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Omar Bongo et la France : le pacte de corruption

31122010

*Selon WikiLeaks : Bongo aurait financé Sarkozy et Chirac

Selon le quotidien espagnol El País qui publie  mercredi soir (29.12.2010.) plusieurs notes diplomatiques américaines, près de 28 millions d’euros auraient été détournés de la Banque des Etats d’Afrique centrale (BEAC) par le président gabonais Omar Bongo. Cet argent aurait profité à des partis politiques français, et plus précisément à Nicolas Sarkozy.Au début du mois de juin 2009, alors qu’un juge parisien venait d’admettre la plainte déposée contre Bongo par Transparency International, l’autocrate gabonais s’éteignait dans une clinique de Barcelone.Quatre jours après la mort du dictateur, soit le 12 juin 2009, un haut fonctionnaire de la BEAC se confiait à un diplomate de l’ambassade américaine de Yaoudé, au Cameroun (siège de la Banque). Selon lui :

« Les dirigeants gabonais ont utilisé les fonds détournés pour leur enrichissement personnel et, suivant les instructions de Bongo, ont remis une partie de l’argent à des partis politiques français, y compris en soutien au président Nicolas Sarkozy. »

« La meilleure manière de voler de l’argent à une banque »
L’argent aurait profité « aux deux camps, mais surtout à droite, en particulier à [l'ancien président français Jacques] Chirac mais aussi Sarkozy. Bongo était le président africain préféré de la France », indiquent les câbles.

Des informations en ce sens circulent depuis des années. Dans « Affaires africaines », le journaliste Pierre Péan racontait déjà comment Omar Bongo avait financé, en 1981, les campagnes de Valéry Giscard d’Estaing et de François Mitterrand.

Le document confidentiel remis par l’ambassadrice américaine au Cameroun Janet Garvey à la secrétaire d’Etat Hillary Clinton décrit en détail « la meilleure manière de voler une banque » africaine, contrôlée par le clan du président gabonais.

La BEAC regroupe les réserves des Etats membres de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale :

le Gabon (qui en désigne le gouverneur),

le Cameroun (où est situé le siège),

la République du Congo,

la République centrafricaine,

le Tchad,

la Guinée Equatoriale.

*L’ambassade, pas en mesure de vérifier l’accusation
Selon le câble datant de juillet 2009, le gouverneur de la BEAC, le Gabonais Philip Andzembe, avait placé en secret 500 millions d’euros dans un investissement à haut risque de la banque française Société générale.

Un audit de la BEAC a été mené et aurait révélé des malversations encore plus larges et plus audacieuses, liées à la hiérarchie des officiels gabonais.

« L’enquête interne a montré que 36 millions de dollars [environ 28 millions d'euros, ndlr] ont été détournés via des chèques à des hauts responsables du Gabon. »

 

« Cette ambassade n’est pas en mesure de vérifier la véracité de l’accusation selon laquelle des hommes politiques français ont bénéficié du détournement de fonds », conclut le télégramme signé de l’ambassadrice Janet Garvey.

Le président Omar Bongo est mort à la clinique Quiron de Barcelone, le 8 juin 2009, après 42 ans de règne sans partage sur un petit pays riche en pétrole. Son fils Ali l’a remplacé à la tête du pays en août de la même année.

Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac aux obsèques d'Omar Bongo, à Libreville le 16 juin 2009 (Reuters).

Photos : le président du Congo, Omar Bongo, à l’Elysée en juin 2005 (Charles Platiau/Reuters) ; Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac aux obsèques d’Omar Bongo, à Libreville le 16 juin 2009 ***** (Rue 89)

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**France : corruption, mode d’emploi

Dans la tumultueuse histoire franco-africaine, la révélation de WikiLeaks sur la corruption de feu Omar Bongo n’est pas vraiment une nouveauté. Par contre, elle vaut par sa précision : détourner de l’argent d’une banque centrale africaine, avec la complicité du personnel, pour financer les campagnes électorales françaises. Revue de détail des mille et une manières de corrompre son prochain.

Certaines coïncidences tombent bien. Arrivé au pouvoir suprême en décembre 1967, Albert Bernard Bongo ne connaîtra que brièvement la main de fer du général de Gaulle, dernier chef d’Etat français à limiter les pratiques de corruption de la vie politique. Deux événements vont alors précipiter le phénomène et faire entrer la vie politique dans une nouvelle ère :

le départ de de Gaulle de l’Elysée en 1969 ;

le premier choc pétrolier en 1973, qui transforme le Gabon en émirat pétrolier.

1975 : une banque taillée sur mesure, la Fiba

Le « canal historique » de la corruption est élaboré par le « clan des Gabonais », rassemblement homogène d’anciens des services secrets (Maurice Robert, Maurice Delauney) et des dirigeants d’Elf-Aquitaine (Pierre Guillaumat, André Tarallo).

En 1975, il créé une banque, la French international bank of Africa (Fiba). L’établissement n’aura que trois succursales (Libreville, Paris et Brazzaville) et une activité principale : gérer la PID (provision pour investissement diversifiée), l’argent du pétrole.

La Fiba joue le rôle de collecteur et de redistributeur :

soit elle alimente d’autres comptes bancaires, en Suisse, aux Etats-Unis ;

soit elle met à disposition de ses clients (famille Bongo et amis) des sommes en liquide, à retirer directement aux guichets

L’hôtel Meurice, rendez-vous des obligés

L'hôtel Meurice à Paris (Grenouille vert/Wikimedia Commons/CC).Omar devenu El Hadj Bongo en 1973 -pour se rapprocher des pétro-monarchies du Golfe-, dispose d’un somptueux hôtel particulier à Paris. Pourtant, il préfère de plus en plus séjourner à l’hôtel Meurice, un « quatre étoiles » luxe devant le jardin des Tuileries.

Le rituel est immuable : toute la classe politique française, gauche et droite confondues, demande audience à ce politique qui connaît sa géographie électorale sur le bout des doigts. Pas une cantonale partielle qui n’échappe à sa vigilance. L’audience signifie deux choses :

  • être adoubé lorsque l’on est dans la catégorie « jeunes espoirs » ;
  • pour les poids lourds, être financé en période de campagne électorale.

Chacun repart avec une enveloppe (jeunes espoirs) ou une valise (poids lourds) remplies de cash. En février 2002, la méthode vaudra au ministre des Affaires étrangères, Jean Ping, d’être dévalisé par un rat d’hôtel. Sa mallette contenait 150 000 euros et 150 000 dollars en petites coupures !

Utiliser au mieux les circuits off-shore

Dans les années 80 et 90, la corruption suit les routes de la mondialisation financière. Circuits de plus en plus sophistiqués, recours aux plus grandes banques d’affaires, mais surtout coupe-circuits en tout genre pour qu’aucun juge ne soit en mesure de remonter la trace de l’argent détourné.

Pascaline Bongo, fille préférée mariée au grand argentier du régime Paul Toungui, est alors chargée de gérer l’ensemble de ses avoirs dissimulés sous la forme de placements mobiliers et immobiliers. Un rapport du Sénat américain montre que le dictateur est client de la Citibank depuis 1970. Aux Etats-Unis, c’est un Français, Alain Ober, qui gère ce patrimoine familial. Bongo dispose de comptes un peu partout : Bahreïn, Paris, Luxembourg, Londres, Genève et New York.

En 1985, il acquiert une off-shore : Tendin Investments Limited située au Bahamas, par laquelle transite une grande partie des 130 millions de dollars détournés des caisses publiques. Cela permet à la famille de financer son train de vie. En 1995, un virement de 1,6 million de dollars vient couvrir les frais de la délégation gabonaise qui participe au 50e anniversaire de l’ONU. Coût de ces services très spéciaux : un million de dollars par an.

L’enquête du Sénat US obligera Bongo à déménager sa fortune vers des cieux plus cléments et à « privatiser » encore plus sa gestion, en la confiant à son conseiller spécial Samuel Dossou Aworet.

Oscar, un service privé suisse sur mesure

Pendant des années, Elf-Aquitaine a aussi utilisé les services d’Oscar pour financer directement la classe politique française. L’explication avait été livrée lors du procès Elf. Le système fonctionnait de la manière suivante : une société basée en Suisse répondait sur un simple coup de téléphone d’Alfred Sirven, l’éminence grise de la compagnie pétrolière :

« J’ai besoin de tant, demain à Paris.

– D’accord, le code sera un demi-ticket de métro. »

Le lendemain, un porteur de valises se présentait dans ses bureaux de l’avenue Georges-V, exigeant le demi-ticket de métro (expédié en parallèle) en échange du colis : une valise pleine de billets. Il ne restait plus aux bénéficiaires qu’à passer à l’office du généreux distributeur.

Ce principe peut sembler archaïque, mais en réalité nul n’a trouvé mieux depuis que la corruption existe. La coupure physique permet de se mettre à l’abri de toute menace et de tout chantage.

Braquer directement la banque centrale

Avec les dernières révélations des télégrammes diplomatiques américains mis en ligne par WikiLeaks, la logique est respectée. La corruption est désormais au cœur même des circuits financiers, puisque ce sont les propres dirigeants de la Banque des Etats d’Afrique centrale (BEAC) qui détournent l’argent au profit d’un financement politique.

Telle qu’elle est détaillée par l’ambassadeur Janet Garvey, l’opération menée au moment de la mort d’Omar Bongo consiste :

  • soit à se faire des chèques entre eux pour placer les fonds ailleurs ;
  • soit à profiter de la complicité d’une banque (la Société Générale) sur un placement à risque pour « noircir » de l’argent propre.

Dans les deux cas, le ministère français des Finances est au courant, puisque la direction du Trésor a un représentant au sein du comité d’audit de la BEAC qui lève le lièvre. Qu’a fait l’Etat français ? Les haut fonctionnaires ont-ils dénoncé ces manœuvres ? On attend la réponse. (Rue 89-30.12.2010.) 

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**Sarkozy et Bongo fils passent les vacances au Maroc

 Le chef de l’Etat gabonais a quitté Libreville pour un séjour privé à Marrakech. Selon la presse gabonaise, Ali Bongo Ondimba pourrait rencontrer lors de son séjour le président français Nicolas Sarkozy et l’émir du Qatar Hamad bin Khalifa Al Thani. (Maroc Jurnal-29.12.2010.)

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