*Journal d’un jeune prof avec des classes de collégiens
*Récit
Bizut. Avec quelques heures de formation pour tout bagage, David S., 25 ans, vient d’affronter sa première rentrée. Pour «Libération», il a accepté de raconter jour après jour ses débuts au collège.(10.09.2010.)
Tenir son journal de bord, des premières montées d’angoisse et d’excitation de l’été au face-à-face avec des classes de collégiens, David S., 25 ans, l’a accepté. Par envie de témoigner. Et pour «se faire un souvenir» de sa première rentrée de professeur-stagiaire d’histoire-géo dans le Val-de-Marne. Comme la plupart des 8 000 nouveaux enseignants du secondaire, il a été jeté dans l’arène, avec pour tout filet une formation express de deux jours. Avec la réforme de la formation (la masterisation) qui se met en place, les débutants ont en effet été nommés dans des classes juste après avoir réussi leur concours, sans y avoir été préparés. Alors que jusqu’ici, ils avaient une année de formation en alternance. Selon le ministère, l’an prochain ça ira mieux car la réforme sera plus huilée. En attendant, David S. a dû faire avec.
Vendredi 20 août 2010
«Eh bien ce sera le Val-de-Marne ! Après les résultats du concours, après l’affectation dans l’académie de Créteil et après les vœux, je sais où je vais atterrir. Le plus sympa est d’apprendre que je vais faire le grand saut, pendu à une corde et harnaché à un baudrier. J’étais en sortie escalade dans les Pyrénées avec mon oncle quand, averti par ma copine, les choses sont devenues concrètes. Je ne suis plus seulement un nom sur une liste des reçus au Capes.
«A partir de ce moment, tout s’accélère, je dois rentrer à Paris, contacter le lycée. D’ailleurs aurai-je des collégiens ou des lycéens ? J’ai mille et une petites choses à faire. Mais l’excitation est bien là, et elle va sûrement se mélanger au stress dans les jours qui viennent. Pour l’instant je suis fier, je vais réaliser ce pour quoi j’ai travaillé toute l’année dernière et que je veux faire depuis la première.»
Lundi 23 août
«C’était bien la peine de se presser pour rentrer aussi tôt de vacances ! Impossible de joindre l’établissement. J’ai travaillé comme assistant d’éducation (surveillant) dans un collège deux ans auparavant, je connais donc les horaires de l’administration. Je mets en place un roulement pour essayer d’appeler à l’heure la plus stratégique. J’appelle toutes les demi-heures. Pas de résultats…»
Mardi 24 août
«Je n’ai toujours pas pu contacter mon établissement. Que faire ? Je regarde des forums de préparation au Capes et de professeurs. Certains conseillent de se rendre dans l’établissement immédiatement, d’autres de ne surtout pas mettre le chef d’établissement au pied du mur. Je navigue à vue, d’autant que je ne sais pas si je vais avoir des collégiens ou lycéens. Est-ce que je regarde à nouveau les programmes ? Est-ce que j’essaie de me renseigner sur la réforme ? Je verrai bien demain…»
Mercredi 25 août
«Nous sommes accueillis par le recteur de l’académie de Créteil à la fac de droit de la ville. Deux sentiments m’envahissent. Dans un premier temps, nous sommes abordés par les syndicats, qui distribuent tracts et matériel d’information. Je jette un rapide coup d’œil dessus. « Rentrée haute tension », « stagiaires formation bradée », ça promet. Je savais que la rentrée allait être dure, mais je ne savais pas encore à quelle sauce on serait mangés. Plusieurs rumeurs courent encore sur la réforme. Dans un second temps, plus enthousiasmant, je retrouve les collègues « préparationnaires » de mon université et de mon IUFM [institut universitaire de formation des maîtres, ndlr]. On se congratule pour notre réussite, on parle de classement au concours, on regrette ceux qui ont échoué et on échange sur nos établissements en calculant les temps de transport. Je suis plutôt chanceux, mon lycée se trouve à moins d’une demi-heure de mon domicile. Nous sommes ensuite invités à écouter le discours du recteur. Ce dernier présente l’académie et son fonctionnement. Mais quid de la réforme ? Les représentants syndicaux sont plus prolixes… Parmi les documents proposés, on retrouve un DVD fourni par le ministère. J’espère que la formation sera plus copieuse et plus humaine. J’ai tout de même appris que je vais enseigner en collège. Je dois aussi mentionner un épisode cocasse. Parmi les premières questions posées à la DPE [direction du personnel enseignant], on peut compter la suivante : « Si on veut démissionner, comment s’y prendre ? »»
Jeudi 26 août
«Je décide de ne pas me rendre à la deuxième journée, prévue pour régler les questions sociales. Je vais plutôt essayer d’avoir enfin mon établissement. En vain. Je me résous à une activité triviale mais que je crois importante : clôturer ou à défaut verrouiller mon compte Facebook, en commençant par ôter les photos les moins solennelles. Et à 15 heures, alléluia, le collège m’appelle pour me donner rendez-vous demain à 14 heures.»
Vendredi 27 août
«La visite de l’établissement me semble une étape primordiale. Il s’agit de ne pas se rater. Après une visite du site du lycée, j’imprime le plan. Autre moment fatidique : le choix de la tenue. Depuis les résultats du concours, je me demande comment m’habiller et quelle posture adopter devant le principal, les futurs collègues et surtout les élèves. Les rêveries sur les plages et les montagnes se concrétisent donc maintenant. Le collège est bien desservi, mais l’ensemble lycée-collège semble labyrinthique. Renseigné par une concierge absolument charmante, je me retrouve rapidement face au principal. Le contact est agréable, son résultat un peu moins : six classes, dix-huit heures de cours quand j’espérais en avoir seize, comme évoqué par le recteur. Surtout je n’ai pas de tuteur nommé, c’est-à-dire pas de référent-formateur. C’est ce qui m’inquiète le plus. Le principal me fait le tour du propriétaire, j’essaie d’imaginer les locaux avec les élèves. Je rencontre le personnel administratif et obtiens la clé des salles et de la grille d’entrée. Je rentre chez moi heureux et décidé à me mettre au travail. Mais construire un cours, comment ça marche ? Je décide donc de regarder les programmes en attendant la formation prévue après le week-end.»
Lundi 30 août
«Aujourd’hui, nous sommes en formation à Vitry (Val-de-Marne). Au programme, six heures de cours et de mise en situation. Le matin nous sommes accueillis par les inspecteurs. Comme avec le recteur, la réforme n’est pas vraiment abordée, il est préféré une entrée franche dans le vif du sujet. Je comprends assez vite que les inspecteurs décideront de notre sort à la fin de l’année. C’est-à-dire titularisation ou non. Cependant, ils insistent sur leur rôle de conseiller et diffusent largement différents moyens de les contacter. Autant le dire tout de suite, malgré l’ambiguïté de leur double fonction de conseil et d’évaluation, je les trouve bienveillants. Je pense ne pas hésiter trop longuement à m’appuyer sur eux. Le vif du sujet est complètement abordé, programmes, objectifs, mise en œuvre. Je passe la pause du midi avec mes amis-collègues. On essaie de parler un peu d’autre chose que du boulot, mais honnêtement, c’est dur ! La deuxième partie de la journée se déroule avec deux formateurs. Ils doivent nous permettre de prendre en charge nos classes. Les gros mots sont abordés : tenue de classe, gestion de classe, progression, séance, séquencé. De prime abord, je me sens perdu dans cette terminologie, mais elle fait sens au fur et à mesure. Cette première journée a été longue. Les informations sont plus qu’utiles, mais ma concentration baisse et je sens la saturation arriver.»
Mardi 31 août
«Cette seconde journée de formation est sensiblement identique à la première. On apprend à construire une séance (une heure de cours) et à l’intégrer dans une séquence (ensemble du chapitre). Transformer mes connaissances en cours compréhensible pour des élèves, et ce dans l’esprit du programme, ça ne va pas être facile. A noter le double discours entre les inspecteurs et les représentants du Snes[Syndicat national des enseignements du second degré] sur les tuteurs. Quand les uns nous assurent que nous en auront un, les autres prétendent le contraire ! A voir demain, jour de la rentrée des profs.»
Mercredi 1er septembre
«Le jour de la présentation de l’académie par le recteur, un chef d’établissement a pris la parole pour conseiller de serrer toutes les mains sans exception. Dans la salle de conférence où la réunion a lieu, il y a plus de 200 personnes. L’établissement est en effet une cité scolaire, donc collège-lycée. Je suis un oiseau tombé du nid et je me sens vraiment perdu. J’écoute le discours du proviseur, les résultats aux examens et l’organisation. Je me rassure à l’annonce d’une réunion réservée aux profs du collège. Le réseau se resserre et je suis pris en charge assez vite par mes nouveaux collègues. Surtout, j’apprends que mon tuteur a accepté de s’occuper de moi. C’est un ouf de soulagement et, à vrai dire, mon ventre se dénoue quasi totalement. Je suis les réunions de la matinée dans un autre état d’esprit. Je me suis fait discret sur la photo des professeurs, tout comme au pot d’accueil, mais je ne me suis pas retrouvé seul pour le repas de midi. Je me suis senti entre deux eaux. Je vais faire partie de la corporation, mais je ne comprends pas tout (cartable en ligne et autres points techniques) et je ne peux me mêler aux revendications, coups de gueule des anciens et habitués. Cette rentrée se termine avec les nouveaux, stagiaires, CPE, nouveaux arrivants et les tuteurs. Je me sens bien, encadré et briefé. Mon tuteur y est pour beaucoup.»
Jeudi 2 septembre
«La rentrée des élèves est un événement médiatique. Bizarrement, je ne la crains pas vraiment. Je ne suis pas professeur principal, donc la rencontre avec les classes a été brève. Je me suis présenté en essayant d’appliquer les conseils de mon tuteur. Je me suis senti plutôt assuré. J’ai peu de temps, je me mets au boulot.»
Lundi 6 septembre
«C’est parti pour une journée de six heures de cours ! Il m’a fallu préparer les premiers cours et même les premiers chapitres. La préparation d’une heure de cours équivaut à trois heures de travail en amont. J’ai dix-huit heures de cours par semaine, plus deux heures de formation, plus la correction des copies et les réunions en prévision. Je n’ose pas faire l’addition. Je me concentre plutôt sur les premiers contacts avec les élèves. J’ai l’intention d’être précis dans la gestion de la classe et de mettre en place des rituels pour qu’on sache tous où aller, moi compris. Je dois donc me familiariser avec les horaires et le fonctionnement du collège. C’est un peu la panique. Je trouve que les élèves sont plutôt calmes. Par contre, ils n’ont pas aimé le rappel des règles et des bases de la discipline. Après six heures de cours, je ne peux plus rien faire, je ne peux plus rien dire. Ma voix est érayée.»
Mardi 7 septembre
«J’aurais aimé faire grève. Non par pur plaisir, mais pour m’opposer aux réformes qui font mal à la vie des gens. La préparation des cours est problématique. En effet, je ne sais pas vraiment construire un cours. Je mets à profit les conseils des formateurs, de mon tuteur, mais ce n’est pas suffisant. Je me doute qu’un débutant reste un débutant, mais je pense que dix-huit heures de cours, c’est beaucoup trop. J’ai besoin de temps en amont pour comprendre comment les élèves apprennent, comment je dois interroger un document. Quand le cours n’est pas précis ou manque de cohérence, les élèves le sentent et le font sentir. Mes cours sont vraiment moyens. Ce soir, je me sens un peu asphyxié. Ce début d’année va être dur. J’ai une boule au ventre. J’ai envie d’apprendre à transmettre. Je repense alors aux slogans syndicaux précédant la réforme : « Apprendre, un métier qui s’apprend. »»
Mercredi 8 septembre
«La matinée s’est mieux passée. Je commence à apercevoir où il faut aller. Mais ça prendra du temps.»
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Bulletin. David S. enseignant stagiaire de 25 ans avait raconté dans «Libération» sa rentrée sans filet dans un collège. Un trimestre plus tard, la fatigue, le doute et l’amertume gagnent.
*Prof d’histoire-géo débutant, David S., 25 ans, avait accepté en septembre de tenir le journal de bord de sa première rentrée, dans un collège du Val-de-Marne (Libération du 10 septembre 2010). Après trois mois, il revient dans nos pages. Et tire un bilan de son premier trimestre de prof stagiaire. Comme 8 000 autres, David S. a été jeté dans l’arène, sans véritable préparation professionnelle, dans le cadre de la réforme de la formation des enseignants. Moments de désespoir, de doute, de rage…Vendredi 19 novembre«Le trimestre touche à sa fin. J’en veux pour preuve les demandes incessantes des élèves concernant leurs moyennes, les copies qui s’accumulent et les déboires informatiques pour entrer les notes sur le logiciel prévu à cet effet. Je barre les jours restant avant les vacances de Noël aussi. Il est vrai qu’une certaine routine s’est installée qui permet de prévenir l’affolement. Mais la situation ne s’est pas améliorée. La fatigue s’accumule et l’amertume guette de plus en plus.»Samedi 20 novembre 2010
«8 h 15. Pour ne pas être débordé la semaine prochaine, je prépare un planning. Avec tout ce stress, l’organisation doit être le maître mot. Je suis plutôt frais ce matin. En une demi-heure, mon planning est construit. Si je le respecte, j’aurai droit à quelques heures de repos en fin d’après-midi, au moins deux.
«15 h 45. Mon planning est foutu. J’ai passé trop de temps à réfléchir à la mise en œuvre du programme. J’ai regardé quelques bouquins d’historiens pour être au clair avec les notions. Je me suis pris la tête sur la cohérence de ma séquence. Résultat : le cours n’est pas prêt, je dois corriger un paquet de copies et faire les moyennes de mes cinquièmes. Je ne peux rien remettre à demain, la nuit sera longue et malheureusement pas dans un bar du quartier.»
Dimanche 21 novembre
«Je reviens d’un très court séjour en Belgique. Je pensais me changer les idées, mais rien n’y a fait. J’ai irrémédiablement pris du retard et j’entame la semaine avec une très grande fatigue. Après une année de concours aussi éprouvante l’an dernier, pas le droit de souffler, même le temps d’un week-end. J’ai la tête qui tourne et l’impression de m’être fait avoir.»
Lundi 22 novembre
«J’ai craqué. Avec l’accord du principal, je suis rentré chez moi dans un état de nerfs jamais éprouvé. Dur, j’ai les larmes aux yeux.»
Mardi 23 novembre
«La nuit de sommeil a été réparatrice. Avec un peu de recul, je me dis que depuis quelques années le mois de novembre est une période difficile. Mais celui-ci l’est particulièrement. Fatigue : énorme. Estime de soi : zéro. Les premiers conseils de classe vont arriver. Il faut faire les moyennes et surtout remplir les bulletins. Je ne suis pas sûr d’évaluer mes élèves correctement sur un contrôle alors comment le faire sur un trimestre ? Les bulletins sont déterminants pour eux. Je ne veux pas jouer l’avenir de 150 gamins en racontant n’importe quoi, alors je reste le plus neutre possible. Et surtout qui est cette Julie dont je n’ai jamais entendu la voix et qui a une note moyenne ? Il me faudra consulter le trombinoscope. Ça me peine de ne pas connaître tous mes élèves.»
Jeudi 25 novembre
«J’ai une heure de trou cet après-midi. Je devrais remplir mon cahier de texte mais je suis vraiment cuit. Je préfère zoner sur Internet. Comme chaque jour, je regarde le site Stagiaireimpossible.org pour savoir où en est la mobilisation. Depuis quelques semaines, je suis persuadé que les choses ne sont pas normales et doivent changer. Nous ne sommes pas formés et nous avons beaucoup trop d’heures pour prendre le recul nécessaire sur nos cours et nos pratiques pour une première année. Notre état d’épuisement et de nerfs, c’est une chose, le sort des élèves (surtout de ceux en difficultés), c’est en une autre. Cette responsabilité me fait travailler plus que de mesure et je sacrifie bien des loisirs cette année. Mais je ne peux pas combler le déficit de formation par un travail sans limite.»
Vendredi 26 novembre
«Mon tuteur est passé cet après-midi. Il y a des choses à revoir, mais je suis sur la bonne voie. Cette critique m’est vraiment cruciale. Cette semaine se termine bien, mais je ne peux dire que je suis un professeur stagiaire heureux, n’en déplaise aux hautes sphères du rectorat.»
Dimanche 28 novembre
«Encore un week-end de travail. Je n’ai qu’un cours d’avance et j’ai fait la gueule tout le dimanche à l’anniversaire de ma mère que je n’avais pas vue depuis un mois.»
Lundi 29 novembre
«Conseil de classe des quatrièmes. Les parents d’élèves me font face. J’ai un peu le trac. Le père d’un élève souligne un manque de clarté dans mes méthodes. J’ai envie de lui répondre : «Si vous saviez à quel point ce n’est pas clair pour moi non plus…» Mais j’essaie de montrer une assurance en feignant de maigres années d’expérience. J’ai décidé de ne pas annoncer que je suis stagiaire. Le conseil est long, ils sont 27. De temps à autre, j’interviens pour apporter une précision, mais j’ai un peu le sentiment de ne pas être à ma place et de ne pas avoir la légitimité pour juger un élève. A 21 heures, je suis encore dans le bus.»
Mercredi 1er décembre 2010
«Une formatrice vient m’observer avec mes quatrièmes. J’ai passé une bonne partie de la veille à chiader mon cours. Une fois de plus, cet œil extérieur est grandement utile. A ma grande surprise, elle me fait signer un «rapport» qui ne sera pas utilisé pour ma titularisation. Les conditions de l’évaluation de cette année ne sont pas claires. De l’angoisse en plus… Les quatrièmes ont été plutôt cools. L’heure d’après beaucoup moins. Mon cours était moins précis et les élèves ressentent les moments de flottement. Ils bavardent et pratiquent la nocive «intervention intempestive» sur tout autre chose que le cours. J’ai cependant un bon rapport avec eux.»
Vendredi 3 décembre
«Ces journées de formation sont vraiment cruelles. Contrairement à certains collègues, je trouve mes formateurs et formatrices d’un excellent niveau. On décortique nos pratiques pour apprendre trois mois après la rentrée que certaines ont un impact très négatif sur les élèves. C’est frustrant et rageant. De plus, ces journées sont longues et s’ajoutent aux heures de cours et de préparation. Je suis mort dès le début d’après-midi et je n’ai plus la force d’écouter la Copsy (conseillère d’orientation psychologue) qui détaille des choses cruciales sur le travail des élèves et leur orientation. Je ne comprends pas pourquoi ces journées de formation ne sont pas plus nombreuses avec un temps devant les élèves franchement réduit. Il en va de l’intérêt de tous et surtout des premiers concernés : les élèves.»
Lundi 6 décembre
«Cette journée est bien ambivalente. Les quatrièmes sont vraiment énervés. Je crie plusieurs fois dans l’heure sans véritable effet. Mes consignes ne passent pas et je tâtonne parce que je fais le cours pour la première fois. Les élèves ne savent pas où je veux aller et chahutent. Dans le brouhaha, j’entends «pff, le prof de l’an dernier était mieux». Normalement j’aurais dû passer outre, mais avec la fatigue, je suis plus sensible. Affecté, je mange mon sandwich seul dans la salle des profs. L’après-midi, un élève de sixième me demande pourquoi il y avait un monsieur au fond de la salle (une formatrice) pendant le cours et s’il voulait devenir prof. Je lui réponds amusé qu’il vient observer ce que je fais pour que j’améliore ma manière de faire. L’élève en question, Ludovic, me rétorque : «Je trouve que vous enseignez bien, moi, Monsieur.» Toujours dans l’affectif, je décide de prendre sa remarque pour un compliment.»
Mercredi 8 décembre
«Une élève vient à la fin de l’heure. Son visage se décompose et elle fond en larmes. Le contrôle était trop long et trop dur, elle n’a pu finir. Je me sens responsable, l’évaluation est la partie la plus sensible du métier. Depuis le début de l’année, je ne parviens pas à calibrer la longueur et la difficulté des contrôles. Les élèves, qui ont besoin de régularité, ne savent pas sur quel pied danser.»
Jeudi 9 décembre
«C’est l’anniversaire de ma copine. Je suis trop fatigué et décide de reporter le resto aux vacances de Noël.»
Vendredi 10 décembre 2010
«La journée et la semaine s’achèvent par une formation très stimulante. C’est aussi un moment où les stagiaires peuvent se réunir et discuter. Nos pratiques sont passées au crible et les anecdotes fusent. Le repas de midi est bon enfant. Mais nous parlons aussi de la suite à donner au mouvement des professeurs stagiaires sinon notre situation ne s’améliorera pas et, pis, se reproduira à l’identique l’année prochaine. Je prévois donc un temps pour demain pour aller à une assemblée générale. Dans le RER, je décide de faire un rapide calcul. J’ai passé trente heures au collège dont dix-huit devant les élèves. Sur ces trente heures, j’ai aussi assuré une colle, vu mon tuteur dans sa classe et eu un entretien avec lui et le principal. J’ai corrigé un paquet de copies de sixièmes et trois de quatrièmes. Il faut compter une heure pour les sixièmes et le double pour les quatrièmes, soit sept heures de correction. J’ai préparé six heures de cours soit douze heures de boulot, voire un peu plus. Ajouté à cela sept heures de formation aujourd’hui, ma semaine a duré à peu près cinquante-six heures, dont beaucoup à me remettre en question…
«Le dernier SMS envoyé par un ami date du 3 décembre. Il me demandait si je comptais rester prof toute ma vie. Je n’ai toujours pas répondu.»
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«Monsieur, vous êtes là l’année prochaine ?»
*Tableau. David S., 25 ans, enseignant stagiaire, reprend dans «Libération» la chronique de sa première année, sans filet, au collège. Récit d’un deuxième trimestre exténuant. (26.04.2011.)
Prof d’histoire-géo débutant, David S., 25 ans, avait accepté en septembre de tenir le journal de bord de sa première rentrée dans un collège du Val-de-Marne (1). Avant de reprendre les cours aujourd’hui, à l’issue des vacances de Pâques, il revient dans nos pages et fait le bilan de son deuxième trimestre. Comme 8 000 autres nouveaux enseignants du secondaire, David S. a été jeté dans l’arène, sans véritable préparation professionnelle, dans le cadre de la réforme de formation des enseignants. Récit entre euphorie, abattement, rage et espoir…Jeudi 10 mars 2011
Le deuxième trimestre s’achève. Me voici à nouveau dans les bulletins. J’ai pris les devants cette fois-ci en entrant petit à petit les notes dans le logiciel. J’ai poussé la méfiance jusqu’à sauvegarder et imprimer toutes mes saisies. Un nouveau bug informatique serait un coup fatal. J’ai fait des paris sur certains élèves qui se révèlent infructueux. Je peux me reprocher un excès de lyrisme dans les appréciations. J’aurais dû en rester à mon idée de neutralité. Et que dire des notes ? Toutes les moyennes sont plus basses de deux ou trois points. Je vais devoir justifier cette baisse. Je m’y prépare.
Vendredi 11 mars
J’écoute sur le site de France Culture l’émission les Pieds sur terre. La collègue interrogée dit quelque chose d’éminemment juste. Nous sommes profs d’histoire-géo et nous n’avons pas mis les pieds dans un musée ni dans une exposition depuis le début de l’année. Problématique tout de même.
Mardi 15 mars
Conseil de classe des cinquièmes A. Les élèves sont horribles avant le conseil. Celui-ci se passe très bien. Le principal m’invite à prendre la parole pour décrire l’ambiance et le niveau de la classe. Les notes ont beaucoup baissé, mais je pense avoir fait des progrès dans l’évaluation des élèves. Maintenant, je dois justifier devant mes collègues et les parents ce revirement. J’ai préparé mon speech depuis longtemps. «Le niveau de la classe n’a pas baissé, mais nous faisons beaucoup plus d’écrit, et les exigences sont maintenant plus hautes. Je suis content des progrès réalisés dans l’acquisition des méthodes…» Il y a une part de bluff mais aussi de vérité : on bosse assez bien avec ces cinquièmes.
Jeudi 17 mars
Je finis à 15 heures aujourd’hui, mais je dois rester jusqu’à 20 heures parce que j’ai deux conseils de classe. J’ai l’impression d’être en permanence au collège. J’essaie de rentabiliser mon temps. Mais j’y passe quand même largement plus de vingt-cinq heures.
Vendredi 18 mars
Dernière formation transversale (c’est-à-dire qui ne concerne pas uniquement l’histoire-géo mais toutes les disciplines). C’était vraiment de qualité. Une réserve cependant : ces formations ont lieu en fin de semaine quand nous sommes sur les rotules. Nous sommes nombreux parmi les stagiaires à être sur la même longueur d’onde quant à la contestation de la réforme. Cette formation a surtout été utile. J’ai passé la plupart des vendredis pendu aux lèvres des formateurs et des intervenants. Sachant qu’il y a de grandes chances que je me retrouve dans des établissements avec des élèves difficiles, je me sens non pas formé mais informé sur ce que je peux faire.
Samedi 19 mars
Je retrouve nombre de collègues, de connaissances et d’amis à la manif. On ne se marche pas dessus, mais c’est assez réjouissant. Je suis vraiment de bonne humeur. J’ai passé une bonne semaine. Pour la première fois, j’ai non pas des certitudes mais je me sens un peu plus serein. J’ai fait un cours presque parfait avec mes cinquièmes. Il était bien préparé et les élèves ont été réceptifs. Je me sens assez bien dans ce que je fais et ce que je dois faire. J’ai eu le temps d’aller boire deux-trois bières hier ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps. J’en ai même profité pour oublier que je suis prof pendant quelques heures. C’était agréable. Je suis fatigué mais habitué à cette fatigue. Je ne fais pas grand-chose à part dormir et travailler. Je n’ai pas de vie sociale mais, comme tout se passe bien au boulot, ça ne me manque pas encore. J’espère que cet «état de grâce» ne sera pas trop éphémère.
Dimanche 20 mars
Une demi-journée de manif, ça se paye. Donc debout 6 heures, et c’est parti.
Mardi 22 mars
Aujourd’hui, j’ai profité de la semaine de la presse à l’école pour préparer mes séances de quatrième sur «les enjeux de l’information» avec la documentaliste. Ce travail interdisciplinaire est vraiment enrichissant. Je veux faire des projets et encore des projets avec les collègues. Cette dimension de travail en équipe est nouvelle pour moi et permet d’envisager d’autres approches de ce métier. Je me répète, mais je me sens vraiment bien en ce moment. Les perspectives d’évolution sont grandes. J’ai accepté le fait que je suis un débutant et que j’apprends au fur et à mesure. Les deux classes réagissent de manière différente à cette séance. La première reste assez enthousiaste face à cette diversification pédagogique. Avec la deuxième classe, l’atmosphère est plus tendue. Depuis le début de l’année, ça ne se passe pas très bien avec ces quatrièmes. Ils sont méfiants et sentent que je le suis aussi, que je me protège de la «bordélisation». Pourtant ils ont bien bossé. J’ai profité du fait que nous soyons deux pour rester plus longtemps avec les élèves en difficulté, chose que je ne fais jamais d’habitude parce qu’ils sont trop nombreux. L’échec semble patent. J’essaie d’appliquer ce que j’ai appris en formation, mais ils ne comprennent pas où il faut en venir. Pourtant, je ne désarme pas, avec l’expérience et mettant le nez dans certains bouquins, j’y arriverai. Après tout, ce n’est que ma première année. C’est juste frustrant pour ces élèves que j’ai tous les jours sous les yeux et qui ne s’enfoncent même plus tant ils sont tombés bas.
Vendredi 25 mars
Journée fainéantise, la tonne de choses que je voulais faire est maintenant compressée sur deux jours.
Samedi 26 et dimanche 27 mars
Je me lance dans les vœux de mutation. J’aurais peut-être dû me réveiller avant. J’ai une impression d’être à la loterie alors que rien n’est vraiment laissé au hasard. Comble de la prise de tête, le serveur répondant au doux nom de «I-prof» qui gère la carrière des professeurs ne fonctionne pas. Je décide ne pas m’énerver. Ma copine qui a pris un après-midi peste au contraire contre l’Education nationale. Je la taquine. A force de rester rivé sur l’écran du serveur et de mettre en place malgré tout une stratégie pour les mutations, le temps consacré à la préparation du cours sur le XIXe siècle est réduit à portion congrue. Le serveur n’est toujours pas accessible et je commence à angoisser. Je ne sais pas où sont les postes vacants pour l’année prochaine ni même comment utiliser ce serveur. Il est minuit, je n’arrive pas dormir.
Lundi 28 mars
Mon cours sur le XIXe est nul. Le choix des documents et des exercices a été fait trop rapidement. Je le paie cash. Les frémissements de début de cours se transforment en brouhaha puis en bavardages. A posteriori, je peux analyser les conneries que j’ai faites aujourd’hui. Le cours manquait franchement de cadre. Je n’ai même pas clairement expliqué que nous changions de siècle et quelles étaient les bornes chronologiques du chapitre. Je me suis empêtré dans les explications du fonctionnement du haut-fourneau sans préciser le développement de la sidérurgie. Bon sang, je m’en veux. La dernière heure de la journée, de 16 à 17 heures, est terrible. Toutes les galères de la journée sont amplifiées. Furieux, je ferme la porte quand tous les élèves sont partis. C’était l’une des pires journées de l’année. Toutes les certitudes acquises ces dernières semaines s’évanouissent. Je ne veux pas que les doutes du début reviennent. J’ai un syndicaliste au téléphone qui me donne quelques éclaircissements sur les mutations. La personne cordiale m’explique que, du fait de la conjoncture, le nombre de postes fixes est quasiment inexistant et que ces derniers se trouvent dans les établissements les plus difficiles de l’académie. En rentrant chez moi, j’apprends que le serveur I-prof fonctionne par intermittence. Le serveur bogue vraiment et je ne peux saisir qu’un des vingt vœux à faire toutes les quinze minutes. A 3 heures du mat, l’opération est finie. Je vais être éclaté demain.
Mardi 29 mars
Je pensais avoir donné avec la journée d’hier, mais celle-ci vaut son pesant de galère. J’ai décidé de recadrer mes quatrièmes, et ils me l’ont fait payer au centuple. Ils ne m’ont pas bordélisé mais ont fait pire. Aujourd’hui, ils ont lu en moi comme dans un livre ouvert. Ils ont vu que je n’étais ni confiant ni serein et ont appuyé là où ça faisait très mal. Ils ont remis en cause ce que je disais. Ils ont demandé des précisions sur des éléments que je ne savais manifestement pas. Et puis, soudainement, un élève demande : «Monsieur, vous êtes là l’année prochaine ?» Je lui réponds qu’il verra bien l’année prochaine. Les élèves se regardent et murmurent : «C’est comme monsieur D., l’année dernière», à savoir le stagiaire précédent. Cette remarque est douloureuse mais pas autant que la suivante. L’élève du premier rang souffle suffisamment fort :«Pff, ça fait trois ans que je me tape des stagiaires.»Je suis à terre. Je demande son carnet à un élève à plusieurs reprises. Il refuse de me le donner. Pour la première fois de l’année, je me pose la question de savoir si tout ça vaut la peine de continuer. Est-ce que ce sera dramatique si je m’arrête, cette année ou une autre ? Je suis mort de fatigue, et sans cette réforme je ne le serais pas. Les élèves ne sont capables d’aucune indulgence, et c’est bien normal vu leur âge. Nous sommes mis en concurrence entre profs, et en raison des réductions de postes nous nous battons pour avoir un poste fixe dans les établissements difficiles. Je suis amer.
Vendredi 1er avril
Dernière formation de l’année. Je ne sais si quelqu’un dans cette institution nous considère comme formés mais j’ai un gros doute, en tout cas me concernant.
Mardi 5 avril
Je dois remettre les bulletins à certains élèves de cinquièmes. Non content d’être hésitant devant les élèves, me voici imprécis avec les parents. Il est moins facile d’improviser avec les adultes qui voient immédiatement qu’il y a parfois une part de pipeau. Les questions portent sur l’orientation, le projet d’établissement, le choix des options. Autant de thématiques qui me sont étrangères. Le principal m’a toutefois donné de bons élèves donc les bulletins parlent d’eux-mêmes, et je n’ai pas à faire de trop longs discours. Merci pour ce coup de pouce.
Jeudi 7 avril 2011
Je pars en vacances exténué. Le collège ne va pas me manquer. C’est assez intéressant de voir comment la fatigue m’a fait soudainement changer d’état. Je suppose que je vais devoir m’y faire tout au long de ma carrière, quelle que soit sa longueur d’ailleurs. Il faut cependant se résoudre à apprendre à encaisser. Je vais donc vivre avec cette angoisse. A cette dernière s’ajoute, à court terme, celle de l’inspection. Je vais la préparer en grande partie pendant les vacances. Le saut d’obstacles continue. L’inspection est un moment couperet. En attendant, je vais me reposer un peu pour ne pas perdre ce goût d’enseigner. Mon avion décolle dans cinq minutes.
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«Ne pas revivre la même rentrée que cette année»
Récit
Vacances. David S., 25 ans, enseignant stagiaire, achève dans «Libération» la chronique de sa première année, sans formation, au collège. (29.06.2011.)
*David S., 25 ans, prof d’histoire-géo débutant, est jeté sans filet dans l’arène d’un collège. Comme 8 000 autres nouveaux enseignants du secondaire, il n’a pas eu de véritable formation professionnelle. Pour Libération, il accepte de tenir un journal de bord. Nous en publions aujourd’hui l’épilogue.Mercredi 8 juin 2011La fin de l’année approche à grands pas et les tâches restantes s’accumulent. J’ai été inspecté au début du mois dernier. Les jours précédant ce moment fatidique ont été particulièrement désagréables. Mais l’inspection s’est très bien passée. Les élèves (de ma meilleure classe) ont vraiment été supers. Dès le début de l’entretien, l’inspecteur a précisé que je n’avais pas de souci à me faire pour ma titularisation. J’ai donc abordé le dernier temps de l’année plus détendu. Cependant, c’est une période un peu traître. Les beaux jours arrivant, les élèves ont tendance à se détendre eux aussi. D’une part, je ne veux pas prendre le risque d’un grand n’importe quoi, d’autre part, je veux finir les programmes. Pour maintenir les quatrièmes sous pression, j’ai prévu des évaluations jusqu’au dernier moment. Je croule par conséquent sous les paquets de copies. Les élèves ont fait des progrès et écrivent beaucoup plus. C’est une véritable source de satisfaction, mais je ne passe pas moins de trois heures par paquet de quatrième. Ajoutons à cela les moyennes et les bulletins à remplir, cette fin de trimestre sera à l’image du reste de l’année : sportive.
Jeudi 9 juin
Conseil de classe des quatrièmes C. J’ai pris pas mal d’assurance au cours de l’année devant les élèves et auprès de mes collègues. Même dans la difficulté, je pense avoir trouvé ma place de prof dans ce collège. J’arrive donc plutôt confiant. Le principal entame le cas par cas en commençant par le début de la liste alphabétique. J’interviens quand cela me semble nécessaire, quand soudain le prof principal de la classe propose un redoublement pour un élève. Un débat s’engage sur le bien-fondé et l’utilité du redoublement en général et pour cet élève en particulier. Je me sens tout à fait incapable de donner mon point de vue. Le prof principal pose sur moi un regard interrogateur. Je m’en sors en posant une fausse question. Je ne sais absolument pas si un redoublement peut être profitable à tel ou tel élève. Je me fais alors moins prolixe pour le reste du conseil.
Samedi 11 juin
«Laura a trouvé le poste de ses rêves.» Voilà un moyen bien plus efficace qu’un café serré pour se réveiller tôt un samedi matin. Le spot de campagne de recrutement de l’Education nationale me fait bondir. Le ministère supprime plus de 15 000 postes tout en faisant croire qu’il en propose 17 000. Postes pour lesquels la formation sera franchement à revoir au vu de la galère des enseignants stagiaires cette année.
Mardi 14 juin
La plupart de mes quatrièmes ont eu leur conseil de classe. L’ambiance est plus décontractée, et la tentation de défier les adultes plus grande : «Monsieur, on ne va pas travailler, le conseil est passé.» Je pense avoir compris comment préparer un cours, même si ce n’est pas encore parfait. Je vais essayer de diversifier mes cours pour la fin de l’année pour les rendre peut-être moins pesants. La préparation d’un bon cours, intéressant et efficace, n’est pas encore assurée. Autre tentative de leur part pour ne pas bosser : «Vous êtes là l’année prochaine ?» Cette question n’est pas nouvelle. Elle est même récurrente depuis la mi-mai. J’ai souvent répondu qu’ils verraient bien en septembre, mais ils n’étaient pas dupes et revenaient irrémédiablement à la charge. Objectif : savoir si le prof reste pour se permettre quelques écarts en cas de départ. J’ai trouvé une parade. Je réponds que j’aurai bien deux troisièmes l’année prochaine, dont une où je serai professeur principal. L’effet est radical, les élèves suivent le cours presque normalement.
Jeudi 16 juin
Nouvelle journée de forte tension. J’ai depuis la fin mai un projet d’affectation : un collège en ZEP à La Courneuve. Je suis plutôt content parce qu’il s’agit d’un poste fixe. Mais ce projet reste provisoire tant que les commissions paritaires ne se sont pas réunies. Crispé, j’attends le résultat depuis hier. Il a été plusieurs fois repoussé. Le verdict tombe à 23 h 45, j’ai le poste. Je suis avec quelques amis et ma copine. Je lève mon verre, franchement soulagé. La hantise d’être TZR [titulaire sur zone de remplacement, ndlr] l’année prochaine est ainsi évacuée. Je vais devoir tout reconstruire, mais je n’aurai pas à le faire tous les ans.
Vendredi 17 juin
Je pense que je vais avoir un de mes premiers week-ends tranquilles de l’année. Je fais mon planning. Je dois préparer la semaine de cours pour les cinquièmes, faire des corrections et remplir les bulletins. Je mets quelques films sur la justice au menu pour les quatrièmes. Si je parviens à tout boucler aujourd’hui, je n’aurai pas à toucher un bouquin jusqu’à lundi.
Samedi 18 juin 2011
Bon, j’ai un peu traîné hier, mais promis, dimanche, je ne fais rien.
Lundi 20 juin
J’attaque la dernière semaine. Il faut vraiment que je reste concentré. Je suis fatigué et j’ai envie de relâcher la pression, mais les incidents se sont multipliés dans le collège ces derniers temps et je ne veux pas qu’il m’en arrive un. Je prépare les derniers conseils de classe des cinquièmes. Je remplis les bulletins avec plus de sérénité. Je connais bien mes élèves maintenant, et mes appréciations me semblent pertinentes. Fini le remplissage pour le remplissage, je ponctue mes «Excellent trimestre» ou «Assez bon trimestre» par des commentaires plus approfondis sur chaque élève.
Mercredi 22 juin
Dernier jour avec mes quatrièmes. Je leur souhaite de bonnes vacances. Le climat dans la classe est très calme. Les élèves de la quatrième A me répondent poliment. Comme ils sont persuadés de me retrouver l’année prochaine, je leur annonce que finalement, je risque de ne plus être au collège. Mais là où je suis le plus surpris, c’est avec la quatrième C. Ils m’en ont fait voir de toutes les couleurs. J’ai réussi à reprendre la main sur le dernier trimestre, mais je ne pensais pas que ce serait eux qui témoigneraient les marques de sympathie les plus sincères à la fin de l’année. «Bonnes vacances, monsieur, et j’espère vous avoir l’année prochaine.» Je rentre chez moi assez troublé.
Jeudi 23 juin
Je suis arrivé tôt ce matin pour ma dernière journée de cours. Les heures s’enchaînent et je dis au revoir à mes deux premières classes de cinquième. J’ai décidé de travailler jusqu’au dernier moment. J’ai la cinquième D de 16 heures à 17 heures. Tout s’est très bien passé avec cette classe cette année. Ils n’ont jamais manifesté la moindre hostilité ni la moindre remise en question, même quand mes cours étaient difficiles à cerner. J’ai un souvenir de flottement lors d’un cours sur le développement durable. Ils m’ont regardé avec des yeux ronds pendant plusieurs minutes en train de m’empêtrer dans des explications fumeuses sans jamais bavarder ni se déconcentrer. C’est aussi la classe qui a été parfaite le jour de mon inspection. J’ai vraiment l’impression que nous avons construit une relation, ou du moins quelque chose de spécial. J’ai donc décidé d’apporter un paquet de bonbons pour finir le cours dans la bonne humeur. J’écris le titre de la dernière partie du cours quand, soudain, un élève se lève et m’apporte un paquet. C’est une boîte de chocolats et une carte signée par toute la classe : «Merci pour cette belle année.» Je les remercie en bégayant, non pas d’énervement pour une fois, mais je suis ému et déstabilisé. A la fin du cours, je referme la porte pour la dernière fois passablement ébranlé. Pour l’instant, seuls les souvenirs de bons moments refont surface.
Vendredi 24 juin
Je ne m’étais pas réveillé à 10 h 30 depuis bien longtemps. Cette sensation tient presque du décalage horaire. C’est encore un peu tôt pour faire un bilan, mais je peux déjà jeter un regard en arrière. Même si tout se termine bien et que les derniers retours des élèves, des collègues et de l’inspecteur sont positifs, l’année a été riche, intense et surtout épuisante. Je pense que j’ai dû, comme l’ensemble des stagiaires, aller chercher au fond de moi pour trouver les ressources permettant de finir l’année. C’est vrai que je me sens plus sûr de moi, mais tout ça s’est fait au prix d’efforts extrêmes et de périodes de stress presque inhumaines. Il y a de nombreux acquis mais aussi beaucoup de choses à consolider et une formation à poursuivre. Cette réforme n’est pas la bonne formule pour entrer dans le métier. Etre placé en situation d’urgence permanente ne peut rien apporter de bon aux élèves. J’ai rarement eu le temps de penser correctement mes cours et les moments de frustration ont été nombreux. Certes, nous avons appris à nager après avoir été jetés dans le grand bain, mais dans cette situation, certains se noient ou coulent profondément avant de remonter à la surface. Les dégâts psychologiques et sociaux ont été importants par moments. Une formation plus poussée et un accompagnement plus fort auraient pu éviter les moments de doute et de solitude. La solidarité entre collègues, et surtout entre stagiaires, a certainement pu éviter de craquer complètement, pour moi y compris. L’existence de syndicats et d’une organisation de stagiaires comme «Stagiaire impossible» a été salvatrice. C’était rassurant de savoir que ce comité s’est démené pour obtenir des audiences au rectorat, au ministère, voire à l’Assemblée, et qu’il était possible de se battre pour changer les choses. Le bilan de l’année comporte aussi quelque chose d’irrémédiablement négatif. Nous n’avons rien pu obtenir pour modifier la formation des enseignants, malgré nos efforts. Il est quasiment assuré que nos successeurs, les futurs lauréats au concours, vont se retrouver dans la situation que nous avons vécue. Leur formation conduite en même temps que le concours est plus qu’embryonnaire. Leur donner des classes à plein temps, c’est poursuivre dans la folie.
Lundi 27 juin 2011
Station Stalingrad, ligne 7. Je suis déphasé. Je reviens de La Courneuve après une demi-journée de visite dans mon prochain établissement. Le premier contact est loin d’être négatif, et l’équipe pédagogique semble dynamique. Mais je me pose des questions. Est-ce que je suis assez formé pour enseigner dans un environnement totalement différent avec des élèves bien plus difficiles ? Tout semble à reconstruire et je ne veux pas revivre la même rentrée que cette année. Donc reprise du boulot à la mi-août, avec au programme : préparation de cours en avance (un luxe !) et lecture d’ouvrages pédagogiques.
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