Colère et protestation à Oran et dans plusieurs villes d’Algérie
6012011*le sentiment de hogra ont mis le feu aux poudres
Depuis lundi dernier, le pays connaît une série d’émeutes qui rappellent curieusement Octobre 88. La soudaine hausse des produits de première nécessité et le sentiment de hogra ont mis le feu aux poudres. Face au silence des autorités – et des médias gouvernementaux – les émeutes se propagent et font déjà plusieurs blessés.
Mardi 4.01.2011. Une rumeur se propage comme une traînée de poudre dans les quartiers des Trois Horloges et de Jean Jaurès à Bab El Oued. Une descente de police serait prévue pour déloger tous les vendeurs à la sauvette qui squattent les trottoirs. Mercredi 5. Les jeunes du quartier sont décidés à en découdre avec les forces de l’ordre si jamais on leur interdisait l’occupation de leurs endroits habituels. A 19h30, sans raison particulière et sans que les forces de l’ordre aient entrepris la moindre opération, un début d’émeute embrase les quartiers Triolet, Trois Horloges, Carrière, et celui du cinquième arrondissement où se trouve le commissariat du quartier.
«Tout est parti d’une énorme rumeur, confirme Nacer, président de SOS Bab El Oued. On a voulu pousser les jeunes à bout pour les faire sortir dans la rue. La situation actuelle est propice à l’embrasement avec la dernière augmentation des prix de certains produits. Cela rappelle ce qui s’est passée en octobre 88.» Les échauffourées dans le quartier de Bab El Oued vont durer jusqu’à 2h du matin et verront de très nombreux groupes de jeunes, mobiles et scandant des slogans hostiles au pouvoir, s’en prendre aux forces de l’ordre et à plusieurs magasins du quartier. Cinquième arrondissement et quartier des Trois Horloges : Abribus détruits, poteaux de signalisation arrachés, magasin Bellat dévalisé, agence Mobilis endommagée et commissariat pris d’assaut.
Commissariat harcelé
Mohamed, employé chez Bellat, n’est pas près d’oublier ce qu’il a vécu mercredi. Dès les premiers attroupements, il décide de baisser rideau. Il ne devra son salut qu’en décidant de se barricader dans la cave du magasin. «J’ai vu des jeunes s’en prendre aux rideaux de la devanture, confie-t-il, encore sous l’effet de l’émotion. J’ai compris que si je ne descendais pas vite m’enfermer dans la cave, j’allais le payer cher.» Les présentoirs seront détruits et toute la marchandise emportée. Mohamed estime les pertes occasionnées à 34 millions de centimes. Après Bellat, l’agence Mobilis, située juste à côté, connaîtra le même sort. Les émeutiers repartiront en emportant avec eux le matériel informatique et détruiront le mobilier. Le commissariat du cinquième arrondissement sera lui aussi harcelé durant une bonne partie de la nuit. Des bandes de jeunes tentent de pénétrer à l’intérieur du QG, obligeant les forces de l’ordre à faire usage de jets de gaz lacrymogène et de tirs de sommation. Quartier du Triolet. Dans les showroom Renault et Geely, des voitures sont calcinées, des pneus démontées, des pare-chocs arrachés et des pare-brise fracassés.
Le gardien de Renault hospitalisé
Le showroom Renault n’est plus qu’un tas de gravats. Des pans entiers du faux plafond ont été arrachés, des bris de glace jonchent le sol, une Logan et une Sandero calcinées sont abandonnés dans un coin du magasin, le mobilier est détruit et les ordinateurs envolés. Au total, ce sont neuf voitures qui seront endommagées durant cette nuit de folie, qui a vu des jeunes armés de couteaux et de pioches, détruire tout sur leur passage. Cette expédition fera une victime : le gardien du showroom Renault, frappé d’un coup de couteau et hospitalisé aux urgences de l’hôpital Maillot. «Ils ont volé ce qu’ils ont pu et détruit ce qu’ils ne pouvaient pas prendre avec eux, affirme un commercial de chez Renault. Il y en a pour dix millions de DA de dégâts.» Chez Geely (constructeur chinois) cinq véhicules sont démontés. L’un des cadres de l’entreprise SIPAC, représentant Geely en Algérie, a assisté impuissant à la destruction du showroom. «Il y avait des policiers en faction près du magasin qui regardaient sans intervenir la destruction du magasin. Quand j’ai demandé de l’aide, ils m’ont répondu qu’ils n’avaient pas reçu d’ordre pour le faire.» (El Watan-07.01.2011.)
Benhadj s’est fait chasser et traiter de tous les noms!
Les jeunes manifestants criant «BabEl Oued Echouhada !» ont saccagé les locaux de l’opérateur téléphonique Mobilis aux Trois Horloges et ont essayé de voler le coffre-fort mais les services de police sont intervenus à temps. Il y a beaucoup de blessés dans les rangs des protestataires et de la polices (nous n’arrivons à obtenir aucun bilan de la police, ndlr). Ali Benhadj est venu dans sa voiture à Bab El Oued et a essayé de calmer les jeunes en leur suggérant de se joindre à une marche pacifique qu’il organisera himself afin de revendiquer leurs droits. Mais les jeunes rebelles se sont emportés et l’ont chassé du quartier en le traitant de tous les noms. Certains sont même montés sur sa voiture en proférant des grossièretés à son égard et en lui disant que les jeunes d’aujourd’hui ne sont plus naïfs comme ce fut le cas dans les années 1990, pour croire en sa «bonne foi !». Kader, 28 ans.
vols et agressions…
Il y a eu vol de portables, de voitures et de multiples agressions. C’est vraiment dommage, alors que les vraies émeutes se sont déclenchées pour protester contre la cherté de la vie…. Ces jeunes n’ont aucune perspective…. Il y a eu de la casse, c’est vrai mais en signe de protestation pour qu’on les entende. Dommage également que les services d’ordre ne peuvent pas maîtriser et protéger les citoyens des petits délinquants. L’ambiance nous fait peur, d’autant plus qu’aujourd’hui, ils promettent de violentes émeutes après la prière. rappelle Fatima, une femme au foyer, Beau Fraisier.
*scènes de pillage à M’Sila et la bibliothèque communale complètement saccagée
A M’sila, les manifestants ont investi dans la nuit les rues de la ville, s’adonnant à des actes de pillage, selon des témoignages recueillis, auprès de nombreux citoyens qui ont exprimé leur « écoeurement » face à de telles scènes. Les quartiers « Ichbilia », Boukhmissa, « 270 logements », Mouilha, « 500 logements », Guerfala et La Rocade ont été également le théâtre de cette subite protestation. La bibliothèque communale a été complètement saccagée et ses équipements volés, ainsi que le bureau de poste d’Ichbilia, une station-service à la sortie Est de la ville, le siège de la BEA où des micro-ordinateurs ont été emportés, le Musée du Moudjahid, le siège de l’inspection du travail, la subdivision de la DUC, les directions de la planification, des Mines et de la PME.
**Le silence officiel comblé par le web et les TV satellitaires
Face au silence du gouvernement et celui des médias lourds (télé, radio et APS muselés), les gens s’informent autrement.
Les médias étrangers et la Toile se sont justement emparés de la question des émeutes. Al Jazeera, Medi1 TV, El Arabia, Dubai TV, France 24 et plusieurs autres chaînes internationales n’ont cessé de diffuser les images de l’explosion de colère qui a gagné plusieurs régions du pays et dans la capitale à Bab El Oued ces derniers jours. Des reportages vidéo commentés par leurs correspondants en Algérie parlent de la flambée des prix, de la crise de logement, de la malvie alors que le journal télévisé de l’ENTV et la Radio nationale n’en disent pas un mot.
A l’heure où l’Algérie s’embrase et que des questions lancinantes se posent sur le devenir de la société, les médias gouvernementaux ne trouvent pas mieux que de tartiner insolemment, dans leur points d’information, sur la journée parlementaire, la création de plus de 500 000 emplois en 2010 et un séminaire sur l’appui au développement des initiatives locales ! Les limites des effets d’annonce du ministre de la Communication, Nacer Mehal, qui promettait il y a seulement un mois une ouverture de la télévision aux problèmes de la société sous la «directive» du président de la République sont à présent dévoilées, de même que l’incompétence et les fausses promesses sont indéniables.
Appel à la grève
«Les directives ont été claires, on n’en parlera qu’une fois que ça se sera calmé, malgré l’insistance de plusieurs journalistes de la radio et de la télévision jeudi matin», expliquait hier une source du 21, boulevard des Martyrs qui a souhaité garder l’anonymat. Mais les Algériens sont branchés sur les câbles du satellite et sur la presse électronique qui comblent le vide en déversant tous ces échos sur le web. Les citoyens ne manquent pas d’ailleurs de prouver leurs compétences journalistiques avec la publication de vidéos prises sur le vif et des témoignages recueillis en temps réel. Youtube et Facebook en débordent.
Des rumeurs les plus folles aux indications avérées circulent sur les blogs et les réseaux sociaux. Des appels à la grève, des groupes qui se forment pour récupérer cette révolte sociale et tenter de lui donner plus d’ampleur. Des groupes sur Facebook annoncent des rendez-vous de manifestations pacifiques à tout vent. Un site, kraht.tk, appelle a une grève générale pour la journée du 10 janvier. «Suite à l’augmentation des prix des produits alimentaires à l’échelle nationale, prière à chaque citoyen algérien d’assister à la grève générale qui aura lieu le 10 janvier 2011, et ce, en bloquant toutes les routes nationales et cesser toute activité commerciale (boutiques et magasins, transport, boulangeries, etc.», peut-on lire sur ce site qui affiche un décompte chrono pour le rendez-vous fixé. (El Watan-07.01.2011.)
** Rien ne va plus. (Edito)
1984. Emeute «du pain» à La Casbah, le cœur d’Alger. Quatre ans plus tard, Octobre1988. Hiver 2011, émeutes dans plusieurs régions du pays.
L’année dernière, Liberté a comptabilisé 112 878 «interventions de maintien de l’ordre», soit presque 9000 émeutes et troubles… par mois ! Mais personne, au sommet de l’Etat, n’a cru bon de réagir, de prévenir par une meilleure gouvernance. Dans la rue, hier à Bab El Oued, les Algérois répétaient la même litanie face aux débris des violences de la nuit de mercredi : «50% d’augmentation pour les policiers ! Et nous ?» La rupture est là. La cohésion sociale a volé en éclats, à un moment où le combat contre le terrorisme requiert une union entre citoyens et Etat. Ce n’est plus le cas depuis les premières émeutes de 2000.
Car, de ce qu’il va en rester, de ce tsunami de colère, c’est bien cela. Une balafre dans le corps social. Une profonde méfiance face à un gouvernement incapable de trouver les mots. Maintenant, si certains parlent de «manipulations», tout comme le président Bouteflika considérait qu’en Octobre 1988 «le peuple a été sorti» (par qui ? Et quelles poursuites contre les responsables de plus de 500 morts ?), il faudrait abattre les cartes, décliner franchement les identités des «manipulateurs», quels qu’ils soient et quelle que soit leur responsabilité. Sinon, restons sur la première thèse, celle d’une colère profonde qui explose face aux provocations, celle de gens, comme nous tous, qui n’ont pas besoin d’obscurs barbouzes pour comprendre que rien ne va plus.(El Watan-07.01.2011.)
**Ce qu’en disent les sociologues… spontanée, l’émeute peut-être manipulée.
Des trains annulés. L’autoroute vers Blida bloquée. Le centre commercial de Bab Ezzouar attaqué. Belcourt étouffé sous les gaz lacrymogènes.
Hier, la situation a empiré progressivement depuis la fin de la matinée. Après s’être propagées dans plusieurs villes du pays, les émeutes ont gagné tout Alger et ses banlieues dans une ambiance de panique générale. Comment en est-on arrivé à un tel embrasement et pourquoi maintenant ? «La cherté de la vie n’est pas nouvelle, mais la hausse soudaine et importante des prix de l’huile, du sucre, de la farine a sans doute provoqué l’étincelle», relève Noureddine Hakiki, directeur du laboratoire Changement social à l’université de Bouzaréah. Un avis que partage le sociologue Nacer Djabi, même s’il considère que «le plus important n’est pas le déclic mais le background. Il faut regarder la situation économique. Les gens croient que l’Algérie a beaucoup d’argent. Ils entendent parler des réserves de change de plusieurs milliards de dinars, des sommes colossales injectées dans les projets d’investissement, autrement dit des projets à long terme… Mais eux revendiquent leur part du gâteau maintenant». A cela s’ajoute le fait que «la population, dans sa majorité pense, consciemment ou inconsciemment, que le pouvoir est là pour régler tous les problèmes, ajoute Noureddine Hakiki. A qui la faute ? A l’Etat, qui depuis des années empêche l’action individuelle et affiche sa volonté de susciter l’assistanat dans tous les domaines, surtout en ce qui concerne le logement…»
Manipulations
De quoi résumer toutes les micro-émeutes qui éclatent depuis un an dans les bidonvilles du pays, où les gens n’en peuvent plus d’attendre les nouveaux logements promis ou pire, de les voir revenir à ceux qui n’en ont pas besoin, symptôme d’une corruption généralisée. Dans ce marasme, l’absence de communication agit comme un facteur aggravant. «Il y a une véritable rupture entre la population et le pouvoir !» note le sociologue. «Alors que dans toutes les sociétés, lorsque surviennent de tels événements, le président intervient – on l’a vu même en Tunisie ! – chez nous, les autorités gardent le silence», ajoute-t-il. Pour Hicham El Moussaoui, docteur chercheur en économie à l’université de Beni Mellal, au Maroc, «c’est clair, ces émeutes sont le fruit de l’absence de communication entre gouvernants et gouvernés – le président de la République et le Premier ministre n’interviennent plus – mais aussi de l’inexistence d’une véritable société civile comme contre-pouvoir.» D’où aussi un danger : celui de la récupération. «Lors des derniers événements en Tunisie, on a vu intervenir des avocats, les ligues des droits de l’homme, des partis politiques…, observe Nacer Djabi. En l’absence de ces acteurs mais aussi de l’Etat, la voie est libre pour les islamistes. C’est tout le problème de «l’émeute à l’algérienne» : spontanée, non structurée, elle est aussi plus exposée aux manipulations…» (El Watan-07.01.2011.)
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Colère et protestation à Oran
*un vent de panique qui rappelle les violentes émeutes de d’octobre 2008.
Des émeutes ont éclaté hier mercredi en début d’après-midi, à Oran où la tension était vive dans certains quartiers… les habitants craignaient un «remake» des violentes émeutes de 2008.Les manifestations avaient commencé dans le quartier de Ibn Sina (ex-Victor Hugo) avant de s’étendre par la suite au quartier d’El-Hamri. Il était, en effet, 14 heures lorsque des dizaines de jeunes ont fermé à la circulation l’axe reliant le parc d’attractions au quartier de Bastié. Même si les motivations des manifestants n’étaient pas clairement exprimées, certains n’hésitaient pas à dénoncer la flambée des prix de nombre de produits comme l’huile, le sucre entre autres. Pour exprimer leur colère, les manifestants ont incendié des pneus qu’ils ont mis en travers de cette artère. Et la situation a fini par dégénérer. Des émeutiers jetaient des projectiles sur les automobilistes et sur les policiers. Ces derniers ont bouclé le périmètre et orienté les automobilistes vers d’autres directions. Après l’intervention des forces de l’ordre, les manifestants se sont retranchés dans les bâtiments. Tous les commerces ont baissé rideaux craignant que les émeutiers ne s’en prennent à leurs magasins. Les émeutes se sont étendues par la suite au quartier d’El-Hamri, prenant une autre tournure. Avant l’arrivée des renforts des forces anti-émeutes, deux groupes de jeunes s’étaient formés. Surgissant des ruelles, vers le grand boulevard, ils jetaient des pierres sur les automobilistes. Des pneus étaient brûlés également. Des individus se sont dirigés vers le dépôt d’Eriad où ils ont arraché le portail qui a été utilisé pour barrer la route. A l’intérieur du dépôt, des sacs de farine ont été volés. L’arrivée des renforts de la police a permis d’éviter le pire. Les émeutiers ont pris la fuite abandonnant les sacs de farine. Aux environs de 17h30, la grande avenue a été dégagée et les manifestants dispersés. Mais le dispositif de sécurité était toujours en place en fin d’après-midi, de crainte que les émeutes reprennent. Au quartier Hay Dhaya (ex-Petit Lac), le siège de la Cnep a été entièrement saccagé. Les émeutiers se sont emparés de matériel informatique et autres objets qui leur tombaient sous la main. Au centre-ville, un vent de panique a subitement soufflé sur les principales artères, qui se sont vidées de toute circulation automobile en quelques minutes à peine. C’est aux environs de 16h que la nouvelle du déclenchement d’émeutes au quartier de Bastié s’était propagée pour installer un climat fort tendu au centre-ville contraignant l’ensemble des magasins des rues Larbi Ben M’hidi, Mohamed Khemisti, Abane Ramdane, Larbi Tebessi, entre autres, à baisser rideaux. Vide de toute circulation automobile, la voie publique était investie par des dizaines de jeunes et de moins jeunes. Les forces de l’ordre se sont pour leur part installées avec leurs véhicules blindés au niveau des points stratégiques et autres carrefours importants de la ville pour protéger les édifices publics et les agences de banques et prévenir toute tentative de dégradation. Une présence des forces de l’ordre qui s’est voulue avant tout «dissuasive» en veillant à éviter toute provocation. D’ailleurs mis à part quelques barricades dressées au niveau du quartier de St Pierre où des jeunes ont barré la route en brûlant des pneus et des planches de bois ou encore à Larbi Ben M’hidi à hauteur du passage Germain, aucun incident notable n’a été enregistré. La tension restait cependant palpable au centre-ville et l’ensemble des services, notamment le transport en commun, restaient complètement paralysés jusqu’à une heure tardive de la journée, laissant libre cours aux rumeurs les plus folles. A noter enfin que les services de police ont procédé à des interpellations. (Le Quotidien d’Oran-06.01.2011.)
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*Nuit agitée à Bab El Oued (Alger) Des affrontements ont opposé dans la soirée de mercredi, des jeunes manifestants aux forces de l’ordre à Bab El Oued….Des centaines de jeunes en furie ont attaqué le commissariat du «5ème», situé au centre-ville. Des blocs de pierre ont été lancés en direction du commissariat. Selon des témoignages concordants, les policiers, retranchés à l’intérieur de l’édifice, situé dans le quartier Trois-Horloges, ont été dans l’obligation de tirer des coups de sommation pour disperser la foule en colère. Les policiers ont aussi fait usage de bombes lacrymogènes. Des blocs de pierre ont été lancés en direction du commissariat. Selon des témoignages concordants, les policiers, retranchés à l’intérieur de l’édifice, situé dans le quartier Trois-Horloges, ont été dans l’obligation de tirer des coups de sommation pour disperser la foule en colère. Les policiers ont aussi fait usage de bombes lacrymogènes.
Des slogans – «Bab El Oued echouhada» – ont été scandés par un groupe de jeunes de ce quartier. Des policiers antiémeute ont tout de suite investi les lieux pour prêter main-forte à leurs collègues qui avaient déjà fort à faire pour disperser la foule agglutinée au centre-ville. Les affrontements ont duré une bonne partie de la nuit d’hier. Les forces de sécurité se sont déployées aux abords de Bab El Oued, bloquant tous les accès.
Plusieurs manifestants et des policiers ont été blessés lors de ces échauffourées. Rappelons que des heurts avaient déjà opposé, mardi soir, les habitants de Bab El Oued aux forces de l’ordre. Des projectiles ont été lancés sur les policiers. Des voitures de police en stationnement ont été prises pour cibles. Dans le quartier, on justifie l’action des jeunes par le «comportement indigne» des supporters du CRB et l’«inaction des policiers», pourtant présents en nombre à l’occasion du match qui a opposé, avant-hier, l’USMA au CRB. «Les policiers ont essuyé des jets de pierres des jeunes de Bab El Oued, excédés par le comportement injurieux de supporters du CRB qui ont proféré des insultes à l’adresse des habitants du quartier», signalent des citoyens réunis sur les boulevards Mira et Lotfi, théâtre des échauffourées.
Les habitants ont dénoncé le «laxisme» des policiers après le match USMA-CRB. «La police est restée de marbre devant ces énergumènes qui ont lancé des injures et ont même saccagé des commerces. La vitrine d’un magasin situé à proximité de la DGSN a été saccagée. Les policiers ont même facilité le départ des supporters provocateurs dans des bus en direction de Aïn Benian», constatent les résidants dont le quartier est en état de siège après chaque match. Plusieurs dizaines de jeunes du quartier de Bab El Oued ont été embarqués après une course-poursuite engagée par les policiers. Le chef de la sûreté de wilaya d’Alger s’est déplacé sur les lieux, nous assure-t-on. De folles rumeurs ont circulé dans la capitale sur d’éventuels affrontements dans plusieurs quartiers d’Alger. (El Watan-06.01.2011.)
*Depuis mercredi soir, des troubles à l’ordre public ont éclaté dans les quartiers de Bachdjerrah et la situation demeure tendue dans toute la banlieue d’Alger.
Un bureau de poste ravagé, une agence Djezzy saccagée, un grand Bazar attaqué, le climat qui règne depuis la nuit du mercredi à Bachdjerrah est digne d’un film de guerre !
En début de l’après-midi, des jeunes cagoulés et armés de projectiles dont l’envie d’en découdre est largement visible sur leurs visages s’organisent et s’attroupent au niveau du Lotissement « Michel » et du quartier « l’Appreval » à Kouba.
C’est l’embrasement ! A Gué de Constantine, Bachdjerrah et Kouba, un climat de tension terrible caractérise de nombreux quartiers et cités populaires. La colère contre la cherté de la vie et la misère a fait sortir dans la rue depuis mercredi soir des centaines de jeunes exaspérés par leurs conditions sociales déplorables.
De l’aveu même de plusieurs témoins oculaires, les affrontements avec les forces de l’ordre ont été d’une violence inouïe. Des bandes de voleurs ont su des lors comment profiter de la révolte à laquelle était livrée Bachdjerrah pour s’attaquer à des commerces et les dévaliser. Du bureau de la poste en passant par l’agence Djezzy et le grand Bazar « Hamza » situé au centre de Badjcherrah, les jeunes émeutiers n’ont reculé devant rien pour s’attaquer à tous les édifices.
Par la suite, des routes ont été bloquées à coup de pneus brûlés jusqu’à la rue Tripoli de Hussein Dey où pas moins de six entreprises, des bureaux d’études, des sociétés de sous-traitances et de vente de matériel industriel, ont été cambriolées et dévalisées vers les coups de 3 H du matin.
Débordés, les forces de police ont été pris pour cible de toutes part par des jeunes qui ont adopté durant toute la nuit la technique de la guérilla urbaine. Et au rythme où vont les choses, rien ne laisse présager une quelconque amélioration d’ici la nuit de ce jeudi dans les quartiers chauds la banlieue est de la capitale.
Le même scénario risque également de se produire dans les communes et quartiers de la banlieue ouest. Pour preuve, depuis le début de l’après-midi, à Dergana, El-Hamiz et Bordj El-Kiffan, des routes ont été bloquées par des jeunes émeutiers dans plusieurs quartiers de ces communes dont le ciel est, désormais, obscurci par le feu des pneus brûlés. (El Watan-06.01.2011.)
*Les émeutes qui ont éclaté dans plusieurs villes en Algérie ont fait paniquer les autorités publiques. Celles-ci tentent tant bien que mal de contenir cette nouvelle vague de protesta qui a déferlé sur Oran, Alger, Blida, Dejlfa, Ouargla et d’autres régions du pays, en multipliant les promesses.
Et c’est le ministère du Commerce qui s’est attelé à cette besogne en assurant mercredi à la population que « les produits de large consommation resteront subventionnés par l’Etat ». Le ministère du commerce promet même une promulgation rapide des textes d’application relatifs à la loi sur la concurrence et les pratiques commerciales à travers « le plafonnement des prix et la limitation des marges de bénéfice des produits de large consommation », nous apprend également l’Agence Presse Service (APS).
Selon celle-ci, le gouvernement accuse ouvertement les commerçants d’avoir fomenter cette soudaine et vertigineuse hausse des prix en « exagérant » les marges bénéficiaires. Et pour sanctionner ces commerçants véreux, les pouvoirs publics comptent modifier la durée de validité du registre de commerce. Bientôt, cette durée sera portée à deux ans alors que jusqu’à présent la durée de validité du registre de commerce était illimitée.
Cette nouvelle mesure concernera, selon le ministère du commerce, les importations de matières premières, les produits destinés à la vente en l’état, les commerces de gros et les commerces de détail pour les étrangers. L’objectif fixé est d’assainir un secteur déjà fortement rongé par la spéculation et les pratiques frauduleuses.
Cec dit, ces énièmes promesses ne risquent pas de ramener le calme dans le pays au vu de la détérioration continue du pouvoir d’achat des ménages. La mal vie et la précarité qui ne cessent de monter en puissance ont convaincu les Algériens, notamment les plus jeunes, que les dispositifs publics de contrôle des prix ne servent plus à grand chose.
Aujourd’hui, la société civile ne se contente plus des slogans qui annoncent des lendemains enchanteurs. Elle exige plus que jamais une justice sociale et une répartition équitable des richesses nationales. (El Watan-06.01.2011.)
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**Hausse des prix des produits de large consommation
L’inquiétude et la colère gagnent du terrain
La hausse inexplicable des prix des produits alimentaires de large consommation a créé un climat d’inquiétude au sein des ménages.
*** On a livré l’économie aux prédateurs…et l’Etat est absent
Les pères de famille à bourse moyenne ne savent plus quel calcul il faut inventer pour satisfaire les besoins alimentaires élémentaires du foyer. La tendance inflationniste de notre économie a rendu obsolète le pouvoir d’achat de la plupart des ménages. Et le résultat est perceptible dans la déception affichée par les chefs de famille devant les produits inabordables.
Le climat est à la colère dans la capitale. Des réunions syndicales et des tribunes de protestation se forment autour des tables dans chaque café, dans les bus et les taxi. «C’est trop», ne cesse-t-on pas de qualifier ces hausses des prix rendant hors de portée le sucre, l’huile et les légumes secs.
«Nous pleurions le fait que l’achat de la viande soit devenue occasionnelle pour nous. Nous avons fini par nous habituer et trouver des substituts à la viande, mais nous passer d’huile, de sucre ou de pain, cela relève de l’impossible», commente une vieille femme sillonnant les allées entre les étals du marché T’nach, tenant soigneusement à la main son couffin vide. Des rumeurs quant à une pénurie de pain, à partir de la semaine prochaine, vont bon train, en l’absence d’une réaction des responsables du secteur. Des boulangers n’ont pas hésité à informer leurs clients de cette situation. Les consommateurs redoutent que ce ne soit le présage d’une hausse prochaine des prix du pain, stabilisé depuis des années à 10 DA. Dans la plupart des échoppes situées aux alentours de la place du 1er Mai, le litre d’huile de table est affiché à 170 DA, tandis que le kilo de sucre est à 120 DA. Le café va de 120 DA à 180 DA les 250 g selon les marques. Le kilo de lentilles en vrac coûte 150 DA, le prix du produit conditionné est plus cher de 10 DA. Les haricots blancs, prisés en hiver, sont affichés à 170 DA/kg. Les pâtes alimentaires ont également enregistré une hausse des prix : de 28 à 30 DA, elles valent actuellement 35 à 45 DA le paquet de 500 g.
La situation n’est pas plus clémente pour les légumes. La tomate, les carottes et les fèves sont à 80 DA le kilo, l’oignon à 45 DA et la courgette à 150 DA. La pomme de terre se stabilise autour de 35 DA/kg dans les étals des marchés réputés être les moins chers de la capitale. Il faut signaler dans ce sens que plusieurs localités de la wilaya d’Alger sont privées de marchés de proximité. Les prix sont, de ce fait, plus hauts dans les commerces de fruits et légumes des cités dépourvues de surfaces couvertes. Les commerçants interrogés incriminent des défaillances enregistrées au niveau de la distribution, rendant plus importants les frais d’acheminement du produit de la production jusqu’au détail. Le manque de marchés de proximité constitue aussi un élément favorisant la hausse des prix, selon les représentants des commerçants. L’inefficacité des mécanismes de régulation mis en place par le ministère du Commerce depuis quelques années est ainsi prouvée. Des manifestations de colère commencent à être enregistrées. Dans l’après-midi d’avant-hier, des échauffourées avec les forces de l’ordre ont été signalées à Staouéli. Les protestataires dénonçaient la hausse des prix. (El Watan-06.01.2011.)
**Crise et protesta…Edito.
Les nouvelles annonçant l’achat d’équipements antiémeute pour les services de sécurité ont toujours laissé les Algériens perplexes. Le discours officiel prêchait plutôt une amélioration significative de la situation sur tous les fronts, sécuritaire, social et politique. L’Etat annonçait le meilleur mais se préparait au pire. En matière de contestation sociale, le pays démarre l’année sur les chapeaux de roues. Des émeutes ont éclaté ces derniers jours en plusieurs endroits, dénonçant la hausse brutale des prix des produits de large consommation. Des citoyens de certains quartiers ont investi la rue sans attendre, n’ayant pas d’autre recours pour crier leur détresse devant l’aggravation ininterrompue de leurs conditions de vie.
La population, dans son ensemble, reste sonnée devant les nouvelles alarmantes provenant du marché. Entre la pénurie et la cherté, les produits de base deviennent des produits de luxe, faisant monter la paupérisation de plusieurs crans. L’intervention des services de sécurité pour rétablir le calme n’est pas, bien évidemment, la meilleure réponse à opposer à l’expression d’un profond malaise social. Le meilleur système policier ne peut mettre durablement sous l’éteignoir la colère des citoyens en proie à l’iniquité sociale, comme cela vient d’être démontré dans un pays voisin. En lieu et place d’un aveu d’échec de toutes les politiques suivies ces dernières années, les gouvernants de notre pays se perdent dans la recherche de boucs émissaires, les spéculateurs, qui seraient à eux seuls responsables de la dérégulation du marché et de la dégradation du pouvoir d’achat. Une attitude fort peu crédible après les nombreux scandales liés à la corruption ayant éclaté ces derniers mois, révélant que l’intérêt de la collectivité n’a pas toujours prévalu dans la gestion des deniers publics.
L’Etat se vante de dormir sur un matelas de devises de 150 milliards de dollars de réserves de change, en oubliant de dire qu’il a été incapable de le transformer en richesses et en bien-être en faveur de la majorité de la population. Nous demeurons la lanterne rouge des classements mondiaux relatifs au niveau de vie, bien loin derrière nos voisins, et nous sommes décrits comme un «peuple malheureux» dans les notes diplomatiques confidentielles qui ont rejailli récemment sur Internet. Pendant ce temps, les responsables algériens se gargarisent de statistiques auxquelles ils sont les seuls à croire, comme ce taux de chômage miraculeux de 10%, de même niveau que les pays de la zone euro, cette partie du monde vers laquelle ne cessent de se diriger les barques des harraga. (El Watan-06.01.2011.)
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**Les émeutes font tache d’huile
Fait inédit dans les annales du mouvement de contestation sociale en Algérie : des citoyens de Staouéli, dans la wilaya d’Alger, et de Fouka, dans la wilaya de Tipaza, ont investi, mardi, la rue pour protester contre la cherté de la vie.
Cette nouvelle forme de protestation sociale a, sans doute, dérouté tout le monde : le pouvoir, les organisations syndicales, les partis politiques, voire les associations de défense des consommateurs qui n’ont aucun impact sur le terrain. Depuis ces dernières années, le recours à l’émeute et à la rue s’est imposé dans le vécu quotidien des citoyens face à l’absence, ou à l’inefficacité, du dialogue social.
On a connu toutes sortes de manifestations possibles et imaginables : contre la hogra (les injustices), pour la revalorisation des salaires et des statuts de différentes corporations, pour le relogement, contre le climat d’insécurité, contre des bavures policières, l’incurie des élus locaux… et la liste est longue.
Mais c’est depuis ce que certains avaient injustement appelé «les émeutes de la faim» en octobre 1980, pour qualifier un mouvement social, qui avait néanmoins un soubassement politique, que les acteurs politiques de l’époque ont fini par admettre, plus tard, les actions contre l’envolée des prix et la baisse constante du pouvoir d’achat des citoyens n’ont pas constitué à proprement parler des moments forts de la contestation sociale. Les appels à la grève des couffins lancés ça et là, ciblant parfois des produits particuliers comme la viande n’ont pas rencontré l’écho escompté. Désarmés, résignés devant la saignée de leur porte-monnaie, pour ceux qui ont la chance d’en avoir et face au désespoir total et à l’absence de perspectives, certains n’ont trouvé d’autre «planche de salut» que le suicide ; un phénomène qui a atteint ces dernières années un seuil dramatique. Face à la démission des pouvoirs publics qui n’arrivent pas à réguler le marché, otages qu’ils sont d’un modèle de développement économique où la dimension sociale n’est perçue que comme un agrégat économique parmi tant d’autres, sans doute pas le plus important à leurs yeux, il faudra s’attendre inévitablement dans les prochains jours à ce que ce type de manifestations contre la vie chère fasse tache d’huile et gagne d’autres régions du pays.
Ces actions citoyennes ciblées autour de préoccupations non négociables qui ont conduit, sous d’autres cieux, au renversement des régimes en place signent clairement l’échec des politiques, ainsi que du syndicat dont c’est la vocation première de défendre le pouvoir d’achat des travailleurs. Pendant que les prix grimpent sans cesse, le pouvoir d’achat ne fait que dégringoler, atteignant des niveaux qui font peser une sérieuse menace sur la paix et la cohésion sociales. Au nom de l’économie de marché et en se réfugiant derrière la crise économique et financière mondiale, on a tout permis.
On a livré l’économie aux prédateurs, aux barons de l’informel qui imposent leur loi sur le marché, se jouant des prix, y compris ceux des produits les plus stratégiques tels l’huile, le sucre, comme dans un jeu de quilles. D’un revers de la main, sans transition aucune, on est passé du Tout Etat, non pas à moins d’Etat, ce qui aurait été un moindre mal si la transition avait été bien assurée, mais, bien plus grave, à l’éclipse totale de l’Etat dans la sphère de distribution et de commercialisation. (El Watan-06.01.2011.)
**multiplication des manifestations contre la pauvreté
La jeunesse est de nouveau descendue jeudi dans les rues de l’Algérie pour protester avec violence contre la vie chère, le manque de logements et le chômage dans ce pays riche en hydrocarbures, selon des témoins et la presse.
Des centaines de jeunes des communes entourant la ville de Boumerdès, à une soixantaine de km à l’est d’Alger, mais aussi à Béjaia (plus à l’est à 260 km de la capitale) ont bloqué les principales routes régionales pour crier leur colère, a rapporté le journal El-Watan en ligne, selon lequel les autorités y ont envoyé « d’importants convois de forces anti-émeutes ».
Dans la nuit de mercredi à jeudi à Bab el Oued, un quartier populaire du vieux centre d’Alger, des dizaines de jeunes qui ont attaqué le commissariat local à coups de pierres. Ils ont également saccagé et incendié nombre de magasins dont celui du concessionnaire de Renault réduisant en carcasses une dizaine de véhicules, a constaté un photographe de l’AFP.
Que ce soit à Alger, mais aussi dans des villes aussi lointaines (430 km à l’ouest) qu’Oran, le modus operandi a été le même.
En plein Alger, jeudi en milieu d’après-midi, la quasi-totalité des commerces avaient baissé leurs rideaux, bien plus tôt qu’à l’accoutumée en veille de week-end. Une boutique de chaussures de luxe de la rue très prisée de Didouche Mourad a même vidé son commerce: « on ferme en attendant de voir ce qui va se passer », a lancé un employé.
L’Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA) a reconnu que « l’augmentation des prix relevée ces derniers jours est forte, car il s’agit de hausses de 20 voire de 30% ». Selon l’UGCAA, les prix notamment du sucre et de l’huile ont « fortement » augmenté début janvier.
Mercredi, le ministre du Commerce Mustapha Benbada affirmait que l’ »Etat continuera à subventionner les produits » de première nécessité.
D’autres manifestations éclatent depuis des mois par petits groupes un peu partout dans le pays pour dénoncer aussi l’absence de logements sociaux, les passe-droits et la corruption. Dans le même temps, des bidonvilles illégaux sont rasés.
A l’aube de son troisième mandat, en 2009, le président Abdelaziz Bouteflika s’était engagé à construire un million d’appartements manquants depuis le séisme de 2003 et le triplement de la population (35,6 millions d’habitants) depuis l’indépendance en 1962.
10.000 habitations ont été livrées en 2010 à Alger.
Actuellement, 75% des Algériens ont moins de 30 ans et plus de 20% des jeunes sont chômeurs, selon le FMI.
Cette situation les fait fuir vers l’Europe. Faute de visas, ils partent en haute mer au risque de leur vie et toutes les semaines, les tentatives de dizaines d’entre eux échouent.
Mohammed Saib Musette, sociologue du Centre de recherches de l’économie appliquée au développement (CREAD), tire la sonnette d’alarme. « Je crains que la situation s’embrase », a-t-il souligné à l’AFP, alors que le pays est en Etat d’urgence depuis la décennie noire anti-islamiste des années 90.
« Il y a un effet de contagion notamment quand on pense à ce qui se passe avec la Tunisie » (où des manifestations violentes depuis décembre ont fait quatre morts), selon M. Musette, même si « la situation n’est pas semblable ». « Il y a plus de libertés ici », compare-t-il, et « l’Algérie est un pays très riche » grâce à ses hydrocarbures.
Contrairement aux émeutes de 1988 survenues alors que les caisses de l’Etat algérien étaient vides, le gouvernement a annoncé fièrement que le pays disposait de 155 milliards de dollars de réserves en devises à la fin décembre et que ses recettes en hydrocarbures avaient atteint 55,7 milliards de dollars. (AFP-06.01.2011.)
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*Prix…Attention ça flambe!
Ces augmentations qui exhalent de forts relents de déstabilisation sociale sont perçues par les Algériens comme une agression contre leur dignité. A qui profite le crime?
Si il y a des produits de première nécessité dont on ne saurait vraiment se passer, ce sont bien l’huile, le sucre et la farine. Indispensables dans toute préparation alimentaire que ce soit la gastronomie ou la pâtisserie, ils font partie des éléments de base les plus usités par les ménagères. Lorsqu’ils viennent à manquer, point de déjeuner et ou diner et adieu le dessert. Cet engouement, voire cette propension à recourir à l’huile, le sucre et la farine pour de nombreux plats mijotés, a un tel point aiguisé les appétits qu’il a poussé les spéculateurs de tout bord à sévir de nouveau en pratiquant des prix spéculatifs. Alors que tout le monde s’attendait, à défaut d’une réduction, à une stabilité des prix, voilà qu’on nous annonce, tort de gré, la hausse des prix de l’huile et du sucre sur le marché pour «fêter le début de la nouvelle année». Se 85 DA, en moyenne, le kilogramme de sucre est passé à 115 et parfois 120 DA, soit une augmentation de plus de 30%. Idem pour l’huile qui a atteint 115 DA, soit 750 DA le bidon de cinq litres. Pourquoi ces hausses excessives alors que rien ne semble le justifier, en tout cas, pas l’augmentation des prix des matières premières à l’échelle mondiale que d’aucuns invoquent pour tenter de se dédouaner.
Si oui, pourquoi les prix de ces deux produits de base n’ont-ils pas connu de hausse sensible en Europe? Dans le pire des cas, ils ne dépasseraient pas le seuil des 5%. C’est vrai que nous importons les matières premières souvent au prix fort, c’est vrai, aussi, que notre pays n’a pas encore atteint son autosuffisance alimentaire, mais on a du mal à accepter ces brutales flambées des prix.
Les Algériens les perçoivent comme une agression dirigée contre leur dignité. Après les dernière émeutes contre la malvie qui ont eu pour théâtre certaines villes du pays, veut-on étendre la contestation en allumant d’autres foyers à travers le pays? Depuis quelque temps, on évoque une pénurie de farine. Les premiers à avoir tiré la sonnette d’alarme sont les boulangers dont nombreux ont dû baisser rideau à cause, précisément, des perturbations fréquentes enregistrées au niveau des approvisionnements. Ces derniers n’ont cessé d’attirer l’attention des autorités concernées car la farine, tout comme l’huile et le sucre, est un produit de base sans lequel on ne pourrait faire du pain.
Et lorsque on sait la place qu’occupe le pain dans la société et les habitudes culinaires des Algériens, on est forcé de se poser cette question: qui veut nuire à la paix sociale? Car une pénurie de farine ne serait pas sans conséquence pour les ménages et entraînerait la révolte du pain. D’ailleurs, il n’y a pas que les boulangers, les propriétaires des minoteries, aussi, se plaignent de l’absence des matières premières indispensables pour la production de la farine et des produits dérivés. Leurs minoteries tournant presque au ralenti, certains propriétaires menacent carrément de fermer boutique.
Le ministère du Commerce ne se contente pas d’observer et intervient dans le débat. Pendant ce temps, ces flambées des prix n’ont épargné aucun produit. Le phénomène est analysé par les experts. Pour Mohamed Gharnaout, économiste, «ces augmentations ont certainement un lien avec les dernières augmentations des salaires». Dans les moments difficiles, l’Algérien ne se met pas en colère rapidement. Si il se révolte, c’est qu’il s’est senti lésé ou berné.
En effet, la flambée des prix des produits alimentaires de large consommation est accentuée par la demande de logement non satisfaite au niveau national et cela, nonobstant la réalisation du 1 million de logements, au titre du premier plan quinquennal et le programme initié au titre du plan quinquennal 2010-1014.
La fibre sensible est le logement. Bon nombre d’élus l’utilisant comme monnaie d’échange et promettent monts et merveilles aux citoyens s’ils sont élus. Une fois installés, ils oublient leurs promesses et se consacrent à des activités autres que celles pour lesquelles ils ont été désignés.
Les logements tardent à venir et ceux qui arrivent sont détournés au profit de tierces personnes qui n’habitent parfois pas la commune.
D’ailleurs, beaucoup dénoncent ces listes faites souvent dans l’opacité, et revendiquent une distribution beaucoup plus juste sur la base de critères plus fiables reconnus et acceptés par tout le monde, car le logement est une chose trop sérieuse pour qu’on la laisse aux mains des seuls élus. Tous ces incrédients contribuent à allumer le feu. Oran, Alger, Djelfa, Tipasa, et d’autres villes encore sont gagnées par la révolte. Ou risquent de l’être. Tipasa, Alger, Fouka et Staouéli sont les autres localités qui ont connu des émeutes.(L’Expression-06.01.2011.)
**C’EST LE BOUILLONNEMENT SUR LE FRONT SOCIAL
Qui jette de l’huile sur le feu?
«C’est inadmissible, décourageant et révoltant. Vendre le sucre à 150 dinars est une insulte pour le peuple.»
Les dernières augmentations faramineuses des prix des produits de première nécessité ont fait sortir les gens dans la rue. Cette fois, c’est dans la wilaya paisible de Tipasa que les citoyens se sont soulevés contre cette flambée injustifiée des prix des produits alimentaires notamment. Des centaines de jeunes des cités des Orangers et Ali-Amar sur les hauteurs de la ville de Fouka ont investi la rue durant l’après-midi de lundi dernier pour manifester leur colère contre cette situation qui empoisonne leur quotidien. Ils ont procédé au blocage de la route à l’aide de pierres, de barres de fer, de troncs d’arbre et de pneus brûlés et autres objets hétéroclites. Une action similaire s’est déroulée, à Staouéli, à Alger, pour les mêmes motifs. Le risque de voir la situation s’embraser n’est pas exclu. A qui profite alors le crime?
Le sucre, qui est un produit vital se vend à 150 dinars au grand désespoir des citoyens qui voient leur pouvoir d’achat se dégrader de jour en jour. Les prix de l’huile ont atteint 160 dinars le litre.
Les familles algériennes sont perplexes devant cet état de fait. «C’est inadmissible, décourageant et révoltant. Vendre le sucre à 150 dinars est une insulte pour le peuple. On ne peut plus supporter cette situation», estime un citoyen. Les pères de famille ne peuvent plus se permettre une virée en compagnie de leur progéniture. «C’est vraiment choquant, on ne peut pas subvenir à nos moindres besoins. Comment peut-on admettre que le sucre soit vendu à 150 dinars le kilo?» se demande un père de famille, dépité, comme cette élue qui ne peut exprimer sa colère devant le fait qu’elle siège à l’APN rien que pour lever le bras. Les responsables expliquent que ces augmentations sont dues à la flambée des prix sur le marché international.
Mais les citoyens se demandent pourquoi on n’annonce pas de baisse sur le marché national lorsqu’il en est de même au niveau du marché international et pourquoi ce n’est qu’en Algérie que les prix des produits alimentaires augmentent de 100% dans un temps record. «Avec les prix actuels sur le marché et les salaires dérisoires qu’on touche, on est menacés dans notre existence», soutient un autre père de famille.
Ainsi, le pays traverse une situation difficile sur tous les plans aussi bien social, économique que politique, les conditions ne sont pas reluisantes. Et c’est là l’avis de tout le monde: citoyens, syndicalistes, politiques, universitaires, analystes, observateurs et même point de vue des officiels. Le tableau est sombre. Il est noir. Voilà quelques ingrédients d’une explosion sociale.
Les produits de première nécessité atteignent des prix vertigineux, les partis politiques et la société civile sont démissionnaires, les pouvoirs publics laissent faire, le champ médiatique est verrouillé…Un véritable bouillonnement social prélude à l’embrasement. Pour les Algériens, tous ces facteurs augurent de quelque chose de grave. Et octobre 1988 est convoqué par les mémoires, surtout que tout est manigancé. Et le remède?
La sonnette d’alarme est tirée. Que chacun assume ses responsabilités. (L’Expression-06.01.2011.)
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«Comme en octobre 1988, nous ne sommes pas loin de la révolte de la faim»
Rachid Grim. Politologue…(Interview) :
- Un début d’année est synonyme d’espoir en des jours meilleurs, or des émeutes éclatent ici et là en Algérie, tantôt pour dénoncer la crise du logement, tantôt la cherté de la vie. Comment analysez-vous ces émeutes qui interviennent en cette période ?
En fait, le début de l’année n’est que la suite logique de la fin de l’année dernière et même des autres années. L’émeute populaire est devenue chez nous la seule manière pour le peuple – ou du moins pour la catégorie du peuple la plus démunie – de s’exprimer et surtout d’être entendu. Cette catégorie de la population ne fait pas de différence entre un début d’année – qui devrait être synonyme d’espoir en des jours meilleurs – et le reste de l’année – et même des années. Tout, pour elle, est de la même couleur : noire !
Pour le peuple, tout va en s’aggravant. Et les émeutes de ce début d’année ne constituent pas une exception, sauf en ce qui concerne peut-être la cause immédiate des révoltes de ces derniers jours. Nous ne sommes pas loin de reparler, comme en octobre 1988, de «révolte de la faim». Et cela est très grave. L’année qui commence n’a fait que poursuivre – et accélérer pour beaucoup d’entre eux – la valse des prix des produits de base. On parle même de risque de pénurie de pain. Et cela est parfaitement inadmissible.
Le fait que l’on parle de risque de pénurie de pain – dont le prix est soutenu et la disponibilité théoriquement assurée – est symbolique de la situation de déliquescence de l’économie du pays. Tout augmente et commence à disparaître des étals. Vraies ou fausses pénuries, qu’importe. Le petit peuple ne voit qu’une chose : lui qui ne peut consommer que du pain, du lait, de l’huile, du sucre, etc. voit ou bien les prix de ces produits prendre l’ascenseur pour remplir les poches de spéculateurs et de charognards sans vergogne, ou bien ces produits disparaître des étals, au grand désespoir des plus démunis. Toutes les explications que les autorités peuvent fournir – y compris celles qui réellement tiennent la route, comme l’augmentation des prix des produits de base agricoles sur le marché mondial –ne convainquent personne. Il y va de la survie physique de tout un pan de la population qui ne vit que de ces produits de base. Comment donc les convaincre que l’Etat ne peut rien pour protéger le tout petit pouvoir d’achat que leur a laissé la crise économique qui sévit depuis maintenant plus de 25 ans ? L’Algérie est riche, leur a-t-on toujours répété ; mais de cette richesse, ils ne voient rien. Ou plutôt, ils la voient entre les mains de la minorité dirigeante qui l’étale fièrement, sans aucune honte, comme un butin très facilement conquis. Pour la majeure partie du peuple, par contre, chaque jour qui passe ajoute son lot de misère à sa vie. D’où les réactions de plus en plus violentes de la rue. Et à mon avis, cela ne fait que commencer.
- La généreuse manne pétrolière n’a pas été suivie d’une amélioration de la qualité de la vie des Algériens. Le pouvoir d’achat est en constante régression. Comment expliquez un tel décalage ?
C’est la traduction d’une stratégie de développement aux antipodes des besoins vitaux d’une population. A un moment, le pays était en situation de cessation de paiement. Pour redresser la barre, l’Algérie est passée sous les fourches caudines du FMI et de la Banque mondiale. Nous en connaissons tous les résultats sur le niveau de vie de la population. L’Algérie ne pouvait pas éviter le rééchelonnement de la dette, concédé par les puissances créancières contre les réformes structurelles exigées par les institutions financières mondiales. Seulement, nos gouvernants ont non seulement été «les très bons élèves du FMI», mais ils ont même fait montre d’un zèle excessif sur la voie de la dérégulation et de l’ouverture du pays aux produits du monde entier. Le résultat, on le connaît : à part le secteur pétrolier qui a continué sa croissance naturelle – parce que mamelle sans laquelle les régimes qui se sont succédé n’auraient pas pu tenir et surtout parce que c’était et c’est encore une chasse gardée des Américains – tous les autres pans de l’économie nationale se sont écroulés. Toutes les stratégies de développement essayées depuis ont eu très peu de résultat sur l’essentiel : l’élévation du niveau de vie des citoyens. Toutes les statistiques officielles avancées ici et là ne convainquent personne. Les chiffres, même s’ils renferment une part de vérité, restent virtuels. Tandis que le vécu, lui, est bien réel. Et le vécu c’est avant tout la sensation, très largement partagée, que tout se délite, tout va à vau-l’eau. Que la misère se développe à grande vitesse chez le peuple, tout comme l’extrême richesse chez la minorité dirigeante.
- Que traduit ce recours systématique à la rue ?
Il traduit avant tout une désespérance, une absence d’espoir pour l’avenir. Il suffit de poser la question au premier quidam venu sur la couleur de son avenir. Il vous répondra automatiquement : noir ! Et il s’agit d’une réponse sincère. Le citoyen lambda ne s’embarrasse pas de grandes théories économiques ni de stratégies mises en œuvre par les pouvoirs publics pour un avenir meilleur que, de toutes les façons, il ne verra pas. Ce qui lui importe, c’est ce qu’il peut acheter au marché aujourd’hui pour nourrir au mieux ses enfants. Le paradis qu’on lui promet pour les années qui viennent, il n’en veut pas. De toutes les façons, il n’y croit pas. Parce que par ailleurs, il voit la richesse insolente de ceux qui ont le pouvoir ; il voit les scandales quasi quotidiens de corruption et la gabegie de ces mêmes milieux ; il voit les milliards de dollars de réserves de change, annoncés fièrement par les dirigeants du pays, partir en fumée dans des projets, certes utiles, mais dont le coût de revient est multiplié par deux ou trois pour assouvir la soif de dirigeants prédateurs. Tout cela ne peut mener qu’à la rue. D’autant qu’il n’y a absolument aucune autre possibilité pour le peuple de s’exprimer.
- L’absence de vision claire de la part du gouvernement sur l’avenir est-elleun facteur déclencheur de la protestation sociale ?
C’est une lapalissade que de dire que le gouvernement manque de vision sur l’avenir. Faites le compte du nombre de projets de stratégie industrielle mis sur la place publique depuis moins de cinq ans. Et faites le compte de ce qui a été réalisé ! Le solde n’est pas à l’honneur d’un pays qui possède autant d’atouts. Et ce ne sont pas les rodomontades de certains de nos ministres – et de beaucoup de nos hauts fonctionnaires qui reprennent servilement la voix de leurs maîtres – qui vont changer la donne fondamentale qui est que le pays est en panne de bonne gouvernance. L’observateur averti aura remarqué, ces tout derniers mois, le forcing des ministres – à commencer par le Premier d’entre eux – pour faire croire que tout va bien et que les lendemains seront encore meilleurs. Cela ressemble étrangement à de l’autosuggestion. Parce qu’en fait, il n’y a qu’eux qui semblent y croire.
La population, quant à elle, ronge son frein, supporte stoïquement sa misère grandissante, jusqu’au jour où – dans sa totalité – elle demandera des comptes. Permettez-moi de conclure par une toute petite suggestion, qui pourra peut-être redonner un peu d’espoir à la population la plus démunie : que les autorités cassent le mythe de l’obligation de suivre strictement les règles de l’économie libérale et de la vérité des prix. Le pays dispose d’assez d’argent pour amortir, au moins pendant quelque temps, l’impact sur la population algérienne de l’augmentation des prix des produits agricoles de base sur le marché mondial. Le temps pour que toutes les stratégies de développement élaborées dans les laboratoires du gouvernement donnent leurs fruits. A ce moment-là, libre à elles de revenir au mythe du tout-libéral. (El Watan-06.01.2011.)
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*Maghreb: un profond malaise social, une absence de perspectives politiques
Les violentes protestations sociales en Algérie et en Tunisie témoignent d’un malaise social profond, touchant en particulier les jeunes diplomés, aggravé par la crise économique et l’usure des élites politiques, estiment des experts interrogés par l’AFP.
La Tunisie est en proie, depuis le 17 décembre, à une révolte sociale inédite, partie du centre-ouest du pays, qui a fait 4 morts au total: deux lors de manifestations et deux suicides. En Algérie, des émeutes ont éclaté ces derniers jours dans les villes du pays pour dénoncer le chômage et le coût de la vie.
Selon les analystes, il y a des points communs entre les deux pays, ainsi qu’avec le Maroc voisin. Leurs économies ne parviennent pas à offrir des perspectives aux jeunes, souvent diplômés, qui arrivent sur le marché du travail.
« Dans ces trois pays, il y a eu des efforts dans le domaine de l’éducation, mais on n’a pas pensé aux mécanismes d’intégration des jeunes diplômés à la collectivité, une intégration qui passe évidemment par l’emploi », estime Driss Benali, économiste, professeur à l’université Mohammed V de Rabat.
Le Tunisien de 26 ans qui s’était immolé par le feu en décembre et qui est mort mardi des suites de ses blessures était l’un de ces jeunes diplômés. Il était vendeur ambulant, faute de mieux, et sa marchandise venait d’être confisquée par la police.
La crise mondiale est venue s’ajouter à ces difficultés, de même que la hausse des prix alimentaires qui, dans ces pays, sont pourtant subventionnés par l’Etat. Après les manifestations en Algérie, le gouvernement vient d’assurer que l’ »Etat continuera à subventionner les produits » de première nécessité.
« Il y a beaucoup de chômage, beaucoup de diplômés-chômeurs et ça fait longtemps que ça dure. La situation tient tant qu’il y a de la croissance économique », observe Pierre Vermeren, maître de conférence à l’université de Paris I.
« De plus, la crise économique a bloqué l’émigration » qui était une soupape pour les économies du Maghreb, en offrant un débouché à certains diplômés, note-t-il.
En outre, explique le chercheur, l’Algérie et la Tunisie sont « deux pays qui ont des systèmes politiques en crise » avec deux présidents, Abdelaziz Bouteflika et Zine el Abidine Ben Ali, qui s’approchent de la fin de leur carrière. En l’absence de relève, « cela crée une situation politique d’attente, sans perspective », note-t-il.
Les régimes politiques des pays du Maghreb sont pourtant très différents, la Tunisie étant très critiquée pour l’absence de libertés politiques.
« En Tunisie, ils manifestent parce qu’ils étouffent, ce n’est pas une violence seulement sociale mais une protestation contre le fonctionnement du régime. Le régime et la famille Ben Ali ont écarté toutes les relèves potentielles. Il n’y a plus de relais du pouvoir, il y a la peur qui règne », souligne Antoine Basbous, de l’Observatoire des pays arabes.
De fait, le président Ben Ali, qui tient le pays d’une main de fer, a peu de craintes de voir son pouvoir menacé par la révolte sociale, selon les analystes.
« Au Maroc, la situation n’est pas aussi fermée, il y une opposition constituée. Les jeunes au chômage peuvent manifester durant des mois devant l’Assemblée nationale à Rabat », ajoute Karim Pakzad, de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), à Paris.
En Algérie, « le FLN (au pouvoir) a gardé une légitimité du parti de libération nationale » et « dans l’espace public, les partis d’opposition peuvent s’exprimer », précise-t-il.
Pour les trois pays, il faut aussi désormais prendre en compte la dimension internet et le possible effet de contagion. « Les gens sont toute la journée sur internet, sur Facebook et les Algériens voient très bien ce qui se passe en Tunisie », relève Pierre Vermeren, qui souligne aussi le rôle de la chaîne Al-Jazirah dans la diffusion de l’information au Maghreb.(AFP-06.01.2011.)
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**Tunisie: l’agitation continue, grèves et arrestations de cybernautes
Entre manifestations de rue, grève des avocats, tentatives de suicide et arrestations d’internautes, l’agitation sociale partie de Sidi Bouzid (centre-ouest) il y a trois semaines s’est poursuivie jeudi en Tunisie, malgré des mesures d’apaisement du gouvernement.
A Sidi Bouzid (265 km au sud de Tunis), la plupart des lycées et collèges étaient en grève dans cette ville endeuillée au lendemain de l’enterrement de Mohamed Bouaziz, a indiqué à l’AFP Ali Zari, responsable syndical local.
Mohamed Bouazizi, 26 ans, s’était immolé le 17 décembre pour protester contre la saisie de son étal de primeurs par des agents municipaux. Il est devenu depuis le symbole d’une révolte contre la précarité sociale et le chômage, notamment celui des jeunes diplômés.
Le mouvement qui s’est étendu depuis à d’autres régions enclavées du centre et du sud ouest, a gagné jeudi des localités du littoral-est plus nanti.
A Jbeniana, près de Sfax (300 km au sud-est de Tunis), la police a dispersé une manifestation de lycéens et d’autres plus violentes à Tala (ouest) où des arrestations musclées avaient été signalées dès mercredi soir.
Un nouveau suicide, le 3e depuis le début des troubles, a eu lieu à Chebba, sur le littoral-est, où Mohamed Slimane, 52 ans, un ouvrier du bâtiment, père de deux diplômés de l’université sans emploi, a été retrouvé pendu.
L’homme était malade et aurait désespéré de recevoir une aide pour se soigner et nourrir sa famille.
A Regueb, près de Sfax, un jeune a menacé de se donner la mort par électrocution pour dénoncer la corruption et l’inégalité face à l’emploi et un autre s’est immolé à Metlaoui, un zone minière ayant connu des troubles en 2008.
Des milliers d’avocats ont observé une grève pour dénoncer la répression le 31 décembre d’une manifestation de solidarité avec les habitants de Sidi Bouzid, selon le bâtonnier Abderrazak Kilani.
Le barreau avait dénoncé « un usage sans précédent » de la force et affirmé le devoir de « défendre la liberté d’expression » et « le droit des habitants de Sidi Bouzid et d’autres régions démunies à l’emploi, à la dignité ».
La grève a été cependant été dénoncée comme un acte « politique » contre le régime par des avocats du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, parti au pouvoir du président Zine El Abidine Ben Ali).
Par ailleurs, un rappeur et deux blogueurs ont été arrêtés jeudi, au lendemain de cyber-attaques de groupes d’internautes solidaires du mouvement de protestation sociale. Celle d’un troisième n’a pu être confirmée.
Ces attaques répondaient à un mot d’ordre lancé par les « Anonymes » (Anonymous) qui se présentent comme un groupe d’internautes attachés à la liberté d’expression.
Selon son frère, Hamada Ben Amor, dit « Le Général », arrêté à Sfax, est l’auteur d’un rap intitulé « Président, ton peuple est mort » diffusé sur internet, devenu un espace d’expression pour des milliers de jeunes tunisiens notamment sur Facebook et Twitter.
Slim Amamou et El Aziz Amami, cybernautes très actifs contre la censure ont été également arrêtés jeudi, selon le journaliste opposant Sofiene Chourabi.
A Paris, 200 personnes se sont rassemblées dans le cadre d’une journée internationale de solidarité avec la révolte sociale en Tunisie, et d’autres devant le consulat de Tunisie à Lyon (centre-est).
Une soixantaine de Tunisiens du Canada, dont de nombreux étudiants, ont manifesté jeudi soir devant le consulat de leur pays à Montréal pour réclamer le départ du président Ben Ali.
La France suit de près la situation en Tunisie, a dit la porte-parole adjointe du ministère français des Affaires étrangères, Christine Fages.
« Nous continuons de suivre de très près la situation en Tunisie et souhaitons que les tensions, qui ne sont dans l’intérêt de personne, s’apaisent. Il n’appartient pas à la France, pas plus qu’à un autre État, de conseiller les autorités tunisiennes dans le domaine économique et social », a-t-elle ajouté.
Le président Ben Ali avait accusé l’opposition d’instrumentaliser la révolte à des fins « malsaines » avant de retoucher son gouvernement et de débloquer 116,6 millions d’euros pour l’emploi, en plus de 7,8 millions d’euros pour la création de projets à Sidi Bouzid.(AFP-06.01.2011.)
Catégories : actualité, eco-finances, société
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