur le pouvoir d’achat sur leurs bourses et quand bien même quand ceux-ci ne s’arrêtent pas de se délier. Bien entendu, il existe différentes sortes d’inflation telle que l’inflation par la demande, l’inflation par les coûts ou les deux à la fois. Dans le cas de notre pays elle est plutôt importée. C’est une inflation due à la hausse de l’importation et qui en découle. Plus l’importation augmente plus le taux d’inflation augmente et comme disent les économistes : toutes choses étant par ailleurs.
Quid de l’économie Algérienne ? La question mérite une réflexion poussée et plus approfondie pour l’effleurer et éventuellement lui trouver une réponse convaincante. Sans trop s’étaler sur les grands traits qui caractérisent notre économie et son passage à travers les différentes étapes depuis les années soixante à nos jours. Force est de constater que chaque phase ou chaque étape de notre économie était confrontée à l’inflation. A titre de rappel, notre économie est caractérisée par une croissance extensive et non intensive. C’est-à-dire par des injections de milliards de dollars pour son accroissement. La réforme de troisième génération entreprise à partir de l’année 2000 à travers les différents plans de soutien à la croissance vise essentiellement une croissance extensive. D’ailleurs, le programme d’investissement public adopté par le Conseil des ministres pour les quatre années à venir représente le plus fort niveau de financement public. Ce programme vient compléter les deux précédents plans de relance économique. En fait, le programme en question s’inscrit dans la continuité de la politique d’investissement mise en œuvre durant la décennie précédente. Il s’agit de profiter de l’embellie financière pour lancer des projets grandioses avec une enveloppe de 286 milliards de dollars soit 21 214 milliards de dinars en donnant l’importance aux projets structurants et ceux du secteur économique. En clair, ce sont plus de 57 milliards USD ou plus de 30% du PIB du pays qui vont être injectés par an à l’économie nationale.
Aujourd’hui, c’est la couche la plus défavorisée, celle-ci représente presque la moitié de la population et dont le salaire mensuel est moins de 20 000 DA, qui souffre de la baisse du pouvoir d’achat malgré tous ces milliards injectés dans l’économie nationale durant ces dernières années. C’est le retour de l’inflation qui menace notre économie et puis ce sont les conséquences de la crise financière sur le long terme. Sur le court terme, notre économie a pu tenir le coup durant les années 2008 et 2009 puisque la conjoncture était très favorable grâce aux réserves de change et les fonds de régulation des recettes. Toutefois, rien n’échappe à l’inflation qui représente un danger qui guette la classe vulnérable de la population. Les prix ne cessent de grimper et ce, au moins d’une année seulement. Ceux des produits de biens de consommation alimentaires tels que le sucre, l’huile, le café…ont connu une augmentation d’au moins 20% du prix initial. Il convient de souligner que l’Algérie a limité ses importations en matière de céréales depuis 2009. Notre agriculture a montré une fois encore qu’elle est capable de satisfaire non seulement les besoins locaux mais encore d’exporter vers d’autres cieux si on arrive à s’en occuper.
Il importe de souligner qu’il convient de voir notre politique relative au commerce extérieur afin de mettre un terme à l’inflation importée qui va faire souffrir une partie non moins importante de la population active et qui va faire parler d’elle dans les années à venir si le gouvernement mis en place n’arriverait pas à diversifier notre économie par la mise en place d’autres dispositifs plus pertinents et plus attractifs. A souligner au passage que l’année 2011 pour notre pays sera celle de tout défi et de «to be or not to be» et ce, dans tous les domaines, ceux de l’économie, des finances toutes catégories confondues (d’entreprise et de marché). (Q.d’O. 08.01.2011.)
**A l’origine du mouvement de contestation
Un système politique qui sécrète le désespoir
Si, au début des années 1990 le Front islamique du salut (FIS) dissous a bien failli s’emparer du pouvoir par la voie des urnes, et si des organisations de la même mouvance continuent, aujourd’hui encore, à avoir de l’influence sur une très large frange de la population algérienne, cela est certes dû au fait qu’elles instrumentalisent l’Islam à des fins politiques, mais aussi et surtout à leur aptitude à exploiter les conséquences pour le moins désastreuses de la gouvernance du pays par un système incompétent et à bout de souffle.
Parmi les motifs de mécontentement populaire susceptibles de constituer leur «fonds de commerce», on peut citer la détresse sociale aggravée par une massification de la pauvreté que l’exode rural a affichée au grand jour dans les villes, la gestion en vase clos des affaires publiques, les démoralisantes affaires de corruption auxquelles sont mêlées des autorités politiques toujours en activité, la longue éclipse médiatique du président de la République et de certains membres influents du gouvernement, qui semblent avoir délégué leurs devoirs d’information et de sensibilisation citoyennes à des imams fonctionnarisés et, bien entendu, le partage inégal de la rente pétrolière qui fait qu’une importante partie de la population algérienne se retrouve, en dépit de l’optimisme des objectifs prétendument atteints par le pouvoir en place, sans toit et sans emploi. Et, plus grave encore, au regard de la manière dont est gouverné le pays, sans grand espoir de pouvoir y accéder un jour.
Cette importante frange de la population, essentiellement rurale, à laquelle s’ajoute celle des périphéries urbaines que les émeutes d’octobre 1988 avaient mises au-devant de la scène médiatique au grand étonnement des autorités de l’époque qui venaient de les découvrir a, en effet, toujours vécu sous le poids de l’humiliation subie et de la rage contenue, en raison d’un mode de gouvernance rentier et bureaucratique qui a systématisé le mépris, la «hogra» et le déni de droit à l’encontre des populations les plus vulnérables. Ce profond sentiment de mise à l’écart et d’injustice semble avoir été exacerbé, au cours de ces dix dernières années, par un scepticisme chronique que l’écrasante majorité des Algériens, y compris ceux faisant partie de la classe moyenne, en est arrivée à nourrir à l’égard de toute action entreprise par des dirigeants issus d’un système politique en phase avancée de déliquescence, mais toujours aux commandes d’un pays majoritairement peuplé par des jeunes avec lesquels ils ne pourront jamais partager la vision du monde et, encore moins, les aspirations.
Ce mode de gestion anachronique, imposé par un noyau dirigeant d’un âge avancé (74 ans en moyenne) a, à l’évidence, fini par mettre une partie non négligeable de la population algérienne en état de fronde permanente. Mais faute d’organisations démocratiques (partis politiques, syndicats autonomes, ONG, etc.), constamment récupérées ou, à défaut, déstabilisées par les pouvoirs en place, la contestation ne trouvera l’occasion de s’exprimer, comme il est aujourd’hui à craindre, que dans les eaux troubles de l’islamo-populisme ou dans la violence qui finit par discréditer des actions que l’on pourrait pourtant qualifier, de par la pertinence des doléances qui en furent à l’origine, de justes. Mais, quelle que soit la force politique ou sociale qui l’y entraîne, la courte histoire de la contestation populaire algérienne montre, on ne peut plus clairement, que chaque fois que la population est descendue dans la rue pour exprimer un besoin de changement, elle ne trouve au bout du compte que l’ancien système replâtré pour l’occasion et toujours prêt à toutes les compromissions pour perdurer. Et, à regarder de près, on ne voit pas comment il pourrait en être autrement. En effet, pour tous ces hommes qui ont géré durant des années le pays sans partage, la crainte est de devoir rendre compte du bilan de leur gestion désastreuse, notamment pour ceux qui ont dirigé l’Algérie au cours de cette dernière décennie durant laquelle l’argent du pétrole n’a jamais manqué.
Le niveau très élevé des réserves de change est même, trop souvent, brandi comme un trophée qui exacerbe encore plus le ressentiment des laissés-pour-compte. Incapable de trouver, de par l’essence même de son organisation, la force de se démocratiser, le pouvoir pourrait cette fois encore être tenté par l’usage de la force publique pour rétablir l’ordre qui risque de lui échapper si la dynamique de contestation se poursuit et gagne tout le pays.
La tentation pourrait, effectivement, être forte quand on dispose d’une pléthore de brigades antiémeute, de surcroît bien équipées. Les émeutiers n’ayant pour l’instant brandi que des doléances de nature économique et sociale (hausse des prix des produits alimentaires de base, chômage, mal-vivre, étouffement de la vie culturelle, restriction des loisirs, absence de perspectives d’avenir, etc.), il serait évidemment mieux indiqué pour les autorités politiques en place de répondre par des ouvertures de dialogue plutôt que par «la trique» comme il est, malheureusement, devenu coutumier. Les risques de graves dérapages pouvant entraîner la perte de la cohésion sociale ne seraient, dans ce cas, pas à exclure. (El Watan-08.01.2011.)
**Les services de sécurité au cinquième jour des émeutes
Au cinquième jour des émeutes déclenchées pour dénoncer la hausse subite des prix des produits de première nécessité, les services de sécurité semblaient dépassés face aux assauts répétitifs des jeunes des quartiers populaires des grandes villes du pays.
Malgré la violence de la révolte, les éléments de la Gendarmerie nationale et de la police ont, selon une source proche de la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN), reçu l’ordre de ne pas répondre aux provocations des émeutiers et de veiller seulement à ce que les «jeunes» ne s’en prennent pas aux casernes de gendarmerie, aux commissariats de police et aux institutions de la République.
Dans le but également de ne pas attiser la colère des manifestants, les services de sécurité n’avaient, jusqu’à hier, procédé à aucune arrestation. «Nous ne nous laissons pas faire, mais nous faisons aussi en sorte que nos face-à-face avec les jeunes ne s’éternisent pas.
Disons que nous tentons uniquement de contenir les assauts des manifestants pour éviter les dérives», témoigne un officier de police en civil rencontré jeudi aux abords de la place des Trois-Horloges, au niveau de Bab El Oued, à Alger. Visiblement exténué par les nuits blanches qui leur sont imposées par les émeutiers, notre interlocuteur avouera néanmoins qu’il n’est pas facile de rester zen lorsque vous recevez une avalanche de pierres sur la tête. Contrairement à la journée de jeudi où elles s’étaient faites discrètes, les unités de maintien de l’ordre de la DGSN avaient pris place hier au niveau des principales artères de la capitale.
Ces renforts étaient destinés à faire face à une éventuelle reprise des manifestations après la prière du vendredi. Une rumeur avait circulé durant la matinée et annoncé, en effet, que les jeunes voulaient en découdre avec la police immédiatement après la prière du vendredi.
La rumeur n’avait pas tort puisque certains quartiers de la capitale, comme Belcourt, ont connu un après-midi mouvementé, baigné de gaz lacrymogènes. (El Watan-08.01.2011.)
**des milieux de la corruption, inquiets pour leurs affaires et leur devenir
*Cris et chuchotements
Sommes-nous en train de vivre à rebours le même scénario des événements d’Octobre 1988 au niveau tant des faits que des lectures politiques croisées des émeutes qui ont éclaté un peu partout à travers le pays depuis mardi dernier et que l’on tente de faire, à chaud, ici et là ? Mouvement spontané ? Manipulation ? Règlement de comptes au sommet entre clans du pouvoir sur fond d’enjeux électoraux ?
Réaction de la bête blessée : des milieux de la corruption, inquiets pour leurs affaires et leur devenir à la suite des dossiers ouverts ainsi que de leurs parrains, soucieux de placer le garrot là où il faudrait pour ne pas qu’on remonte plus haut la chaîne des responsabilités et de l’accusation ? Ce sont là autant de pistes et de questionnements avancés pour tenter de cerner les tenants et les aboutissants de ces émeutes. En tout état de cause, quoi que l’on dise et que l’on pense, comme en octobre 1988, le terreau de la contestation sociale est bien réelle. Toutes les statistiques, même officielles, le corroborent. La tendance haussière du taux d’inflation a laminé le pouvoir d’achat des citoyens. Les inégalités sociales ne font que se creuser. Les prix n’obéissent à aucune logique économique et commerciale. A force de tirer sur la corde, elle finit fatalement par casser. Lorsque le suicide, qui n’est pas exclusivement le fait de jeunes adolescents mal dans leur peau, gagne des pères de famille, c’est que la société va mal, très mal.
Et cela n’augure rien de bon pour la paix et la cohésion sociales. Personne ne peut nier cette vérité aujourd’hui, sauf ceux qui ne vont pas au marché ou qui ne comptent pas leurs sous quand ils font leurs courses, qui sont à l’aise, socialement parlant, qui profitent de manière directe ou indirecte de la rente du système. Ceux-là ne pourront bien évidemment qu’avoir un autre regard sur ce mouvement de colère. La question de la synchronisation des émeutes à travers le pays est en effet évoquée par certains cercles pour signifier qu’il y a un mot d’ordre et des mains maléfiques qui tirent les ficelles de derrière le rideau. Trop facile d’accuser à chaque fois de rage son chien quand on veut s’en débarrasser ! Il est établi dans la psychologie des foules que lorsque les ingrédients de la contestation sociale sont là, l’effet boule de neige est immédiat et inévitable.
Même si la télévision publique et les médias lourds censurent l’événement, le message se répand partout ; l’Algérie reste encore une société de l’oralité et l’Algérien est aujourd’hui arrosé par les chaînes satellitaires qui retransmettent en boucle ce que la télévision d’Etat n’ose pas montrer. Cela crée une situation d’émulation. C’est ce qui explique l’ampleur et l’extension des foyers de contestation à travers le pays. En proie aux mêmes difficultés de la vie, aucune région du pays ne voudrait demeurer en marge du mouvement. Restent ces actes de destruction des commerces et de certains établissements publics et privés enregistrés que l’on ne peut que déplorer. Car le meilleur moyen de discréditer un mouvement social, c’est de laisser la confusion et le doute s’installer dans les esprits en mélangeant revendication et violence. En ne canalisant pas et en n’encadrant pas le mouvement.
C’est l’une des plus grandes leçons à retenir de ces événements. En verrouillant le champ syndical, en s’appuyant sur un syndicat maison, l’UGTA, qui porte une responsabilité politique pour n’avoir pas été à l’écoute des préoccupations des travailleurs, le pouvoir a créé les conditions objectives du transfert du dialogue social dans la rue. Transposées sur un plan politique, ces émeutes posent, de manière plus globale, la problématique de la démocratie et des contre-pouvoirs dans le pays, qui sont les gages d’une société moderne où les problèmes de développement et les crises qui traversent la société se règlent par le débat à l’intérieur des institutions. Et le recours à la rue et à la contestation se fait de manière pacifique et organisée. O. B. (El Watan-08.01.2011.)
**le ras-le-bol des citoyens
L’Algérie brûle-t-elle? Tout le laisse croire en effet et, quelque part, le ras-le-bol des citoyens qui sortent manifester leur désespoir dans les rues est justifié.
De fait, la litanie entendue depuis des décennies – logement, travail, cadre de vie – n’en finit pas de se répéter sans que soient trouvées des solutions à la mal-vie qui met une majorité d’Algériens en stand-by. L’Etat, certes, construit des logements, régule, ou tente de réguler, le marché, mais la persistance du ras-le-bol, marqué par des émeutes devenues cycliques, atteste que tout n’a pas été fait ou les efforts ainsi consentis ne l’ont pas été à bon escient. Or, depuis des années, ce sont les mêmes causes – étroitesse du parc logement, cherté de la vie, avenir bouché, chômage récurrent – qui interpellent les pouvoirs publics sans que ceux-ci aient pris sur eux d’expliquer les choses et de prendre langue avec les citoyens.
En sus de ces faits, la majorité des Algériens, y compris ceux qui travaillent, n’arrivent pas à pourvoir aux besoins de leurs familles mettant en porte-à-faux l’avenir de ces dernières. De fait, le salaire misérable que perçoit le travailleur algérien (le Snmg algérien est l’un des plus bas dans le monde) ne lui permet pas d’envisager l’avenir, vivotant au jour le jour. (Un paradoxe lorsque le pays s’enorgueillit d’un matelas estimé à quelque 250 milliards de dollars). Ce sont ces faits qui constituent un cocktail explosif qui peut prendre le feu à tout moment.
Et ce ne sont certes pas les pyromanes qui font défaut, prompts à saisir la moindre occasion pour mettre le feu à la maison. Or, les dernières augmentations de produits alimentaires brutales, mal ou pas du tout expliquées ou justifiées, la manière avec laquelle les logements ont été distribués, n’ont été que la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Dès lors, face à l’absence de dialogue, au manque de répondant de la part des autorités, les émeutes – qui restent le dernier recours – expriment le ras-le-bol de la population.
En fait, quelque part il y a maldonne quand quelqu’un ne joue pas, ou ne peut pas jouer, le rôle dont il est investi. Pourtant, les émeutes cycliques qui ont marqué ces dernières années le pays interpellent les autorités nationales, les citoyens n’ayant pu communiquer, ni pu se faire entendre par les édiles locaux censés être à l’écoute et au service de la population. Or, le dialogue ce n’est certes, pas mobiliser les forces antiémeute pour contenir la colère populaire. Qui sont ces émeutiers? En fait, des gens mal logés, à la recherche de travail, peu satisfaits de leur sort qui viennent élargir chaque jour davantage une population en voie de paupérisation. Qui sont ces émeutiers? Ils viennent de villages et hameaux du pays profond désertés par leurs habitants justement par le fait qu’ils n’offrent plus les conditions de vie minimum. Les milliers de bidonvilles qui ceinturent les grandes agglomérations – que les pouvoirs publics éprouvent toutes les peines du monde à éradiquer – sont ainsi continuellement alimentés par le flot de «migrants» de l’intérieur à la recherche d’un meilleur cadre de vie. Ce que les manifestants ont tenté, depuis des années, d’en faire prendre conscience les autorités locales demeurées sourdes à leurs appels au secours.
Or, voici que les émeutes du logement et/ou de la cherté de la vie touchent maintenant la capitale avec le formidable rebond médiatique que cela offre à ceux qui n’ont rien pardonné à l’Algérie.
Ce qui fait cependant malaise est le curieux mutisme du gouvernement qui observe le silence quand il fallait monter au créneau au moins, à défaut de se justifier, pour expliquer le pourquoi des choses. Il n’en a rien été, hélas. Ainsi, lorsque l’Etat se replie dans le silence, il ne faut point s’étonner qu’il laisse, de fait le champ libre à toutes les spéculations et autres supputations (souvent malveillantes), lesquelles ne sauraient suppléer de franches explications, en commençant par assumer les responsabilités – de quelque ordre qu’elles soient – inhérentes au fait de gouverner et de diriger ses semblables, surtout lorsque leurs dérobades perturbent, ou peuvent perturber, l’ordre social. Face au mutisme des médias lourds nationaux, notamment l’unique chaîne de télévision – qui ont occulté les émeutes d’Alger et d’Oran – les chaînes satellitaires étrangères, notamment arabes, s’en sont donné à coeur joie noircissant à l’extrême la situation dans le pays.
A regarder les chaînes saoudites et qatarie (Al Arabya, MBC et Al Jazeera), on avait l’impression que l’Algérie vivait une véritable guerre civile, ressuscitant même, pour commenter l’événement, ceux-là mêmes à l’origine de la fitna des années 1990. Cela a été possible parce que ceux appelés à expliquer leur politique et le pourquoi des émeutes n’ont pas jugé politique de s’expliquer face à la population.
Pourtant, quand un appareil productif laminé, convertit le pays au tout-import – est-il normal que l’Algérie importe 90% de ce qu’elle mange? -, lorsque le travail vient à manquer, que le logement reste inaccessible au plus grand nombre, que le nombre des célibataires (féminins et masculins) est en constante augmentation, outre le phénomène des harraga et la ruée des Algériens vers le visa, il fallait agir….
L’Eldorado est-il ailleurs? Tous ces faits auraient dû alerter les autorités du pays pour leur trouver des solutions adéquates. Cela a-t-il été fait? Quels en sont les résultats? Or, quand l’eau vient à manquer, lorsque des quartiers ne connaissent pas l’électricité, quand les rues ne sont pas goudronnées, les services de l’Etat (poste, gaz, électricité, téléphone…) manquent, que les demandes des citoyens sont ignorées, reste alors l’émeute – avec tout ce qu’elle induit de négatif pour le pays – pour se faire entendre.
Et c’est cela qui se répète dans maintes villes et villages criant leur ras-le-bol. Ecouter ces gens qui appellent au secours, n’est-ce pas là la priorité du gouvernement? Mettre un terme au désintérêt ambiant à l’endroit de cette catégorie de citoyens qui ne trouve pas son compte dans la politique sociale de l’Etat, n’est-ce pas là l’autre challenge de l’autorité publique? A chaque chose suffit sa peine certes et, semble-t-il, il est du devoir de l’Etat pour le moins d’écouter ses administrés. (L’Expression-08.01.2011.)
**LES IMAGES DÉFILENT EN BOUCLE
L’Algérie fait l’actualité internationale
A l’heure de la mondialisation, il est devenu presque impossible de cacher les événements et les troubles qui survenaient en Algérie et l’Entv était mise devant un fait accompli: fallait-il ou non communiquer sur ces émeutes. Un dilemme qui a été longuement discuté entre les journalistes et les responsables de l’Unique lors d’une réunion d’urgence. Il était pour eux hors de question de passer des images des émeutiers qui étaient diffusées sur les télévisions de la planète. Il était également hors de question d’en parler le mercredi ou le jeudi matin. Il fallait trouver une réponse aux images et commentaires d’Al Jazeera qui allumaient encore plus la situation en Algérie. L’instruction du ministre de la Communication, Nacer Mehal, qui promettait il y a seulement un mois une ouverture de la télévision aux problèmes de la société, n’avait plus d’effet et montrait visiblement ses limites dans l’application. La direction de l’Entv a finalement décidé de commenter ces événements le jeudi soir en diffusant les images des dégâts survenus au concessionnaire Renault. Des images qui ont été suivies par des sonores de personnes qui ont dénoncé ouvertement ces troubles et surtout cette manière de s’exprimer des jeunes. Même traitement vendredi matin, quand la télévision a montré des écoles et le Sanctuaire des martyrs du 11 Décembre à Belcourt saccagé. Pour apaiser la situation et rassurer la population, le ministre du Commerce s’est exprimé à plusieurs reprises sur l’Entv, pour d’abord expliquer que la hausse des prix était internationale et ne concernait pas seulement l’Algérie et ensuite indiquer que le gouvernement va tenter de trouver une solution à même de faire baisser les prix ou de les réguler. A l’Entv, certains journalistes regrettent qu’aucun responsable n’ait voulu prendre le risque de s’exprimer. Dans pareil cas, une émission de télévision, impliquant des politiques, des experts en économie et même des journalistes, était nécessaire pour tenter de comprendre la situation. Ces experts algériens, à l’image du sociologue Nacer Djabi, de l’expert en économie Wahab Boukrouh et du journaliste Faycal Metaoui étaient en revanche très sollicités par les médias arabes et français, pour s’exprimer sur la situation. Tout en critiquant les fléaux du chômage et de la hausse des prix, ces experts algériens n’ont pas assombri l’image du pays, attribuant ses causes plutôt à une mauvaise gestion de la situation sociale et économique.
Al Jazeera offre une tribune aux islamistes
Nacer Djabi a même expliqué dans son analyse que ces troubles et émeutes sont devenus un sport national en Algérie, indiquant que c’est plus un jeu entre les jeunes et les forces de l’ordre, qu’une revendication politique.
C’est Al Jazeera qui a fait des émeutes une révolution politique, explique un analyste politique, qualifiant l’intervention de Abassi Madani de Doha comme révolue et dépassée par le temps et la culture. Al Jazeera qui a été la première télévision arabe à faire l’écho des émeutes en Algérie a très vite lié ces événements à la volonté de changement de régime, comme elle le fait quotidiennement sur la Tunisie. Dans son émission consacrée chaque jour au Maghreb, Al Jazeera, dans un reportage de Fethi Ismaïl, s’est longtemps attardée dans une analyse au vitriol sur la situation en Algérie, avec des images d’archives, datant des émeutes d’avril 2001 et des manifestations de la Snvi à Rouiba. Un reportage a été suivi par les commentaires de trois intervenants, Ahmed Benmohamed, un islamiste déterré médiatiquement par la chaîne qatarie, le sociologue Nacer Dhabi et l’intervention inattendue de Abassi Madani. Car le vrai grand danger, c’est la tentative de récupération du mouvement de protestation des jeunes par Abassi Madani, comme ce fut le cas en 1988. Dans un message enregistré en vidéo, Abassi Madani s’est présenté comme un leader avec comme décor, une bibliothèque et le drapeau algérien. Malgré l’âge, Abassi Madani, ex-numéro 1 du parti dissous, lance un appel pour l’union et le rassemblement pour un changement politique dans le pays. Mais le message distillé par la tribune de l’intégrisme religieux, n’a pas eu d’écho auprès des jeunes, qui ne se sont pas identifiés à ce discours vieux de 20 ans.
Traitement sobre des télévisions françaises
Un jeune d’Alger, qui a regardé l’intervention a commenté en disant: «Ali Benhadj n’a rien fait sur place à Bab El Oued et tu veux toi, de ton palais doré au Qatar, te faire entendre». Contrairement à Al Jazeera ou Medi1 TV, les télévisions françaises ont commenté avec sobriété les événements en Algérie. Plus encore, France 2, France 3 et TF1 ont préféré reléguer cette actualité au second plan après la situation politique en Tunisie. Sur le plateau de France 3 on a essayé de trouver des similitudes entre ce qui se passe en Algérie et Tunisie, allant jusqu’à parler de révolution dans le Maghreb. Seul Canal+ et France 24 ont mis l’accent sur la situation d’émeutes en Algérie. France 24 a été, selon certaines sources, la seule télévision à avoir filmé les manifestants de Bab El Oued, le soir du mercredi. C’est notamment sa caméra qui a filmé ces jeunes cagoulés avec des sabres et des couteaux, exprimant leur colère et leur malaise. Des images qui ont été vendues ensuite à toutes les télévisions françaises et même à Al Jazeera à son bureau à Paris, car celle-ci n’a aucun contact à Alger. Pour le moment, seule France 24, qui possède un journaliste en permanence, commente les événements en Algérie toutes les 30 mn, parfois avec les mêmes images toute la journée. En France, deux événements ont volé la vedette à l’actualité algérienne: la messe des coptes et la situation politique française, visiblement très chargée ce début d’année. L’Algérie n’est pas encore leur souci et aucun Algérien n’a été invité sur le plateau de TF1 ou France 2 ou France 3 pour commenter ce qui se passe en Algérie.(L’Expression-08.01.2011.)
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Catégories : actualité, société
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